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Législation communautaire en vigueur

Structure analytique

Document 397D0270

Chapitres du répertoire où le document peut être trouvé:
[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]
[ 07.20.20 - Interventions étatiques ]


397D0270
97/270/CE: Décision de la Commission du 22 octobre 1996 concernant le régime de crédit d'impôt institué par l'Italie dans le secteur du transport routier de marchandises pour compte d'autrui (C 45/95 ex NN 48/95) (Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
Journal officiel n° L 106 du 24/04/1997 p. 0022 - 0029



Texte:


DÉCISION DE LA COMMISSION du 22 octobre 1996 concernant le régime de crédit d'impôt institué par l'Italie dans le secteur du transport routier de marchandises pour compte d'autrui (C 45/95 ex NN 48/95) (Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (97/270/CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment ses articles 5, 92 et 93,
vu l'accord instituant l'Espace économique européen, et notamment ses articles 61 et 62,
considérant ce qui suit:

I
Les autorités italiennes ont introduit un régime de crédit d'impôt pour les transporteurs routiers italiens de marchandises portant sur les impôts des années fiscales 1993 et 1994, ainsi qu'une compensation en faveur des transporteurs communautaires non italiens, visant à rembourser une partie des coûts de carburants. Ce régime est institué par le cadre juridique suivant:
En ce qui concerne l'année fiscale 1993, par:
- décret-loi n° 82 du 29 mars 1993 [Gazetta ufficiale della Repubblica italiana (GURI) n° 134 du 10. 6. 1993)], modifié et converti par la loi n° 162 du 27 mai 1993 (GURI n° 123 du 28. 5. 1993),
- décrets du 27 avril 1993 (GURI n° 100 du 30. 4. 1993) et du 23 septembre 1993 (GURI n° 228 du 28. 9. 1993),
- décret-loi n° 309 du 23 mai 1994 (GURI n° 119 du 24. 5. 1994), converti dans la loi n° 459 du 22 juillet 1994,
- décret du 23 avril 1993 (GURI n° 100 du 30. 4. 1993).
En ce qui concerne l'année fiscale 1994, par:
- décret-loi n° 642 du 22 novembre 1994 (GURI n° 273 du 22. 11. 1994),
- décret-loi n° 21 du 21 janvier 1995 (GURI n° 17 du 21. 1. 1995), converti dans la loi n° 84 du 22 mars 1995 (GURI n° 68 du 22. 3. 1995),
- décret du 28 novembre 1994 (GURI n° 280 du 30. 11. 1994),
- décret-loi n° 92 du 29 mars 1995 (GURI n° 75 du 30. 3. 1995),
- décret-loi n° 205 du 30 mai 1995 (GURI n° 124 du 30. 5. 1995),
- décret-loi n° 311 du 28 juillet 1995 (GURI n° 176 du 29. 7. 1995),
- décret-loi n° 402 du 26 septembre 1995 (GURI n° 226 du 27. 9. 1995) (non converti en loi dans le délai prévu de deux mois),
- décret d'application du 30 mars 1995 (GURI n° 78 du 3. 4. 1995).
En juin 1993, un régime similaire de crédit d'impôt portant sur l'année 1992, examiné dans le cadre de la procédure d'aide d'État C 32/92, a été déclaré incompatible avec le marché commun par la décision 93/496/CEE négative de la Commission du 9 juin 1993 (1).
Par ailleurs et étant donné que les autorités italiennes ne se sont pas conformées à cette décision négative, la Commission a décidé le 21 décembre 1994 de saisir la Cour de justice sur la base de l'article 93 paragraphe 2 deuxième alinéa du traité pour non-exécution de la décision négative (2).
C'est dans le cadre de la correspondance qui a suivi cette décision d'ouverture que le régime de crédit d'impôt de 1993 a fait l'objet d'échanges d'informations entre la Commission et les autorités italiennes. Celles-ci ont affirmé que le régime de 1993 se distinguait de celui de 1992 en ce qu'il introduisait une compensation en faveur des transporteurs communautaires non italiens, couverte par une inscription au budget correspondante.
La Commission a eu connaissance, en février 1995, de l'introduction effective du régime pour le premier semestre de 1994, par la publication au Journal officiel italien du décret-loi n° 20 du 21 janvier 1995 (3).
Lors de l'échange de correspondance qui a suivi, les autorités italiennes ont transmis le texte d'un nouveau décret-loi italien qui proroge le même régime de crédit d'impôt au second semestre de 1994.
À la suite d'un nouvel échange de correspondance et par une lettre du 4 décembre 1995 [SG(95) D/15427], la Commission a informé les autorités italiennes de sa décision d'ouvrir la procédure de l'article 93 paragraphe 2 du traité à l'encontre du régime italien d'aides au transport routier de marchandises pour compte d'autrui sous forme de crédit d'impôt portant sur les années fiscales 1993 et 1994. Par cette même lettre, la Commission a enjoint à l'Italie de fournir tous les documents, toutes les informations et toutes les données nécessaires pour examiner la compatibilité de l'aide avec le marché commun, ainsi que de suspendre immédiatement le versement de toute nouvelle aide prenant la même forme de crédit d'impôt. Cette obligation comporte non seulement l'interdiction de verser les aides déjà inscrites au budget mais aussi l'interdiction d'adopter de nouveaux actes législatifs visant à introduire les mêmes modalités d'aide.
Comme prévu par la procédure, la Commission a invité les autorités italiennes à se prononcer sur les décisions ci-dessus et a informé les autres États membres et les tiers intéressés par la publication de la lettre au Journal officiel des Communautés européennes (4).
À la suite de cette publication, l'association italienne des grandes et moyennes entreprises de transport, Coordinamento, et les représentations à Vienne et à Bruxelles de la Chambre de commerce autrichienne ont envoyé à la Commission une série d'observations dans lesquelles elles approuvent en substance le raisonnement exposé par la Commission dans sa lettre d'ouverture de la procédure. Le 4 avril 1996, la Commission a envoyé au gouvernement italien copie des observations que lui avaient adressées les tiers, en le priant de lui transmettre sa réponse éventuelle.
Les autorités italiennes ont répondu par lettre du 26 mars 1996, enregistrée le 1er avril 1996 à la Commission. Par lettre du 31 mai 1996, la Commission a fait part de certaines observations portant sur les arguments présentés dans cette réponse et a invité les autorités italiennes à une réunion qui a eu lieu à Bruxelles le 21 juin 1996.

