Comme prévu : "Alliot-Marie" se dit "prête à des concessions sur le fichier Edvige".
La droite régimaire, c’est bien connu, est d’une aiguë sensiblerie, et à l’écoute, il va de soi, de nos "inquiétudes".
(Pas au point, tout de même, d’abjurer sa foi libérale, et de nous supplier de bien vouloir excuser la brutalissime sauvagerie dont elle fait preuve dans sa guerre (totale) aux peu nanti(e)s.
Mais à l’écoute.)
Et donc : Alliot-Marie "entend" nos "inquiétudes", et veut "lever ces inquiétudes".
Elle "pourrait", pour nous rassurer, "envisager de retirer des listes du fichier des mineurs n’ayant commis aucun délit après un certain temps".
(Exactement comme si les mineurs délinquants représentaient un large pan de la population.)
Un peu d’attention, please : nous avons là, je crois, un exemple assez pur de ce que peut donner le foutage de gueule de régime, quand on lui mélange de larges lamelles de mépris versaillais.
Edvige, comme tu sais, "organise le fichage généralisé et systématique de "toute personne âgée de 13 ans et plus" "ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif"".
En clair - c’est une évidence, mais ça va mieux en le rappelant : Edvige est une mise en fiches, d’inspiration nettement deutschedemokratischerepublikaine [1], de "tous les citoyens ayant un jour souhaité s’investir pour leur cité" (ailleurs que dans le sillage d’un jeune enchevelu des Hauts-de-Seine), puisque aussi bien "l’enregistrement des données à caractère personnel n’a aucune limite, ni dans le temps ni dans son contenu, puisque pourront être répertoriées toutes les informations relatives aux fréquentations, au comportement, aux déplacements, à l’appartenance ethnique, à la vie sexuelle, aux opinions politiques, philosophiques et religieuses" [2].
Dans ces conditions, proposer d’"envisager de retirer des listes du fichier" quelques gosses de 13 ans (dont je suppose qu’ils n’ont pas comme souci premier de s’encarter à la CNT (un syndicat de combat), et que par conséquent ils ne sont pas exactement les premiers concernés par cette surveillance) et nous présenter ça comme une "concession" revient à confesser qu’on nous prend vraiment pour des con(ne)s - puisqu’en somme c’est un peu comme si George W. Bush, pressé d’ôter des monts de l’Afghanistan ses troupes d’occupation, concédait : "Okay, pals, je rapatrie le sergent Brown".
Tu me diras, et tu auras sans doute raison, que c’est là un classique ancien de la moquerie de gouvernement : quand tu veux balancer un décret bien dégueu, tu mets la barre très haut, genre à trente-cinq mètres, et si ça passe tant mieux, et si ça passe pas, tu la descends très gentiment de quelques millimètres, en susurrant ami(e), je vois tes inquiétudes.
Tu me diras aussi que nous aurons évidemment de bonnes âmes ces prochains jours, "socialistes" probablement, pour convenir que, oui, Alliot-Marie a fait de jolies concessions, et que dès lors toute nouvelle réclamation aurait quelque chose de tragiquement contre-productif.
Mais nous savons, toi et moi, que la seule concession acceptable serait un retrait pur et simple du fichier qui veut faire de nous les tristes Ossies de Sarkozy.