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Législation communautaire en vigueur
Document 397D0807
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[ 13.10.30.20 - Secteurs de recherche ]
[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]
397D0807
97/807/CE: Décision de la Commission du 30 avril 1997 concernant l'aide accordée par l'Espagne à l'entreprise aéronautique Construcciones Aeronáuticas, SA (Casa) (Le texte en langue espagnole est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
Journal officiel n° L 331 du 03/12/1997 p. 0010 - 0017
Texte:
DÉCISION DE LA COMMISSION du 30 avril 1997 concernant l'aide accordée par l'Espagne à l'entreprise aéronautique Construcciones Aeronáuticas, SA (Casa) (Le texte en langue espagnole est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (97/807/CE) LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62 paragraphe 1 point a), après avoir mis les autres États membres et les parties intéressées en demeure de présenter leurs observations, conformément aux dispositions des articles précités, considérant ce qui suit:
I Aide accordée par l'Espagne La présente décision concerne l'aide de 7,21 milliards de pesetas espagnoles qui a été accordée à Construcciones Aeronáuticas, SA (ci-après dénommée «Casa») entre 1991 et 1993, dans le cadre du programme Casa-3000, projet de développement d'un avion turbopropulseur d'une capacité de 70 à 80 places. Le programme, dont la mise en oeuvre devait se prolonger jusqu'en 1998, a en fait été interrompu en 1994.
II Décision du 27 septembre 1994 Par lettre du 20 octobre 1994, la Commission a informé les autorités espagnoles de sa décision du 27 septembre 1994 d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité (1) à l'égard d'une aide d'État d'un montant de 32,897 milliards de pesetas espagnoles (près de 209 millions d'écus) accordée à Casa. Cette décision contenait une description du projet de l'intervention financière de l'État espagnol dans ledit projet et précisait les motifs de l'ouverture de la procédure. Le 17 février 1992, souhaitant apprécier les modalités de l'intervention de l'État, la Commission a adressé une demande d'informations aux autorités espagnoles (réponse des autorités espagnoles le 7 avril 1992). Des informations supplémentaires ont été demandées le 26 mai 1992 (réponse du 7 juillet 1992) puis, à nouveau, le 12 octobre 1992 (réponse du 6 novembre 1992). Cet échange de lettres a été suivi d'une réunion de la Commission avec les autorités espagnoles, le 8 juillet 1993. Des informations supplémentaires ont été demandées le 12 août 1993 (réponse du 13 septembre 1993) puis le 6 octobre 1993 (réponse du 29 octobre 1993) et une lettre complémentaire datée du 4 août 1994 a été reçue des autorités espagnoles. Des informations obtenues, dont l'essentiel a déjà été présenté lors de l'ouverture de la procédure, il ressort que, le 27 décembre 1991, Casa et le ministère de l'industrie, du commerce et du tourisme de l'époque avaient signé un accord de coopération concernant le projet Casa-3000, dont l'objectif était de développer un avion turbopropulseur d'une capacité de 70 à 80 places. Casa opère dans le secteur de l'aéronautique et ses activités portent sur la conception, le développement, la fabrication, l'assemblage et la certification d'avions civils et militaires. Par ailleurs, elle collabore, en qualité d'associé ou de sous-traitant, avec les principaux constructeurs mondiaux d'avions, pour la conception, la fabrication et la certification d'éléments d'avions (en particulier des éléments de grande dimension à base de matériaux non métalliques), de composants de satellite et de structures pour vecteurs de lancement. Elle assure en outre l'entretien d'avions pour le compte des armées de l'air espagnole et américaine. Ses activités principales comprennent également une participation au programme du satellite Ariane, au consortium Airbus et au projet Eurofighter. L'accord du 27 décembre 1991, dont le principe avait été entériné lors de la réunion du Conseil des ministres du 20 décembre 1991, prévoyait l'octroi de prêts remboursables pour financer les étapes de faisabilité, de définition et de développement du