Tristes comiques
25 novembre 2008 à 18h46Pour mon centième anniversaire, qui aura lieu dans 15 jours si je supporte la crise, je supplie les amis qui me restent de ne pas organiser de lecture publique de mes œuvres, forcément sublimes. Pourtant, au cas où cette idée leur viendrait, je leur demande sur le ton de l’instante prière de décommander les diseurs suivant : Alexandre Adler, Ali Baddou, Georges-Marc Benamou, Raphaël Enthoven, Irène Frain, Claude Imbert, Jacques Julliard, Blandine Kriegel, Bernard-Henri Lévy, Serge Moatti, Emmanuel Pierrat, les Poivre d’Arvor, Philippe Val.
Aucun homme au monde ne méritant d’être assassiné par un tel peloton, qui, juristes consultés, relève de la Cour internationale de Justice Pataphysique. A l’instant de mon centenaire, les quatorze que je viens de citer risquent pourtant d’être encore chauds, bouillants du coup de grâce qu’ils auront donné (le 28 novembre quai Branly) à ce pauvre Levi-Strauss qui ne leur a pourtant rien fait.
La jolie idée, celle d’un enterrement sous les mots (sous les maux), est née dans la tête du metteur en scène Daniel Mesgish. C’est lui qui a convoqué « une pléiade » de merveilleux penseurs, uniques, pour souffler les cents bougies du camarade Levi-Strauss. J’espère qu’on ne fera pas lire à Adler le passage d’un bouquin où l’anthropologue écrit un truc bizarre : « comment peut on pleurer sur le sort des indiens sans s’alarmer pas sur celui des palestiniens… ».
Le merveilleux vieillard vaut beaucoup mieux que la majorité de ceux qui vont lui tenir l’encensoir, manière de se concélébrer eux-mêmes. Puisqu’il n’y aura personne pour rappeler l’anecdote, je me souviens d’une interview de CLS dans Newsweek. Il racontait la difficulté qu’il avait eu à convaincre un homme d’affaires que "se lancer dans le business" à ses côtés ne l’intéressait pas. Par courrier, l’entrepreneur harcelait Levi-Strauss sur le thème : « En additionnant votre nom à mes compétences commerciales, nous allons faire fortune dans la fabrique du blue jean ! »