Une nouvelle que nombre d’entre nous avons étudiée au cours de notre scolarité mais qui n’est sûrement pas prête d’être adaptée par la 2, tant elle relève de l’analyse clinique.
Photo Mzelle Biscotte
Impossible de ne pas être touchée par Le Horla de Maupassant. Une petite histoire dérangeante totalement désancrée du temps et de l’univers des "fables" habituellement servies par l’auteur. Une exploration intime, un viol de l’âme humaine, car la précision de l’écriture, le cisèlement de chaque phrase, le choix de chaque verbe est millimètrement mesuré pour décrire la tension grandissante, l’intensification de l’affolement, la folie dévorant petit à petit puis de plus en plus vite.
Si des nouvelles de Maupassant j’en ai lues beaucoup, j’en ai également à coup sûr oubliées beaucoup. L’histoire du Horla me reste gravée en mémoire comme une confidence un soir d’angoisse, comme un secret à garder qui ne veut plus sortir de ma tête et que j’emmène désormais partout avec moi.
Le héros de cette histoire vit sur les bords de Seine et voit un jour passer un trois mâts brésilien. Dès le lendemain, il ressent des troubles qui iront s’accentuant. Il imagine un être à forme humaine qui aurait sauté du bateau pour le hanter et décrit dans le journal qu’il tient des faits de plus en plus invraisemblables : le succube masculin se penche, la nuit, au-dessus de lui pour boire sa vie et sa raison. La cohabitation avec cet être étrange est si insupportable que le narrateur en vient à brûler sa maison dans l’espoir de s’en débarrasser, oubliant ses domestiques à l’intérieur.
"Non… non… sans aucun doute, sans aucun doute… il n’est pas mort… Alors… alors… il va donc falloir que je me tue, moi !"
Sorte de double diabolique, le nom du Horla résonne comme une injonction, un exorcisme sans effets. De plus, la forme du journal fait savamment hésiter le lecteur entre un récit fantastique et la folie du narrateur.
Elle repose également l’éternelle question : "Où s’arrête la réalité, où commence l’art ?" car cette oeuvre, maintes fois écrite [1], résonne comme un aveu de la schizophrénie galopante de Maupassant. L’auteur mourra d’ailleurs trois ans plus tard rongé par la folie et la paranoïa après deux tentatives de suicide.
Un récit court, efficace, en équilibre parfait entre la raison et l’intuition ou quand Maupassant vient chercher Edgar Allan Poe sur son propre terrain.
[1] Il y eut trois versions de cette nouvelle sous la forme d’une lettre, puis d’un dialogue et enfin d’un journal.