programme Casa-3000, pour un montant correspondant à 32,897 milliards de pesetas espagnoles, versables sous forme de tranches annuelles entre 1991 et 1997, période prévue pour le développement de l'avion. Le montant des prêts a été fixé de façon à couvrir 70 % du coût du développement du projet. La phase consacrée à l'étude de faisabilité et à la définition de l'appareil s'est étalée sur 1991, 1992 et le premier trimestre de 1993, soit un retard de trois mois par rapport au calendrier prévu dans l'accord. La première phase du projet comprenait la mise au point du produit et de ses composants, l'essai des éléments à risque (notamment l'aérodynamique et les essais en soufflerie), la recherche de sous-traitants industriels et de clients pour la commercialisation de l'avion. Dans son article 3, l'accord prévoyait une possibilité de révision des clauses au terme de la phase de faisabilité et de définition, de sorte que le gouvernement puisse décider, en fonction des résultats obtenus, de maintenir son soutien au projet ou de se désengager. En cas de poursuite du projet, le gouvernement pourrait approuver, par cette révision, une estimation actualisée des coûts et du calendrier. Le 7 mai 1993, sur la base des résultats de l'étude de faisabilité et des travaux de définition, l'État a décidé de poursuivre l'exécution du projet, c'est-à-dire de passer à la deuxième phase, celle du développement. C'est ainsi que Casa et le ministère de l'industrie, du commerce et du tourisme ont signé, le 1er juin 1993, un accord complétant l'accord initial du 27 décembre 1991 qui confirmait le montant total du prêt initialement prévu, à savoir 32,897 milliards de pesetas espagnoles, et maintenait l'engagement selon lequel le prêt devait couvrir 70 % des frais. Une nouvelle programmation des activités a été adoptée pour le projet, avec un calendrier prolongé jusqu'en 1998, ce qui a conduit à un ajustement des montants de chacune des tranches annuelles versées par les autorités espagnoles. La deuxième phase du projet s'est déroulée entre 1993 et le moment de son abandon en 1994, imputable à un échec technique du projet. Dans la décision d'ouverture de la procédure, il était affirmé que le prêt de 32,897 milliards de pesetas espagnoles correspondrait à un financement de 44,3 % des coûts du projet, pourcentage obtenu en divisant le montant total du prêt, soit 32,897 milliards de pesetas espagnoles, par le coût total du projet, soit 74,263 milliards de pesetas espagnoles (environ 468 millions d'écus, chiffre communiqué par les autorités espagnoles dans leur lettre du 29 octobre 1993). La Commission ayant estimé qu'une intensité d'aide de 40 % était acceptable en cas d'échec du projet, elle a décidé de ne pas émettre d'objection à l'encontre du financement initial à hauteur de 40 %. Ainsi, dans sa décision du 27 septembre 1994, la part de l'aide équivalant à 40 % a été autorisée et une procédure a été ouverte à raison du pourcentage restant (4,3 %).
III Observations des tiers À la suite de l'ouverture de la procédure, deux États membres (les Pays-Bas et la Suède) et deux organisations privées ont présenté des observations. Certaines de ces observations concernaient la méthode de calcul des éléments d'aide contenus dans les prêts basés sur des droits de propriété industrielle et intellectuelle. Dans un cas, il était demandé s'il était vraiment opportun d'appliquer rigoureusement la politique des aides au secteur de l'aéronautique, eu égard aux difficultés que traversait l'industrie européenne de la construction aéronautique, tandis qu'un autre tiers lançait un appel en faveur d'une politique rigoureuse visant à éviter l'apparition d'une concurrence entre États membres à coups de subventions. Ces observations ont été communiquées à l'Espagne par lettre du 17 juillet 1995, à laquelle les autorités espagnoles ont répondu par lettre du 20 septembre 1995. Ces dernières souhaitaient pouvoir octroyer des aides plus importantes au secteur de l'aéronautique en raison de ses caractéristiques spécifiques et de ses difficultés et demandaient que les aides ne soient pas réduites tant que la restructuration de l'industrie aéronautique européenne n'était pas terminée.
