Ce qu’il y a de bien, quand tu as tous les pouvoirs, c’est que tu peux assez facilement retoucher ta propre photo - avec éventuellement le renfort d’avenants journalistes.
Ainsi, dans Le Point de la semaine, un papier de Saïd Mahrane, totalement ahurissant, pose tranquillement que "Nicolas Sarkozy a un double, qui s’appelle Barack Obama", et que ces deux-là sont de comparables "métèques", vu que l’un comme l’autre est, je te jure que je n’invente rien, "jeune au sang mêlé".
(Fadelamara, citée par Le Monde, juge quant à elle que les deux hommes sont le même "symbole de rupture et de reconnaissance de la diversité des peuples"…)
Saïd Mahrane, fidèlement, rapporte ces quelques mots hallucinants : ""Moi aussi, on m’a traité de métèque durant ma campagne", rappelle le chef de l’Etat en réaction aux attaques racistes dont a été victime son désormais homologue américain".
Naturellement (hormis quelques débiles mentaux), nul(le) n’a "traité" le candidat made in UMP "de métèque" : on s’inquiétait plutôt, quand on n’était pas de son camp, de ce qu’il fût si empressé à stigmatiser de larges pans de population, et de "l’ensemble des provocations antijeunes, anti-immigrés, antimusulmanes qui" lui "ont permis de rallier une partie de l’électorat du Front national" [1].
Mais cette réalité "du discours sarkozyste, ainsi qu’on essaye un peu trop de le faire oublier" [2], devient décidément un peu embarrassante, au moment où l’Étatsunien(ne) met un Noir à la Maison Blanche : on en serait plutôt, ainsi que je disais, à laisser Le Point nous faire la révélation que le chef de l’Etat français a le même pigment de peau, à (très) peu près, que son (très) bon "copain" Barack [3]
(Si le nouveau POTUS était un borgne claudicant ?
Tu peux être certain que le chef de l’Etat français proclamerait, urbi, orbi, que son vrai nom est N’a-qu’un-oeil, et demanderait qu’on lui tienne sa béquille - et que Le Point trouverait sûrement cette boiterie-là terriblement novatrice.)
Mais dans la vraie vie, comme tu sais ?
Le "double" français d’Obama, pour son élection, a longuement fait campagne sur les terres de chasse du Pen - tant et si bien que le très connoisseur Daniel Simonpieri observa : "Beaucoup d’électeurs FN ont constaté que Nicolas Sarkozy disait les mêmes choses que Le Pen, mais que lui avait une chance de les mettre un jour en application - ils ont donc voté utile".
Le "double" français d’Obama, pour son élection, et au nom, sûrement, de "la reconnaissance de la diversité des peuples", a durement fustigé le mahométan qui dans sa baignoire fait un massacre d’ovins - jouant, précisément, de la pulsion qui fait que madame Dupont se défie du "métèque".
Le même, sitôt qu’élu, a voulu déplorer que le Noir de l’Afrique "jamais ne s’élance vers l’avenir".
(Move un peu your ass, Mamadou.)
Le même, depuis qu’élu, a si fort le goût "de la diversité des peuples", qu’il fait promptement déplacer, avant que de s’aventurer en Seine-Saint-Denis, les Roms qui font tache dans le joli paysage.
Le même, depuis qu’élu, "n’a rien fait pour améliorer le sort des minorités" - en sorte que : "Le Plan banlieue est une coquille vide, la dotation de solidarité urbaine est menacée…"
Dans la vraie vie ?
Durant que le Noir étatsunien ovationne Obama ?
Le Noir de Paris quant à lui, dès sa plus petite enfance, mesure qu’it’s encore a très, très long way to the top.
[1] Après la démocratie, par Emmanuel Todd, Gallimard.
[2] Pareil.
[3] D’après Le Point, neffet : Barack tutoie Nicolas, et lui aurait dit comme ça, lors d’une visite à l’Élysée : "Tu sais quoi, Nicolas ? Tu devrais installer un panneau de basket à cet endroit". Si tu as fait un peu d’anglais, tu sais que ce : "You know what ?" Pourrait aussi bien se traduire par un classique : "Vous savez quoi ?" Mais le tutoiement, n’est-ce pas, fait tellement plus "jeune"…