C’est triste à dire, mais quant à moi, ces derniers temps, je le confesse : j’avais oublié jusqu’au nom de Fadelamara.
Non qu’elle ne fasse aucune étincelle au sein du gouvernement de guerre sociale qui étend sur nos vies son emprise (GDGSQESNVSE) : de toute évidence, les possessions de peuplement arabo-musulman que nous avons au-delà du périph… Les banlieues, voulais-je dire, vont mieux, ces temps-ci.
(Naaaaan, je rigole.)
Mais, je ne sais pas si tu l’as relevé : on n’entend globalement parler de Fadelamara qu’aux (brefs) moments où elle se laisse aller à des considérations de fond éventuellement inintéressant, mais dont la forme peut assouvir, l’espace d’une brève-en-trois-lignes ou d’une controverse à balles cent, l’inextinguible soif de superficialité de nos médias (qui mentent).
Ainsi, et de façon exemplaire, quand Fadelamara dit le mot "dégueulasse", ou quand elle dit le mot "chieuse" : tout d’un coup, on se (et nous) rappelle qu’il y a cette femme, au sein du GDGSQESNVSE, dont le nom est Mara, Fadelamara, et qui, la plupart du temps, n’existe, médiatiquement, que par l’usage qu’elle fait d’un vocabulaire (très) furieusement atypique.
Là, tout d’un coup : Fadelamara sort du silence où elle était plus ou moins (et plutôt plus que moins) cantonnée depuis qu’en juin dernier elle a dit comme ça "je suis une chieuse" - non pour donner son avis sur un quelconque sujet en lien direct avec sa fonction au sein du GDGSQESNVSE, mais bien plutôt pour se porter au secours d’un hère que des salopards (dégueulasses) traînent dans la boue, et qui n’a que peu de moyens pour se défendre, puisqu’il s’agit de Bernard Tapie.
Fadelamara, donc, et si j’en crois ce qui s’écrit là, explique "les ennuis judiciaires de l’ancien homme d’affaires" par, dit-elle, son "appartenance à la classe populaire".
Bon, ces "ennuis judiciaires" sont relativement supportables : je te rappelle quand même que le gars vient de se faire voter (par des voies dont quant à moi je n’ai pas complètement compris tous les tortueux détours) 285 millions d’euros d’une "indemnisation" qui représente par conséquent 712.500 fois le montant de ton RMI, et qui d’après Le Point de ce matin (où l’on a très fort le souci de l’usage qui est fait de nos impôts), nous "en coûtera 11 euros par foyer".
(Onze euros, n’est-ce pas : on peut considérer que ça ne représente jamais que 5,5 numéros de Charlie Hebdo, mais quand le 15 du mois tu cherches au fond de ton foutu porte-monnaie de quoi te payer ta nouille de chez Lidl, ça devient gigantesque.)
Pour ce qui me concerne, je l’annonce tout de go à nos brigades financières : je me sens assez disposé à endurer le même ennui judiciaire que de mauvaises gens ont infligé à Bernard, si au bout du compte je m’en sors avec autant de millions d’euros - dussé-je, la mort dans l’âme, revendre ma lugubre mansar… Mon hôtel-particulier-de-la-rue-des-Saints-Pères.
Maintenant que j’y réfléchis : je vous aime bien, tou(te)s, mais je ne souhaite rien tant que de vous ponctionner de onze euros chacun(e) - vazi, passe la némo, et tu vas voir comment que je m’exile vers le sable fin.
Et alors, comme je disais : Fadelamara, plutôt que de nous dire enfin en quoi son inétgration à la dream team régimaire serait d’un quelconque effet sur la vie quotidienne du petit peuple des villes, préfère considérer que si Tapie souffre (d’avoir à encaisser tous ces millions d’euros), c’est parce que, tout comme "un certain ministre qui s’appelait Bérégovoy avait à l’époque été décrié parce qu’il appartenait à la classe populaire, Tapie n’échappe pas non plus au fait qu’il appartient à la classe populaire", et parce qu’il endure, lui aussi, une "sorte de mépris social".
(Non moins que Jean-Pierre Tapie, tourneur-fraiseur pré-licencié, qui cependant, et quant à lui, ne place que peu d’espoir(s) dans le possible versement d’une indemnité à 200 millions d’euros.)
Tu lis ça, n’est-ce pas ?
Tu sens monter comme une envie de te les mettre en sautoir, pour bien montrer que toi aussi tu oses tout.
Puis tu songes, nécessairement, que Fadelamara, depuis son adoubement par le GDGSQESNVSE, se manifeste peu, aux moments (incessants) où son employeur, class warrior de compétition, met de rudes coups de talonnettes aux crânes des ressortissants de la jolie "classe populaire".
Pour le dire autrement : je ne suis pas (encore) certain que le cap Nègre soit, pour descendre vers les soucis de la plèbe commune, le promontoire idéal - mais ça n’empêche pas du tout la secrétaire-d’Etat-à-la-Politique-de-la-ville de répéter que "Bernard Tapie n’est pas loin d’être jugé aussi parce qu’il appartient à la classe populaire", puis de saluer, tant qu’à y être, je te jure que je n’invente pas, le "courage extraordinaire" du chef de l’Etat français, agade comment qu’on flagorne, "pour l’avoir nommée", elle, "au gouvernement", avec aussi Rachi2dati et Rama Yade, qui sont comme elle "des filles qui appartiennent aux classes populaires".
(Turellement : si Rama Yade "(appartient) aux classes populaires", tu peux m’appeler Jojo Lumpen.)
Un peu d’attention, je te prie : nous avons là un condensé de ce qui se fait de mieux, ces temps-ci, en termes de propagande - je veux parler bien sûr de l’espèce de chantage permanent à de prétendues phobies (et autres "ismes" en tout genre) qui désormais permet de faire passer n’importe quelle énormité.
La méthode est connue : c’est la même qui a servi à Rama Yade, justement, quand elle a proclamé que si des "socialistes" n’étaient pas complètement de son avis sur la vie, ben c’était qu’ils étaient sous l’emprise d’un laid racisme.
La méthode est connue : c’est la même qui a servi à Franz-Olivier Giesbert, le big boss de Le Point, quand il a énoncé que toute opposition aux choix de Rachi2dati venait de ce qu’elle "est d’origine immigrée, comme on dit. Pour être précis, algéro-marocaine. En plus de ça, circonstance aggravante, c’est une femme. Inutile de vous faire une dessin".
La méthode est connue : c’est la même, depuis des années, qui sert à la "nouvelle" réaction (et donc à Philippe V.), pour te dire que si tu n’aimes pas le sifflement des turbines des F-111 de George Bush, t’es sûrement rongé par de l’antisémitisme.
Là, si tu entrevois que Tapie n’est pas forcément la victime sacrificielle du libéralisme conquérant ?
Ben c’est que tu exsudes un fort "mépris social".
(En sorte que, tu l’auras deviné : si tu n’es pas complètement réactionnaire en 2008, c’est au fond parce que tu n’aimes ni les Noirs, ni les Rebeus, ni les pauvres.)
On en rit, aux éclats.
Et juste après on observe, ça va de soi, qu’il y a là, pour de bon, l’articulation d’un authentique mépris, où le populo n’est plus guère qu’un large troupeau de crétin(e)s - si épais qu’on peut lui fourguer long comme le bras de la vessie.
Pour l’éclairer.