Le rapport Picq |
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L'ETAT
EN FRANCE
Servir une nation ouverte sur le monde |
RAPPORT DE LA MISSION SUR LES RESPONSABILITES
ET L'ORGANISATION
DE L'ETAT
- MAI 1994 -
AVANT PROPOS
Le Gouvernement a décidé de rendre public le rapport de la mission sur l'organisation et les responsabilités de l'Etat présidée par M. Jean PICQ, conseiller-maître à la Cour des comptes.
Ce rapport constitue une contribution indépendante, et qui n'engage pas le Gouvernement, au débat public sur la modernisation de l'Etat. Il a été élaboré à l'issue d'un long et sérieux travail d'auditions et d'analyse. Il aborde des questions fondamentales et est susceptible d'éclairer le Gouvernement dans l'action qu'il conduit pour améliorer l'organisation et la gestion de l'Etat.
L'Etat doit, en effet, poursuivre son mouvement d'adaptation aux évolutions de la société française, pour maintenir sa capacité à agir et garantir la cohésion nationale.
Le rapport de la mission PICQ fournit ainsi aux pouvoirs publics une réflexion riche. C'est pourquoi il a paru utile de le porter à la connaissance du public.
Ayant la responsabilité de la réforme administrative, le ministère de la Fonction publique a été chargé de faire l'analyse de ce document et de préparer les suites éventuelles à lui apporter.
"La
cité est fondamentalement périssable.
Sa
survie dépend de nous. "
Hannah Arendt
"Le site de
l'Etat n'est plus clair dans la conscience des citoyens".,
Paul Ricoeur
INTRODUCTION |
Questions difficiles tant les responsabilités de l'Etat sont renouvelées par les changements du monde et de notre société : l'ouverture des frontières, la mondialisation des échanges, la montée du chômage et de l'exclusion, l'entrée massive d'étudiants dans le système universitaire, l'urbanisation accélérée ou la désertification de certaines zones rurales.
Questions cruciales pourtant qui déterminent les choix des représentants de la nation, l'activité des fonctionnaires, des pans entiers de la vie des citoyens et qui touchent au principe même de l'Etat, institué pour les servir.
Invitée à y répondre par le premier ministre, la mission sur les responsabilités et l'organisation de l'Etat a voulu apporter le fruit de ses réflexions à la délibération commune. Elle n'a pas eu pour préoccupation de faire du neuf à tout prix. Elle n'a pas sacrifié au désir de surprendre ou de bouleverser. La plupart de ses recommandations sont applicables immédiatement mais elle a tenté de ne pas se limiter à des analyses de court terme. Autant que possible, elle s'est attachée à anticiper ce que serait ou ce que ferait l'Etat dans dix ans. Elle a simplement cherché à tirer profit des circonstances et de sa composition pour réfléchir librement aux responsabilités et à l'organisation de l'Etat.
Pour cela, le comité
(1) a d'abord écouté ceux qui, ministres, parlementaires, élus
locaux, hommes politiques, représentants des usagers, chefs d'entreprise,
responsables associatifs, syndicalistes, sociologues, philosophes, personnalités
étrangères, responsables des grands corps de contrôle de
l'Etat, fonctionnaires d'administration centrale et fonctionnaires de proximité,
pouvaient l'aider à comprendre la situation actuelle, les attentes et
les obstacles au changement (2). Parallèlement, il s'est efforcé
de tirer parti des rapports précédents et des principaux travaux
que réalisent en permanence les administrations pour améliorer
la façon dont elles
remplissent leurs missions.Convaincu
enfin que les responsabilités de l'Etat ne peuvent être analysées
dans le cadre des structures ministérielles actuelles (chaque ministère
ne dispose que d'une partie des solutions adaptées aux problèmes
qui touchent le pays), le comité a réfléchi aux grands
domaines de responsabilité publicque : la sécurité, la
justice, la défense des intérêts français dans le
monde, l'éconcomie, la recherche, l'éducation et la formation,
la culture, l'harmonie du territoire, la cohésion de notre communauté
nationale. Pour recenser les responsabilités actuellement exercée,
apprécier l'organisation et évaluer les résultats des dispositifs
existants, le comité s'est appuyé sur des rapports préparatoires
rédigés par des équipes de rapporteurs dans quatorze corps
de fonctionnaires de l'Etat. Pour arrêter ses conclusions et ses recommandations,
le comité a examiné les analyses et les propositions, de ces documents
; il les a suivis le plus souvent ; il s'en est écarté parfois.