IV Observations du gouvernement espagnol Après l'ouverture de la procédure, les autorités espagnoles ont communiqué des informations supplémentaires à la Commission par lettre du 12 décembre 1994. À la suite de la publication de plusieurs articles de presse faisant état d'un abandon du projet motivé par les perspectives peu favorables du marché, la Commission a, par lettre du 24 février 1995, demandé au gouvernement espagnol de l'informer de l'état d'avancement du programme. Le 22 mai 1995, cette demande a été réitérée. Les autorités espagnoles ont répondu le 15 juin 1995 qu'elles n'avaient accordé aucun financement au projet en 1994, qu'il en serait de même pour 1995 et que le projet était suspendu. Par lettre du 3 octobre 1995, d'autres informations ont été demandées aux autorités espagnoles, notamment au sujet de l'intensité de l'aide qu'elles considéraient comme applicable. La réponse a été donnée dans une lettre du 29 novembre 1995. À la suite d'une réunion qui s'est tenue à Bruxelles le 24 janvier 1996, les autorités espagnoles ont confirmé, par lettre du 12 juin 1996, l'arrêt définitif du projet et fourni des informations sur ses coûts réels et sur les financements mis à la disposition de Casa par l'État espagnol. Enfin, la Commission a demandé par lettre du 17 septembre 1996 de nouvelles précisions concernant la nature et le coût des activités de recherche et de développement réalisées par Casa. La réponse a été fournie par lettre du 1er octobre 1996.
V Aide d'État Avant même que la procédure ne soit ouverte, les autorités espagnoles alléguaient que leur intervention ne constituait pas une aide d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité, car le prêt pouvait être assimilé à un apport de capital à risque dans une entreprise. Elles se référaient au point 3.2 sixième tiret de la communication de la Commission de 1984 sur les apports en capital réalisés par l'État (2). S'agissant d'une entreprise publique, la communication est applicable à l'apport de capitaux publics dont a bénéficié Casa. Le point 3.2 dispose qu'il n'y a pas d'aide d'État quand il y a apport de capital neuf dans des entreprises si cet apport est réalisé dans des circonstances qui seraient acceptables pour un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché. Tel est notamment le cas lorsque le caractère stratégique de l'investissement (débouchés, approvisionnement) est tel que la prise de participation peut être considérée comme le comportement normal d'un apporteur de capital, quoique la rentabilité de l'investissement soit différée. Les autorités espagnoles se référaient également au point 5 de ladite communication: «Les États membres ont par ailleurs mis en oeuvre certaines formes d'intervention qui, sans présenter l'ensemble des caractéristiques d'un apport en capital sous forme d'une prise de participation publique, y ressemblent suffisamment pour y être assimilées. C'est le cas, notamment, pour des apports en capital sous forme d'emprunts obligataires convertibles ou pour des prêts pour lesquels le rendement financier est, du moins partiellement, fonction des résultats financiers de l'entreprise.» Les autorités espagnoles ajoutaient que Casa était tenue de rembourser le prêt, y compris des intérêts calculés au taux de base de la Banque d'Espagne, et que l'État entendait acquérir les droits de propriété industrielle et intellectuelle découlant du développement de l'avion. Appréciation Même s'il est possible d'assimiler un prêt à un apport en capital, il faut encore s'assurer que, en l'espèce, un investisseur privé aurait bien accordé un prêt dans des conditions similaires. Or, en l'espèce, si l'on prend en compte le risque et les perspectives de rentabilité attachés au projet, cette condition n'est pas remplie. Par conséquent, la Commission est autorisée à considérer le prêt non comme un investissement mais comme une mesure d'aide, qui doit être analysée à la lumière des règles spécifiques applicables aux aides à la recherche et au développement. Pour ce qui est du risque lié au projet, il faut signaler que, le remboursement du prêt étant subordonné au succès commercial de l'avion (au nombre d'appareils vendus), les probabilités de remboursement apparaissaient limitées. Les autorités espagnoles ont confirmé à plusieurs reprises le risque élevé attaché au projet (lettres des 7 avril et 6 novembre 1992, du 12 décembre 1994 et du 12 juin 1996), en expliquant que cela était dû au fait qu'il s'agissait d'un projet à long terme pour lequel la technologie la