Deux mois aujourd’hui qu’ils squattent, pacifiquement, la Cité de l’Immigration dans l’attente du récépissé qui leur avait été promis le 18 juin 2010. Tard dans la nuit, ils avaient levé le siège des marches de l’opéra Bastille. Ce sont les 6 804 travailleurs sans papiers en grève depuis plus d’un an. Travailleurs qui cotisent pour la sécurité sociale mais ne tombent jamais malade, qui paient pour les retraites, qui s’acquittent de leurs impôts mais qui se cachent. Main d’œuvre disponible, flexible, bon marché, soumise à des cadences infernales, à des conditions de sécurité souvent minimales. Selon Francine Blanche, porte-parole de la CGT, « cette lutte aide à casser la descente infernale vers le bas que nous connaissons actuellement, la course au dumping social qui se pratique en Europe. Il faut un immense courage pour dire "Stop !". Les métiers pénibles ne doivent pas être les plus mal considérés. Dans leur lutte, ces travailleurs aident tout le monde et contribuent à améliorer notre marché du travail. »
Le hall de la Cité de l’Immigration, lieu hautement symbolique, s’est transformé en dortoir permanent. Depuis peu, la direction du musée a demandé aux grévistes de libérer la grande salle aux murs couverts de fresques à la gloire de la colonisation, durant la journée. L’attente, ils ne brandissent que cette arme pour défendre leur cause. De longues journées de désoeuvrement ou à constituer des dossiers avec les syndicats et les associations qui les soutiennent, et toujours l’attente… du fameux récépissé qui leur permettra de circuler et travailler pendant trois mois.
« Ce mouvement à des choses à nous apprendre, ne serait-ce que sur la détermination. C’est la première grève d’intérimaires en France. Et il y a là-dedans une pépinière de militants syndicalistes. Ils ont appris à débattre, à constituer des dossiers, ils ont fait bouger l’opinion », affirme Antoinette Lorenzi, fondatrice d’un comité de soutien très actif à Montreuil (93). Sans papiers, eux qui étaient voués à l’ombre et au silence, ces travailleurs se sont organisés pour parler. Cette si longue grève est le combat d’hommes debout, dignes. Non pas des victimes mais des héros.