Biens de consommation
LES PRÉOCCUPATIONS DES INDUSTRIELS
Gérer la complexité, être réactif
Les industries des biens de consommation s'adressent à un marché de masse où la compétition se joue à la fois sur les prix et sur la différenciation des produits. Dans ce contexte, l'industriel demande à la technologie de l'aider à résoudre deux types de difficultés : il s'agit à la fois de gérer la complexité du domaine des biens de consommation et d'augmenter la réactivité de l'entreprise face aux évolutions rapides des différents marchés nationaux et internationaux qui, en particulier sont pas nécessairement soumis aux mêmes habitudes culturelles ni caractérisés par les mêmes phénomènes de mode. La mise en réseau des différents acteurs, grâce aux nouveaux moyens de communication, facilite grandement la connaissance du comportement des marchés, et favorise la flexibilité tant sur le plan de la redéfinition rapide du concept du produit et de l'adaptation du process que sur celui du simple approvisionnement des centres de distribution.
Pour répondre au besoin spécifique du client ou pour justifier un écart de prix, chaque marque cherche à se différencier de ses concurrentes à travers soit le produit lui-même, soit son conditionnement. Cette différenciation a pour conséquence la mise en place d'une organisation nouvelle de la production. Il s'agit de pouvoir répondre à des demandes de petites séries, bien personnalisées. Le passage d'une fabrication en grande série à une fabrication de lots de plus en plus réduits est l'un des bouleversements les plus marquants qu'aient connu les systèmes de production ces dernières années. Cette évolution influence la conception des équipements de production et explique l'apparition de nouvelles machines-outils qui sont conçues pour changer rapidement de forme géométrique ou de type d'usinage. Toute la difficulté est d'associer ces différents impératifs dans une organisation productive performante et compétitive.
La technologie a aussi pour rôle d'améliorer la réactivité de l'entreprise face au marché. Il s'agit d'accélérer les délais de mise sur le marché : depuis la conception jusqu'à la commercialisation. L'informatique industrielle est au centre des dispositifs mis en place par les entreprises pour répondre à ces préoccupations.
La CAO et la CFAO permettent de raccourcir le délai de conception du produit. L'intégration des derniers développements des techniques informatiques dans les outils de CAO-CFAO étend leur champ d'application. Ainsi, en intégrant une base de connaissances (système expert), le système CFAO peut bénéficier de l'expérience accumulée par les ingénieurs de production, les programmeurs de commande numérique ou les opérateurs de machines- outils. Les logiciels permettent de concevoir des produits plus faciles à fabriquer et de mettre au point des stratégies de fabrication performantes : choix des machines, détermination des paramètres d'usinage, gestion de la trajectoire de l'outil, génération automatique de la programmation de la machine qui fabriquera la pièce.
La simulation permet de sauter les étapes pour réduire les délais, corriger les imperfections de la conception et réduire le nombre de prototypes.
L'ingénierie simultanée transforme le processus traditionnel de conception d'un produit : linéaire et séquentiel, celui-ci devient parallèle et collectif. La possibilité de réutiliser des solutions ou des documents existants, l'accès simultané aux mêmes données par des équipes travaillant en parallèle, une communication plus rapide et une fiabilité des données techniques supposent un accroissement considérable des données techniques à gérer. Travail coopératif ("groupware"), système de gestion de données techniques, gestion électronique de documents (GED) sont des "outils" de l'ingénierie simultanée.
La réalisation d'un prototype est souvent un des goulets d'étranglement de la conception. Le prototypage rapide devient un maillon capital du processus de conception et de développement, car il permet des gains de temps et de coûts qui peuvent être très importants, de l'ordre de 50 %.
Renverser le cycle commercial
L'évolution de la distribution et l'utilisation des technologies de la communication permettent une meilleure gestion des produits, en temps réel. Cela conduit à un renversement de la logique commerciale traditionnelle : au lieu de vendre ce que l'on a produit, on produira ce que l'on aura vendu. Les achats déclencheront la production.
On constate, dans de nombreux secteurs économiques, la mise en place de véritables maillages complexes d'entreprises en interaction les unes avec les autres. La quasi-absence de stocks intermédiaires rend les entreprises interdépendantes. Il est alors impératif de développer un système de communication performant. Une des possibilités passe par la mise en place de relations de type EDI entre les différents acteurs. Le mariage du "juste à temps" et du réseau apparaît comme la réponse la mieux adaptée aux exigences stratégiques actuelles de flexibilité et de productivité. Le "juste à temps", en réduisant les stocks au minimum, suppose une logistique performante : identification et suivi des produits, manutention, gestion des moyens de transport, localisation des véhicules, transbordement automatisé, etc. Il devrait avoir un impact majeur sur l'organisation des entreprises.