plus moderne avait été choisie et que la demande sur le marché était réduite, ce qui était déjà prévisible à l'époque vu la situation sur ce marché, et notamment les surcapacités existantes. Il faut également prendre en considération les perspectives de rentabilité du projet. Les autorités espagnoles ont été incapables de fournir la moindre preuve de ce que le prêt offrait des perspectives de rentabilité à la mesure du risque encouru. Au contraire, le calcul du taux de rendement du prêt effectué par les autorités espagnoles faisait apparaître, en termes de taux d'intérêt et de rythme de remboursement, un rendement inférieur à 6 %. Ce chiffre doit être considéré comme faible, notamment si l'on tient compte du fait que le taux d'intérêt sur les emprunts à long terme (dix ans), sans risque, dépassait 12 % en 1991 et 1992. En ajoutant la prime de risque correspondante, le rendement aurait très certainement dû être de plus de 20 %. Bien que les autorités espagnoles aient allégué, dans leur lettre du 12 décembre 1994, que la demande avait repris sur le marché à partir de 1992, l'abandon du programme est une preuve du risque élevé associé à ce projet. Par conséquent, on peut affirmer que le prêt n'a pas été accordé dans des conditions similaires à celles du marché privé et qu'il constituait donc une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité, sans oublier d'autre part que Casa en bénéficiait probablement au détriment des autres constructeurs européens d'aéronautique. Ces formes de prêts constituent en fait le vecteur privilégié du soutien de l'État à des projets de recherche et de développement de longue durée particulièrement risqués, que le bénéficiaire soit une entreprise publique ou privée. Le texte applicable en l'espèce est l'encadrement communautaire des aides d'État à la recherche et au développement (3) (ci-après dénommé «encadrement de 1996»), qui s'est substitué à l'encadrement de 1986 (4). Les autorités espagnoles ont elles-mêmes conclu à l'applicabilité de l'encadrement de 1996 dans leur lettre du 12 juin 1996. Le coût du projet et l'intensité maximale de l'aide qui peut être autorisée doivent être estimés à la lumière de l'encadrement de 1996 et de la pratique habituelle de la Commission. L'encadrement de 1996 définit les critères qui doivent être appliqués pour calculer l'intensité des aides visées à l'article 92 paragraphe 3 point c), lequel autorise les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques sous réserve qu'elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Même dans l'hypothèse d'une application de l'encadrement de 1986, le résultat serait le même, en ce qui concerne l'intensité de l'aide autorisée, qu'avec l'application de celui de 1996.
VI Coût du projet Sur un coût total du projet qui s'élève à 8,973 milliards de pesetas espagnoles (57 millions d'écus), les subventions apportent 7,21 milliards de pesetas espagnoles (45 millions d'écus). L'encadrement de 1996 établit une distinction entre recherche industrielle (point 5.3), activités de développement préconcurrentielles (point 5.5) et études de faisabilité technique préalables à l'une ou l'autre des deux phases précédentes (point 5.4). L'encadrement de 1986 se limitait à distinguer la recherche industrielle des activités de développement préconcurrentielles. L'encadrement de 1996 a donc introduit la catégorie des études de faisabilité, pour laquelle l'intensité d'aide autorisée est plus importante que dans le cas de la recherche industrielle ou des activités de développement préconcurrentielles. Dans le tableau présenté ci-dessous, les coûts sont classés conformément à l'encadrement de 1996. Les activités comprises dans la catégorie «études de faisabilité» correspondent principalement à la première phase du projet (étude de faisabilité et définition), tandis que les deux autres catégories correspondent à la deuxième phase (phase de développement). Le tableau reprend également les positions respectives des autorités espagnoles et de la Commission concernant l'intensité de l'aide, qui seront analysées à la section VII. Malgré l'arrêt du projet, les autorités espagnoles, selon les informations dont dispose la Commission, n'ont toujours pas demandé le remboursement d'une partie de prêt. Si ce remboursement (partiel) n'était pas exigé, l'intensité de l'aide serait de l'ordre de 80 % (7,21 milliards de pesetas espagnoles - montant du prêt - divisés par 8,973 milliards - coût du projet), un pourcentage supérieur à celui calculé lors de l'ouverture de la