II
La législation litigieuse institue, pour les années fiscales 1993 et 1994, un régime de crédit d'impôt pour les transporteurs routiers de marchandises italiens et une compensation en faveur des transporteurs communautaires non italiens en fonction de la consommation de carburant sur le trajet réalisé sur le territoire italien.
Le crédit d'impôt accordé aux transporteurs routiers italiens porte sur l'impôt sur le revenu des personnes physiques, sur l'impôt sur le revenu des personnes morales, sur l'impôt local sur le revenu et sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ainsi que sur les retenues à la source sur les revenus des dépendants et les compensations sur le travail autonome. Les transporteurs routiers de marchandises italiens auxquels s'applique ce régime de crédit d'impôt sont ceux inscrits au registre régi par la loi n° 298 du 6 juin 1974.
Le montant des aides est fixé en pourcentage du coût effectif des carburants et lubrifiants, hors TVA, mais ne peut dépasser certains plafonds, selon le poids du véhicule avec son chargement. En outre, pour le second semestre de 1994, les autorités italiennes ont limité l'aide en faveur de chaque entreprise aux montants correspondant à 100 véhicules. Les montants inscrits au budget destinés à ce crédit d'impôt ainsi que les pourcentages et les plafonds pour chaque période d'application sont repris dans le tableau ci-dessous:
>EMPLACEMENT TABLE>
Les décrets précisent que ces montants maximaux sont calculés sur la base de l'hypothèse selon laquelle les quatre catégories de véhicules peuvent parcourir respectivement 8, 6, 3,5 et 2,2 kilomètres par litre de gazole consommé.
Le régime prévoit par ailleurs, pour chaque période d'application, l'octroi d'une compensation en faveur des entreprises de transport des États membres de la Communauté, en fonction de la consommation d'essence pour le parcours effectué sur le territoire italien. Les budgets alloués pour cette compensation sont respectivement de 30, 15 et 8 milliards de lires italiennes pour l'année 1993, le premier semestre de 1994 et le second semestre de 1994.
Les modalités d'octroi de cette compensation devraient être établies par décret ministériel (article 15 paragraphe 4 du décret-loi n° 82 du 29 mars 1993, modifié et converti dans la loi n° 162 du 27 mai 1993, article 1er paragraphe 4 du décret-loi n° 21 du 21 janvier 1995, converti dans la loi n° 84 du 22 mars 1995 et article 1er paragraphe 4 du décret-loi n° 92 du 29 mars 1995). Dans leur lettre du 26 mars 1996, les autorités italiennes signalaient que les décrets n'étaient pas encore prêts dans leur rédaction définitive mais que, en tout état de cause, ils ne seraient pas introduits pour respecter l'injonction de la Commission. Les projets seraient néanmoins transmis à la Commission pour obtenir éventuellement une dérogation à cette injonction.
D'autre part, les autorités italiennes ont admis par la lettre du 19 mai 1995 que le régime introduit pour le premier semestre de 1994 constitue une prorogation de six mois du régime qui avait été introduit pour 1993 ainsi que de celui qui avait été examiné dans la procédure d'aide d'État C 32/92 et qui avait fait l'objet de la décision négative du 9 juin 1993, qui déclarait l'aide incompatible avec le marché commun en vertu de l'article 93 paragraphe 1 du traité, au motif qu'elle ne remplissait aucune des conditions requises pour l'application des dérogations prévues à l'article 92 paragraphes 2 et 3 du traité, ni les conditions prévues par le règlement (CEE) n° 1107/70 du Conseil (5).

