C’est la dernière tendance censée libérer les femmes d’un vieux tabou. Trimballer un jeune homme, de préférence beau, chiquement sapé, qui fait joli dans le décor. Un adonis à l’oeil brillant, à la mèche souple et fournie, à la lèvre pleine pour accessoiriser une tenue ou égayer une soirée. Les journalistes pipole, facilement blasés il faut le reconnaître, se sont lassés de la blonde qui compte 20 ans au compteur et affiche 1m80 à la toise au bras d’hommes mûrs et riches. Le fin du fin aujourd’hui c’est de se pencher sur ces femmes qui d’un coup de griffe ont su retourner la situation à leur avantage. "Mûres", certes, d’aucuns diraient "amorties", ce sont elles aujourd’hui qui défraient la chronique, suscitent la réprobation ou l’admiration, plus rarement la raillerie.
Désignées sous le vocable de "cougar" par la presse américaine, ces femmes-panthères promènent leurs amants du moment, âgés de parfois plusieurs décennies de moins qu’elles, comme des trophées, des preuves vivantes et affichées d’une sexualité triomphante sur le nombre des années. Scandale hier, comme en témoignait en 1967 le film Le Lauréat avec Dustin Hoffman dans le rôle de l’ingénu, déniaiser les jouvenceaux est aujourd’hui signe de bonne santé et de forme au top mais surtout la promesse d’une séduction intacte et inaltérable.
Vu que je me méfie de la tendance comme d’une petite peste inventée pour nous empoisonner l’existence, nous sucer la moelle de la créativité et anesthésier toute tentative d’être simplement soi-même, je ne peux m’empêcher de me demander en quoi cette nouvelle mode portée soudainement au pinacle peut interférer dans le quotidien du Deuxième Sexe. En quoi cette incitation à consommer du "plus jeune que soi" sans complexe est-elle émancipatrice ?
Ne vous y trompez pas mesdames. Loin de vous "libérer" en vantant les tableaux de chasse de Madonna, Demi Moore ou Claire Chazal, loin de chanter les louanges d’un anticonformisme potentiel, les sociologues de tous poils, chroniqueuses de mode, rédacteurs en tous genre ne font que ce qu’ils ont toujours fait, rouler pour eux-mêmes. Et faire monter la femme du XXIème siècle d’un degré supplémentaire sur l’échelle du sexisme. Après la réussite professionnelle, l’orgasme à chaque rapport, la maternité menée de front avec une vie de couple épanouie, une existence où les rides sont bannies, il faudrait consommer de la chair fraîche pour rester dans le coup.
Un petit coup de jeune dont notre société n’avait pas vraiment besoin, mais une idée de génie pour continuer à vendre du papier en créant une nouvelle étiquette, avoir l’air d’avoir quelque chose à dire et brasser du vent.