Cette simple démarche
a conduit la mission à faire trois observatiibs qui l'ont guidée
dans ses travaux..
Les responsabilités
de l'Etat, comme son organisation, sont des affaires politiques. En ce domaine,
la réflexion ne peut se limiter à l'administration. Elle doit
porter sur l'ensemble de l'Etat, cette "organisation que se donne une communauté
rassemblée par l'histoire pour prendre des décisions et assurer
sa survie" (4).
Pour introduire le changement dans l'Etat, il est préférable de préparer et d'entretenir un processus d'adaptation permanente. Peut-être notre pays, à certains moments-clé de son histoire, a-t-il reconstruit l'Etat. Mais la persévérance est aussi importante, sinon plus, que la clairvoyance dans les décisions. Les réformes nécessaires pour améliorer l'efficacité de l'Etat au service des Français, renforcer les chances de la nation dans la compétition mondiale et rendre à des fonctionnaires souvent désorientés le goût et la fierté de servir ne seront appliquées avec la continuité requise que si elles résultent de choix délibérés en commun. La mission n'a pas eu d'autre ambition que de permettre d'ouvrir un débat public sur les responsabilités et l'organisation de l'Etat.
Ce débat est d'autant plus nécessaire que notre pays attend beaucoup de sonEtat. Il existe aujourd'hui une très grande demande d'Etat, diffuse, complexe, en un certain sens nouvelle. Elle n'exprime pas un désir que l'Etat intervienne plus ou moins mais l'attente qu'il fasse correctement ce qu'il doit faire. Les Français reprochent à l'Etat d'être devenu opaque, lointain, rigide, "à la traîne" et de ne plus être tou impartial. Ils ressentent que, pour avoir été tenté de s'occuper de tout, il s'est identifié à l'explosion de la dépense publique, il ne fournit plus les repères dont ils ont besoin pour faire face à une mutation économique et sociale profonde qu'ils affrontent sans toujours bien la comprendre. Ils attendent sans doute que l'Etat réapparaisse dans la plénitude de ses responsabilités propres.
C'est pourquoi la mission a privilégié la réflexion sur les responsabilités de l'Etat. C'est en disant d'abord à quoi il sert que l'Etat pourra ensuite, et tout à la fois, mobiliser ses forces, maîtriser ses dépenses, être plus utile aux citoyens et maintenir, dans un monde ouvert et exigeant, l'unité de notre communauté nationale.
Même en temps de crise, le discours de l'Etat ne peut se limiter à décrire les contraintes, demander des efforts, appeler au sacrifice. Il doit d'abord s'attacher à entretenir et à développer cette communauté vivante de principes, de valeurs, de règles et de références dans laquelle les Français, au fur et à mesure qu'ils s'y reconnaîtront mieux, trouveront le ressort de tous les efforts.
C'est en
effet la première responsabilité de l'Etat que d'être un
producteur d'unité
entre ceux qui l'ont institué. Ce fut, dans l'histoire, son objectif
constant : rassembler
les terres de France, construire des ponts et des chaussées, abolir les
octrois
et les douanes intérieures,
unifier les étalons de mesure, acheminer le courrier, faire
prévaloir le français sur les dialectes, diffuser la même
instruction généraliser la protection
sociale, équiper tous les foyers d'un téléphone... Aujourd'hui,
le besoin d'unité
a seulement changé de nature. Il nous faut connaître notre passé
comrnun. nous souvenir
des fondations, ressentir ce qui nous unit, comprendre pourquoi nous vivons
ensemble, éprouver la nécessité de notre solidarité,
réfléchir à ce vers quoi nous allons,
avoir une conception partagée de notre bien commun. Nous avons besoin
de cette forme spirituelle
d'unité qui fait qu'un peuple traverse l'histoire. Et conformément
à notre tradition
particulière, nous l'attendons d'abord de l'Etat.