A côté de ces nouvelles formes d'organisation, se développeront des coopérations interentreprises visant à rationaliser leur fonctionnement et à accroître la maîtrise de l'information, de la technologie, de la qualité, des besoins clients, des délais, des stocks, des risques, des coûts. Ces évolutions remettent en cause les rapports entre les distributeurs et les producteurs.
En effet, des quantités considérables d'informations sont stockées dans les bases de données des entreprises sans être exploitées. Faute d'outils adaptés, les services commerciaux, marketing ou financiers ne peuvent effectuer tous les rapprochements et toutes les analyses souhaitables et pertinentes. Les nouveaux systèmes de collecte et de traitement d'information permettront de suivre à volonté les ventes ou les marges par produits pour connaître en temps réel le comportement d'un magasin ou d'une région, d'éviter qu'un magasin ne soit contraint de solder un produit dont les ventes s'essoufflent alors qu'un autre serait en mesure de le vendre au prix normal, d'analyser les données pour améliorer la rentabilité au mètre carré...
La meilleure qualité du "pilotage" de l'entreprise n'est pas le seul avantage attendu. L'accès direct aux données supprime de fait des tâches d'extraction et de mise en forme des informations. Il en résulte une baisse des coûts, à condition que l'utilisateur ne se laisse pas submerger par la quantité d'informations accessibles.
Mieux connaître l'usager final
Les industries des biens de consommation s'efforcent d'organiser leur système productif pour répondre, dans les meilleures conditions de coût, de qualité, de délais et de flexibilité, à la demande du client. Mais celle-ci reste difficile à appréhender, et plus encore à anticiper, car le consommateur exprime ses attentes de manière beaucoup moins claire, formalisée et raisonnée que ne le fait un utilisateur professionnel. L'industrie tend souvent à rationaliser à l'excès cette demande, ce qui la conduit à privilégier des critères techniques, plus faciles à définir et à mesurer, au risque de négliger les facteurs d'ordre subjectif (culturel, symbolique) et de se tromper sur l'usage réel qui sera fait du produit.
La démarche ergonomique repose sur l'observation et l'analyse de l'utilisation du produit par un panel correspondant à sa cible dans une situation la plus proche possible du réel. Il s'agit de mieux cerner l'utilisation future probable du produit, de repérer et d'analyser les difficultés rencontrées par les utilisateurs. Dans le cas d'un produit nouveau, le prototypage rapide permet de représenter la réalité. Pour des cas complexes, les expériences de modélisation du comportement humain menées pour l'automobile ou l'aéronautique devraient pouvoir être mises à profit.
L'objectivation du vécu est une autre voie pour mieux connaître l'usager final. Les perceptions des consommateurs délivrent des données incomplètes ou imprécises qu'il est possible de traiter par la logique floue, par exemple pour discriminer entre deux produits et mieux comprendre ses préférences. La métrologie sensorielle est un moyen de corréler le vécu du consommateur avec des propriétés physiques mesurables, ce qui facilitera le pilotage de la chaîne de fabrication (industrie textile) ou permettra de mieux définir le produit (cosmétiques).
D'une manière générale, les industries des biens de consommation cherchent tout simplement à analyser les usages réels. Un moyen élémentaire, mais très insuffisamment mis en oeuvre, est l'exploitation des informations que recueillent les services après-vente : celles-ci ne concernent pas que les causes de pannes, elles renseignent également sur les conditions et modes d'utilisation du produit, y compris les détournements d'usage.
Le marketing essaie, pour sa part, de prévoir les comportements d'achat futurs. Il commence aujourd'hui à construire et à exploiter des bases de données individuelles sur les consommateurs qui vont bien au-delà des données classiques (âge, sexe, catégorie socio-professionnelle...) et enregistrent des préférences (à partir de réponses à des questionnaires) et des comportements d'achat, en particulier des transactions réelles.
On peut ainsi mieux identifier les clients d'un produit, mieux cibler les populations auxquelles seront adressés des messages publicitaires spécifiques ou sur lesquelles seront testés de nouveaux produits ou de nouvelles stratégies commerciales. Les technologies concernées sont les systèmes de gestion pour bases de données, les logiciels pour architectures massivement parallèles qui permettent le traitement rapide d'énormes volumes de données, mais aussi les réseaux de neurones qui sont capables de construire des modèles statistiques décrivant les principales relations entre les données et permettent donc, de manière pragmatique, sans modèle préétabli de cerner le profil du consommateur "idéal" d'un produit.
Mieux connaître l'usager final, anticiper ses attentes et ses réactions, mieux appréhender les évolutions des mentalités collectives qui influent sur ces comportements : telles sont en définitive les préoccupations des industries des biens de consommation. Les méthodes du marketing peuvent apporter des réponses de court terme, et des technologies peuvent concourir à traiter ou analyser les informations, mais les sciences humaines et sociales, encore très insuffisamment mises à contribution, auront à l'avenir un rôle primordial à jouer.