III
L'article 92 du traité déclare incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Cette notion d'aide requiert donc l'analyse de trois éléments fondamentaux: l'utilisation de ressources d'État, la distorsion de concurrence et l'affectation des échanges.

IV
L'article 92 du traité ne distingue pas les interventions visées selon leurs formes, leurs causes ou leurs objectifs, mais les définit en fonction de leurs effets. Le caractère fiscal de la mesure ne suffit donc pas pour l'exclure de l'application de l'article 92.
Dans le cas d'espèce, le système de crédit d'impôt a pour effet d'augmenter la marge brute d'autofinancement d'un seul secteur économique, celui des transporteurs routiers pour compte d'autrui italiens, en les favorisant par rapport aux transporteurs pour compte propre, au moyen d'une dérogation temporaire à l'application d'un système fiscal général, et constitue de ce fait une exemption non justifiée par la nature ou l'économie du système au sens de l'arrêt rendu par la Cour de justice dans l'affaire 173/73 (6), et donc pas une mesure générale.
Dans leur lettre du 26 mars 1996, les autorités italiennes soutiennent que le système de crédit d'impôt en question constitue un mécanisme propre à une politique «industrielle» de différentiation des prix de vente des carburants en fonction de leur emploi, domestique ou industriel, comme cela se fait dans les secteurs de l'électricité ou de l'eau.
La Commission considère, comme cela ressort de sa lettre du 31 mai 1996, que, dans l'hypothèse où il s'agirait d'une différentiation de prix reposant sur des critères purement commerciaux, on pourrait effectivement penser qu'il s'agit non pas d'une aide d'État mais de l'action normale d'un opérateur commercial (7). Pourtant, dans le cas du crédit d'impôt accordé aux transporteurs routiers, la différentiation des tarifs ne peut être assimilée à une pratique commerciale étant donné qu'elle est mise en oeuvre par l'État au moyen d'un système fiscal, sans que les opérateurs du secteur des carburants puissent en percevoir la réduction sur leurs comptes d'exploitation, de sorte qu'elle ne répond pas au comportement normal d'un opérateur commercial. Par ailleurs, si le crédit d'impôt se basait sur un véritable calcul commercial, il n'y aurait pas, pour le second semestre de 1994, une limitation du bénéfice à 100 véhicules par entreprise.
Le crédit d'impôt accordé aux transporteurs routiers italiens pour compte d'autrui, analysé dans le dossier d'aide d'État C 45/95, porte sur un montant qui représente entre 9,7 % et 24,3 % du coût effectif en carburants et lubrifiants supporté par les transporteurs routiers. Les autorités italiennes argumentent que cette aide ne constitue pas un avantage mais une compensation, car les accises italiennes sur les carburants sont très élevées par rapport à celles d'autres États membres. Le tableau ci-dessous reprend le niveau des accises sur le diesel dans les États membres pour les années 1993 et 1994:
>EMPLACEMENT TABLE>
La directive 92/82/CEE du Conseil (8) établit pour les États membres, à partir du 1er janvier 1993, des taux minimaux pour les impôts indirects sur les carburants minéraux. En ce qui concerne le diesel, ce taux minimal est de 245 écus pour 1 000 litres.
S'il est vrai que les accises sur le diesel en Italie, en 1993 et en 1994, étaient parmi les plus élevées de la Communauté, la Commission, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice (9), ne peut retenir cette circonstance comme un argument valable pour introduire une aide financière qui réduit directement les coûts de fonctionnement d'un seul secteur d'activité: le fait que le gouvernement italien se soit proposé de rapprocher le taux d'imposition des carburants de celui pratiqué dans les autres États membres ne saurait enlever à la mesure en cause le caractère d'une aide d'État, interdite en dehors des cas et des procédures prévus par le traité. L'existence de disparités législatives provoquant des distorsions de concurrence ne justifie pas l'octroi d'aides d'État compensatoires. L'aide accordée introduit donc un avantage non accessoire en faveur des transporteurs bénéficiaires, par l'augmentation directe de la marge brute d'autofinancement d'un seul secteur d'activité.
En outre, le tableau suivant indique, pour chaque catégorie, le nombre maximal de kilomètres subventionnés par catégorie de véhicules, avec les prix hors TVA pour chaque année (599 écus par 1 000 litres en 1993 et 550 écus par 1 000 litres en 1994) (10), ainsi que les hypothèses de kilomètres parcourus par véhicule par litre de gazole, hypothèses employées par les autorités italiennes dans leur décret d'application. Il s'agit donc du nombre de kilomètres parcourus sans coûts de carburant à charge du transporteur.
