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Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit
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Témoin Numéro Un

10 septembre 2008 à 12h41

Tribunal de Lyon, 27 janvier 2009.

Le témoin peut-il décliner son identité ?

Je me nomme BHL, monsieur le président.

Profession ?

Philosophe, romanquêteur.

Romanquêquoi ?

Teur, monsieur le président.

C’est un métier, ça ?

Je dirais même que c’est une rente, monsieur le président.

Age ?

19 ans, monsieur le président.

Vous ne les faites pas, dites.

Je sais, monsieur le président : c’est parce que j’applique régulièrement de la crème pâtissière sur mon visage de fin penseur.

Jurez-vous de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ?

Comme toujours, monsieur le président.

Vous est-il arrivé de raconter n’importe quoi, dans vos burlesques romanquêtes ?

Non, monsieur le président.

Reprenons : jurez-vous, oui ou non, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ?

Je m’y efforce, monsieur le président.

Mais ?

Mais la force de l’habitude fait que j’ai un peu de mal, comme disait Jean-Paul Sartre.

Jean-Paul Sartre a dit ça ?

Oui, monsieur le président, dans son introduction à son fameux Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.

Bien, alors, vous êtes cité comme témoin par Maurice Sinet, dit Siné…

Le nazi ?

Non, le dessinateur.

Le nazi, donc.

Le Monde a publié, dans ses pages "Débats" du 22 juillet 2008, une espèce de cocasse lettre d’amour à Philippe Val, où vous postulez que "le directeur de Charlie Hebdo a raison de demander à Siné de s’excuser ou de démissionner, pour avoir publié une chronique antisémite".

Je maintiens, monsieur le président : Adolf Siné doit s’excuser, ou démissionner.

A ceci près qu’il a, depuis, été viré de Charlie Hebdo.

Peut me chaut, monsieur le président.

Etes-vous l’ami de Philippe Val ?

Mieux que ça, monsieur le président : son frère d’armes - son brother in arms, comme on dit en démocratie.

Qu’entendez-vous par là ?

J’entends par là qu’ensemble, nous résistons à tous les hideux "ismes" du moment : le nazisme, l’altermondialisme, le nazisme, et bien sûr, l’altermondialisme.

C’est tout ?

Non, monsieur le président : maintenant que vous m’y faites penser, nous ambitionnons également de bouter le Sarrasin.

Hors de Grozny ?

Ah non, monsieur le président : hors de Poitiers.

Il y a des Sarrasins à Poitiers ?

Non, monsieur le président : je viens de vous dire que nous les avions boutés.

Philippe Val, en qui vous affirmez avoir un, comment dites-vous ?

Brother in arms.

C’est cela : Philippe Val, disais-je, a notamment déclaré, du temps qu’il était un peu de gauche, que vous étiez, je cite, l’"Aimé Jacquet de la pensée".

Il a complètement raison, monsieur le président : on me décrie, on me salit, mais à la fin c’est moi que je gagne la coupe du monde.

Il a aussi considéré que "la différence entre Bourdieu" et vous, "c’est que "Bourdieu forge(ait) des concepts", alors que vous "ne travaillez pas".

On me l’a dit, mais je l’ai pardonné quand il a commencé à me lécher le c… A me flatter l’encolure dans les pages de Charlie Hebdo.

Mais il a ri en lisant le passage consacré aux "amis de Bernard" dans un livre de Serge Halimi !

Le nazi ?

Non, le journaliste.

Comprenez que Philippe Val est lui-même devenu un ami de Bernard, monsieur le président.

Comment l’expliquez-vous ?

Très simplement : par son adhésion, pleine et entière, au système connivent qu’il dénonçait naguère.

Il n’a donc pas de face ?

Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis, monsieur le président - comme disait…

Jean-Paul Sartre ?

Du tout, monsieur le président : Kierkegaard.

Dans Le Monde, le 22 juillet, vous écrivez qu’il faut : "Bouffer du curé, du rabbin, de l’imam - jamais du "Juif" ou de l’"Arabe"".

Ringo a trouvé ça très beau, monsieur le président.

Ringo ?

André Glucksmann, monsieur le président.

Mais quand Philippe Val énonce que "la politique antijuive" de Vichy "était déjà, par défaut, une politique arabe", est-ce qu’il ne "bouffe" pas de l’"Arabe", comme vous dites ?

Si fait, monsieur le président : ce n’est pas contestable.

Et donc ?

Et donc, rien, monsieur le président : je vous rappelle que Philippe Val est un ami de Bernard.

Ca l’autorise à débiter long comme le bras des conneries ?

C’est à ça que servent les amis, monsieur le président.

Toujours dans Le Monde, vous avez aussi des mots très durs pour Alain Badiou…

Le nazi ?

Non, le philosophe.

Je crois qu’on parle du même.

Vous lui reprochez de "réintroduire dans le lexique politique des métaphores zoologiques", lorsqu’il propose, notamment, d’appeler Sarkozy "l’homme aux rats".

C’est d’autant plus immonde, monsieur le président, que Nico est aussi un ami de Bernard.

Sartre, soutenez-vous, a "démontré, sans appel", que ces métaphores zoologiques "sont toujours la marque du fascisme".

Ce gars-là était overpuissant, monsieur le président.

J’entends, mais il se trouve aussi que lui-même usait volontiers de telles métaphores, comme (vous) l’a précisément rappelé Alain Badiou, puisque aussi bien il a un jour observé : "Un anti-communiste est un chien, je ne sors pas de là, je n’en sortirai plus jamais"…

Je l’ignorais, monsieur le président.

Mais n’êtes-vous pas l’auteur d’un livre sur Jean-Paul Sartre, qui a été partout présenté comme la mère de tous les gros bouquins sur Jean-Paul Sartre ?

Si fait, monsieur le président, et ce romanquête fut en effet salué comme il se devait - j’avoue cependant que ce minuscule détail métaphorique m’a échappé.

D’autre part, Philippe Val, qui est votre ami, a lui-même écrit, dans un éditorial de haut niveau, que les "critiques radicaux des médias" sont des "pauvres souris", des "rongeurs", des "rémoras".

Et des nazis, aussi, monsieur le président.

Mais ne sont-ce pas là de multiples métaphores zoologiques ?

Ah ben si, monsieur le président.

Diriez-vous alors que cet éditorial de Philippe Val porte la marque du fascisme ?

Certainement pas, monsieur le président : certainement pas.

Vous-même, dans le romanquête que vous avez rapporté il y a peu d’un rapide safari en Géorgie, vous affirmez avoir fait la rencontre d’un officier russe qui, je vous cite, "aboyait".

Aaaaah, le sale roquet soviétique !

Entendons-nous, s’il vous plaît : quand vous écrivez qu’un Russe "aboie", est-ce que vous n’usez pas vous aussi d’une métaphore zoologique ?

Je crois justement qu’il y a entre nous un grave malentendu, monsieur le président, si vous me permettez.

Oui ?

Je crois que vous n’avez pas compris que Bernard et les amis de Bernard évoluent à des hauteurs où la plèbe commune manque le plus souvent d’oxygène.

Oui ?

Et que par conséquent, Bernard et les amis de Bernard ne sont pas tenus de se conformer aux règles que Bernard et les amis de Bernard édictent pour les autres - monsieur le président.

Aaaaah ouais ?

Ah ouais.

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