Clearstream
Fin août, le procureur de Paris déclare que Dominique de Villepin a été « un des bénéficiaires collatéraux, mais parfaitement conscient » de la machination Clearstream, cette invraisemblable affaire de pieds-nickelés qui a fait marcher tout le monde. Tollé de la défense : le parquet cherche à faire pression sur la justice.
Pourtant, le procureur avait seulement repris la teneur de son réquisitoire définitif, le résumé écrit du dossier par lequel il propose, en fin d’enquête, les accusations à retenir.
De plus, le parquet n’y retient qu’un fait : l’ancien Premier ministre aurait sciemment omis de prévenir la justice que les listings étaient des faux dès qu’il l’a su via des enquêtes officielles (en particulier, celle –rapide- de la DST) à partir de juillet 2004 ; pour le procureur, l’ancien Premier ministre n’est pas l’instigateur de la machination mise en place au printemps 2004. En revanche, pour les 2 juges d’instruction, Dominique de Villepin est l’auteur de la machination et aussi son bénéficiaire.
Puis, coup de théâtre : le Journal du Dimanche du 6 septembre révèle que, dans le dossier des frégates, le juge d’instruction d’Huy, a entendu Imad Lahoud, ‘l’inventeur’ des célèbres fichiers car Lahoud est aussi un acteur du dossier des frégates. Lahoud a déclaré qu’il avait lui-même ajouté les pseudonymes de Nicolas Sarkozy sous une codirection Villepin / Gergorin. Ce procès-verbal n’a pas été versé dans le dossier Clearstream que juge en ce moment le tribunal.
Tollé de la défense : le juge d’Huy –qui avait aussi instruit le dossier Clearstream- aurait continué à instruire à charge ; en s’abstenant de transmettre au président du tribunal qui va juger l’affaire le dernier PV Lahoud, lui et le procureur feraient pression sur la justice. Et la défense de Dominique de Villepin de demande la communication du procès-verbal.
Curieuse réaction car c’est accorder une importance démesurée à un procès-verbal qui accable(rait) l’ancien Premier ministre. La défense de Dominique de Villepin aurait pu mieux souligner les points suivants. Tout d’abord, si le juge d’instruction n’a pas transmis le procès-verbal au tribunal alors que cette pièce conforte sa thèse de la manipulation par Dominique de Villepin, c’est que peut-être un doute l’habite soudain. Ensuite, si le procureur de la République ne l’a pas fait non plus, c’est qu’il continue à croire que l’ancien Premier ministre n’est pas impliqué dans la machination. En clair, le feu de l’accusation semble faiblir (un peu). Dominique de Villepin devrait s’en réjouir.
Il est vrai que Imad Lahoud paraît peu fiable. Le JDD du 13 septembre publie l’interview d’un de ses coturnes à La Santé : Lahoud lui aurait expliqué en substance qu’il fabriquait ses listings tout seul pour régler des comptes ‘perso’. Il n’était pas question alors d’y inclure le nom ou le pseudonyme de Nicolas Sarkozy. Autre révélation du week-end suivant : M. Piloquet, beau-frère de Villepin, aurait surpris Lahoud et une jeune femme, fille d’un policier des RG, dans son propre bureau ! Lui et Lahoud se connaitraient car leurs enfants fréquentent la même école… Selon M. Piloquet, quand il a surpris le couple, elle et lui pirataient son ordinateur. Or, c’était au moment où l’enquête Clearstream battait son plein ! Quelle coïncidence !
Ces comportements d’hurluberlus viennent de loin : n’a-t-on pas vu deux fous (MM. Gergorin et Lahoud) faire croire n’importe quoi à l’élite du corps judiciaire ? Comme s’il était crédible que le gotha de la politique –droite et gauche confondues- et celui des affaires puissent avoir tous ensemble des comptes chez Clearstream ! N’a-t-on pas vu encore un maître espion (le général Rondot) mettre des mois à douter de la véracité de ce montage grotesque quand 15 jours suffisent à son collègue de la DST ? Et le même général noter ses secrets dans ses petites fiches ? Espérons que le patron du Mossad ne dicte pas les siens à sa secrétaire sur la plage de Tel Aviv.
Enfin, à force de vouloir faire de cette affaire judiciaire l’occasion d’un combat politique à mort contre Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin prend le risque de convaincre le tribunal que sa haine contre le Président a pu l’amener à de regrettables écarts de nature pénale.
Ainsi, se produire en famille devant les caméras au moment de l’audience pour clamer qu’il est ici par la volonté d’un seul homme –Nicolas Sarkozy-, c’est oublier qu’il y est surtout par celle de deux autres hommes : les deux juges d’instruction MM. Pons et d’Huy. Trois hommes le savent bien : les trois magistrats du tribunal saisi de l’affaire depuis le 21 septembre. Nier les réalités judiciaires, c’est prendre ceux qui jugent pour des imbéciles. C’est dangereux
Quant à la défense de Nicolas Sarkozy, elle pourrait faire valoir que le Président de la République ne fait pas pression sur la justice : le procureur qui reçoit des instructions du ministre de la Justice membre du gouvernement, n’accable pas Dominique de Villepin.