L'enjeu,
sans nul doute le plus important, pour les décennies à venir,
c'est de retrouver
le fondement de l'Etat, de restaurer pour les Français un contrat social
solide, vivant, qui
les soude et les rende à nouveau sûrs d'eux-mêmes pour faire
face aux bouleversements
qui les atteignent et à la compétition qui, dans le rnonde, nous
oppose à d'autres
formes d'organisation politique, économique et sociale.
* * *
3 Au-delà des nombreuses études et analyses ministérielles, et notamment des réformes administratives conduites, d'une part, dans le cadre du plan de renouveau du service public et par les comités ministéiriels pour la réorganisation et la déconcentration administrative d'autre part, il s'agit principalement des travaux de la mission sur l'organisation des administrations centrales présidée par M. de Baecque à partir de 1982, de la mission animée en 1986 par MM. Belin et Gisserot et des rapports des groupes de travail préparatoires aux Xème et Xième plans, sous la présidence de MM. de Closets et Blanc respectivement.
4 Eric Weil, Philosophie politique.COMPOSITION
DE LA MISSION
SUR LES RESPONSABILITES ET L'ORGANISATION DE L'ETAT
Président
: Jean PICQ, conseiller-maître à la cour des comptes.
Membres du comité:
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Rapporteur
général
: Jean-Ludovic SILICANI, maître des requêtes au conseil d'Etat.
Secrétaire
général : Catherine FAGART, administrateur civil.
Rapporteurs
généraux adjoints : Claire BAZY-MALAURIE, conseiller référendaire
à la cour des comptes ; Jean-Luc de BOISSIEU, administrateur civil
hors classe ; Richard DESCOINGS, maître des requêtes au conseil
d'Etat Jacques GERAULT, sous-préfet hors classe ; Bruno METTLING, inspecteur
des finances Bruno ORY-LAVOLLEE, conseiller référendaire à
la cour des comptes.
Rapporteurs
: Bruno ACAR, inspecteur de l'administration ; Yann AGUILA, maître des
requêtes au conseil d'Etat Patrick AUROY, ingénieur en chef de
l'armement JeanBaptiste AVEL, magistrat Olivier BRAULT, auditeur à
la cour des comptes Gérard CLIQUET, professeur d'université
; Remi DAUDIN, ingénieur des mines Patrick GANDIL, ingénieur
en chef des ponts et chaussées ; Gérard GEBOT, administrateur
civil ; Emmanuel GLASER, auditeur au conseil d'Etat ; Marie-Hélène
GRANOER-FAUQUERT, administrateur civil ; Gérard KAUFFMANN, contrôleur
des armées ; Marianne LAIGNEAU, auditeur au conseil d'Etat ; Bruno
MAQUART, inspecteur des affaires sociales ; Philippe MOIROUD, ingénieur
en chef des mines ; Olivier PAGEZY, inspecteur des finances ; Dominique PELISSOE,
ingénieur du génie rural ; Catherine PERIN, conseiller référendaire
à la cour des comptes Denis PIVETEAU. auditeur au conseil d'Etat ;
François PUJOLAS, secrétaire des affaires étrangères
; Stéphane RAMON, inspecteur des finances ;
Alain SEBAN, auditeur au
conseil d'Etat ; Jean-Pierre VIOLA, auditeur à la cour des comptes.
Rédacteurs
du rapport : Jean-Ludovic SILICANI, Bruno ORY-LAVOLLEE et Olivier BRAULT.
La mission en chiffres
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Il doit d'abord répondre à cette question.
