Je ne sais pas jusqu’où nos journaleux iront, dans la stigmatisation maladive des mahométans (fanatiques), mais tout montre que, sur un tel sujet, ils n’ont pas vraiment de limites.
(Je te rassure : ça ne les empêchera pas (du tout) de continuer à se (et à nous) demander, à intervalle régulier de quatre ou six mois, s’il est encore permis de critiquer l’islam, ou si, ayé, on vit déjà sous le joug lourd des lois coraniques - mâme Dupont ?)
L’affaire du procès de Rennes, qui n’a pas (du tout) été renvoyé pour cause de ramadan, mais qui tout de même aurait pu l’être, et qui par conséquent vaut bien qu’on transige un peu avec la réalité factuelle, est à cet égard exemplaire d’une espèce de folie où le respect de la vérité ne doit surtout pas empêcher l’imputation - parce que bon, t’auras beau dire, t’auras beau faire : le musulman est flippant.
Je te rappelle ce qui s’est passé depuis deux jours, pour le cas (douteux) où tu n’aurais pas suivi, et, tu vas voir : c’est absolument ahurissant.
1. Hier matin, la nouvelle tombe, affligeante : à Rennes, le procès d’un braquage a été "renvoyé pour cause de ramadan", à la demande expresse des avocats d’un prévenu affaibli par son jeûne.
Aussitôt, la Chorale Des Sentinelles De La République (CDSDLR) entonne son coutumier chant de guerre, qui est que non, vraiment, il n’est plus (du tout) admissible que des muslims fanatisés nous chiffonnent si fort la fibre lâââââïque - trop, c’est trop, fait chier, merde.
Mâme Dupont.
Et vazi que je te sonne le tocsin, France, réveille-toi, les fils d’Allah te font dans les hauts de chausses !
Bon, finalement, hier après-midi, le procureur général de la cour d’appel de Rennes annonce que, non, désolé, pas du tout : le procès n’a pas du tout été renvoyé pour cause de ramadan.
Ce n’est "en aucune façon le motif du ramadan qui a été retenu", explique-t-il - et il me semble que ça veut dire que ce n’est en aucune façon le motif du ramadan qui a été retenu (si du moins les mots ont un sens), et là, évidemment, c’est la fin de l’affaire qui toute la journée a mobilisé la presse et la CDSDLR.
Oui ?
Non.
Paaaaas.
Du.
Tout.
Ce n’est pas du tout ce qui se passe : loin de considérer que l’épisode est clos, voilà que ce matin nos vaillants journaleux, dignes toujours, énoncent (gravement) qu’en effet le procès n’a pas forcément été renvoyé pour cause de ramadan, mais que bon, il aurait pu l’être, et ça, n’est-ce pas ?
C’est vachement inquiétant [1].
2. C’est même si vachement inquiétant que, ce matin, Libération proclame que : "Le tribunal fait le ramadan".
Et, certes, ce n’est pas complètement exact : c’est même assez faux, puisque, ainsi que je disais, le procureur général a précisé que justement, "ce n’est en aucun cas le motif du ramadan qui a été retenu" pour justifier le renvoi du procès.
Mais on ne va pas non plus se brider l’inspiration unesque pour de telles broutilles, hein ?
Dans la vraie vie, donc : le tribunal ne fait pas (du tout) le ramadan.
Mais ça n’empêche pas Libé de nous asséner que le tribunal fait le ramadan [2].
J’insiste un peu lourdement, pour que tu mesures bien toute la rigueur qui a présidé à la confection de la une de notre fameux quotidien barbichu.
Et justement, à propos de barbiche : dans son éditorial du jour, Laurent Joffrin, boss de Libé, écrit que "la décision de la cour d’appel de Rennes", dont nous savons qu’elle n’a pas été motivée par le ramadan, est "au pire (…) une concession - ou une maladresse - qui doit rester l’exception".
Là encore, tu m’excuseras, mais je vais la refaire lentement : Laurent Joffrin, qui sait pertinemment que la décision de la cour d’appel n’a pas été motivée par des considérations religieuses (et, en l’occurrence, musulmanes), écrit quand même, très posément, que la décision de la cour d’appel est une concession à des considérations religieuses (et, en l’occurrence, musulmanes).
C’est à se les monter en porte-clés, mais (naturellement) ça n’empêche pas Laurent Joffrin, qui est au fond un humaniste poli, d’ajouter que : "Pour le reste (…), on aurait tort, sauf à vouloir stigmatiser l’islam, de crier haro sur le ramadan, rite privé et pacifique" [3].
Tu l’auras compris, Laurent Joffrin se gagne, par son édito de ce matin, son billet pour le prochain grand bal des faux-derches, parce qu’il faut quand même un souffle d’ouragan, pour oser caqueter que c’est pas gentil de crier haro sur le ramadan quand on vient de faire sa une avec le-tribunal-qui-ne-fait-pas-le-ramadan-mais-qui-le-fait-quand-même.
3. Et s’il te manque une preuve ultime de la gigantesque tartuferie de nos journaleux ?
Tu vas directement à la page 4 de Libé.
Là, tu lis, abasourdi, que dans les tribunaux les reports de procès "pour motifs religieux" n’ont "rien d’exceptionnel".
Aaaaah ouais ?
Ah ouais.
Une avocate parisienne raconte ceci : "J’ai déjà demandé plusieurs fois des renvois pour des fêtes religieuses, kippour par exemple ; on les obtient sans difficulté".
Et ça, t’es heureux de l’apprendre, au détour d’un tout petit papier - parce que si mes souvenirs sont bons, jamais Libé n’a déploré à la une, et en lettres de vingt mètres de haut, que le tribunal fasse kippour, ou que le tribunal fête la résurrection de notre ami Jésus - alors que, si j’ai bien compris, ce sont des pratiques très communément admises.
Par contre, quand le tribunal ne fait pas le ramadan, Libé s’empare de cette manifestation d’intransigeante laïcité pour t’annoncer que le tribunal fait le ramadan.
4. C’est marrant, hein, comme c’est à chaque fois sur la gueule des mêmes suspects que ça finit par tomber.
Ca doit vouloir dire quelque chose.
Mais quoi ?
[1] Rappelle-toi : ils nous ont déjà fait le coup, naguère, avec la triste "affaire du RER D", où finalement la jeune affabulatrice n’avait pas (du tout) été agressée par des jeunes sauvageons d’origine maghrébine - mais ça aurait pu, et il n’était par conséquent pas complètement con d’organiser une frappe (médiatique) préventive.
[2] NB : Sur le même sujet, tu devrais lire ceci aussi, mon ami(e).
[3] Jamais Laurent Joffrin n’éprouve, tu l’auras sans doute relevé, un quelconque besoin de souligner que la communion est un rite privé pacifique : ce genre de rappel vaut seulement pour l’islam, qui se trouve ainsi, par le biais d’une mièvre exhortation à la tolérance, de nouveau singularisé.