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Lavis Noir : les épisodes 27 et 28 de notre feuilleton de l’été

Roman / jeudi 31 juillet 2008 par Briscard, SP. Truptin
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Le Paris de la fin des années 70. Entre rades de Barbès, Clichy, Montmartre. Narré avec l’argot du coin, loin des titis parisiens. Et une histoire d’escroc à la petite semaine qui voit débarquer l’occasion de sa vie. Une jolie fiction d’été, un cadeau des auteurs à « Bakchich », et de « Bakchich » à ses lecteurs. Aujourd’hui les épisodes 27 et 28.

27. La première fois de sa vie

Episode 27, La première fois  de sa vie - JPG - 30.3 ko
Episode 27, La première fois de sa vie
© SP Truptin

Rentré chez lui, dans son gourbi d’la rue Polonceau, Loïc fourra la navaja sous les coussins de son canapé pourri, saisit la bouteille de Four Roses qu’il avait chouré chez Farid, l’arabe d’la rue Cavé, et s’en servit un grand verre à Pernod. Lekervelec se sentait d’humeur sombre. Il avait beau essayer d’avoir l’air d’en avoir deux, tout ça, les lavis, vrai et faux, le pognon à Josy, Lulu et Toussaint, ça lui faisait un peu tourner la tête… Et Elo, crevée, aussi… Et du coup, de repenser à Elo, Loïc était triste. Et du coup, d’être triste, il buvait. Il s’alluma un pèt’, se resservit un verre et s’allongea sur son canapé… Il revoyait Elo, égorgée, presque décapitée… Nue dans son sang, il la revoyait… Il avait froid maintenant.

Depuis tout petit il avait pris l’habitude de regarder par la fente de la cloison de planches mal jointes… C’était une toute petite fente, mais il avait de tout petits yeux. C’est comme ça qu’il pouvait la voir se déshabiller … Plus que de l’exciter, ces chairs blanches, un peu flasques, ces rondeurs molles l’intriguaient. Et la touffe poilue, aussi, qui parfois laissait apercevoir une espèce de barquette Lu à la fraise, que Mémé Denise lui donnait, le dimanche, après la messe à Calorguen, et qu’il léchait avant de la croquer en riant… Souvent elle n’était pas longtemps seule, et tonton Louis se mettait tout nu aussi, et il l’embrassait et il la léchait partout et sur la barquette aussi… Elle riait et gémissait en même temps en lui disant « arrête, arrête », mais il continuait et elle riait encore. Et alors il se couchait sur elle disant « salope, j’va te défoncer l’cul ! », et ils criaient tous les deux. A ce moment, il s’éloignait toujours de la fente entre les planches, en fermant les yeux, tellement il avait peur.

Tonton Louis, c’était pas un vrai tonton, mais un monsieur qui venait souvent à la maison pour se mettre tout nu avec maman. Souvent, aussi, ils buvaient et ils se disputaient et tonton Louis criait qu’il allait la saigner comme la Gorette, la truie à Mémé Denise… Et alors il avait encore plus peur. Puis ils allaient dans la chambre et se mettaient tout nus et ils rigolaient…

Loïc, en sueur, grelottait… il but une longue rasade, directement à la bouteille : le bourbon lui brûla un peu l’œsophage, mais il avait toujours froid. Il marchait derrière la fourgonnette noire et grise, sa main glacée dans celle de Mémé Denise qui pleurait beaucoup. Lui il essayait bien, mais les larmes ne venaient pas… Il avait jamais su pleurer, même dimanche dernier, en revenant de la messe, quand Tonton Louis avait crié plus fort que d’habitude, tellement même qu’il avait pas osé regarder par la fente de la cloison. Puis il avait entendu tonton Louis qui disait doucement : « Te v’la bien avancée maint’nant, hein, te v’la bien avancée… ». Il avait regardé alors par la fente. Maman était allongée par terre ; on aurait dit qu’elle avait la tête toute renversée en arrière comme si elle riait. Tonton Louis, tout nu, regardait maman, l’air tout drôle, avec son beau poignard de parachutiste qu’il avait ramené d’Algérie dans la main, et avec plein de sang dessus. Du sang il y en avait aussi plein sur la petite barquette Lu à maman, et sur son ventre et dans la grande fente dans sa gorge, qu’il voyait bien à travers la petite fente de la cloison… Loïc se redressa sur le canapé en hurlant.

