Sitôt qu’élu, qu’ai-je fait ?
Sitôt qu’élu j’ai refilé tout le pognon à mes pansu(e)s commanditaires.
Ton pognon - dois-je le préciser ?
Quand nous avons appris, aux belles soirées de mai, que j’aurais la très haute main sur l’argent des impôts ?
Nous avons ri et bu.
À ta santé, ma couille.
À la santé aussi du con.
Tribuable.
C’était au Fouquet’s, remember : juste avant que Vincent ne me prête son esquif - pour ma retraite spirituelle.
C’est juste à ce moment-là, si mes souvenirs sont bons, que tu as dû commencer à sentir que je te glissais aux parties charnues quelque chose de volumineux.
Des milliards d’euros, j’ai donné.
Par dizaine, d’abord : c’était le paquet fiscal.
Un très bon début, j’en conviens.
Les rombières à bagouses ont frénétiquement festoyé, hurlant que j’étais grand (et beau).
Moyennement, ai-je répondu : j’ai quand même des talonnettes.
(Je suis comme ça : franc du collier.
De chez Cartier, il va de soi.)
Tant de modestie les pâma.
Dès après cette mise en bouche ?
Après l’apéritif ?
J’ai carrément ouvert les vannes : j’ai lâché 320.000.000.000 d’euros, en direction des galetteux.
Je suis pas chipoteux, puis, n’est-ce pas : c’est toi qui paies.
(Dis-moi que tu m’aimes, je te prie.)
Du coup, tu l’auras deviné : je suis un peu raccord, pour la saison printemps-été.
Comme je dis toujours : les caisses sont vides.
(Pok, pok, pok : elles font un son creux.)
Mais comment qu’on va les remplir ?
Caquète François le méchu.
Je pensais que t’aurais deviné : on va faire comme on fait toujours.
On va faire les poches des gueux.
Solidarité nationale.
Décret numéro 1 : je baisse d’un point, à 3 %, les intérêts du Livret A.
J’ai une émue pensée pour la pauvre madame Dupont, qui a scientifiquement épargné son 15-euros-par-mois durant toute sa médiocre vie.
T’as mal au cul, mémé Dupont ?
Ben c’est bien fait pour ta gueule : t’avais qu’à pas voter pour le grand Kapital.
(J’adore faire le gauchiste : ça fait pouffer Bernard.)
Imbécile, va : hop, je te prends l’économie d’une vie.
3 % iront bien, pour ce que tu en fais…
"Baisse du Livret à l’automne, cadeau pour les riches au printemps".
Comme dit un dicton neuilléen.
Puisqu’on parle des zones de non-droit : c’est là, évidemment, qu’on va refaire la tirelire.
Et si tout se passe bien, on va même gagner la guerre à la terreur.
Une pierre ?
Deux coups.
C’est ma devise.
On promet aux banlieues qu’on va leur mitonner la mère de tous les plans Marshall, et à la fin des fins ?
On leur fait la révélation que c’était une plaisanterie.
(Juste pour voir si Fadela s’y laisserait (ou non) piéger : là, je dois dire, elle n’a pas déçu.)
Tout comme si on leur disait d’aller se faire estampiller, je suppose que tu l’as compris.
Susceptibles comme sont les indigènes des faubourgs, sous leurs capuches de merde ?
Je crois que ça va les irriter.
Précisément : j’attends que ça.
Les totos ferroviaires, je ne dis pas : c’est vrai que ça peut aider au conditionnement des masses.
Mais sincèrement, à part le proc : je ne vois pas qui pourrait considérer que ces mecs-là sont la bande à Baader.
Michèle a beau dire : l’"ultra-gauche" nous fera dans le meilleur des cas un mois, puis même les journaleux vont réaliser qu’on se fout de leurs toutes petites gueules.
Tandis qu’un bon vieux soulèvement-des-banlieues des familles, pardon : à peine y pensè-je, qu’un bichage de folie me vient.
Des mois qu’on s’y prépare !
On a tout, m’entends-tu ?
Les drones, les flingues de précision : vazi, culé d’ta race, brûle un peu ta banlieue, qu’on sorte nos couilles poilues, ça devrait lui faire de l’effet, à la mémé qu’on braque au détour de son Livret A.
On va lui mettre l’Afghanistan à une demi-heure d’autobus de son domicile parisien - mais là, espère : les talibans vont manger leur malheur.
À Clichy-sous-Bois, n’est-ce pas ?
C’est nous qu’on tient les cols.
Tu te rappelleras Villiers-le-Bel comme tu te souviens d’Austerlitz - et devine qui fera le bon Napoléon ?
Vieux proverbe noiche : "Quand Bourse baisser, keufs taper".
On dira ce qu’on voudra : les antiques sagesses ont du bon.
D’ici là, comme je te disais, je vais passer parmi toi, et tu vas me filer un billet : j’ai promis à mes chers copains des chaînes privées un joli cadeau pour Noël.