En mars 2008, j’avais rédigé tout ça à propos du sort de Salah Hammouri. Depuis, il ne s’est rien passé. Sauf que Hammouri, à la demande de son avocate israélienne Léa Tsemel a décidé de plaider coupable de faits qu’il n’a pas commis "pour en finir et prendre sept ans de prison au lieu de quatorze".
Publié sur Bakchich en Mars 2008
Deux poids deux mesures. Alors que le Franco-israélien Gilad Shalit, détenu par le Hamas, est l’objet de toutes les attentions à Paris, le cas de Salah Hammouri, Franco-palestinien emprisonné sans raison en Israël, ne semble pas passionner notre délicieuse secrétaire d’Etat.
Pour Rama Yade, face aux droits de l’Homme tous les hommes sont égaux. Sauf qu’il y en a qui sont plus égaux que d’autres. De toutes façons, en matière d’égo, Rama est experte. Le 6 mars dernier, depuis son potager d’Ivry, c’est Jean-Claude Lefort, ancien député communiste qui balance un tir de mortier en direction de la Secrétaire d’Etat. Le sujet qui fait débat, c’est le sort de Salah Hamouri, un jeune Franco-palestinien emprisonné depuis trois ans en Israël, sans qu’aucun motif d’inculpation n’ait été fourni à l’intéressé. En fait, lors de son arrestation, à l’age de 19 ans, on a reproché à Salah Hamouri d’être passé en voiture devant le domicile d’un militant politique de l’extrême droite israélienne. La plaque d’immatriculation de la voiture du copain avec lequel il roulait a été enregistrée par une caméra vidéo.
Dans un premier temps c’est Joseph Convert, le président de la section de l’Ain de l’Association France Palestine Solidarité, qui écrit à Rama Yade pour lui signaler ce qu’il estime être un bug des droits de l’Homme qui touche un Franco-palestinien. On peut supposer, bêtement, que pour le gouvernement français, la peau de ce genre de citoyen vaut tout autant que celle d’une Franco-colombienne ou celle encore d’un Franco-israélien (le soldat Gilad Shalit)…
Dans son intervention auprès de Rama, l’ex-député Lefort relève les éléments de réponse fourni à Joseph Convert par le cabinet de Rama Yade. Et s’en indigne : « Mettre deux mois pour répondre à un courrier où l’urgence est en jeu est proprement incroyable face à une situation dramatique. Dans la réponse que j’ai sous les yeux, réponse faite en votre nom, votre chef de cabinet écrit deux énormités qui aboutissent à rendre bien peu crédibles et sérieuses vos actions en faveur des droits de l’Homme. Votre courrier affirme que Salah Hamouri « bénéficie d’une permanence médicale hebdomadaire », ce qui est strictement faux. On ne peut dire et écrire n’importe quoi, madame la Ministre. » Plus loin le fulminant courrier affirme que l’avocat de Salah Hamouri peut : « introduire une demande de mise en liberté provisoire ». Et Lefort reprend Rama de volée : « Cette démarche est impossible et affirmer cela témoigne d’une invraisemblable légèreté de la part de vos services. »
En effet, Salah Hamouri est sous le ressort de la justice militaire. Comme il semble très compliqué de l’incriminer, on le garde en prison sans grief ni jugement. Vingt audiences ont déjà été fixées pour régler le sort du jeune homme. Elles ont toutes été annulées fautes de témoins ou d’éléments tangibles capables de fournir une preuve contre lui. L’objectif de Tsahal est aujourd’hui de condamner le Franco-palestinien pour délit « d’intention » : s’il est passé devant la maison du patron du Shaas, Yossef Ovadia, c’était inévitablement dans la perspective de tuer ce dernier… Selon Lefort, Rama Yade aurait, également, dû s’étonner de ce que le jeune homme, arrêté en Cisjordanie occupée, ait été transféré en Israël alors qu’il s’agit là, dixit Lefort, d’un acte « contraire à la Convention de Genève. » En concluant son courrier, l’ancien parlementaire, qui a visité Hamouri dans sa taule, gratte où ça fait mal : « comment peut-on exiger d’un côté la libération du caporal Shalit, et de l’autre demander « un jugement rapide » pour Salah Hamouri ? Exigeons la liberté pour les deux ! » On s’écharpe au Conseil de Paris
Magie : le dossier Shalit, si on le met dans la même pile que le dossier Hamouri, se transforme en patate chaude. Le président de la République, Bernard Kouchner, Bertrand Delanoë, tout ce qui compte dans la politique française demande la libération de Shalit. Mais mettre dans la balance Hamouri, ça casse l’ambiance. La preuve : à la question posée lors d’un point de presse, « la libération d’Hamouri est-elle aussi nécessaire que celle de Shalit », Kouchner a répondu « Nécessaire n’est pas le mot. »
Quant à Delanoë, lui, c’est avec les Verts qu’il s’est cogné au sujet de Shalit. Ne voilà-t-il pas qu’un jour d’octobre dernier, des promeneurs ont découvert étonnés, érigés en grands panneaux dans le parc de Bercy, les portraits des trois soldats israéliens actuellement prisonniers. Trois soldats photographiés en civil. Donc, Shalit et deux autres conscrits qui eux, se sont fait prendre par le Hezbollah. La légende : « Paris attend votre libération » étant incompréhensible pour un citoyen non abonné à Haaretz ou l’Orient le jour. Cette étonnante exposition a fait du foin au Conseil de Paris. L’élue verte Marie-Thérèse Atalah, étonnée de voir la Mairie demander la libération de soldats d’un pays étranger, en a pris plein la pipe. Les coups sont venus des quatre coins, du PC au Modem, sur le thème : les Israéliens sont des citoyens, les Palestiniens des terroristes. Pierre Shapira, le comptable de Delanoë et élu PS, mettant le dernier clou au cercueil d’Hamouri : « Ce n’est pas au Conseil de déterminer la politique conduite par la ville de Paris. » Moralité, si vous vous faites arrêter, évitez d’être Palestinien.