procédure, à savoir 44,3 %, mais aussi à l'intensité autorisée à l'époque (40 %). >EMPLACEMENT TABLE> Le taux de change peseta espagnole/écu utilisé était le taux en vigueur lors de la décision d'ouverture de la procédure (septembre 1994): 158,855. L'intensité de l'aide admissible peut être calculée comme suit: 100 % × (65 % × 6 392 + 67 % × 398 + 40 % × 2 183) / 8 973 = 59 %. Le tableau reprend les coûts associés à chacune des trois phases du projet: étude de faisabilité, recherche industrielle et activités de développement préconcurrentielles. Les résultats montrent que les deux tiers du coût du projet correspondent à l'étude de faisabilité de l'avion. >EMPLACEMENT TABLE>
VII Intensité de l'aide Conformément aux encadrements de 1986 et de 1996 et à la pratique administrative de la Commission, peuvent être autorisées des intensités d'aide de 50 % pour les activités de recherche industrielle et de 25 % pour les activités de développement préconcurrentielles. L'encadrement de 1996 a ajouté à ces deux catégories les études de faisabilité. Pour les études de faisabilité relatives à des activités de recherche industrielle et à des activités de développement préconcurrentielles, les intensités d'aide peuvent atteindre respectivement 75 % et 50 %. Les autorités espagnoles considèrent que l'étude de faisabilité concernée, conformément à l'encadrement de 1996, est une «étude de faisabilité technique préalable à des activités de recherche industrielle» et qu'il convient donc d'autoriser une intensité de 75 %. Les autorités nationales, qui souhaitent qu'une intensité de 50 % soit autorisée pour les activités de développement préconcurrentielles, allèguent que l'interruption du projet favorise la politique de la Commission, dont l'objectif est de favoriser la résorption des excès de capacité du secteur et de stimuler l'intégration de projets réunissant divers constructeurs communautaires. Elles s'appuient notamment sur le point 5.6 de l'encadrement de 1996, qui dispose qu'une intensité d'aide plus élevée pourra être acceptée en cas d'échec du projet. Les autorités espagnoles mentionnent ainsi trois décisions antérieures de la Commission dans lesquelles une majoration de l'intensité de base de 25 % a été autorisée pour des projets de développement présentant un risque important. Elles justifient cette intensité de 50 % pour les activités de développement préconcurrentielles par le risque élevé lié au projet. Les autorités espagnoles proposent d'appliquer le taux normal de 50 % aux activités de recherche industrielle. Quelques-unes de ces activités (1 %) ayant été réalisées dans une région relevant de l'article 92 paragraphe 3 point a) du traité (c'est-à-dire dans laquelle le niveau de vie est anormalement bas ou dans laquelle sévit un grave sous-emploi), les autorités espagnoles soutiennent qu'il faut octroyer une majoration d'intensité de 10 % pour les activités réalisées dans cette région. Cette position des autorités espagnoles se traduit dans les chiffres du tableau présenté plus haut. Sur les sommes destinées à des activités de recherche industrielle, seuls 60 millions de pesetas espagnoles ont été affectés à des activités situées dans des régions assistées. Les autorités espagnoles leur appliquant une majoration de 10 %, l'intensité globale moyenne de l'aide admissible pour les activités de développement passe de 50 à 52 %. Le tableau montre que la méthodologie préconisée par les autorités espagnoles aboutit à une intensité moyenne d'aide admissible de l'ordre de 68 %, ce qui correspond à un remboursement d'environ 7 millions d'écus. La position actuelle des autorités espagnoles s'écarte de l'engagement pris par ces dernières avant l'ouverture de la procédure. Dans leur lettre du 13 septembre 1993, elles déclaraient: «Indépendamment des dispositions contenues dans l'accord de coopération et son avenant, Casa s'engage, au cas où les objectifs prévus dans la phase de développement ne seraient pas atteints, à rembourser l'État dans la mesure nécessaire pour que l'intervention publique n'excède pas une intensité de 40 %, plus la majoration autorisée, conformément au point 5.4 de l'encadrement communautaire des aides d'État à la recherche et au développement (86/C 83/02), pour les activités liées à la réalisation du programme d'aide aux régions défavorisées et aux petites et moyennes entreprises.» Si la Commission adoptait ce point de vue, avancé par les autorités espagnoles alors qu'elles ignoraient que le projet serait interrompu, l'intensité autorisée ne