A la Une de Bakchich.info
Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit
Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit

Rencontre avec Salah Hamouri

28 avril 2010 à 19h32
Dernières nouvelles du monde libre.

Ma rencontre avec Salah Hamouri Gilboa, le 14 avril 2010

« Un cimetière à numéros »…

Il fait beau ce mercredi matin 14 avril où je vais rencontrer, pour la troisième fois, Salah Hamouri dans sa prison de Gilboa. Le rendez-vous est fixé à 11 heures, grâce au Consul de France à Haïfa, Monsieur Jean-Christian Coppin. Nous partons ensemble en voiture depuis les hauteurs de Haïfa, une ville lumière que lèche une mer d’un bleu profond.

Le Consul a pris avec lui trois livres pour les donner à Salah ainsi que deux lettres. Nous roulons dans un environnement fait de champs qui semblent très fertiles et puis, toujours cette désagréable impression, la prison grise surgit d’un seul coup. Contrairement aux fois précédentes, il n’y a personne sur le parking : les familles de prisonniers ont en effet décidé de faire grève, avec les prisonniers eux-mêmes, pour protester contre le fait que les détenus issus de la bande de Gaza n’ont droit à aucune visite depuis très longtemps. La grève est suivie à 100%.

Avec le Consul nous allons vers une porte « réservée » mais blindée où l’on nous attend. Ouverture et fermeture des portes métalliques. Bruit sourd. On donne nos pièces d’identité et nos portables téléphoniques au surveillant. On passe sous un détecteur puis nous voilà dans une petite cour. Le Consul donne les trois livres et les lettres au gardien qui nous accompagne. Ils devront d’abord être lus avant d’être donnés, peut être, à Salah. Le Consul précise que ce ne sont pas des livres politiques. Le tout disparaît de notre vue et l’on nous dirige vers une pièce dans laquelle se trouvent des sièges en bois avec des rabats pour écrire. Salah apparaît sourire aux lèvres. Je l’embrasse fortement…

Il s’assied et pose un petit bloc de papier où toute une page est écrite. Il me dit d’emblée qu’il a préparé ce rendez-vous avec ses compagnons d’infortune. Il veut me dire des choses précises mais aussi me demander des informations.

Il veut soulever 6 points. Je l’écoute et je prends des notes. Son premier point, ce sont les conditions de détention dans la prison. Il repose la question des livres qu’on refuse absolument aux prisonniers depuis plusieurs mois. L’administration pénitentiaire a même trouvé une nouvelle « astuce » devant les protestations d’avoir droit à des livres et de lire. Elle a proposé aux prisonniers une liste de livres non-politiques parmi lesquels ils pourraient choisir. Un libraire israélien les fournirait leur a-t-on dit. Ils l’ont fait. Ils ont choisi. Salah a choisi quant à lui un roman de Tahar Ben Jelloun. Il ne l’a toujours pas. Aucune explication. Aucun prisonnier n’a reçu le moindre livre commandé à partir d’une liste pourtant préparée par l’administration pénitentiaire. Salah revient avec insistance sur ce point. C’est un vrai lavage de cerveau, dit-il. « A notre souffrance générale ils ajoutent une souffrance collective particulière. Ils veulent nous couper du monde », assène-t-il. Et cela est vrai dans toutes les prisons. « Il faudrait faire campagne contre cela » dit-il.

Puis il enchaîne sur les « droits de visite ». Il dit qu’il est contraire à la 4ème Convention de Genève de transférer des populations. Je l’arrête, étonné, pour lui demander d’où il tient ses sources concernant les Conventions de Genève. « Nous avons cela dans la bibliothèque », me répond-il. Et il insiste sur les prisonniers issus de Gaza. « Il y a environ 8.000 prisonniers palestiniens aujourd’hui, dont 1.000 de Gaza. Ils ne peuvent recevoir aucune visite. On nous dit que c’est à cause de la capture de Gilad Shalit, détenu dans un lieu inconnu. Mais c’est faux car cela était vrai avant qu’il soit capturé. Ils n’avaient pas droit aux visites bien avant. Alors ? Pour les prisonniers de Cisjordanie, poursuit-il, ils n’ont droit de voir qu’une personne. Pas deux. Si bien que des enfants en bas âge sont obligés de venir seuls pour voir leur père ou leur mère. Parmi les prisonniers il y a aussi ceux de Jérusalem. Ils sont 300. Et il y a aussi 200 « arabes israéliens ».

