Le mot "star", tellement galvaudé, ne lui convient plus car elle s’est élevée au rang d’icône. Sa seule évocation fait fuser les adjectifs : divine, sublime, parfaite, intemporelle, unique… Rarement actrice n’aura rayonné dans l’imaginaire collectif plus par sa propre personne que par les rôles qu’elle a incarnés. Même la sculpturale Marilyn Monroe survit surtout par la grâce d’une robe blanche qui s’envole au-dessus d’une bouche de métro (7 ans de réflexion) et le poupoupidou de Certains l’aiment chaud. Louise Brooks, elle, est sa propre image avant d’être une incarnation. Facile de reconnaître ce visage si singulier, encadré par des cheveux noirs et lisses coupés courts, mais peu se vanteront d’avoir vu Loulou ou de posséder Le journal d’une fille perdue dans leur dvdthèque.
Plus qu’une banale extase, Louise Brooks évoque aussi et en vrac : une féminité exaltée, une sexualité assumée et revendiquée, un naturel confondant comparé au jeu stéréotypé des acteurs du cinéma muet, une photogénie que relève justement du génie, une jeunesse quasi éternelle…
Louise Brooks a, de surcroît, eu la décence de vivre presque exactement ce qu’elle incarnait. Des amants, elle en a eu, des maris aussi, de même que des chagrins d’amour qui ne l’ont pas empêchée de briser des coeurs pour autant. Orgueilleuse, elle a délibérément tourné le dos à un cinéma américain qui ne l’utilisait pas à sa juste valeur. Courageuse, elle a traversé l’Atlantique pour tourner avec un réalisateur expressionniste allemand. Libre, elle a posé nue sans honte et sans drame.
Elle incarne encore étrangement l’éternel féminin empreint de toutes ses contradictions, qui ne veut pas sourire mais possède un sourire éblouissant, connue pour ses rôles du cinéma muet mais dont la voix accompagnait parfaitement le jeu. Qui peut dire quelle perte pour le cinéma cela aura été de ne pas avoir fait tourner Louise Brooks dans un vrai film parlant ?