pourrait être que de 40 % [pas d'activités confiées à des petites et moyennes entreprises (PME) et activités quasiment inexistantes dans les régions assistées] et le remboursement devrait donc s'élever à 23 millions d'écus. Appréciation La Commission partage l'avis des autorités espagnoles sur le fait qu'il faut tenir compte des différents types d'activités pour évaluer l'intensité maximale admissible. Concernant les activités de développement préconcurrentielles, l'intensité autorisée au début de la procédure était de 40 %. Il était considéré que ce niveau était conforme à la pratique habituellement suivie dans les cas de prêts remboursables destinés à des projets de développement. L'importance du secteur aéronautique, qui pouvait justifier les aides, était également prise en compte, même s'il était admis que l'aide devait être limitée en raison des surcapacités enregistrées sur le marché des avions de transport régionaux. L'intensité effective de l'aide admissible pour les activités de développement préconcurrentielles peut donc atteindre 40 % en cas d'échec du projet, alors que l'intensité normalement admise pour ces projets est de 25 %. Cette majoration en cas d'échec du projet est prévue au point 5.6 de l'encadrement de 1996. Dans sa pratique décisionnelle, la Commission a, jusqu'à présent, appliqué de façon restrictive cette majoration, en la limitant à des programmes de recherche et de développement portant sur des activités de recherche préconcurrentielles et financés par des avances (5). L'effet de distorsion produit sur le marché par des aides accordées à un projet qui n'aboutit pas doit être considéré comme mineur, de sorte qu'il est possible d'admettre une intensité plus élevée. La Commission ne peut accepter la thèse des autorités espagnoles selon laquelle le risque encouru autorise à augmenter l'intensité de base de 25 % prévue pour les aides octroyées aux activités de développement préconcurrentielles. Ces autorités se réfèrent à une série de décisions de la Commission relatives à d'autres programmes pour lesquels cette majoration avait été acceptée. Il est certes exact que, pour certains projets présentant un risque élevé, la Commission a décidé d'autoriser une intensité d'aide supérieure à la base de 25 %. Concrètement, c'était le cas d'une décision (non publiée) relative à un programme italien de recherche aéronautique (décision de 1987) et d'un programme similaire réalisé en Allemagne (première décision de 1988 et reconduction en 1992). Toutefois, ces deux décisions concernaient des programmes constitués d'une multiplicité de projets et non d'un seul projet, comme dans le cas du Casa-3000. Pour ce dernier, l'aide entraîne une distorsion plus grande du fait de l'importance du projet et de ses répercussions sur le marché, compte tenu de l'intensité des échanges intracommunautaires dans ce secteur et de l'existence évidente de surcapacités. En outre, la Commission n'a plus, depuis lors, autorisé de nouvelles majorations pour risque et elle a par conséquent décidé de ne pas reprendre cette possibilité de majoration dans l'encadrement de 1996. La proposition des autorités espagnoles d'admettre une intensité de 50 % pour les aides correspondant à des activités de recherche industrielle est conforme à l'encadrement de 1996 (point 5.6). Cependant, 60 millions de pesetas espagnoles ont été affectés à des activités de recherche industrielle réalisées dans des régions assistées relevant de l'article 92 paragraphe 2 du traité. Or, le point 5.10.2 de l'encadrement de 1996 permet d'accorder une majoration de 10 % aux aides aux activités de recherche et de développement réalisées dans de telles régions. En appliquant cette majoration de 10 % aux aides correspondant aux activités de recherche industrielle mises en oeuvre dans ces régions, l'intensité globale de l'aide peut être augmentée de 2 % pour ce qui concerne ses activités. De plus, dans le cas particulier du Casa-3000, il serait possible d'autoriser une intensité d'aide plus importante non seulement pour les activités de développement préconcurrentielles, comme cela a été expliqué plus haut, mais également pour la recherche industrielle et l'étude de faisabilité. Cela s'explique par les caractéristiques spécifiques du projet, notamment par le fait que l'industrie aéronautique est un secteur qui exige un effort de financement important en matière de recherche et de développement pour un nombre limité d'avions vendus, par la longueur du cycle de vie utile des appareils (plus de vingt ans), ainsi