C’est contre cette situation qu’ils sont en grève et les familles solidairement. Et ils entendent continuer, sous d’autres formes encore, malgré toutes les menaces qui pèsent sur eux. Une grève de la faim est envisagée.

Il parle des « malades et des enfants emprisonnés ». Il y a environ 300 à 350 enfants emprisonnés. Ils sont traités comme des adultes. Rien de particulier pour eux dans ce « monde » spécial. Ils sont perdus. Ils ne comprennent rien. L’un d’entre eux vient d’être libéré. « Il avait 12 ans et il était en prison depuis l’âge de 9 ans. Comment est-ce possible ? » Il demande : « Est-ce qu’au moins l’UNICEF est informée de cette situation et fait quelque chose ? » Je ne sais que répondre…

Il enchaîne sur les malades. « Tous les soirs, raconte-t-il, un docteur passe dans les cellules pour demander aux prisonniers si tout va bien. Quelque soit le mal ou le symptôme dont vous vous plaignez, on vous donne de l’aspirine. C’est tout. Toujours de l’aspirine. C’est ainsi que 18 prisonniers ont le cancer et n’ont pas été soignés autrement qu’avec de l’aspirine. On refuse de les libérer même dans ce cas alors qu’ils sont en fin de vie. On les estime trop dangereux car ils n’ont plus rien à perdre… Dans ma cellule il y a un aveugle. Il a 25 ans. Il est traité comme les autres. » Ils demandent que des médecins palestiniens puissent venir les consulter. Seuls les dentistes sont des Palestiniens.

Il m’interroge alors sur la campagne contre le mur et sur Bil’in. Je lui raconte ce qui se fait.

Il me demande pourquoi la résistance n’est pas généralisée. Il est très clair : « Devant la situation actuelle et l’échec des négociations politiques nous n’avons pas d’autre choix que celui de la résistance. Il faut élargir le mouvement et lutter avec l’aide de tous ceux qui dans le monde se mobilisent pour la Palestine. Les Etats étrangers doivent faire cesser cette occupation qui se moque des lois internationales. Celles-ci doit être appliquées, à commencer par la résolution 194 avec le droit sacré au retour des réfugiés. Aujourd’hui le peuple palestinien est confronté à un gouvernement d’extrême droite des plus racistes qui utilise tous les moyens pour détruire l’objectif d’un Etat palestinien. On le voit avec ce mur d’apartheid qui est un mur politique visant à tracer unilatéralement les frontières afin d’effacer l’idée d’un véritable Etat palestinien. Ils veulent renforcer leur slogan historique : « La Palestine est une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». La colonisation continue. Surtout à Jérusalem. Ils veulent vider notre capitale pour que Jérusalem devienne effectivement la capitale de l’Etat sioniste. Ce qui se passe à Jérusalem est un nettoyage ethnique. Et le gouvernement israélien vient de prendre la décision d’expulser les Palestiniens qui ne sont pas enregistrés par l’administration israélienne. Cela vise les habitants de Gaza mais aussi de Cisjordanie ainsi que les internationaux qui se mobilisent à nos côtés. Ils se livrent à un véritable génocide politique. » Je ne pourrai pas lui dire, et pour cause, que l’ONU vient de condamner cet ordre militaire israélien numéro 1650. Verbalement…

Salah a un discours charpenté. Il est moins « tendu » que les fois précédentes où je l’ai rencontré. Il fait des analyses politiques. Presque sereinement. En tout cas froidement.

