Regard sur l’Afghanistan
Le 8 août 2010, Time Magazine faisait sa une sur l’image terrible d’une jeune Afghane au nez coupé, châtiée pour s’être enfuie de chez sa belle-famille, sous le titre « Ce qui arrivera si nous quittons l’Afghanistan ». Conçue pour choquer, cette couverture justifiait outrageusement l’intervention militaire en Afghanistan. Une affaire très bien été couverte par Courrier International et qui a surtout fait couler beaucoup d’encre dans les pays anglo-saxons. « Stratagème cynique » lit-on dans The Guardian. « L’inquiétante une de Time Magazine (…) est parfaitement fallacieuse vu que le scénario décrit est déjà une réalité alors que nous sommes encore là-bas » ajoute The Observer dans un article intitulé « Le salut des femmes ne viendra pas de l’Occident ».
Une fois posé le constat que le sort des femmes n’était pas le but de nos soldats en Afghanistan, et que neuf ans de présence militaire n’a pas influé sur une société où les crimes d’honneur sont encore monnaie courante, il est tout aussi nécessaire de souligner que l’article de Time Magazine pose une vraie question, la délicate problématique d’être une Afghane dans le cas où les Taliban reviendraient aux affaires. Impossible de nier que depuis 2001, date des premiers bombardements de l’OTAN, la scolarisation a progressé et qu’aujourd’hui, si elles restent largement minoritaires, environ deux millions de filles en bénéficieraient. Et ce, malgré le fait que les écoles ne cessent de subir de nombreuses attaques et que les élèves se fassent agresser. De leur côté, les Taliban ont repris, depuis le mois d’août dernier, les lapidations publiques.
Puisque nos armées doivent se désengager du bourbier afghan et négocier avec des Taliban qui regagnent du terrain pour se retirer, la question des femmes en Afghanistan ne peut être balayée d’un revers de main au nom de la stricte application de la démocratie. Que Madame Clinton tienne ses promesses et ne permette pas aux Taliban de reprendre pied dans n’importe quelle condition afin de pouvoir se carapater en douce.
Fallacieuse et cynique la une de Time Magazine, certes. N’oublions pas trop vite que l’article qui se cache derrière a au moins le mérite de nous rappeler que le calvaire continue pour de trop nombreuses femmes et qu’autrement que par les armes, comme pour Sakineh en Iran, l’Occident a le devoir de ne pas rester les bras croisés et le pouvoir de se mobiliser.