que par les perspectives incertaines du marché (dominé par un nombre relativement restreint de concurrents) et par l'évolution de la demande globale. De plus, le projet Casa-3000 ayant abouti à un échec sur le plan technique, la Commission estime que la nature particulière du projet permet d'étendre la majoration due aux activités de recherche industrielle et à l'étude de faisabilité. L'intensité de l'aide autorisée pour la recherche industrielle peut donc atteindre 67 % (50 % d'intensité de base, 2 % de majoration par application du point 5.10.2 de l'encadrement de 1996 ainsi qu'une intensité d'aide accrue pour échec, qui peut être en l'occurrence de 15 %). Quant à l'étude de faisabilité, les autorités espagnoles soutiennent qu'il s'agit d'une étude préalable à des activités de recherche industrielle qui, conformément à l'encadrement de 1996, justifierait une intensité de 75 % (point 5.4). Néanmoins, Casa-3000 est un projet de développement et non de recherche industrielle et l'étude de faisabilité ne peut donc pas être une étude préalable à la recherche industrielle. Les tâches décrites précédemment comme constituant une «étude de faisabilité» relèvent en fait des recherches de faisabilité habituellement entreprises avant le stade de développement détaillé d'un produit. Conformément au point 5.4 de l'encadrement de 1996, l'intensité de l'aide pour les études de faisabilité préalables à des activités de développement préconcurrentielles est limitée à 50 %. Enfin, comme on l'a déjà signalé, une intensité d'aide supérieure est également acceptable pour l'étude de faisabilité en cas d'échec du projet, de sorte que, en l'espèce, l'intensité globale admissible pour l'étude de faisabilité est de 65 %. L'encadrement de 1996 permet d'autres majorations de l'intensité d'aide sous certaines conditions. Ainsi, dans le cas des PME, une majoration de 10 % est possible (point 5.10.1). Casa n'est pas une PME et ne peut donc bénéficier de cette majoration. L'encadrement de 1996 prévoit une majoration de 15 % (point 5.10.3) lorsque le projet de recherche s'inscrit dans les objectifs d'un projet ou d'un programme spécifique élaboré dans le cadre du programme-cadre communautaire de recherche et de développement. Les projets de recherche du troisième programme-cadre de recherche et de développement [décision 90/221/Euratom, CEE du Conseil (6)] et du quatrième programme-cadre de recherche et de développement [décision n° 1110/94/CE du Parlement européen et du Conseil (7)] visent à renforcer la base technologique de toutes les entreprises européennes d'aéronautique, y compris Casa. Il n'est pas possible d'établir un lien direct entre le projet Casa-3000 et ces programmes. Il ne peut donc pas y avoir de majoration à ce titre. Le projet ne prévoit pas de coopération transfrontalière, ni de coopération entre des entreprises et des organismes publics de recherche, ni une large diffusion des résultats. Par conséquent, il ne réunit pas les conditions nécessaires pour bénéficier de la majoration prévue au point 5.10.4 de l'encadrement de 1996. Il est également exclu d'appliquer le point 5.13 de l'encadrement de 1996, qui prévoit un alignement sur les intensités maximales autorisées par l'accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) (75 % pour la recherche industrielle et 50 % pour les activités préconcurrentielles). En outre, une intensité d'aide plus élevée ne peut être acceptée que lorsque la Commission détient la preuve qu'un concurrent non communautaire a effectivement bénéficié d'une aide plus élevée. Or, cette condition n'est pas remplie dans le cas d'espèce et, de plus, le gouvernement espagnol n'a pas demandé un tel alignement. Même s'il l'avait fait, la Commission devrait tenir compte du fait que le marché des avions régionaux fait essentiellement l'objet d'une concurrence intracommunautaire, ce qui tend à exclure la possibilité d'appliquer une telle majoration de l'intensité d'aide. Les considérations qui précèdent nous amènent à la conclusion suivante: - une intensité d'aide de 65 % peut être admise pour les études de faisabilité préalables aux activités de développement préconcurrentielles, - pour les activités de recherche industrielle, l'intensité admise est de 67 %, - pour les activités de développement préconcurrentielles, l'intensité admise est de 40 % (intensité de base de 25 % et 15 % supplémentaires autorisés en cas d'échec du projet). Pour l'aide totale, l'intensité moyenne admissible peut donc être évaluée à 59 % (voir tableau plus haut).