Il parle maintenant du rapport Goldstone qui reste sans suite réelle et du siège de Gaza qui est illégal et dur. Encore une preuve pour lui de la différence de traitement dont bénéficie la politique israélienne qui n’encoure jamais d’actes fermes de la communauté internationale à son endroit pour que le droit international soit respecté.

Il reparle alors de la solidarité qui se manifeste vers lui et les prisonniers. Il me dit que sans cette solidarité « Notre sort et notre existence seraient inconnus. Les prisons israéliennes nous les appelons « des cimetières à numéros ». Vous ne pouvez pas imaginer tout ce que cette solidarité nous apporte et je n’aurai jamais des mots assez forts pour vous le dire. Grâce à vous ils sont obligés de parler de nous. On parle de nous. C’est considérable ! »

Il en vient à son cas personnel. Nous parlons déjà depuis plus d’une heure et demie… Il me dit « officiellement » qu’il se refuse, dans le cas d’une procédure de remise de peine, à présenter des « excuses. Ni directes ni indirectes ». Il parle d’excuses « indirectes » car l’idée avait existé que son avocat en présente à sa place en quelque sorte. Il refuse cela. « Ce n’est pas à moi de présenter des excuses mais aux autres, en face. Moi je n’ai rien à regretter. Je suis fier de mon peuple et de sa résistance contre l’occupation. » Je lui demande de préciser ce qu’il entend par « Je viendrai en France » afin de lever toute interprétation. Il me redit qu’une fois libéré il compte bien venir en France, en effet, mais pas pour y vivre durablement. » Aucune autre interprétation n’est possible sur ce point. Et il me dit en me regardant droit dans les yeux : « Je ne comprends pas pourquoi Nicolas Sarkozy ne fait rien pour moi qui suis pourtant aussi Français ». Je souris. Jaune…

Puis il reparle des autres mais plus de lui. Il a réfléchi, avec ses camarades, à des idées pour aider les prisonniers.

Il se demande comment mettre en place une aide spécifique et solidaire pour les enfants de prisonniers. Imaginer des actions avec les Centres culturels français ? On parle de cela. On imagine. On va voir… Il dit qu’il faut trouver les moyens pour que les prisonniers qui sortent soient pris en charge psychologiquement. De même il pense que des prisonniers qui sont libérés et qui possèdent des diplômes devraient pouvoir être aidés pour poursuivre leurs études, peut être à l’étranger ? Il me parle d’une idée : pourquoi ne pas filmer un enfant de prisonnier durant plusieurs semaines pour montrer sa vie. Quand il va et sort de l’école, sans la présence de son père à la maison ni devant l’école. Comment il doit se lever très tôt pour aller tout seul lui rendre visite en prison au milieu des adultes. « Ce serait bien de montrer comment vivent les enfants de prisonniers. » On parle de tout cela, dans les détails.

Deux heures se sont déjà écoulées depuis le début de notre entretien. Il va falloir que nous nous quittions. On se lève. Je l’embrasse encore très fort. On se salue par signes de la main tandis qu’il avance vers une porte derrière laquelle il rejoindra sa geôle. Il me lance une dernière phrase : « Il faut dire à ma mère que les visites reprendront le 2 mai ! ». Le message sera transmis le soir même mais finalement ce sera le 9 mai. La lourde porte se ferme derrière lui. Nous sortons de la prison. Le soleil est toujours là pour nous. Mais toujours pas pour lui…

Jean-Claude Lefort Le 28 avril 2010

Jerusalem, pilleurs de tombes Salah Hamouri peut crever.

9 Messages de forum

  • Rencontre avec Salah Hamouri

    29 avril 2010 09:40, par UHM

    Cet état terroriste d’Israël n’en finit plus de nous dégoûter.

    Espérons que Salah Hamouri continuera à tenir, et qu’en occident, les voix se multiplieront pour réclamer sa liberté, et celle de tous les prisonniers politiques d’Israël.

