Débat, urbain et policé, dans L’Express de la semaine, entre deux ténors-du-barreau : Francis Szpiner, "avocat de la Mosquée de Paris" dans l’affaire "des caricatures de Mahomet", et Richard Malka, défenseur "de Charlie Hebdo " (et d’une chambre de compensation luxembourgeoise que le hideux Robert n’eut de cesse que de persécuter).
Il convient d’observer que les "mots croisés" de ces maîtres sont "recueillis", notamment, "par Jean-Marie Pontaut", rédacteur en chef à L’Express, qui oublie de signaler au lectorat de L’Express qu’il a signé un livre avec Francis Szpiner, et qui par conséquent n’est sans doute pas, du point de vue de Philippe Val, directeur de Charlie Hebdo, et si on se réfère aux critères qu’icelui a définis en juin dernier pour une collaboratrice de Télérama, un vrai bon journaliste.
(Je dis ça, je dis rien.)
Bon, voilà Malka et Szpiner qui papotent (sous "la lumière douce d’un samedi matin de septembre"), et Malka dit que si qu’on est ouvert à l’échange, "faut accepter d’être choqué par l’opinion de l’autre", et Szpiner lui répond comme ça que oui, of course, mais qu’"il y a quand même des limites", et que lui, par exemple, a "été choqué par une caricature, celle de Philippe Val travesti en nazi par Plantu dans L’Express ".
Et ça, n’est-ce pas ?
C’est quelque chose que l’avocat de Charlie Hebdo, à mon avis, comprend d’autant mieux, qu’il pense lui-même, ainsi que Charb le rapporta dans Charlie Hebdo le 30 juillet dernier, que "mettre les nazis à toutes les sauces pour discréditer l’adversaire (est) facile et contribu(e) à banaliser leurs crimes".
(Ce en quoi je suis, quant à moi, complètement d’accord avec l’avocat de Charlie Hebdo.)
Et donc, Richard, dans "le tutoiement de rigueur entre les deux débatteurs", le confirme à Francis : "Evidemment, il y a des blessures légalement répréhensibles".
Ainsi : "Dans le dessin de Plantu, une personne est attaquée, caricaturée en nazi, ce qui n’est pas rien".
Et en effet, retiens-le bien : ce n’est pas rien.
Malka : "L’important n’est pas qu’il soit blessé, c’est de savoir si ça tombe sous le coup de la loi".
Et justement : oui, ça tombe, et de haut même, puisque, "en l’occurence", Philippe Val, certes, "ne porte pas plainte" contre Plantu, parce que Philippe Val est gentil, mais tu sais quoi ?
"Il aurait pu".
C’est l’avocat de Charlie Hebdo qui le dit (le même qui a soutenu que la chronique où Siné raillait le fils du chef de l’Etat était indéfendable devant un tribunal), et si les mots ont un sens, on est d’accord : ça veut bel et bien dire que d’après cet avocat le dessin de Plantu tombait sous le coup de la loi.
Dès lors je suis comme Richard Malka : je pense que Philippe Val aurait pu attaquer Plantu.
Je pense même qu’il aurait dû le faire, parce que là, incontestablement, le procès eût été gondolant.
Comme dirait Philippe Val : "J’imagine d’ici" l’avocat de Plantu.
"Monsieur le président, je n’ai toujours pas compris ce que nous faisons ici, mon client et moi.
J’ai là, et je voudrais s’il vous plaît que vous les versiez au dossier, non seulement le dessin qui vaut à mon client d’être poursuivi pour avoir croqué "en nazi" le plaignant, mais d’autres caricatures - non moins horriblement blessantes, monsieur le président, j’espère que la cour en conviendra.
Celle-ci, par exemple, où il est dit que les adhérents de l’Observatoire français des médias sont des "admirateurs" d’"Hitler".
Ou celle-ci, où est affirmé que les internautes sont des "nazis", monsieur le président.
Ou celle-ci encore, où vous lirez : "Hitler, par deux fois, fait allusion au génocide arménien, afin d’y adosser son action. Noam Chomsky, qui a préfacé l’ouvrage de Faurisson, est également un négateur du génocide cambodgien. Les génocides sont liés entre eux par leurs négateurs".
Or, de qui sont ces caricatures (qui sifflent sur nos têtes), monsieur le président ?
Sont-elles de mon client ?
Nullement : elles sont, tenez-vous bien, du plaignant - qui, je crois, moque la justice, monsieur le président, quand soudain il se plaint de subir une fois ce qu’il a tant de fois infligé !
Puis j’insiste, monsieur le président, sur le fait qu’à mon sens, de tels propos ne sont pas seulement blessants - mais qu’ils sont, aussi, néfastes, car je partage avec mon excellent confrère ici présent l’intime conviction que mettre les nazis à toutes les sauces pour discréditer l’adversaire est un peu facile, et contribue, c’est plus grave, à banaliser leurs crimes.
(Par parenthèse, monsieur le président, j’aimerais savoir comment ce confrère concilie cet admirable engagement avec la défense d’un homme qui voit quand même beaucoup de nazis autour de lui - mais je suppose que c’est au nom de la haute et belle idée qu’il se fait de la presse, car nous avons là, vous le savez, un homme qui juge que "dans le journalisme, la qualité a des critères : c’est le contraire de la calomnie, de l’utilisation démagogique de fantasmes et de la création de boucs émissaires".)
Il va de soi, monsieur le président, que je plaide la relaxe de mon client - ne serait-ce qu’au nom de tous ceux que le blessant plaignant a travestis en nazis, et qui d’après son avocat auraient pu porter plainte, mais qui ne l’ont pas fait - car ils sont eux aussi gentils".