A la Une de Bakchich.info
Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit
Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit

Encre perdue : lettre à Sarko

Où le président de la République Française n’est plus Batman.

6 novembre 2008 à 10h02
Suite le la saga Hamouri pour ceux qui adorent les mauvaises nouvelles et les causes perdues.

Jean-Claude Lefort Député honoraire Ivry, le 5 novembre 2008

Monsieur Nicolas Sarkozy Président de la République Palais de l’Elysée 55, rue du faubourg Saint-Honoré 75008 Paris

Monsieur le Président de la République,

« Ne comprendra rien à notre XXI ème siècle, celui qui ne saisit qu’aujourd’hui vivent côte à côte, dans le genre humain, deux espèces dont l’une ne voit pas l’autre : les humiliants et les humiliés », ainsi Régis Debray pouvait-il écrire, dans ses « Aveuglantes Lumières », ce monde particulièrement dur dans lequel nous vivons et dans lequel, du fait des « humiliants », rien de bon, tout au contraire, ne peut sortir.

Votre attitude, Monsieur le Président, dans le cas du jeune franco-palestinien Salah Hamouri condamné bien que non coupable à 7 ans de prison ferme par un tribunal militaire de vos « amis » israéliens en est une démonstration certaine et particulièrement significative de la particulière dureté qu’engendre pareille attitude.

La France est face à deux cas humains au Proche-Orient, deux cas qui la concernent au premier chef.

Il y a celui du caporal franco-israélien, le jeune Gilad Shalit. Membre d’une armée d’occupation, il a été capturé sur son char à Gaza par un mouvement palestinien n’appartenant pas à l’Autorité palestinienne. Bien que touchant un point sensible quant aux responsabilités énoncées par le droit international et à la condamnation de l’occupation israélienne des territoires palestiniens, vous êtes particulièrement actif et communicant pour demander sans relâche sa libération. Toute personne attachée à une issue humanitaire le concernant ne vous en fera le reproche.

Et il y a le cas du franco-palestinien, Salah Hamouri. Ce jeune étudiant a été arrêté par la même armée d’occupation et il a été traduit, lui l’occupé et l’humilié, devant un tribunal militaire illégal, siégeant dans les territoires occupés, qui l’a condamné à 7 ans de prison alors qu’aucun fait ni aucune preuve ne soient venu étayer l’accusation dont il est l’objet. Mais là, dans ce cas-là, vous ne demandez pas sa libération mais seulement une simple « clémence » des autorités israéliennes.

A ne demander que la clémence et non pas à exiger fermement sa libération, vous faîtes vôtre la logique de l’humiliant, vous acceptez les attendus d’un tribunal qui a contraint ce jeune, victime de l’occupation, à s’accuser faussement pour éviter, ainsi que lui a fait savoir le procureur dudit tribunal, une peine plus lourde. Le procureur a ainsi proposé : « Ce sera 7 ans si vous plaidez coupable ou sinon ce sera beaucoup plus ».

C’est un chantage terriblement « classique » en Israël, pour qui connaît, auquel cèdent, pour éviter un emprisonnement encore plus long et une peine encore plus lourde, 95% des prisonniers palestiniens.

Vous savez parfaitement – où alors je m’interrogerais – qu’il n’a rien fait d’autre que de passer en voiture devant le domicile d’un rabbin ultra orthodoxe et que cela a été le fait – le seul fait – retenu pour l’accuser d’avoir voulu attenter à la vie dudit rabbin en raison de supposées attaches politiques. Au reste il a été arrêté 3 mois après, ce qui en dit long sur les méthodes des humiliants.

Si vous n’étiez pas dans une logique d’acceptation de l’occupation, et de tout ce qu’elle génère comme arbitraires absolument terribles, vous ne demanderiez naturellement pas la « clémence » pour ce compatriote mais sa libération. Déjà vous n’avez demandé pour Salah Hamouri qu’un « procès rapide » considérant sans aucun doute qu’Israël qui juge ceux que ce pays occupe était incontestablement un « Etat de droit ». Un pays qui occupe peut-il « juger » ceux qu’il opprime et être ainsi considéré ?

