Il est vrai qu’elle s’est affranchie de certaines règles du jeu du pouvoir chez les singes.
Le fait que Carla Bruni ait influencé son mari, n’est pas en soi un acte transgressif. En effet, chez les singes, la femelle préférée du dominant n’hésite pas à demander à son chef de harceler telle rivale ou au contraire de protéger ses amies ou sa famille. Un petit signe discret de sa part, un regard suffit pour que le chef comprenne la volonté de sa femelle ; charge à lui de passer aux actes, d’attaquer, de porter secours… au regard de tous.
Pour que l’honneur du chef soit sauf, il suffit que la femelle agisse discrètement. C’est là que le bât blesse. Carla Bruni n’a pas agi dans l’intimité de l’alcôve. Elle a reconnu avoir pesé dans la décision de son mari. Sa sœur et elle ont alerté et sensibilisé le chef de l’état pendant plusieurs mois sur le sujet. C’est ce que le lecteur comprend en lisant l’interview de Carla Bruni dans Libération. Et surtout elle a annoncé la décision elle- même à l’intéressée, Marina Petrella. Donc c’est elle qui au final obtient le bénéfice de cette décision.
C’est d’autant plus regrettable que cet épisode s’inscrit dans un contexte de crise. En période de pénurie alimentaire ou face à des prédateurs redoutables, le chef primate doit se montrer fort, courageux, déterminé. Et surtout pas versatile, il doit tenir ses engagements. La crise économique pose un problème de confiance. Si le chef perd sa crédibilité, alors c’est la confiance qui est menacée. C’est pourquoi cette affaire Carla-Marina prend une dimension symbolique.
Certes non. Chez les singes, les femelles préférées des dominantes jouent un rôle essentiel au sein de la tribu, notamment pour préserver la paix sociale. En tant que femelles, elles ont pour souci numéro 1 d’assureur la protection de leurs enfants. Sachant que les conflits internes représentent des périodes à haut risque pour les femelles et leurs enfants, elles ont tendance à prêcher la tolérance, la clémence et la réconciliation. Pas étonnant que les Premières Dames s’engagent volontiers sur le terrain de l’humanitaire. Le hic, c’est que les frontières entre l’humanitaire et l’action politique sont plutôt floues. En amenant le président à revenir sur ses engagements vis à vis du gouvernement italien et ce pour la cause d’une ex terroriste, Carla Bruni s’inscrit plus dans l’action politique que dans l’engagement humanitaire. Il n’est pas étonnant que certains s’interrogent sur la légitimité de son intervention. Après tout, les chimpanzés ne sont pas les seuls à élire démocratiquement leur chef, nous aussi nous votons pour un chef, et n’acceptons pas volontiers que celui-ci délègue ses décisions à ses proches. Ceci étant, le rôle de première dame n’est pas une mission aisée, elle est encore en phase d’apprentissage, faisons confiance à Carla Bruni pour apprendre à distinguer ce qui relève de son territoire de celui de son mari.