Nous devrions, d’urgence, rebaptiser le si répugnant ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.
Nous devrions, d’urgence, le regarder pour ce qu’il est devenu : un ministère de la mort (des sans-papiers).
Le ministère de la mort (des sans-papiers).
Le ministère le plus emblématique, évidemment, de la (presque) première année de règne d’une droite enfin décomplexée, qui ne s’embarrasse plus (du tout) de vieilleries humanistes.
Dans "Le Monde", hier soir, une réalisatrice du nom Marie Vermillard livrait son témoignage - glaçant : elle a vu passer vendredi, comme elle sortait du RER, feu Baba Traoré, coursé par deux keufs en civil, quel beau métier vous faites, messieurs, juste avant qu’il ne se jette à la Marne et n’en meure, pour la seule raison qu’il n’avait pas de titre de séjour.
Marie Vermillard demande : "La mort d’un homme pour ça ?"
Cette poursuite démente pour un homme qui court et n’a rien fait ?"
Marie Vermillard observe : "Ces deux policiers si convaincus sont les artisans zélés d’ordres terrifiants.
Quelque part en haut, dans la sphère politique, quelqu’un a déclaré une guerre impitoyable à ces hommes et ces femmes venus de loin pour essayer de vivre ici un peu mieux.
D’autres hommes prennent le relais, décident de stratégies policières, de mesures à prendre pour lancer la chasse à l’homme et l’exclusion du territoire.
Au bout de la chaîne, deux policiers courent sans savoir après qui, ni pourquoi, juste parce qu’un jeune homme court et qu’il est présumé sans papiers".
(Et à la fin : il crève - mais c’est qu’on a, au ministère de la mort, une statistique à tenir.
25.000 "clandestins", vois-tu : ça ne se rafle pas en un jour.)
Marie Vermillard conclut : "C’est insupportable, et nous le supportons".
Oh oui, nous le supportons.
Nous avons supporté que meure, en septembre : Chulan Zhan Lui, qui a préféré se défenestrer, plutôt que de tomber entre les mains des chasseurs de sans-papiers.
Nous avons supporté que meure, en février : John Maïna, qui a préféré se pendre, plutôt que de rester entre les mains des chasseurs de sans-papiers.
Nous venons de supporter que meure : Baba Traoré, qui a préféré se noyer, plutôt que de tomber entre les mains des chasseurs de sans-papiers.
Oh oui, putain, nous supportons le ministère de la mort (des sans-papiers).
Nous supportons le régime insane qui chasse des êtres humains au seul motif de leur(s) origine(s).
(Ca ne te rappelle rien ?)
Et naturellement, désormais : plus que l’ignominie des chasses du comte Sarkoff, c’est notre si longue patience, au fur et à mesure que meurent des fuyard(e)s, qui va devenir insupportable.