VIII Conclusions L'aide financière de 7,21 milliards de pesetas espagnoles a été engagée puis versée sans notification préalable à la Commission et sans son autorisation. La Commission n'a pas eu la possibilité de présenter ses observations concernant l'aide avant l'octroi de celle-ci. L'octroi et le versement d'une aide sans notification préalable constituent une infraction à l'article 93 paragraphe 3 du traité et sont de ce fait illicites. Cette conclusion n'est en rien affectée par le fait que la dernière tranche de 3,085 milliards de pesetas espagnoles, correspondant à l'année 1993, a été versée à la société sur la base de l'accord du 1er juin 1993, lequel prévoyait une clause de révision pour mise en conformité avec les règles communautaires de concurrence. L'aide ayant malgré cela été versée, la Commission estime que cette clause n'est pas suffisante pour corriger le caractère illégal de l'aide. Dans sa décision du 27 septembre 1994, la Commission avait accepté un prêt couvrant 40 % du coût total du projet, qui était de 8,973 milliards de pesetas espagnoles. On peut donc considérer que cette partie du prêt (3,589 milliards de pesetas espagnoles ou encore 22 millions d'écus) a été autorisée par ladite décision. La partie suivante du prêt, qui couvre 19 % du coût (1,704 milliard de pesetas espagnoles, soit 11 millions d'écus), correspond à la différence entre l'intensité d'aide maximale admissible de 59 % et celle de 40 % autorisée par la décision du 27 septembre 1994 et peut être autorisée en application de l'encadrement de 1996. On soulignera à cet égard que le résultat n'aurait pas été différent si l'on avait appliqué l'encadrement de 1986. Il convient en revanche d'exiger le remboursement de la dernière partie du prêt, couvrant 21 % du coût (1,917 milliard de pesetas espagnoles, soit 12 millions d'écus), qui correspond à la différence entre l'intensité effective de l'aide (80 %) et l'intensité admissible (59 %), A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier L'aide de 3,621 milliards de pesetas espagnoles octroyée par l'Espagne à Construcciones Aeronáuticas, SA entre 1991 et 1993 est illégale. Elle est compatible avec le marché commun à hauteur d'un montant de 1,704 milliard de pesetas espagnoles, le solde, de 1,917 milliard, devant être considéré comme incompatible.
Article 2 L'Espagne est tenue de se faire rembourser par Construcciones Aeronáuticas, SA la somme de 1,917 milliard de pesetas espagnoles, augmentée des intérêts courus entre la date de l'octroi de l'aide illégale et la date de son remboursement, calculés conformément à la législation nationale. Le taux d'intérêt applicable est le taux de référence que la Commission utilise pour l'Espagne lorsqu'elle évalue les éléments d'aide contenus dans les aides régionales à l'investissement.
Article 3 L'Espagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.
Article 4 Le royaume d'Espagne est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 30 avril 1997. Par la Commission Karel VAN MIERT Membre de la Commission
(1) JO C 63 du 14. 3. 1995, p. 4. (2) Droit de la concurrence dans les Communautés européennes, volume II A, «Règles applicables aux aides d'État», 1995, p. 117. (3) JO C 45 du 17. 2. 1996, p. 5. (4) JO C 83 du 11. 4. 1986, p. 2. (5) Voir les décisions de la Commission (non publiées) sur les régimes d'aide E 7/87 (Prototypes, Belgique, décision du 28 octobre 1988), NN 7/87 (ANVAR, France, décision du 5 juillet 1989), N 297/89 (TOK, Pays-Bas, décision du 28 mars 1990), N 463/90 (Atout-PUMA, France, décision du 24 octobre 1990). (6) JO L 117 du 8. 5. 1990, p. 28. (7) JO L 126 du 18. 5. 1994, p. 1.
Fin du document
Document livré le: 11/03/1999
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