Il y a guerre dans cette partie du monde. Comment considérer qu’un tribunal militaire – de guerre – puisse être « juste » quand il juge ceux contre qui il fait la guerre ?

Et voilà que vous ajoutez maintenant, du moins votre Chef de cabinet l’affirme en votre nom, que vous avez saisi l’Autorité palestinienne pour qu’elle inscrive ce jeune « sur la liste des prisonniers dont elle demande la libération ».

Ainsi, non seulement vous vous défaussez sur l’Autorité palestinienne tandis que celle-ci n’a strictement aucun pouvoir en ce domaine et qu’aucune négociation n’existe sur ce point actuellement avec les israéliens. Sauf si vous considérez désormais que le Hamas fait partie de l’Autorité palestinienne – ce qui serait une chose nouvelle à annoncer –, de quelles négociations autres entre palestiniens et israéliens parlez vous puisqu’il n’y en a strictement aucune, sauf pour Gilad Shalit par Egypte interposée entre le Hamas et Israël ?

Je vous rappelle, pour votre bonne information, que la dernière libération par Israël de prisonniers palestiniens n’a été qu’un choix unilatéral des israéliens quant à l’établissement de la liste des 198 personnes libérées.

Mais cela, ce renvoi vers l’Autorité palestinienne, pose une question encore plus lourde : est-ce que Salah Hamouri est un compatriote oui ou non ? Si tel est le cas, et c’est le cas, il n’est qu’une voie possible, d’autant plus praticable que Salah Hamouri est aux mains d’un Etat et non pas d’un mouvement, à la différence de Gilad Shalit, c’est que la France exige – et vous avez les moyens de vous faire entendre – sa libération immédiate.

Depuis le début de cette affaire vous « jouez » avec les mots qui ont un sens, je l’ai noté, pour vous dérober à votre devoir et à vos engagements : ne laisser « tomber » aucun français victime d’arbitraire. Vous avez même demandé la grâce, dans une affaire assez sulfureuse, à un Président africain qui l’a accordé pour des Français aux mains de la « justice » de ce pays. C’était il y a un an.

Tous les Français victimes d’arbitraires ont obtenu votre soutien, tous sauf un : Salah Hamouri. Serait-on, à vos yeux, moins français lorsqu’on est franco-palestinien que lorsqu’on est franco autre chose ? Y aurait-il à vos yeux des Français moins Français que d’autres ?

Monsieur le Président de la République,

A ne pas voir l’humilié vous êtes en train de casser la vie d’un jeune homme de 23 ans et à n’être qu’humiliant vous faîtes un grand tort à la France.

Alors que vous avez le pouvoir de sortir Salah Hamouri de la prison israélienne où il ne devrait pas être, je vous demande une nouvelle fois que cela soit pour vous un devoir.

Vous avez promis que vous ferez tout pour tout français injustement frappé dans sa liberté. Il ne peut y avoir d’exception. Il ne peut y avoir de conception des droits de l’homme qui soit à géométrie variable. Elle est universelle ou elle n’est pas.

Dans l’attente d’un sursaut de votre part et d’une détermination réelle à agir auprès des autorités israéliennes pour obtenir la libération de Salah Hamouri,

Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de mes salutations les plus distinguées.

Jean-Claude Lefort Député honoraire

Scoop : les Anars et la SNCF ADLER DE RIEN

1 Message

  • Encre perdue : lettre à Sarko

    2 décembre 2008 21:16, par Eric

    Bonjour,

    Merci pour cette lettre ouverte. Sachez, que depuis une semaine, un blog pour Salah Hamouri a été créé. Vous y trouverez chaque jour de nouveaux articles, des outils pour agir, les informations des comités de soutien…

    Voir en ligne : Blog pour Salah Hamouri