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Jacques Marseille Déplore Que L'Immigré Coûte Si Cher - Et Nous Suggère Du Coup De Cesser De (Trop) Nous Repentir

8 avril 2008 à 17h39

Jacques Marseille est ce fonctionnaire, tu sais, qui, dans les pages de l’hebdomadaire (désinhibé) "Le Point", où il tient chronique, défèque régulièrement, et d’une très haute hauteur, sur les fonctionnaires - ses frères.

En sorte que nous sommes fondé(e)s à supposer que l’expression : "Mordre la main nourricière".

A été inventée pour lui.

Ces temps derniers, cependant, attiré semble-t-il par des horizons où il est facile, dans l’époque, de poser au penseur, Jacques Marseille délaisse un peu sa phobie de prédilection, pour s’aventurer sur le terrain, nouveau pour lui, de la philosophie de gros niveau – telle que l’ont déjà popularisée nombre de clercs de chevet de Nicolas Sarkozy.

Il y a peu, il blaguait ainsi, avec une finesse kolossale, sur le sujet, il est vrai drolatique, de notre passé colonial.

Et le voilà qui cette semaine, à la page 54 de l’hebdomadaire (désinhibé) "Le Point", déplore, au moyen d’une "étude" qu’il présente comme un très "minutieux travail", que l’immigré nous revienne si cher.

Je vais, si tu le permets.

(De même, d’ailleurs, que si tu ne le permets pas.)

M’arrêter un peu longuement sur cette nouvelle contribution de Jacques Marseille à un meilleur épanouissement des Françai(se)s de souche.

Elle est en effet, tu vas le voir, très symptomatique d’un glissement collectif de nos experts de médias vers une fosse commune où un politologue de renom a distingué naguère, en des temps reculés où lui-même n’avait pas versé dans une pente affreuse, une ""lepénisation" de l’imaginaire social" (1).

(Il s’agissait, tu l’as reconnu, de Pierre-André Taguieff, et c’était, conviens-en, foutrement bien trouvé.)

Le titre de la tribune de Jacques Marseille en dit long, déjà, sur la joliesse des sentiments qui l’animent : "Bienvenue chez les Français".

(Anéfé, ça ressemble à une saturday night banderole façon Parc des Princes.)

Dès l’abord, Jacques Marseille nous prévient : il va, non sans hardiesse, briser un tabou.

Car, écrit-il : "Parler de l’immigration en France rend tremblante toute personne dotée de raison".

Pis : "Tenter (de) chiffrer les coûts et les bénéfices (de l’immigration) pourrait même valoir à celui qui s’y risquerait un procès devant le redoutable tribunal des bien-pensants".

La France, vue par Jacques Marseille, se divise donc en deux, un peu comme, jadis, l’Union soviétique : tu as d’un côté la tyrannie de la bien-pensance, puis tu as, de l’autre côté, une courageuse minorité, follement iconoclaste, qui ose réduire l’immigré à son coût, ainsi que cela se fait de n’importe quelle marchandise, et qui par conséquent ose (également) résister à cette ignoble tyrannie - et où se retrouvent, comme on verra, des libres penseurs aussi variés que Le Pen et Jacques Marseille.

Dans un deuxième temps, Jacques Marseille nous annonce, reconnais que ce n’est pas rien, qu’il est, certes, minoritaire (on est souvent très seul dans le maquis des Glières), mais que, pour autant, il dit tout haut ce que pense tout bas la grosse plupart de ses compatriotes.

(Dis, ça ne te rappelle pas quelqu’un ?)

La (grave) question : "Quel est le coût réel de l’immigration ?"

Est en effet, affirme Jacques M. (et quant à moi je ne doute pas qu’il a procédé, avant de le proclamer, à de savants sondages) : "La question que se pose à mots couverts la majorité des Français".

(Je précise tout de suite que pour ce qui me concerne, cependant : c’est une question que je ne me pose jamais.

La dernière fois que je me suis demandé quelque chose à moi-même, et à mots il va de soi couverts, c’était ce matin, en relisant la page 54 de l’hebdomadaire « Le Point » de la semaine.

Je me suis demandé, à mots couverts, si Jacques Marseille est juste un prédicateur halluciné, ou si sa vie est comme un perpétuel poisson d’avril.)

Jacques Marseille, il va de soi, veut, lui, répondre à cette question-sur-le-coût-de-l’immigration-que-se-pose-à-mots-couverts-la-majorité-des-Français.

Il veut, sur un tel sujet, ainsi que je te disais : "Lever les tabous".

(Dans la vraie vie, Le Pen les a déjà levés pas mal de milliers de fois depuis vingt ans, ces tabous imaginaires, mais quand on aime, hein ?

On ne compte pas.)