>EMPLACEMENT TABLE>
Il faut noter que le crédit d'impôt prévoit une subvention dont l'importance augmente de manière non proportionnelle à la taille du véhicule, de telle façon que les véhicules les plus avantagés seront ceux de plus grande capacité. Or, ceux-ci sont ceux qui sont aussi les plus susceptibles d'être en concurrence sur le marché international.
Par ailleurs, l'association italienne des moyennes et grandes entreprises de transport routier Coordinamento, en réponse à l'ouverture de la procédure, a souligné que, depuis l'adoption du décret n° 92 du 29 mars 1995, le système de crédit d'impôt est limité à un maximum de 100 véhicules par entreprise, de sorte que les entreprises, les plus grandes ne pourront pas être remboursées pour le carburant de tous leurs véhicules de la même façon que les petites.
En ce qui concerne les transporteurs communautaires non italiens pour compte d'autrui, les autorités italiennes affirment que la mesure n'introduit aucune discrimination à leur égard étant donné qu'une compensation équivalente est prévue pour eux. Lors de la réunion du 21 juin 1996, les autorités italiennes ont annoncé avoir trouvé un mécanisme de compensation des coûts de carburant pour les transporteurs non italiens dans les demandes de remboursement de TVA pour les exportations. Le projet de décret sur cette question serait paralysé à la suite de l'injonction de suspension émise par la Commission. Dès lors, dans l'état actuel de la situation, le remboursement des coûts aux transporteurs italiens pour compte d'autrui s'effectue automatiquement sur la base de leur déclaration de revenus et est déjà régi par décret depuis 1993, tandis que les modalités d'application des compensations pour les transporteurs non italiens ne sont pas claires et n'ont pas fait l'objet d'une mise en oeuvre effective.
Par ailleurs, lors de la réunion du 21 juin 1996, les autorités italiennes ont signalé que les transporteurs non italiens auraient pu faire une demande informelle de remboursement et qu'ils ne l'ont pas fait, ce qui prouverait à leur avis que les transporteurs non italiens ne ressentent pas le besoin d'une compensation car ils se fournissent en carburants en dehors d'Italie, là où ceux-ci sont moins taxés. La Commission ne considère pas ce raisonnement comme admissible en ce sens que le fait qu'il n'y ait pas de procédure préétablie de remboursement constitue indiscutablement une barrière à l'initiative des transporteurs non italiens, tandis que les transporteurs italiens sont libres de s'approvisionner en carburants à l'étranger dans les mêmes conditions que les transporteurs non italiens.
En outre, les montants alloués aux transporteurs non italiens représentent de 3,7 % à 5,3 % du budget total. Pour l'année fiscale 1993, la répartition du budget global initial entre les transporteurs italiens et non italiens a été effectuée par décret ministériel «sur la base des parcours effectués par les deux catégories sur le territoire italien». Mais aucune justification n'est fournie pour la répartition d'un budget complémentaire de 200 milliards de lires italiennes pour 1993, ni pour celle des budgets alloués pour 1994. Cette répartition n'est pas équilibrée et pourrait comporter une discrimination en faveur des transporteurs routiers italiens. Enfin, il reste encore à démontrer que les transporteurs routiers pour compte d'autrui non italiens peuvent être remboursés pour le coût des lubrifiants comme les entreprises italiennes.
Les transporteurs routiers de marchandises pour compte d'autrui italiens sont en concurrence tant avec des transporteurs routiers d'autres nationalités qu'avec des transporteurs routiers de marchandises pour compte propre.
En ce qui concerne le transport pour compte propre, celui-ci représentait en effet, en 1992, 19,2 % du transport national et 3,8 % du transport international effectué par des transporteurs italiens (11).