Aucune organisation ne peut bien faire ce qu'on attend d'elle si elle ne dispose pas en permanence d'une idée claire de ses missions. Cette exigence générale de méthode vaut pour l'Etat plus encore que pour les autres organisations : ce que nos concitoyens attendent de lui ne se traduit pas facilement par des objectifs opérationnels ; sa direction est soumise, en permanence et de toutes parts, à des pressions sans équivalent. Cela vaut en particulier aujourd'hui : de profondes transformations sont en oeuvre, dans le monde, dans notre économie, dans notre société et dans nos esprits ; elles ne peuvent pas rester sans effet sur l'exercice des responsabilités de l'Etat. Aujourd'hui, plus que jamais, l'Etat se perd s'il ne s'affranchit pas de l'urgence du court terme. Moins que jamais, il ne peut se passer d'une réflexion sur ses responsabilités à l'horizon du siècle prochain.
Notre pays a beaucoup à y gagner. Si les Français y voient plus clair, ils sauront ce qu'ils peuvent attendre de l'Etat et des autres collectivités publiques -, ils sauront aussi ce qu'ils ne doivent pas en attendre. Si l'Etat sait définir ses responsabilités et en tirer des objectifs pour ses agents, les fonctionnaires pourront s'engager dans une logique de responsabilité et retrouver la fierté de servir le pays. La cohésion de notre communauté sera mieux assurée et notre pays s'adaptera mieux aux contraintes qu'impose aujourd'hui la compétition internationale. Il déterminera s'il peut encore faire vivre ce que beaucoup tiennent toujours pour un "exemple français".
Que doit faire l'Etat ? Cette question appelle moins une réponse unique qu'autant de réponses qu'il y a de domaines de responsabilité publique. C'est pourquoi l'analyse a porté successivement sur les responsabilités de l'Etat souverain puis sur celles qu'il partage avec d'autres (les citoyens, les entreprises, les associations, les organismes de protection sociale, les collectivités locales, l'Europe . .. sans oublier d'abord les responsabilités fondamentales qui lui sont propres.
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A la lumière de ses missions redéfinies, l'Etat peut se poser en des termes adéquats la question de son organisation. S'il sait ce qu'il doit faire, il peut s'interroger sur la meilleure manière de le faire.
L'organisation et le fonctionnement de l'Etat sont déficients. Alors que le monde et la société ont profondément changé, l'Etat vit encore sur des structures fixées pour l'essentiel dans les années 1960. Alors que les affaires publiques sont de plus en plus compliquées, sa capacité à prévoir, à concevoir et à prendre à temps les bonnes décisions s'est érodée. Alors que les Français veulent une administration moins parisienne et plus proche d'eux, l'Etat n'est toujours pas parvenu à réformer en profondeur ses méthodes de travail et ses modes d'intervention. Alors que la compétition internationale a poussé les entreprises à moderniser considérablement leur gestion, celle de l'Etat demeure trop souvent archaïque. Alors que les entreprises rivalisent d'efforts et d'intelligence pour améliorer la qualité des services rendus, la culture administrative fait encore trop souvent prévaloir, dans les relations avec les citoyens, la certitude des prérogatives de puissance publique.
Il n'y a pourtant plus de secteur protégé. L'ouverture des frontières expose l'ensemble de nos fonctions collectives à la concurrence internationale. Il est temps qu'à son tour l'Etat change ses habitudes et travaille avec les méthodes d'aujourd'hui. L'Etat ne doit pas être un frein à la modernisation du pays tout entier.
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CONCLUSION |
Qu'elles portent sur les
responsabilités de l'Etat ou son organisation, les recommandations de
la mission ne pourront être mises en oeuvre sans une volonté politique
durable au sommet de l'Etat, la mobilisation de tous les fonctionnaires et une
compréhension active des citoyens.
C'est pourquoi le comité s'est efforcé de les formuler dans des termes qui puissent susciter le débat s Inon toujours l'adhésion, être compris sinon toujours approuves. Au fil des mois, il s'est convaincu qu'il ne pourrait faire oeuvre utile qu'en parvenant à être lui-même un pédagogue actif de la réforme, en révélant les constats les plus évidents d'inadaptation de l'Etat, en expliquant le sens et la portée de propositions inspirées par le souci de répondre aux enjeux les plus décisifs pour l'avenir du pays.
