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L'Abaya, En Définitive ? C'Est Carrément Sexy - Mais A Condition De La Porter "Avec Des Accessoires Plus Ou Moins Luxueux" (Et Plutôt Plus Que Moins)

7 juin 2008 à 16h19

1. Une fois par mois, Libération, quotidien néo-patronal, (t’)"offre", le samedi, pour un euro, un supplément du nom de Next.

Il s’agit, en réalité, d’un catalogue publicitaire, où se fait la réclame de commerçants qui ont en commun de se maintenir (très) loin du pouvoir d’achat du prolo.

Dans le numéro de ce matin, par exemple ?

On te propose (et te suggère), à la page 17, comme cadeau pour la fête des reups, une tenue (vestimentaire) dont le prix n’est pas dit, mais qui te fera une "silhouette Hermès printemps-été 2008", et qui est, pour l’oeil, d’une plaisante sobriété.

Puis, aux pages 80 et 81, chouette coïncidence, un expert du nom de Patrick Thomas te révèle que, justement : "Le luxe flashy finira par lasser" - de sorte que l’homme de goût (et de rebondi chéquier) reviendra bientôt vers un code (vestimentaire) qui sera, pour l’oeil, d’une plaisante sobriété.

Cet expert, c’est : "Patrick Thomas, gérant du groupe Hermès" - et les questions que lui pose Libé sont, je ne te cache pas, d’une agressivité assez insoutenable.

Exemple : "Ces cadres chinois (…), vous avez dû vous faire connaître d’eux avant qu’ils n’entrent dans vos boutiques", pas vrai, Patrick ?

(Traduction : pour faire du pognon avec les Noiches populaires qui logent des balles dans les nuques des opposants récalcitrants, vous avez faire de la lèche à l’autorité, un peu comme si vous étiez journaleux, hein, Pat ?)

Réponse de l’expert de chez Hermès : voui, nous avons léché (le business a des raisons que la pudeur ignore), mais en levant le petit doigt.

"La première chose que nous ayons faite en Chine [populaire], avant l’ouverture d’un magasin, c’était une exposition sur le cheval dans l’art chinois, dans la Cité interdite".

(Avec le soutien, aimable, du régime "communiste", qui n’ouvre pas, comme vous savez, la Cité interdite à n’importe quel pékin.)

"Dix ans plus tard, nous en avons monté une autre (…)".

Car : "Nous avons choisi de communiquer en profondeur, de raconter une histoire", pendant que "d’autres marques s’orientent plus vers la communication de masse".

Résultat : "Notre taux de pénétration dans ces marchés est infiniment plus faible, dans une proportion de 1 à 10 par rapport à d’autres marques qui sont dans notre univers de concurrence".

(Mais comme disait Chou En-Lai : "Dès lors que tu pénètres, le taux importe peu".)

2. Bon, ce n’est pas de ça que je voulais te parler.

Je voulais te parler du papier qui dans le même supplément de Libé te révèle, aux pages 32 à 37, que : "Dans les pays du Golfe persique, les femmes qui portent la longue et stricte abaya expriment leur élégance (et leur statut social) à travers des accessoires plus ou moins luxueux".

Et que, du coup, leur "allure" a : "Troublé et inspiré le photographe Jean-Baptiste Mondino".

Quand tu lis ça, n’est-ce pas : il faut que tu gardes en mémoire les 127.295 papiers où tu lu ces derniers ans que l’abaya est une relique des temps obscurs (du règne de Sauron), et que le foulard, à lui seul, est un signe d’appartenance au camp des hitlérien(ne)s.

(Je te rappelle, quand même, qu’à la faveur, si j’ose dire, d’une ancienne "affaire du foulard", une poignée de nos fins clercs nous signifia, par le moyen d’une (courageuse) pétition, que le seul fait de laisser trois collégiennes de banlieue s’encoiffer de ce foulard signalerait un nouveau "Munich".

On sait aujourd’hui, de façon à peu près certaine, que ces jeunes filles n’avaient aucune intention de lancer Guderian à l’assaut des Ardennes, et que par conséquent l’invocation de Munich était d’une connerie à pleurer, en même temps que d’une ahurissante obscénité.

On sait aussi que les mêmes penseurs de médias qu’offusque si fort le foulard "oublient" avec application de s’intéresser au sort des populations d’outre-périphérique autrement que par la stigmatisation de leur ontologie "ethnico-religieuse" (et que par conséquent, et à dessein évidemment, de la main droite ils alimentent les replis religieux qu’ils dénoncent de la main gauche - car le seul mot de "social", comme tu sais, les fait vomir).)

Tu dois te rappeler, disais-je, l’"affaire du foulard", car Libé, aujourd’hui, nous dit (en somme) que l’argent fait, comme la religion, des miracles - et que si la gueuse à foulard de la Seine-Saint-Denis est perdue pour la société, la Qatarie cossue a de son côté, sous l’abaya, toute sa place dans le cash flow de la mondialisation heureuse, car elle a compris, elle (qui est moins pauvre et moins sotte que les petites Rebeux de nos banlieues), qu’il suffit de "quelques accessoires plus ou moins luxueux" (mais plutôt plus que moins) pour que cette abaya ne soit plus (du tout) le symbole d’une soumission à l’obscurité religieuse, mais bien plutôt celui d’une sensualité qui donne des frissons aux stars de la mode (et à la presse publicitaire).

Ainsi, Mondino, croisant "deux femmes dans un aéroport de la péninsule arabique" (et pas n’importe quelles femmes puisqu’il s’agissait même de "silhouettes totalement masquées par une abaya, ce vêtement qui ne laisse voir que le regard des femmes"), s’est "imaginé beaucoup de choses", car : "En dépit de l’opacité du vêtement, on sentait l’harmonie du corps et sa jeunesse".

(Le féminisme fait rage - et quant à moi je ne te cache pas que pour ce qui serait du clichetonnage érotico-exotique, je préfère, de très loin, à la prose de Libé, celle de Gérard de Villiers, qui du moins ne se paie (certes) pas de grands discours à la mords-la-moi.)

Du coup, Mondino a "signé", pour Libé, une "série photos" (et non une vulgaire série de photos) qui "retranscrit ce trouble", et où : "L’élégance s’exprime différemment, même a contrario des habituelles icônes de la femme libérée".

(Mais, attention : "Il ne s’agit pas (…) de cautionner la situation des femmes" dans la péninsule arabique.

Oh ben non, alors.

Et naturellement : Libé, qui nous vend là de la bijouterie Chanel sur fond d’abaya (troublante) n’est pas du tout, du tout, l’organe de liaison des faux-derches.

Oh ben non, alors.)

Les quelques objets qui font la différence, dès lors que la femme libérée les ajoute à son abaya, sont, par exemple : une paire d’"escarpins en satin noir rebrodés de bijoux multicolores, de Christian Lacroix".

Une "manchette "Dentelle de Camélia" en or blanc et diamants, Chanel".

Une bague assortie, "en or blanc et diamants, Cartier".

Ou encore une (indispensable) "pochette en python mauve incrusté d’une pierre verte et parme, Giorgio Armani".

Etc.

J’ai un message perso pour Fatima, virée de son collège pour un foulard : la prochaine fois, jeune fille ?

Fais un effort.

Ne me dis pas que tu n’as pas de quoi t’offrir l’un de ces menus accessoires (en python mauve) qui auraient fait de toi un sex-symbol, plutôt qu’une réprouvée ?

Relation D’Un Voyage En Extrême-Flagornerie Le Bouc Emissaire A Ceci De Commun Avec Le Petit Pois Que La Droite L’A Toujours Chez Soi