En ce qui concerne la discrimination que le régime d'aide aux transports routiers professionnels pourrait déterminer pour les transporteurs pour compte propre, les autorités italiennes considèrent que la discrimination est insignifiante (lettre du 13 janvier 1994). Les arguments avancés pour soutenir cette position reposent sur le fait que les coûts des carburants et des lubrifiants sont d'une importance marginale pour ces entreprises étant donné que l'activité de transport est accessoire à l'activité principale de l'entreprise. Ces considérations ne peuvent pas être retenues comme valables par la Commission, qui considère que, du point de vue de la concurrence, le marché des transports comprend tant les services fournis pour compte d'autrui, que les services qui leur sont alternatifs, c'est-à-dire les services réalisés pour compte propre, et que l'analyse de l'effet de distorsion de la concurrence doit se faire en comparant les conditions d'exercice des activités concurrentes sans tenir compte des autres activités qui pourraient être exercées par les entreprises.
En ce qui concerne la concurrence avec d'autres entreprises communautaires de transport pour compte d'autrui, il faut signaler que en 1992, environ 16,2 % de l'activité des transporteurs routiers pour compte d'autrui italiens, en termes de tonnes-kilomètre, étaient du transport international. De même, entre 1990 et 1993, 14 % du cabotage routier communautaire, en tonnes-kilomètre étaient réalisés en Italie (12), ce qui laisse supposer que ce pays était le deuxième État le plus attrayant de la Communauté pour les transporteurs communautaires.
Ces données qui reflètent la concurrence effective des années passées doivent, du reste, être examinées en tenant compte de la concurrence potentielle ainsi que de la libéralisation récente du transport routier de marchandises, qui, depuis 1993, a entraîné une intensification de la concurrence dans ce secteur. En effet, la libéralisation dans le secteur du transport de marchandises a été mise en oeuvre en particulier par la législation communautaire suivante:
- règlement (CEE) n° 881/92 du Conseil, du 26 mars 1992, concernant l'accès au marché des transports de marchandises par route dans la Communauté exécutés au départ ou à destination du territoire d'un État membre, ou traversant le territoire d'un ou plusieurs États membres (13). Ce règlement prévoit l'abolition de toute restriction quantitative aux transports routiers internationaux à partir du 1er janvier 1993,
- règlement (CEE) n° 3118/93 du Conseil, du 25 octobre 1993, fixant les conditions de l'admission de transporteurs non-résidents aux transports nationaux de marchandises par route dans un État membre (14). Ce règlement fixe au 1er juillet 1998 la libéralisation complète du cabotage routier, mais prévoit une période transitoire avec une augmentation annuelle de 30 % sur un nombre initial de 30 000 autorisations communautaires à partir du 1er janvier 1995.
La Commission considère dès lors que l'aide confère des avantages aux entreprises d'un secteur ouvert à la concurrence internationale et qui est donc impliqué dans les échanges internationaux.
Lorsqu'une aide financière accordée par un État membre renforce les possibilités des entreprises d'un secteur particulier qui participent aux échanges intracommunautaires, il faut considérer qu'elle affecte les échanges au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité.
L'aide italienne accordée aux transporteurs routiers pour compte d'autrui renforce la position financière et les possibilités d'action des entreprises bénéficiaires par rapport à leurs concurrents, et cet effet se reproduit dans le cadre des échanges intracommunautaires, de telle façon qu'elle affecte ces échanges.
Les autorités italiennes affirment dans leur lettre du 26 mars 1996 qu'un camion de plus de 24 tonnes fait un parcours moyen annuel de 80 000 kilomètres; or, une subvention qui couvrirait 2 303 kilomètres serait seulement équivalente à un aller-retour sans coûts de carburant entre Rome et Munich. D'autres exemples similaires de calcul ont été aussi présentés par les autorités italiennes pour prétendre que les montants en cause sont trop faibles pour «fausser ou menacer de fausser la concurrence». La Commission a rappelé à maintes reprises aux autorités italiennes que la règle de minimis, établie dans l'encadrement communautaire des aides aux petites et moyennes entreprises (PME) (15) alors en vigueur, n'était pas applicable au secteur des transports, comme prévu à l'article 3 paragraphe 2 dudit encadrement. Dans un secteur tel que les transports, où la Communauté met en oeuvre tous les moyens pour promouvoir le transfert de capacités de transport du routier vers d'autres modes plus respectueux de l'environnement et plus sûrs, il y a lieu de faire une analyse qualitative et non quantitative des régimes d'aide.