La diversité de ses membres a entraîné la mission sur cette voie exigeante. Si la confrontation des opinions a permis de mieux éclairer les enjeux, la délibération collégiale a contraint chacun à faire preuve de persévérance et d'imagination pour convaincre et -plus encore- de sagesse pour dégager des solutions susceptibles de l'accord le plus large.
Le comité est conscient qu'il n'a pas pu aller toujours aussi loin qu'il l'aurait souhaité en raison de la complexité des problèmes à traiter et de la brièveté du délai imparti. C'est pourquoi il réaffirme la nécessité d'un débat public approfondi si des réformes devaient être entreprises et mises en oeuvre.
Pendant six mois, tous les membres de la mission se sont sentis tenus par la noblesse de la tâche qui leur était confiée. Réfléchir aux responsabilités et à l'organisation de l'Etat, gardien du bien commun, impose à ceux qui en sont chargés la prudence et le respect, le respect des fondations et des traditions qui, au cours des siècles, ont forgé notre Etat. Pour le présent et pour notre avenir, il nous faut sans cesse redécouvrir la force que nous donne notre passé commun et l'importance de notre cohésion.
ANNEXES
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ANNEXE 1
479/93/SGParis, le 8 novenmbre 1993
LE PREMIER MINISTRE
à
Monsieur Jean PICQ
Conseiller-Maître
à la Cour des Comptes
L'amélioration de l'efficacité de l'Etat constitue l'un des objectifs prioritaires du Gouvernement. Dans ce cadre, il apparaît indispensable de mieux définir les responsabilités de l'Etat et de procéder à l'allègement ainsi qu'à la modernisation de ses structures.
Il est clair en effet que l'organisation de l'Etat ne répond pas toujours à l'attente des Français et aux exigences du monde actuel. Les Français, tout en critiquant le niveau des prélèvements obligatoires et l'impuissance de l'Etat à répondre à certains enjeux, ressentent pourtant la nécessité d'un Etat qui exerce ses responsabilités. Cellesci concernent notamment les moyens d'assurer l'harmonie du territoire, la lutte contre le chômage et les grands fléaux sociaiLx, la formation des hommes, le soutien et la rézulation de l'activité économique, ainsi que la sécurité de la France et des Français et la défense des L'ntérèts français en Europe et dans le monde.La mission qui vous est confiée a donc pour objectif de conduire une réflexion sur les responsabilités que doit exercer l'Etat et de proposer les voies et moyens d'assurer une meilleure adéquation des structures des administrations centrales et des serrices extérieurs à leurs missions. Il s'agit aussi de veiller au meilleur emploi des fonds publics ainsi qu'à une allocation optimale des ressources budgétaires.
A cet effet, vous procéderez à l'audition des Ministres et de leurs directeurs ainsi qu'à celle de tous les responsables de la vie économique et sociale susceptibles de contribuer à une redéfinition des missions de l'Elat et de faire des propositions sur l'aménagement de ses structures et J'allocation de ses moyens financiers et humains.Vous présiderez un comité de personnalités qualifiées par leur expérience administrative concrète et soucieuses de participer à la nécessaire réforme de l'Etat. Vous pourrez faire appel en tant que de besoin à l'appui de rapporteurs choisis dans les corps d'inspection interministériels des Finances, de l'Adrninistration et des Affaires soclales ainsi qu'au Conseil d'Etat et à la Cour des Comptes.