Pour ce faire, Jacques Marseille, qui est aussi un homme de science(s), va se fonder (comme je te disais aussi au début de ce très long billet) sur une "étude" rédigée par un certain Jean-Paul Gourévitch, "spécialiste des migrations" - et que publie, c’est te dire si on est en terrain sérieux, l’association "Contribuables associés", auprès de laquelle feu Ronald Reagan passerait assez facilement pour un collectiviste forcené.

Jacques Marseille précise, naturellement, que l’étude en question est un "minutieux travail".

(Le fait est que le gars serait moyennement futé de se pointer en t’annonçant, j’ai là un document bâclé, ça ne t’emmerde pas si je t’en parle ?)

Sa première conclusion, présentée par Jacques Marseille, est totalement euphorisante : "Largement bénéficiaire pour ceux qui (…) ont décidé de migrer vers les pays du Nord, l’immigration est aussi un bénéfice pour le pays d’accueil".

Si je traduis, ça veut dire que l’Afr… L’immigré se gave grave, quand il débarque chez nous (avec, je le redoute, ses quarante-cinq épouses et ses 350 enfants), mais que nous aussi, on gagne au passage un petit quelque chose.

Par exemple – c’est toujours l’excellent Jacques Marseille qui parle : "Pour la France, le total des recettes provenant de la contribution des immigrés à la croissance nationale peut être évalué à un peu plus de 45 milliards d’euros".

Et ça, n’est-ce pas ?

C’est chouette.

Oui ?

Non.

Car, juste après t’avoir annoncé la merveilleuse nouvelle, Jacques Marseille t’en balance une autre, mauvaise au possible, qui te douche direct l’enthousiasme : "En additionnant les coûts sécuritaires (…), les cotisations non payées au seul titre du travail illégal (…), les fraudes à la TVA (…), les indemnités chômage versées aux immigrés, les prestations santé et vieillesse, les prestations familiales (…), on obtiendrait, pour les 6,8 millions d’immigrés en France (…), un peu plus de 70 milliards d’euros".

(Je te prie de noter, au passage, que la méthode retenue ici pour chiffrer le prix de l’immigration témoigne, en effet, d’une gigantesque rigueur scientifique : je ne vois pas qui, dès lors, pourrait décemment s’opposer à ce que plusieurs prix Nobel soient dès cette année décernés à Jean-Paul Gourévitch.)

Tu l’auras, je parie, toi-même calculé – mais Jacques Marseille, toujours très pédagogique, te le souligne au Stabilo : « 25 milliards d’euros de déficit, ce qui représente 1,4 % du PIB (…), tel serait le coût de notre politique d’accueil aux autres et d’ouverture au monde ».

Applaudissements nourris du Pen : « Mais putain, est-ce que ce n’est pas exactement ce que depuis vingt années je répète à longueur d’affiches ? »

Si, en effet : c’est.

Nous allons y revenir.

Auparavant, relevons, je te prie, que Jacques Marseille, après t’avoir (brutalement) révélé que l’Afr… L’immigré te coûte, l’affreux salopard, 25 milliards d’euros par an, soit, tout de même, près de 164 milliards de francs, te signale que, bien sûr, il ne faut pas (du tout) que tu en tires prétexte à un repli xénophobe : ce total, précise-t-il, "ne doit pas inciter à se recroqueviller en nos frontières".

Oh ben non, alors.

Je viens de te suggérer que ce mec te coûte un bras l’an, mais je ne voudrais surtout pas que tu cesses de lui faire de tendres bisous.

Jacques Marseille, toutefois, suggère que nous devrions, d’urgence : "Mettre un terme à toute forme de repentance sur notre prétendue xénophobie".

Car la xénophobie, en France, en 2008, et dans l’esprit très largement décomplexé de Jacques Marseille, n’est qu’un fantasme - comme vient de le confirmer, d’ailleurs, la profanation, près d’Arras, du carré musulman d’un cimetière militaire.

Le crâne message de Jacques Marseille est assez facile à comprendre, même pour un(e) béotien(ne) comme toi, ou moi : il conviendrait que nous cessions fissa de prétendre qu’il y aurait chez nous du racisme – puisque ces vils Afr… Immigrés nous piquent, tout de même, pas loin de 165 milliards de francs par an – qui valent bien que nous fermions les yeux sur d’éventuels (petits) manquements à l’amitié entre les peuples.

Au bal des rigolos de niveau 65 sur l’échelle de Bouglione, tu reconnaîtras sans peine Jacques Marseille : c’est le gars qui se déhanche sous la grosse boule à facettes, sur des rythmes nord-auvergnats.

Et s’il te plaît : redevenons (un peu) sérieux.

Le procédé consistant à concéder, sur la foi de très flous calculs, que l’immigration nous rapporte 45 millions d’euros par an.

Pour mieux hurler, juste après, qu’elle nous en ôte 70.

Et que par conséquent elle nous coûte 25 milliards tous les douze mois – tout en précisant que bien évidemment, il ne faut en tirer aucune conclusion xénophobe.