V
Étant donné que l'aide au secteur du transport routier de marchandises constitue une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité, il faut analyser si elle peut bénéficier des exemptions prévues aux articles 77, 92 et 93 du traité, dont l'application n'a d'ailleurs pas été invoquée par les autorités italiennes.
Ainsi, l'article 3 du règlement (CEE) n° 1107/70 relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, autorise, jusqu'à l'entrée en vigueur des réglementations communautaires relatives à l'accès au marché des transports, les aides qui sont accordées à titre exceptionnel et temporaire afin d'éliminer, dans le cadre d'un plan d'assainissement, une surcapacité entraînant de graves difficultés structurelles et de contribuer ainsi à mieux répondre aux besoins du marché des transports. L'aide au secteur du transport routier de marchandises analysée dans la présente affaire ne peut être couverte par l'exemption prévue par ledit règlement étant donné qu'elle ne s'inscrit dans aucun plan d'assainissement du secteur en question au sens dudit article.
En outre, le régime d'aides ne constitue pas non plus une aide à caractère social à des consommateurs individuels et n'est pas destiné à remédier aux dommages causés par des calamités naturelles ou par des événements extraordinaires, et il ne porte pas non plus sur un projet d'intérêt européen, au sens de l'article 92 paragraphes 2 et 3 du traité.
Les exemptions pour les aides ayant pour objectif le développement régional, prévues à l'article 92 paragraphe 3 points a) et c), ne peuvent pas non plus s'appliquer au régime d'aides italien en question, étant donné que toutes les entreprises de transport routier de marchandises pour compte d'autrui, quel que soit leur lieu d'établissement, peuvent en bénéficier et que l'aide n'est liée à aucun objectif de développement régional.
Pour ce qui est de l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité relatif aux aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques, il convient de noter que l'aide en cause, à laquelle tous les transporteurs routiers de marchandises peuvent prétendre (puisque la seule condition est d'être inscrit au registre des transporteurs), ne répond à aucun objectif de restructuration du secteur et n'est rien d'autre qu'une subvention à l'exercice de l'activité dont on considère, en règle générale, qu'elle ne remplit pas les conditions d'admissibilité prévues par ledit article. Une telle aide au fonctionnement peut inciter les autres États membres à introduire des mesures similaires avec les coûts financiers correspondants. Par ailleurs, l'absence de toute contrepartie constitue un avantage indu qui ne peut être justifié par l'intérêt communautaire.
Les autorités italiennes, dans leurs lettres du 26 août 1993 et du 26 mars 1996, affirment que le même résultat aurait pu être atteint en réduisant la taxe sur les carburants (qui est au dessus des minimums communautaires), mais qu'une telle solution «était contraire à la politique budgétaire, ainsi qu'à la politique de maîtrise de la consommation de carburants». Cet argument ne saurait être invoqué comme une défense en ce qui concerne l'incompatibilité de l'aide et ne peut être retenu par la Commission, étant donné les considérations développées ci-dessus, selon lesquelles cette mesure constitue une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité. Par ailleurs, ce type d'aides a aussi pour effet de réduire le coût des carburants pour les transporteurs et d'inciter ainsi à une consommation plus intense de ceux-ci.
La Commission considère donc que l'aide italienne aux transporteurs routiers pour compte d'autrui sous forme de crédit d'impôt n'est pas compatible avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité.