Vous procéderez à une évaluation des structures et des moyens actuels correspondant aux missions principales de l'Etat en identifiant les insuffisances ou les dysfonctionnements, en vous interrogeant sur leur coùt et les voies possibles de regroupement et d'allègement. Vous devrez procéder aussi à un examen atientif de l'évolution des administrations centrales au regard de la construction européenne et de la décentralisation. Vous proposerez la suppression des structures para-administratives qui se sont multipliées et qui ont parfois perdu leur raison d'être. Une attention particulière devra être portée sur les moyens de coordination intermirListérielle qui se sont développés sans que leur pertinence et leur efficacité dans la durée soit toujours établie et vous vous attacherez à définir les procédures de coordination interministérielle susceptibles d'assurer l'efficacité des actions de l'Etat.
Je souhaite que vous puissiez me présenter le 30 avril 1994 un rapport d'orientation et de propositions assorti d'un calendrier et des modalités de mise en oeuvre.La brièveté du délai qui vous est imparti requiert l'utilisation des travaux existants réalisés tant par les administrations elles-mêmes que par les corps de contrôle.
ANNEXE 2
Discours du premier ministre lors de l'installation du comité
(12 novembre 1993)
Depuis de nombreuses années, l'organisation des structures administratives, s'est caractérisée par la multiplication des fonctions et des organes. Chaque réforme complique, ajoute, superpose les structures.
Il en résulte une véritable crise de nos institutions administratives qui se traduit par une inefficacité toujours plus grande, une complexité accrue et une coupure entre les administrations et les citoyens de plus en plus nettes.
Ainsi, l'Etat est-il affaibli, aussi bien par l'inadaptation de son organisation et de ses procédures que par l'insuffisance de l'effort qui est conduit pour la qualité de sa gestion.
Enfin, ceriaines iriterventions de l'Etat sont concurrencées par le développement concomitant des attributions relevant de l'échelon européen et des collectivités locales.
Face à cette défiance qui touche parfois l'intervention de l'Etat, deux écueils doivent cependant être évités : il faut d'abord écarter l'analyse selon laquelle quelques réformes ponctuelles pourraient remédier à cette crise de l'Etat. Mais il apparaît également clairement qu'il est impossible que la France puisse, comme d'autres pays, s'accommoder d'un Etat incapable de faire face à la diversité de ses missions.
Soyons conscients que la France n'achèvera pas sa modernisation économique et sociale sans que l'Etat lui-mème ne soit profondément rénové.
Nos concitoyens, tout en critiquant le niveau des prélèvements obligatoires et la lourdeur de l'administration, ressentent en même temps la nécessité d'un Etat qui exerce clairement ses responsabilités.Les Français souhaitent d'abord que l'action de l'Etat soit plus lisible et mieux organisée et que les conditions dans lesquelles les décisions sont instruites et prises soient plus clairement établies. Ils souhaitent également que les responsabilités de ceux qui servent l'Etat soient mieux définies et que les méthodes de travail de l'administration se modernisent.
A cette fin, il faut définir un projet d'ensemble pour rebâtir l'organisation de l'Etat autour de ses missions essentielles. Compte tenu des effets de la construction européenne et de la décentralisation, cette démarche doit conduire à proposer des regroupements et allégements de structures nécessaires pour accroître l'efficacité de l'Etat. Elle doit également conduire à imaginer des procédures de travail interminsitérielles répondant de manière plus efficace aux besoins nouveaux qui apparaissent. La politique de la ville est un bon exemple des difficultés d'adaptation que peut rencontrer l'Etat face à une mission nouvelle. Cette démarche doit enfin se traduire par la révision des conditions d'allocation des hommes et des crédits pour en assurer le meilleur emploi.
Pour éclairer le gouvernement sur cet enjeu, essentiel pour la nation, j'ai demandé à M. Jean PICQ, conseiller-maître à la Cour des comptes, de présider une mission de réflexion et de proposition sur les responsabilités et l'organisation de l'Etat. Cette mission est constituée de personnalités qualifiées par leur expérience du service public : M. Yves BARBE, inspecteur général des finances, directeur général adjoint de PSA, Hubert BLANC, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Michel BON, directeur général de l'ANPE, Alain CARPENTIER, professeur agrégé de médecine, Marie-Claude OURY-GATELMAND, recteur d'académie, Michel PINAULT, conseiller d'Etat, directeur des affaires juridiques et fiscales de VUAP, qui seront assistés de deux représentants des ministères du Budget et de la Fonction Publique. Le rapporteur général de la mission sera Jean-Ludovic SILICANI, maître des requêtes au Conseil d'Etat.Les hommes et les femmes qui composent cette mission ont, par la variét~ de leurs expériences personnelles et professionnelles, les compétences nécessaires pour mener le travail que je leur confie.
