Dans la cour de récréation d’une école primaire, je n’en doute pas (ou si peu que ça ne vaut pas d’être mentionné) : François Fillon impressionnerait, par la délicatesse de son talent dialectique, jusqu’aux élèves de CE2.
(A partir du CM1, je le crains : ça ne serait déjà plus si facile.)
Le problème, dès lors, vient de ce que François Fillon veut absolument se mêler de la conversation des grandes personnes, et que là, évidemment : la tétanisante médiocrité de son argumentation apparaît pour ce qu’elle est.
Ainsi.
Comme un "socialiste" néerlandais, moins étroitement affligeant qu’à son accoutumée, lui signifiait, gentiment, que : "L’envoi de renfort en Afghanistan est une décision politique plus que militaire", qui "s’inscrit dans" le "processus (…) du retour de la France dans l’organisation militaire de l’OTAN".
François Fillon a répondu que son opposition parlementaire : "Sûrfe sur l’antiaméricanisme primaire".
(Je dis bien : "Sûrfe".
Avec un "^".)
Nous avons là, tu l’as reconnu, l’un des chants (de marche) traditionnels, directement inspiré du folklore stalinien, de la droite régimaire - dont le refrain dit que : "Si tu fais pas exactement où George Walker te dit de faire, tu es un foutu raciste antiaméricain".
Je te rappelle, pour mémoire, que ce grotesque procédé fut théorisé, notamment, par Philippe Val, big boss de "Charlie Hebdo" et fameux gros penseur, qui écrivit, au mois d’octobre 2006, que : "L’opinion française est travaillée par une sorte de racisme antiaméricain auquel Bush sert de prétexte".
(J’en profite pour te signaler que le même Philippe Val, dans le "Charlie" de ce matin, écrit, et nous nous le garderons pour nos longues soirées d’hiver, que l’élection de Nicolas Sarkozy "à la présidence de la République est à la fois à son honneur, car il a su vaincre des préjugés racistes, et à l’honneur du pays qui l’a élu".)
Je ne vais pas m’enrouler sur l’usage, par le gouvernement décomplexé qui prétend régner sur nos vies, d’un chantage au racisme antiaméricain (primaire) qui présente ici le double avantage de vider le débat (qui n’a presque pas eu lieu) sur l’envoi de nouvelles troupes en Afghanistan de tout contenu politique, et (par conséquent) d’occulter que la droite régimaire ne dispose, pour justifier ce nouveau déploiement, d’aucune espèce d’argument rationnel.
Ce qui me gêne, là, tout de suite ?
C’est de retrouver, sur le sujet cette fois des JO et de leur éventuel boycottage, le même type de "raisonnement", exactement, non plus chez les fidèles groupies de Nicolas Sarkozy, mais sous la plume d’un "socialiste" - et non le pire, puisqu’il s’agit de Jean-Luc Mélenchon.
Je ne sais pas ce qu’il a, ce pauvre homme, mais voilà ce qu’il écrit sur son blog : "Pour moi, le boycott des jeux est une agression injustifiée et insultante contre le peuple chinois".
Et encore : "Ce qui se fait est une insulte gratuite et injustifiée contre les millions de chinois qui ont voulu et préparent activement les jeux".
Et enfin, litchi sur le gâteau : "Pour moi il flotte un relent nauséabond de racisme sur cette marmite !"
Tu le relèves : Jean-Luc Mélenchon raisonne, ici, comme François Fillon.
L’un te suggère que si tu ne t’alignes pas sur les positions afghanes de la camarilla bushique, tu es un raciste antiaméricain.
(Primaire.)
L’autre, sans plus de complexes, te glisse que si tu ne t’alignes pas sur les positions olympiques du Parti pékinois, c’est parce que tu n’aimes pas les Chinois.
Dans les deux cas, il s’agit de neutraliser la critique par la sciente confusion des peuples, et des régimes qui les représentent.
Dans les deux cas, le même prétexte un peu énervant, où ces peuples sont, bien à l’insu de leur bon vouloir, assez grossièrement instrumentalisés, vient disqualifier a priori (et a posteriori) toute mise en cause de ces régimes et de leurs choix politiques.
Bon, quand ça vient de chez Fillon, ça n’a rien de nouveau, ni par conséquent de surprenant.
Mélenchon, par contre, nous avait habitué(e)s à mieux.