VI
Conformément à l'article 93 paragraphe 3 du traité, l'aide aurait dû être notifiée à la Commission en temps utile. Le gouvernement italien ayant mis en oeuvre le régime d'aides sans avoir rempli cette obligation de notification, le régime est à considérer comme illégal au regard du droit communautaire.
Lors de la décision d'ouverture de la procédure communiquée aux autorités italiennes par la lettre du 4 décembre 1995, la Commission a enjoint à l'Italie de suspendre immédiatement le versement de toute nouvelle aide prenant la forme décrite ci-dessus, dans l'attente du résultat de son examen, et de l'informer dans un délai de quinze jours ouvrables des mesures qu'elle a prises pour se conformer à cette obligation. Celle-ci comporte non seulement l'interdiction de verser les aides déjà inscrites au budget mais aussi l'interdiction d'adopter de nouveaux actes législatifs visant à introduire les modalités d'aide décrites ci-dessus.
Par lettre du 26 mars 1996, les autorités italiennes ont communiqué qu'aucun acte législatif n'avait été introduit en Italie pour proroger le système de crédit d'impôt au delà de l'année fiscale 1994 et ont communiqué l'impossibilité de suspendre le régime pour les années 1993 et 1994 du fait que celui-ci avait déjà produit tous ses effets à la date de l'injonction. Enfin, elles ont communiqué qu'elles avaient suspendu la procédure d'adoption des décrets visant à introduire des compensations en faveur des transporteurs non italiens.
La Commission, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice, s'est réservé le droit de prendre une décision provisoire enjoignant à l'État membre de récupérer toute aide octroyée illégalement, tel qu'il a été rappelé aux États membres dans la communication publiée au Journal officiel des Communautés européennes n° C 156 du 22 juin 1995, page 5. Dans le cas d'espèce, la récupération est considérée comme nécessaire par la Commission pour rétablir les conditions de concurrence équitables qui existaient avant l'octroi de l'aide,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:


