Au premier jour, avant-hier, de la visite officielle du Père Noël (photo), Nicolas Sarkozy, chef de l’Etat français, a très gentiment déclaré qu’il faut, mâme Dupont, que "nos compatriotes musulmans puissent vivre leur religion à égalité avec toutes les autres".
La tournure est baroque, mais il y a dans ces mots l’aveu, très simple, que "nos compatriotes musulmans" ont de la difficulté à "vivre leur religion" dans la sérénité - parce que bon, dans l’exercice de la foi comme dans celui de la corde à sauter, si tout se passe bien, t’as pas (du tout) besoin, a priori, que le chef de l’Etat français vienne souligner (gentiment) qu’il faut tout se passe bien.
D’où vient-ce, à ton avis ?
A mon avis à moi, et pour le dire vitement, ça vient de ce que de hauts penseurs occidentaux s’emploient depuis une dizaine d’années à nous persuader que "nos compatriotes musulmans", loin de faire partie de la solution du problème démocratique, font plutôt partie du problème - exactement comme, naguère, les communistes.
Pour le dire autrement : "nos compatriotes musulmans" sont, depuis la fin de l’URSS, le nouvel épouvantail que les sentinelles de la conservation libérale brandissent pour (mieux) nous détourner l’attention de leur insigne bassesse.
Ainsi, quand le (futur) chef de l’Etat français a déclaré, durant qu’il faisait campagne, qu’il en avait un peu ras le casque d’observer que "nos compatriotes musulmans" avaient le goût d’égorger dans leurs baignoires des ovins, mâme Dupont : le (futur) chef de l’Etat français, je le crains, n’a que peu contribué à ce que "nos compatriotes musulmans puissent vivre leur religion à égalité avec toutes les autres".
De la même façon, quand le chef de l’Etat français a pesté en petit comité "dans un langage très dur, très familier, choquant pour tout dire", contre le "trop grand nombre de musulmans présents en Europe", décrivant aussi, "de façon apocalyptique le "choc de civilisation" qui oppose les musulmans à l’occident", je ne suis pas (du tout) certain qu’il était mû par le (gentil) souci que "nos compatriotes musulmans puissent vivre leur religion à égalité avec tous les autres".
En sorte qu’il est permis de considérer que le chef de l’Etat français prend les Françai(se)s pour des imbéciles oublieux, quand il énonce qu’il faut que nos compatriotes musulmans puissent vivre leur religion à égalité avec toutes les autres, après avoir proclamé qu’ils sont tout de même incroyablement nombreux, mâme Dupont.
En quelques mots comme en cent : les (gentils) humanistes qui nous assurent (fût-ce à la faveur élyséenne d’une visitation vaticane) de leur (absolue) volonté que "nos compatriotes musulmans puissent vivre leur religion à égalité avec toutes les autres" sont les mêmes, certaines fois, qui vont répétant, sur le mode feutré de l’insinuation, ou plus ouvertement, que nos compatriotes mahométans ne sont pas complètement comme nous (puisque aussi bien ni toi ni moi n’égorgeons des moutons dans nos salles de bains), et que c’est quand même inquiétant, parce qu’ils sont des milliards (dissimulés, par exemple, dans les sous-sols de l’aéroport de Roissy, où ils stockent des armes d’assaut).
Pourquoi je te raconte ça, pour la millième fois ?
Parce que trop de foutage de gueule tue le foutage de gueule : si j’avais passé la dernière décennie à fustiger connement "le monde catholique" (comme d’autres font, suis mon regard, du "monde musulman") pour la sourde pulsion qui lui fait souhaiter que le sida se propage, je m’éviterais quand même le ridicule de souhaiter à "nos compatriotes" benoîtseiziens qu’ils "puissent vivre leur religion à égalité avec toutes les autres".