Sans doute sais-tu que Charles Enderlin subit, depuis quelques années, l’assaut acharné d’une poignée de probables fans d’X-Files persuadés (comme Thierry Meyssan l’est que nul avion ne fut jamais lancé contre le Pentagone) que la mort atroce à Gaza de Mohammed Al-Doura, 12 ans, était une mise en scène, et que par conséquent Charles Enderlin, qui la montra, est un "faussaire".
Il ne faut, bien sûr, jamais discuter, avec ces gens qui pensent que la-vérité-est-ailleurs, car, ainsi que l’a fort justement souligné un spécialiste reconnu (et non le moindre puisqu’il s’agit de Pierre-André Taguieff) de la conspiracy theory : "Pour celui qui croit à un complot, contester l’existence du complot, c’est faire partie du complot" (1).
Le débat est vain, donc.
Un gars vient t’annoncer qu’il a de ses yeux vu Elvis Presley danser le mois dernier un langoureux tango avec son ami Kennedy, sur un tarmac désaffecté de la base 51 ?
Tu laisses dire : y a pas de remède connu à trop d’emballement de l’imagination.
(Même : tu acquiesces.
Voui mon ami, tu dis, le King, Dieu merci, n’est pas mort - et je crois aussi que la Terre est plate, et que sa rotondité relève d’un montage de niveau 9 sur l’échelle de Roswell, mais ne le dis pas trop fort si tu ne veux pas que les conspirateurs du silence t’envoient leurs hélicoptères noirs.)
Puis tu te replonges dans la vraie vie, et la vraie mort hélas, telles que les narra Bôle-Richard dans Le Monde, il y a un mois exactement.
Son papier ce jour-là relatait la mort à Gaza de Maryam, 14 ans, tuée par l’armée israélienne - sans trop de mise en scène.
Son papier ce jour-là relevait que : "Selon l’ONU, 58 enfants palestiniens ont été tués depuis le début de l’année dans la bande de Gaza".
(Mais il est vrai aussi, et tu te le feras facilement confirmer par n’importe quel milicien du Montana un peu au fait de la-vérité-cachée-derrière-la-vérité, que pour ce qui est de fomenter du gros complot, l’ONU se pose un peu là…)
(1) "L’Imaginaire du complot mondial", Mille et une nuits, 2006.