Article premier
Le régime d'aides institué par l'Italie en faveur du transport routier de marchandises pour compte d'autrui sous forme de crédit d'impôt, selon les modalités exposées dans les lois n° 162 du 27 mai 1993 (GURI n° 123 du 28.5.1993) et n° 84 du 22 mars 1995 (GURI n° 68 du 22.3.1995), ainsi que dans le décret-loi n° 402 du 26 septembre 1995 (GURI n° 226 du 27.9.1995), est illégal car il a été mis en oeuvre en violation des règles de procédure de l'article 92 paragraphe 3 et est incompatible avec le marché commun, au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité, car il ne remplit aucune des conditions requises pour l'application des dérogations prévues à l'article 92 paragraphes 2 et 3 et ne remplit pas les conditions du règlement (CEE) n° 1107/70.

Article 2
L'Italie supprime l'aide visée à l'article 1er, s'abstient d'adopter de nouveaux actes législatifs et réglementaires visant à introduire de nouvelles aides prenant la forme décrite à l'article 1er et récupère l'aide. L'aide est remboursée selon les règles de procédure et d'application de la législation italienne et est majorée du montant des intérêts, calculés en appliquant le taux de référence utilisé pour l'évaluation des régimes d'aides régionaux à compter du jour où l'aide a été versée jusqu'à la date du remboursement effectif.

Article 3
L'Italie informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.

Article 4
La République italienne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 22 octobre 1996.
Par la Commission
Neil KINNOCK
Membre de la Commission

(1) JO n° L 233 du 16. 9. 1993, p 10.
(2) Procès-verbal de la 1 228e réunion de la Commission tenue à Bruxelles le 21 décembre 1994 (matin).
(3) Décret-loi n° 20 du 21 janvier 1995, publié à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana du 21 janvier 1995.
(4) JO n° C 3 du 6. 1. 1996, p. 2.
(5) JO n° L 130 du 15. 6. 1970, p. 1.
(6) Arrêt du 2 juillet 1974: Italie contre Commission, Rec. 1974, p. 709 à 721.
(7) Arrêt rendu par la Cour le 29 février 1996 dans l'affaire C-56/93 (système tarifaire préférentiel pour les livraisons de gaz naturel aux produits néerlandais d'engrais azotés), Rec. 1996, p. I-723.
(8) JO n° L 316 du 31. 10. 1992, p. 19.
(9) Arrêt rendu le 10 décembre 1969, affaires 6/69 et 11/69: Commission contre France, point 21 des motifs, Rec. 1969, p. 523.
(10) Données du «Bulletin pétrolier», Commission européenne, Direction générale de l'Énergie.
(11) Le transport routier de marchandises au sein du marché unique européen, rapport du Groupe des sages, juillet 1994.
(12) Données transmises par les États membres à la DG VII et reprises dans la lettre aux représentations permanentes du 10 février 1995.
(13) JO n° L 95 du 9. 4. 1992, p. 1.
(14) JO n° L 279 du 12. 11. 1993, p. 1.
(15) JO n° C 213 du 19. 8. 1992, p. 2.



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Structure analytique Document livré le: 02/04/2001


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