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Comte de Noël

mardi 2 janvier 2007 par Gilbert Comte
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Anne a huit ans. Peut-être plus, de dix à douze. Davantage encore, trente ou quarante, et même au delà ? Aux approches de Noël, son innocence toujours primesautière se révolte comme celle des enfants contre les impostures trop visibles du monde. Toutes ces messes de minuit imminentes, bientôt ensevelies sous des tonnes d’huîtres ou de saumons, de dindes ou de chapons la scandalisent. Et si, à travers tant d’agapes, Dieu changeait seulement de domicile ? Avec la diversité des cultes, il a l’habitude des déménagements.

Noël ensemble

Cette philosophie d’ours la révulse. Sa tête qu’elle a très intelligente proteste contreune hypothèse aussi simple. Alors, prenons-lui le bras, poussons-la dans la première église ouverte à n’importe quelle heure du jour. Autrefois, un peuple immense accourait, remplissait le sanctuaire, levait les yeux au ciel parmi les prières. Sa foi soutenait les voûtes comme les piliers de pierre. Puis elle s’en retira comme la mer abandonne à jamais certaines rives. À croire qu’elle en voulut soudain au Ciel de ses déceptions. Trop d’injustices, trop d’horreurs, dans un univers trop absurde.

Jusque vers 1950, de vieilles dames vêtues de noir s’y attardaient encore. Elles moururent. Personne ne les remplace. Demeurent entre les chaises vides toutes les tristesses d’un immense abandon. La flamme du Saint-Sacrement vacille encore ici-et-là sur l’Autel. Indication d’un sens interdit, ou feu à l’arrière d’un véhicule en panne définitive ?

Cent mètres à gauche ou à droite sur le même trottoir, la première grande surface venue, genre Monoprix, rutile mieux qu’une Pagode avec ses mille bougies. À l’intérieur, l’activité intense des magasins entretient la chaleur des grandes communions humaines. Même lorsqu’elle se paie très cher, la multiplication des pains se répète ici avec celle des yaourts. Parfois plus de quarante espèces différentes. Tous les parfums du Paradis. Chocolats, foies gras, champagnes offrent aux yeux plus de promesses qu’il n’exista jamais de jouissances dans le Jardin d’Eden.

Mieux, des discours encourageants, de suaves chansons descendent du Ciel par haut-parleurs interposés comme les cantiques, les prêches de la puissance publicitaire. La chaude proximité animale des cultes invincibles entraîne les clients-croyants jusqu’aux caisses. Ils procèdent en procession aux sacrifices nécessaires. Comme toute vraie religion, l’Abondance abolit le jugement au profit de l’extase. Ensuite, elle endort.

Elle disqualifie bien entendu toute concurrence. La Parole n’appartient donc plus aux curés, professeurs, journalistes parfois encore assez hardis pour croire qu’ils ont quelque chose à dire. Qu’ils disparaissent, qu’ils se cachent ou se couchent devant la Marchandise. L’Avenir ne veut plus de penseurs mais d’abord des jongleurs, des sauteurs, d’aimables présentateurs et surtout des animateurs. Sans parler des présentatrices onctueuses au front lisse, minois charmant, et intellect insignifiant. Oh ! ce coup du front lisse, il en retourne des résistances !

Comme tout totalitarisme sérieux, le Négoce ne s’intéresse qu’à lui-même. Aux autres seulement s’ils rampent, recherchent et aiment sa domination. Parce que de nos jours, la Religion, c’est le Commerce. Devant les synagogues, aux abords des mosquées, il marque un peu le pas. Et puis, avec les juifs comme chez les musulmans, rabbins, imams s’avisent encore à garder des têtes d’hommes. Le verbe toujours haut, ils parlent de certitudes. L’église de Rome recherche le consensus. Mot avec une bien mauvaise syllabe dès son départ.

De la chapelle au magasin, Anne a beaucoup battu des yeux. Elle change d’expression de minute en minute. Son âge redevient un mystère. Huit ans de nouveau, plus, moins, nul ne sait toujours. Les cheveux blonds, le sourire frais, les yeux d’azur donnent les meilleures espérances. Un vrai, un délicieux petit lapin de Noël.

Voir en ligne : in Bakchich # 14

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