Quand Josy entra, il était assis par terre et il pleurait. Loïc Lekervelec pleurait. Pour la première fois de sa vie.

28. Pas qu’un peu

Episode 28, Pas qu’un peu - JPG - 19.2 ko
Episode 28, Pas qu’un peu
© SP Truptin

L’avantage du fond, quand on le touche, c’est qu’on sait qu’on est au fond. Il paraît, qu’ensuite, il n’y a plus qu’à remonter… Ça, c’est ce qu’on dit… Parce que Loïc, pour en remonter du fond, ça lui prit quand même un peu plus qu’ensuite.

C’est Josy qui - pauvre agnelle - encore une fois l’aida. C’est Josy qui lui paya la chambre à Etretat, au Corsaire, avec vue sur les falaises, où il s’était mis dans l’idée de se refaire une santé… « Peindre », il l’avait baratinée, Josy, « je vais peindre… la mer et l’infini de la mer… Me retrouver là où l’on se perd… la mer… ». Faut dire que le coup de fièvre qui l’avait secoué, avec son renvoi d’ascenseur de souv’nirs glauques, ça l’avait quand même un peu malmené, Lekervelec. Et les vers du poète lui revenaient, lancinants : « La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme - Dans le déroulement infini de sa lame »… Ces histoires de mer et de lame, prenaient un relief singulier : Loïc Lekervelec, peintre cochon découvrait l’introspection et le jeu de maux !

Il resta une semaine à Etretat, avec l’Aiguille creuse en ligne de mire… il avait pris gouaches et pinceaux, et il se mit à peindre comme jamais il n’avait peint, avec frénésie et exaltation… Face à la mer, enfermé dans sa chambre, Loïc Lekervelec peignait la forêt de Coëtquen, où l’emmenait des fois Mémé Denise… Loïc Lekervelec avait pété le câble qui le maintenait encore à quai, et il faisait le voyage à l’envers… Il gouacha six Canson, en six jours, et se reposa le septième… puis il numérota soigneusement chacun de ses dessins, de un à six, les mit dans son carton, prit une douche et rentra à Paris.

Rue Cortot, la police avait définitivement renoncé à relever la foultitude d’empreintes qui maculaient les surfaces de la baraque d’Elo… La PJ s’était ralliée à la thèse des flics du commissariat d’la rue Clignancourt, pour qui la chanteuse était une radasse schnouffée du matin au soir, et qui avait dû se faire trucider par un dealer pas cool… Restait plus qu’à lui mettre la main d’ssus, au dealer, ce qui n’était pas vraiment dans les priorités d’la maison poulaga, qui, à l’époque, avait plutôt l’œil sur le 37 de la rue Belliard…

Loïc, de son côté, requinqué par son trip iodé et sa poussée de nostalgie créatrice, avait de nouveau les mains et l’esprit libres pour faire des conneries. Il allait pas s’en priver ! Et pas qu’un peu ! (à suivre…)

Pour lire ou relire les derniers épisodes du roman :

Le Paris de la fin des années 70. Entre rades de Barbès, Clichy, Montmartre. Narré avec l’argot du coin, loin des titis parisiens. Et une histoire d’escroc à la petite semaine qui voit débarquer l’occasion de sa vie. Une jolie fiction d’été, un cadeau (…)
« Lavis Noir », c’est un feuilleton parisien. C’est l’histoire de Loïc et Josy, les amants du Pont d’la Butte. Y a de l’action, de la morale et du cul. Il y a surtout une formidable intrigue policière et un suspens haletant. Ce qui est bien le moins pour (…)
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