Il aimait à se comparer à John Merrick, le héros d’Elephant man. Il retrouvait dans ce film tellement de son histoire personnelle. A l’époque, je ne comprenais pas pourquoi.
Exploité par son père qui l’avait fait travailler sans relâche pour devenir une vedette puis par Berry Gordy, patron de la Motown, traqué par les paparazzi et les fans, qui à cette époque l’empêchaient de sortir de chez lui, il se reconnaissait dans cet objet de foire qui hurlait son humanité. Au-delà de l’anecdote, il est troublant de constater combien sa vie a fini par adhérer à la trame d’Elephant man plus qu’à celle de Peter Pan, certainement au-delà de tout ce qu’il aurait pu imaginer.
Star d’une ampleur internationale longtemps avant Madonna et comme on n’en avait plus vu depuis Monroe et Presley, Michael Jackson a tutoyé la gloire, la grâce, l’éternité à 25 ans avec la bombe Thriller. Révolution musicale mais renversement social et culturel, un afro-américain réconciliant l’Amérique de toutes les couleurs, là où Sammy Davis Jr, Sidney Poitier, Hattie McDaniel [1] ou James Brown s’étaient arrêtés.
Trop fragile, certainement peu doué pour le bonheur, Michael Jackson n’a eu de cesse dès lors de brûler l’or en lui et de cultiver sa monstruosité. Du parc d’attraction démesuré déserté après l’accusation de pédophilie au caisson à oxygène, du blanchiment de la peau aux probables innombrables opérations esthétiques démenties (il n’en avouait que deux), du mariage avec la fille du King au contrat passé avec la mère de ses enfants, du pathétique Bad et son image ratée et risible de mauvais garçon au bébé brandi dans le vide. Digne d’un Howard Hughes ou de Citizen Kane.
Reste le génie.
[1] Première actrice noire récompensée aux Oscars pour le rôle de Mamma dans Autant en Emporte le Vent.