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Une Prédication De Oui-Oui Duhamel

11 septembre 2008 à 12h10

Dans Libération, Oui-Oui Duhamel, ce matin, lance un long hurlement d’effroi : "Depuis plusieurs années, les souverainistes n’ont cessé de marquer des points" [1].

Notamment : "La conjonction des nonistes de gauche (Besancenot, Laguiller, Buffet, Chevènement, Fabius, Montebourg) et des nonistes de droite (Le Pen, Villiers, Dupont-Aignan) a réussi à bloquer net le référendum constitutionnel européen".

Cette observation (liminaire) de Oui-Oui Duhamel appelle, à son tour, un certain nombre d’(autres) observations, quant à sa forme, et quant à son (petit) fond.

Sur la forme : Oui-Oui Duhamel, rusé rhéteur, s’applique, tu l’as remarqué, à nommer, un(e) par un(e), les "nonistes de gauche", pour mieux nous faire penser que ces gens-là étaient carrément hyper-nombreux, genre, Besancenot, Laguiller, Buffet, Chevènement, Fabius, Montebourg ?

Puuuuutain, mais ils sont des milliers !

Sauf que, naturellement : si Oui-Oui Duhamel avait plutôt fait une liste des noms des oui-ouistes (de "gauche"), Libé aurait dû ce matin augmenter son volume de plusieurs dizaines de pages.

Ensuite, Oui-Oui Duhamel, par un procédé classique, nous rappelle (avec application) que le Pen et le Villiers (dont le chef de l’Etat français a si bien remis l’électorat dans-le-giron-de-la-République sans démagogie aucune) étaient nonistes aussi, et que par conséquent ils votaient comme Besancenot, et ça, n’est-ce pas, je voudrais pas vous inquiéter plus que de raison, mâme Dupont, mais ça ressemble quand même très fort à l’esquisse d’un axe rouge-brun, à une espèce de nouveau pacte entre Germains et Soviétiques.

Sur le fond : Oui-Oui Duhamel néglige (c’est pour lui un affreux souvenir) que dans la vraie vie ce n’est pas exactement "la conjonction des nonistes de gauche et des nonistes de droite" campés vers les sommets de leurs appareils partisans, qui a retoqué l’Europe libérale que le cher président Estaing appelait de ses voeux, mais bien, plutôt, la rustique addition de citoyen(ne)s connue sous le nom générique de "peuple français" - qui a voté en absolue connaissance de cause, et en dépit des mises en demeure hallucinées de la propagande régimaire, dont Oui-Oui Duhamel fut l’un des plus stridents klaxons [2].

Enfin, et surtout, Oui-Oui Duhamel oublie, avec un soin méticuleux, un (très) minuscule détail, qui est que le nouveau chef de l’Etat français, par son "mini-traité", a, sitôt porté au(x) pouvoir(s), très posément biffé ce vote populaire (sous les applaudissements nourris des "socialistes" managementaux) - en sorte qu’il faut quand même les avoir comme des melons, pour oser proclamer que "les souverainistes n’ont cessé de marquer des points".

Oui-Oui Duhamel, cependant, ne les a pas, en vérité, comme des melons, mais plutôt comme des pastèques de calibre supérieur - et c’est (probablement) ce qui lui permet, pourquoi se gêner, de suggérer que les nonistes ont sur les mains du sang balkanique, non moins que géorgien.

Tu penses que j’en rajoute ?

Lis donc : c’est capiteux.

Oui-Oui Duhamel crie d’abord que : "L’Europe s’est construite à l’initiative de la France (nos souverainistes sont de sincères patriotes qui saccagent ce que la France a fait de plus marquant depuis la Libération) pour garantir avant tout la démocratie et la paix".

Oui-Oui Duhamel, qui est comme tu sais le fervent tambourinaïre d’un libéralisme spécialisé dans l’anéantissement des acquis sociaux de l’après-guerre, ne dit pas, tu l’auras noté, ce que saccagent les nonistes (qui sont de râpeux vandales) : c’est le principe même de l’incantation que de n’être pas documentée.

Oui-Oui Duhamel préfère caqueter que "dans les Balkans, la sortie du communisme s’est traduite par un réveil instantané des nationalismes les plus bellicistes", et que, "au bout du compte, ce qui est né du démantèlement de la Yougoslavie, c’est une épuration ethnique".

Et alors ?

Et alors : "Le rêve européen de tolérance et de cohabitation s’est brisé sur des archaïsmes aussi violents qu’immémoriaux".

C’est beau comme du BHL (période rose), mais quel rapport avec les nonistes ?

Aucun, évidemment : je n’ai pas le souvenir que Besancenot ait le moins du monde aiguillonné un quelconque nationalisme, et d’ailleurs, le TPIY a finalement renoncé à la faire comparaître.

Mais ça n’empêche pas, oh non, Oui-Oui Duhamel de nous suggérer, comme je disais, que si nous avions plutôt fait un triomphe, en 2005, à l’Europe libéralisée dont Oui-Oui Duhamel nous chantait la beauté, nous aurions sans doute évité que des Yougoslaves s’entretuent, en 1992.

Rigueur du raisonnement, puissance de la démonstration : Oui-Oui Duhamel se la donne, et c’est pas dégueulasse.

Au reste - et pour le cas où notre implication dans le bain de sang balkanique ne suffirait pas complètement à nous mortifier, Oui-Oui Duhamel précise que nous avons aussi haché de l’Ossète (mais pas que) : "Dans le Caucase, également aux confins de l’Union, on assiste au même scénario : choc des nationalismes, triomphe de la violence, épuration ethnique, naufrage des candides idéaux démocratiques et pacifiques".

(J’aime beaucoup ces "candides idéaux", qui sont, tu l’as compris, les hautes valeurs que l’Oncle Sam exporte jusqu’en Géorgie, après un (long) détour par le Tonkin, le Guatemala et l’Irak - liste non exhaustive.)

Et qui, je te prie, est, là encore, directement responsable ?

Ben, nous, évidemment, qui avons dit non il y a trois ans à Duhamel et à Giscard.

Oui-Oui l’énonce tranquillement : "Ceux qui jouent avec les nationalismes en se figurant que la paix est éternelle et que la démocratie est intangible portent des oeillères".

Tel(le)s que nous sommes, "en coupant les jarrets de l’Europe", nous avons armé le bras de Moscou.

Nous avons refusé (en vain) de nous inféoder (encore) aux marchés ?

Nous sommes d’infâmes coupe-jarrets.

De sinistres fauteurs de guerre(s).

La prochaine fois, tu l’as compris ?

Faudra voter oui, oui - pour éviter le massacre de milliers d’innocents.

Pour le dire autrement : Oui-Oui est un maître-chanteur.

Voilà Qui Nous Change (Très) Agréablement Des Empiétements De L’Islam Sur La Laïcité Témoin Numéro Un

Notes

[1] Les "souverainistes" sont les cauteleux salauds qui en 2005 ont dit non à l’Europe des marchés, nonobstant les rudes sermons de Oui-Oui Duhamel, qui les avait bien prévenus que voter non témoignerait d’une bassesse d’âme peu vue sous nos latitudes.

[2] Mais Oui-Oui Duhamel assure que les nonistes ont "(joué), comme toujours, des fantasmes (…), des contre-vérités (…), parfois des mensonges éhontés (…), et souvent des assertions cyniques". Le noniste est, en résumé, un malade mental, menteur et cynique - alors que Oui-Oui Duhamel est d’une beauté suave qui fait dire aux jeunes UMP qu’après Sciences-Po ils voudraient bien faire Oui-Oui Duhamel plutôt que pubard, s’il te plaît.