Le procédé, te disais-je, n’est pas seulement d’une burlesque perversité : il est, surtout, le remake, ou peu s’en faut, d’une représentation qui nous fut donnée déjà dans les années 1990, non par Jacques Marseille, mais par le Front national.

Voui, ma couille : el mundo est tout pétit, pétit, pétit – comme disait Don Quichotte, repassant pour la millième fois devant le même foutu moulin.

Les teupos du Pen, déjà, se prévalaient, en ces temps-là, d’une étude qu’ils présentaient comme un travail minutieux, rédigé déjà par un spécialiste, "juriste et économiste membre du "conseil scientifique" du FN" (2), et que "personne (n’avait) contesté", disait Bruno Mégret.

L’expert en question s’appelait Pierre Milloz.

Son étude, rigoureusement rigoureuse, croix de fer, croix de fer, si je mens je vais au cimetière, se présentait sous le nom de "rapport Milloz".

Et que disait le rapport Milloz ?

Le rapport Milloz prétendait que les immigrés, loin d’être alors, en France, 3,5 millions, comme prétendait le tribunal de la bien-pensance, étaient (déjà) 6,6 millions.

(6,8 millions, dit aujourd’hui Jacques Marseille, citant le rapport Gourévitch.)

Et ces branleurs, déjà, nous coûtaient "280 milliards d’euros au bas mot, pour la seule année 1995" - avertissait Milloz.

Déjà, tu l’observes : l’immigré nous pillait le portefeuille national – ce n’est pas moi qui vais t’apprendre comme ces gens-là sont filous.

Et, mon ami(e) : sais-tu comment Pierre Milloz arrivait à ce très impressionnant constat ?

Par l’addition du (gros) "nombre d’étrangers inscrits à l’ANPE" et "du coût supplémentaire que l’immigration fait supporter aux principaux services publics tels que l’école, la police, la justice, les prisons, les HLM ou la Sécurité sociale" - ainsi que le résumait alors (et encore) Mégret.

Maiiiiis diiiiis-donc ?

Ca ne t’évoque riiiiien ?

Ca ne te rappelle pas un peu la méthode retenue par Jack Mâwseille quand il fait la somme des coûts sécuritaires, des cotisations non payées, des indemnités chômage, et autres prestations versées aux immigrés ?

T’as bien compris le truc : vue de loin, comme ça, l’étude Gourévitch ressemble d’assez près au rapport Milloz – non ?

Or.

Problème.

Milloz, pour arriver à des chiffres alarmistes (au moins du point de vue de l’électorat du Pen), se livrait, certes, "à des calculs apparemment savants".

Mais cette mathématique, ainsi que l’avait impeccablement démontré Michèle Tribalat, "(relevait) plus d’un numéro de prestidigitation que d’un véritable travail statistique".

Michèle Tribalat observait : "La population étrangère ne connaît pas un développement séparé de la population française".

Elle ajoutait : "Il faudrait faire l’hypothèse d’un "apartheid" démographique pour espérer répondre, sans grande complication, à la question du coût de l’immigration" (3).

Il me semble, mais je peux me tromper, que ça n’a pas dû beaucoup changer, en l’espace d’une dizaine d’années.

Il me semble, pour le dire autrement, que ça vaut, si ça se trouve, pour l’étude Gourévitch comme ça valait pour le rapport Milloz.

Vois encore ce que Pierre-André Taguieff observait quant à lui, du temps qu’il disséquait la propagande frontiste : "L’expertise millozienne, supposée scientifique, est expressément opposée à ce que "répète l’établissement"".

Et vois ce que Jacques Marseille te raconte, dix ans plus tard : l’"établissement" devient, sous sa plume, "le redoutable tribunal des bien-pensants".

Et là encore, n’est-ce pas : la différence ne saute pas aux yeux.

Taguieff, et je finirai avec cette dernière citation, expliquait encore : "Ces accusations sont à la base (d’un) programme de xénophobie ciblée, visant d’abord l’immigration d’origine africaine et maghrébine".

Je crains très fort, je te l’avoue, qu’il ne s’agisse des mêmes relous méridionaux qui, sous la plume de Jacques Marseille, dix années plus tard donc, "ont décidé de migrer vers les pays du Nord".

(Le Scandinave, tu l’as noté, n’émigre que peu vers le Nord.)

Cela dit, je ne m’inquiète pas : l’important, par-delà d’infimes ressemblances entre ce que le FN disait hier et ce que Jacques Marseille énonce aujourd’hui, est que nous ne devons (surtout) pas, nous dit l’expert du "Point", nous "recroqueviller en nos frontières".

Oh ben non, derechef.

(1) « Face au Front national. Arguments pour une contre-offensive », par Pierre-André Taguieff et Michèle Tribalat, La Découverte, 1998. (2) Idem. (3) Idem encore.

FEMAR (Fillon Et Mélenchon Against Racism) Les Chasses Du Comte Sarkoff