Le capitalisme financier ne fabrique pas seulement de longues dynasties de serial cost killers - du genre, tu sais, qui aime à se dégraisser de quelques milliers de salarié(e)s pour mieux satisfaire les pulsions de son actionnaire [1].
Le capitalisme financier façonne, aussi, de très cyniques petits rapaces.
Mais avant de continuer : je voudrais que tu te rappelles comme l’hebdomadaire Le Point, où l’on porte haut la flambeau de l’iconoclasme concurrentiel, nous vendit naguère, c’était en 2006, l’édifiante histoire de "Thierry F., chômeur professionnel", pillard de l’Assédic, infâme pou crocheté aux blonds cheveux de la société.
Que tu te rappelles, surtout, comme Le Point en avait tiré une théorie générale du salaud de chômiste, en se (et nous) demandant combien d’autres (milliards de) misérables pique-assiettes avaient, comme Thierry F., "dévoyé la générosité du modèle social français".
Ayé ?
Tu t’en souviens ?
Tant mieux, parce que ça va nous faire un point de comparaison avec un petit papier que le même Point a publié dans son numéro de la semaine dernière [2] - et où se trouve le témoignage d’un certain "Matthieu, ancien structureur pour une banque anglo-saxonne à Londres".
L’un de ces " Frenchies de la City" qui "n’ont jamais de mots assez durs pour critiquer les largesses sociales de l’Hexagone".
L’un des cyniques petits rapaces dont je te parlais plus haut : quand "la crise survient", et quand par conséquent ils se font virer de la City d’où ils déféquaient d’une haute hauteur sur la France communisante, que font-ils, d’après toi ?
Ils "s’arrangent pour réintégrer le régime français d’assurance-chômage, auquel ils n’ont pourtant jamais cotisé".
Rien de plus facile : "Pour accéder au statut très envié de chômeur en France payé sur la base de sa rémunération de trader anglo-saxon (hors bonus), il faut (…) avoir retravaillé plus d’un jour et moins d’un mois en France".
Du coup : nos conchieurs de largesses, "qui connaissent la combine, optent le plus souvent pour un" rapide "petit job au McDo".
(Naturellement : Le Point n’en tire aucune théorie générale du rascal néo-libéral, braqueur de l’Assédic.
Non moins naturellement : Le Point, cette fois-ci, néglige de se (et de nous) demander combien de ces morbaques ont déjà "dévoyé la générosité du modèle social français".)
"Matthieu", quant à lui, envisage de "faire une journée de baby-sitting ", pour se gaver à nos frais.
"Huit heures avec un biberon au lieu du Blackberry dans les mains", et il touchera "pendant vingt-trois mois l’équivalent de 57,4 %" de son dernier salaire londonien.
Quelque chose comme "6.366,80 euros mensuels".
C’est plus que ne reçoit, en douze mois, ton ami(e) RMIste : mais il est vrai aussi que ton ami(e) RMIste m’a tout l’air d’être un(e) fainéant(e), qui jamais n’a su voir que son avenir était in the UK, loin de l’effarant collectivisme hexagonal.
Puis, n’est-ce pas : cette menue monnaie que lui consent l’Assédic (où jamais il n’a cotisé), pour le bon "Matthieu", fait tout "juste de quoi payer (ses) billets d’avion et (ses) factures de téléphone".
Comme qui dirait : on serait en somme un peu trop chiches de notre solidarité, avec "Matthieu".
Faudra qu’on soit plus généreux, quand on distribuera aux " Frenchies de la City", plutôt que des euros, des coups de pieds au cul.
[1] Lequel est souventes fois étatsunien, car, tu l’auras noté : le Burkinabè, quant à lui, ne fait que peu dans le fonds de pension.
[2] Et que signale, sept jours plus tard, Le Canard enchaîné.