Qui n’est pas un jour tombé sous le charme de cette jolie Danoise à l’air mutin, aux yeux sombres d’écureuil, à la voix un peu éraillée et légèrement enfantine ? Qui n’a pas adoré l’espiègle Marianne dans Pierrot le fou qui répétait "J’sais pas quoi faire ! Qu’est-ce que je peux faire ? " ? Qui n’a pas admiré le couple symbole de la Nouvelle Vague qu’elle formait avec Jean-Luc Godard, union de la candeur et de l’intellect ? Qui ne l’a pas trouvée parfaite pour s’en faire un modèle dans la comédie musicale de Serge Gainsbourg où Anna susurrait à Brialy "Ne dis rien" ? Qui peut rester indifférent au charme éternel d’Anna Karina ?
Et puis, cette Karina-là, c’est le puissant condensé de toute une époque à jamais révolue, qui ne laisse prise qu’à la nostalgie et au regret de l’innocence perdue. Les sixties, la Nouvelle Vague et bientôt Mai 68. Un vent de liberté et de jeunesse qui semblent éternellement acquises. On envie sa simplicité, sa modestie, sa façon de ne jamais vouloir se mettre en avant tout en l’étant malgré elle. Il paraît que cela s’appelle l’aura.
Vivre sa vie de Jean-Luc Godard
Pour Jean-Luc Godard, en 1962, Anna Karina devient Nana, une jeune femme rêvant de cinéma qui sombre dans la prostitution. Fragments de visage dans un miroir pendant une scène de rupture, quelques larmes pendant la projection de La Passion de Jeanne d’Arc, l’amour avec un garçon qui lit de la poésie, la mort. L’impression que Karina joue parfois dans un documentaire, puis le retour brutal à la fiction.
J’aime bien la deuxième séquence où elle semble si timide et essaie de fuir la caméra.
Alphaville de Jean-Luc Godard
© StudioCanal
Chanteuse, mannequin et légèrement actrice à ses débuts au Danemark, Hanne Karin Blarke Bayer débarque à Paris à 17 ans et tombe sur Coco Chanel, ça ne s’invente pas, qui la rebaptisera Anna Karina. Joli baptême. Toujours par une quasi et sublime inadvertance, elle rencontre Godard qui tombe amoureux d’elle et en fait son égérie. Le petit soldat, Une femme est une femme, Vivre sa vie, Bande à part, Pierrot le fou, Alphaville, Made in USA sont les films qu’elle tournera avec lui.
Le petit soldat de Jean-Luc Godard
Côté chanson, c’est Gainsbourg qui lui écrira un collier de perles inoubliables de Sous le soleil exactement à Ne dis rien. Mais en 1999, Philippe Katerine va déterrer sa poupée vivante, un peu à la manière de Daho avec Françoise Hardy (quoique pas tout à fait) mais surtout Morrissey avec Sandie Shaw, en lui écrivant tout un album, Une histoire d’amour. Un titre qui va si bien à Anna Karina.
Bande à part de Jean-Luc Godard
« Et un jour je reçois un télégramme me disant : « Voulez-vous vous présenter chez Georges de Beauregard ». J’y suis allée et là, j’ai vu Jean-Luc Godard pour la première fois, avec ses lunettes noires (qui étaient des lunettes de vue). Il m’a dit « Oui, vous avez le rôle, mais il faut vous déshabiller ». J’ai dit « Je ne me déshabille pas ! » et je suis partie. Il a été étonné et m’a dit : « Mais je vous ai vue toute nue là, dans Palmolive… ». C’est lui qui avait vu quelque chose, car je peux vous dire que l’on ne voyait rien, à part une épaule qui dépassait…C’était son imagination. J’ai ensuite fait d’autres photos, mais pas très longtemps, et aussi des défilés de mode pour Cardin, pour des assistants de Christian Dior qui devaient avoir 21 ans et moi 18. Ils voulaient me prendre sous contrat pendant 3 ans, mais je ne voulais pas. Le temps passe et trois mois plus tard, pour A bout de souffle Godard me propose un tout petit rôle. Il m’envoie un télégramme me disant : « Cette fois-ci, ce n’est peut-être pas pour le rôle principal… » (tenu par Jean Seberg). Ensuite nous avons travaillé ensemble et nous nous sommes mariés, puis séparés, ce qui a été un vrai déchirement. » (Source www.filmsdefemmes.com)