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Relation D'Un Voyage En Extrême-Flagornerie

9 juin 2008 à 21h16

Dans l’hebdomadaire Le Point de la semaine, un certain Saïd (Mahrane) fait sur deux pages le récit de son "rendez-vous avec Carla" (Bruni-Sarkozy).

(J’adore ce règne du prénom, qui nous met au journalisme un supplément de proximité.)

Tu vas voir : c’est assez relevé.

Saïd arrive au rendez-vous, et tombe sur : "Elle, main droite sur la hanche, la mèche glissant doucement sur l’oeil gauche", qui "déclame avec passion (des) vers de Joachim Du Bellay".

(Avoue que ça commence très fort.)

L’entrevue se déroule dans l’hôtel particulier de Carla, qui est : "Une belle maison blanche avec jardin, sise dans le 16e arrondissement de Paris".

Elle se passe, même, "dans l’intimité (du) salon" de Carla.

(Tu as deux catégories de propriétaires de belles maisons blanches : tu as celles qui te reçoivent dans leur salon, et tu as celles qui te reçoivent dans l’intimité de leur salon.

Carla, tu l’as compris, est de la deuxième sorte.)

Il y a, dans le salon de Carla : "Une jolie cheminée".

(Saïd : "Ne le répétez pas, mais elle est dotée d’une cheminée électrique".

Tu veux du scoop ?

Voilà du scoop.)

Il y a, également, non loin de cette jolie cheminée : "Un joli miroir".

Tout est joli, en résumé, dans la belle maison blanche - ça fait à ce moment-là un peu moins d’une minute que tu as commencé à lire, et, naturellement, tu te fais du souci pour Saïd : est-ce qu’il n’aurait pas trop mis de flagornerie dans son premier feuillet ?

Saura-t-il tenir la distance ?

Pas de panique : le gars en a encore sous le coude, on a là un marathonien de l’encensement glycériné.

Ainsi, écrit-il, Carla est, dans l’intimité du salon de sa belle maison blanche, et non loin de son joli miroir : "Sobre, racée, pantalon bleu nuit, haut idem, sans fard ni bijoux".

Et bien évidemment : "Souriante, toujours".

Il est vrai qu’il serait quelque peu malvenu qu’elle ne sourie pas, car "à 39 ans, elle a tout".

Comprendre qu’elle a : "La beauté, une voix, la notoriété, des millions en euros, et, depuis (…) son mariage avec Nicolas Sarkozy, une forme de pouvoir politique".

(Reconnais que ça nous change des pauvres gourdes qui n’ont rien, pas même une jolie cheminée.)

Saïd, pour autant, n’a pas (du tout) l’intention de "résumer" Carla (ni de "la réduire") à sa beauté, à sa voix, à sa notoriété, à ses millions d’euros, ou à son mariage avec le chef de l’Etat français, parce que, tu sais quoi ?

Ca serait "mal la connaître" - et les salariés du Point sont plus malins que ça.

"On" ne veut pas te parler du seul "corps" de Carla : "on veut parler de son coeur".

Et ça se comprend facilement, parce que, nonobstant la mèche qui lui obstrue (doucement) l’oeil gauche, la dame a de vastes réserves de générosité : elle "confie" d’ailleurs à Saïd qu’"il y a mille choses intéressantes à faire afin de lutter contre la pauvreté où qu’elle soit".

Repeat after Le Point : il.

Y.

A.

Mille.

Choses.

Intéressantes.

A.

Faire.

Afin.

De.

Lutter.

Contre.

La.

Pauvreté.

Où.

Qu’elle.

Soit.

Je ne crois pas avoir été jamais aussi ému que par cette révélation.

Et en effet, Carla veut se porter partout au chevet de la gueusaille : "Dans le tiers-monde comme dans le quart-monde, du Cap à Clichy-sous-Bois".

(Car la Seine-Saint-Denis, c’est le quart-monde : il suffit de l’énoncer clairement, au coin de la jolie cheminée d’une belle maison blanche, et tout devient plus simple.)

Carla, qui "veut aider en France" et à Clichy-sous-Bois (nonobstant qu’elle a épousé le nettoyeur de la racaille des banlieues), est ainsi : "Prête, dit-elle, à se rendre dans des quartiers difficiles" - où Fadelamara l’a d’ailleurs "invitée".

Pétrie de l’envie de servir, et de voler au secours des miséreux du 9-3, Carla ne limite cependant pas le champ de sa philanthropie à nos seuls territoires d’outre-périphérique : "Elle reçoit chaque semaine "une cinquantaine de sollicitations" à caractère humanitaire et à dimension internationale".

(De quoi la divertir, en somme, de l’éventuelle monotonie de trop de safaris à l’entour de Saint-Denis, où les points d’eau sont rares.)

Ainsi : "Elle a récemment déjeuné avec (la femme du Premier ministre britannique) dans un restaurant parisien afin d’envisager une mobilisation commune (…) contre le décès des femmes lors de l’accouchement".

(Pris de pudeur, Saïd omet de nommer le restaurant où Carla et Sarah ont fomenté cette belle conspiration du coeur, mais on devine qu’il s’agissait probablement de l’un de ces lieux raffinés où le prix de l’entremets n’a rien de trop tiers-mondiste - ou si elles ont juste pris un caramel au Starbucks ?)

Outre que la démange le dessein d’assister, Carla "déteste le shopping", et du coup : "On l’aura compris, elle ne s’imagine pas uniquement au bras de son mari, gourmée, affichant un sourire marmoréen".

Car : "Windsor, c’est bien", mais "les townships du Cap, c’est important aussi".

De sorte que, durant qu’elle déclame des vers siglés Bellay dans l’intimité du salon de sa belle maison blanche, Carla proclame aussi : "Je n’ai pas peur du réel, même quand il est rude".

(Puis elle demande : "Est-ce vrai, que les chemins de Clichy-sous-Bois ne sont pas encore bitumés ?"

Naaaaan, je rigole.)

Saïd, alors, se pâme : "Elle est comme ça, l’égérie de Nicolas Sarkozy".

Elle est : "Aussi à l’aise dans ses ballerines de première dame que dans ses Converse de "meuf" sympa".

Elle est, en résumé, pleine de complexité(s).

La preuve : "Sa ville préférée, en Italie, la plus belle, selon elle, est non Venise, Rome ou Florence, mais Naples !"

Et ça, franchement, ça lui fait un gros choc (d’où le point d’exclamation), à son ami Saïd, parce que, rends-toi compte : "Naples et sa mauvaise réputation, ses immondices et son impitoyable Camorra (la mafia locale)" !!!

De cette incroyable dilection napolitaine, Saïd, sans barguigner, tire l’enseignement : "Elle a le goût des choses torturées, Carla, sombres et complexes".

Et là, je t’avoue : j’aimerais bien continuer avec toi cette longue lecture, mais il y en a encore deux ou trois feuillets comme ça, et je crois que ni toi ni moi ne le supporterions - car enfin, tant d’ahurissante flatterie sursucrée, dans si peu d’espace ?

Assurément, ami(e) : c’est plus que nous ne pouvons tolérer.

(A la toute fin de son papier, au moment de quitter Carla, Saïd confesse qu’une "question (lui) brûle les lèvres".

Gênante, évidemment, la question : Carla "soutiendra-t-elle la France ou l’Italie lors du prochain Euro de football ?"

Carla, "joliment", répond : "Mon coeur est embêté".

Saïd, ravi, relève qu’elle a, en le disant : "Au fond des yeux quelque chose des tifosi".

Comme dit Franz-Olivier, qui est l’employeur de Saïd : "J’aime l’impertinence".)

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