Jean PICQ qui coordonne leurs travaux a conduit, avec succès, à la demande du Ministre des Affaires étrangères, Alain JUPPE, un travail de réflexion et de propositions sur la modernisation du ministère des Affaires étrangères. C'est à principale raison pour laquelle je lui ai confié cette nouvelle mission.
La mission sur les responsabilités et l'organisation de l'Etat devra répondre àtrois questions : que doit, en priorité, faire l'Etat ? Comment doit-il le faire pour êtit plus efficace, c'est-à-dire avec quelle organisation ? Et de quels moyens doit-il disposEi pour optimiser la gestion des deniers publics ?
Pour arrêter ses conclusions et recommandations, le comité procèdera en trois étapes :
- dans un premier temps, il mènera des auditions conçues dans le souci d'éclairer, notamment par des exemples étrangers, les huit missions stratégiques l'Etat : la sécurité et la justice, la protection des intérêts français dans le monde, défense nationale, la gestion des finances publiques, l'harmonie du territoire, cohésion sociale, la formation et la culture des hommes ainsi que le soutien et régulation des activités économiques.
- Dans un second temps, il analysera les nouvelles méthodes de gestion publique en entendant les rapports d'experts de l'administration, de l'entreprise ou cabinets d'audit et de conseil : pilotage et évaluation des politiques publiques, instruments comptables et financiers, gestion des ressources humaines...
- Dans un
troisième et dernier temps, il élaborera sur la base des analyses
ainsi réalisées
des propositions de regroupements, allégements et suppression de
structures redondantes ou
devenues inutiles. Ces propositions devront également dégager
les moyens d'améliorer
la coordination des politiques publiques notamment
interministérielles.
La mission s'appuiera évidemment sur les importants travaux déjà organisés ou engagés, au niveau interministériel et dans chaque ministère. Il s'agit notamment des travaux conduits pour préparer un schéma directeur de réorganisation et de déconcentration des services administratifs. Ces schémas directeurs seront portés à la connaissance de la mission avant qu'elle n'élabore ses propres conclusions.
Les principales
orientations que je souhaite donner à cette entreprise de
rénovation de l'Etat visent à le rendre plus simple pour ses responsables,
ses agents et ses usagers,
plus efficace pour ceux qu4il doit servir, plus clair dans son fonctionnement
et dans ses procédures
de décision. Telles sont les priorités que nous devons assigner
au travail collectif
qui se trouve aujourd'hui engagé.
J'ai conscience
que le travail qui est demandé, à vous-même et à
vos services, viendra
s'ajouter à celui que vous menez pour la préparation et la mise
en oeuvre des politiques
dont vous êtes responsables. Mais soyons persuadés qu'il s'agit
d 'une nécessité
: l'Etat doit se réformer profondément pour répondre aux
exigences de la nation
dans un monde en plein bouleversement et constituer l'instrument efficace de
la mise en oeuvre des politiques voulues par le pays. Trop d'erreurs ou
d'incompréhensions
sont nées, au cours des dernières années, de la confusion
des responsabilités
et de l'inadaptation de l'organisation et des moyens des services de
l'Etat.
Je vous adresserai
prochainement le calendrier et la méthode de travail de
cette mission. Je souhaite, en effet, disposer de ses recommandations pour la
fin du mois d'avril
prochain. Une réunion des membres du gouvernement pourrait alors
examiner les suites qu'il conviendrait de donner aux propositions faites.
Je ne doute pas que
chacun d'entre vous apporte au succès de cette mission, à
laquelle j'attache un intérêt tout particulier, une contribution
importante.
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