  • Rencontre avec Salah Hamouri

    29 avril 2010 11:05, par Keizer Soze

    Bonjour,

    Contradiction : Il n’est pas interdit de lire dans cette prison puisque de son propre aveu Salah Hamouri dit qu’il existe une bibliothèque, ce qui lui a permis de se documenter sur les Conventions de Genève.

    D’autre part sa nationalité française ne semble l’intéresser qu’au travers des avantages qu’il peut en retirer. Autrement il n’a "même pas" l’intention de vivre "durablement" en France.

    Tout cela laisse un peu dubitatif. K.S.

    • Rencontre avec Salah Hamouri 29 avril 2010 14:31

      Cher KS

      Qu’est-ce que tu "racontes" ? C’est tout ? Rien noté, perçu,remarqué d’autre, rien interprété, rien ressenti ?

      Mais qu’est-ce que tu racontes ?

      G

      • Rencontre avec Salah Hamouri 29 avril 2010 23:25, par Keizer Soze

        Je ne raconte pas : je constate… Pourquoi, ça dérange ? C’est sale, malvenu, dérangeant, inopportun ?… Vérité pas bonne à dire ?…

        Sachez que je suis suis entièrement acquis à cette cause. Peut-être davantage que vous ne pouvez l’imaginer et l’envisager, mais j’aime l’exactitude et la rectitude. Quand on veut faire la leçon aux autres encore faut-il soi-même être inattaquable.

        K.S.

        • Rencontre avec Salah Hamouri 30 avril 2010 16:27, par D H
          La bibliotheque de la prison n’ est pas un don gracieux du gouvernement israelien aux prisonniers palestiniens mais est constituee de livres laisses par les detenus liberes .De plus , depuis plusieurs mois , les livres sont interdits . Salah est francais mais vit a jerusalem , il connait la france , parle francais et se sent bien dans les 2 pays meme si son coeur balance pour la Palestine . Une question ,Gilad Shalit qui est franco israeleien va -t-il venir vivre en France ? apres tout lui aussi ( sa famille tout au moins ) s’ est souveneu de sa nationalite francaise quand il a ete fait prisonnier de guerre par le Hamas … remarquez lui au moins il est soutenu par Sarco …. )
          • Rencontre avec Salah Hamouri 4 mai 2010 11:23
            D’ailleurs quand on parle de Gilad Shalit on parle bien du soldat Shalit. un Franco-israelien qui faisait sont service militaire israelien quand il a ete enleve’. On en deduit donc quel est sont pays de predilection. D’ailleurs , beaucoup de Franco-israelien font le choix de faire leur service militaire en Israel (y compris des personnage public) mais ca, en France, ca ne choque personne…
    • Rencontre avec Salah Hamouri 4 mai 2010 20:46, par M
      Dubitatif à quel sujet ? Bien sûr que Salah Hamouri se sent d’abord palestinien, il n’a pas grandi en France, c’est le pays de sa mère, il a un passeport français, tout comme Gilad Shalit, et à ce titre, il a des droits. Lesquels ne lui ont pas, jusqu’à présent, été d’une grande utilité, sauf peut-être le droit à ces visites, et l’on remarquera qu’il fait son possible pour parler des autres. Marrant que vous considériez que la présence d’une bibliothèque (info donnée par Salah lui-même) infirme les informations données au sujet de la censure actuellement appliquée. Expliquez-nous ça. Et la présence d’enfants de moins de dix ans en prison, ça ne vous choque pas ? M
    • Rencontre avec Salah Hamouri 8 mai 2010 21:58, par celou
      @ K.S, je ne sais pas depuis quand tout citoyen Français se devrait d’habiter durablement en France. Y’en a qui sont quand même à côté de la plaque ici. Vous seriez peut-être intéressé par un projet de loi qui viserait à déchoir de sa nationalité tout français vivant à l’étranger ? J’aime votre conception "très ouverte" de la France !!!
  • Rencontre avec Salah Hamouri

    4 mai 2010 14:39, par agent de constat
    a keizer sousa ta premiere constatation devrais etre pourquoi un colonisateur detien des prisonier

    Voir en ligne : 2e constat