C’est aujourd’hui, ami(e), que Philippe Val, big boss de Charlie Hebdo, monte-les-marches-à-Cannes.
Philippe Val est en effet le héros d’un film, un "documentaire de Daniel Leconte", qui devait d’abord s’appeler : "Comment que Philippe Val a mis la dose à Ben Laden sous les applaudissements nourris de Nicolas Sarkozy".
Mais qui s’appelle, finalement : "C’est dur d’être aimé par des cons".
Tu sais qui est Daniel Leconte : Daniel Leconte est l’animateur, sur la-chaîne-franco-allemande, de soirées de gros niveau où des penseurs d’altitude, comme Philippe Val, ou Pierre-André Taguieff, ou Philippe Val, ou Pierre-André Taguieff, dénoncent tous les mois la montée de la menace islamo-gauchiste (qui fait rien qu’à faire chier Condoleeza Rice).
Daniel Leconte est, si tu préfères, le vulgarisateur inlassable de la crâne doctrine, ancienne, qui dit qu’il faut se méfier des Rouges et des Mahométans.
(Dans son excellent dernier livre, "Les Nouveaux désinformateurs", paru en 2007 chez Armand Colin (et que tu devrais avoir lu, alors quoi, qu’est-ce que tu fous), le camarade Guillaume Weill-Raynal relève que : "Voilà plusieurs années que nombre de téléspectateurs (…) s’étonnent du ton très particulier de l’émission (…) de Daniel Leconte" sur Arte, "(…) de ses raccourcis faciles et de ses amalgames (…), de son soutien sans faille à la politique étrangère américaine".
(Est-ce qu’on ne dirait pas exactement la description de la production éditoriale de Philippe Val dans Charlie Hebdo ?)
Guillaume Weill-Raynal observe que Daniel Leconte, en même temps qu’il dit tout haut ce que les droites étatsunienne et française disent aussi tout haut, "se définit lui-même comme anticonformiste" - mais qu’en réalité, comme l’a souligné Mona Chollet, "il est parfaitement en phase avec l’écrasante majorité des discours tenus dans la sphère médiatique".
Comme Philippe Val, exactement…)
Le documentaire de Daniel Leconte dont Philippe Val est le héros est consacré, observe Libération, aux "fameuses journées judiciaires où Philippe Val", dans le rôle du héros donc, "était poursuivi par plusieurs organisations musulmanes", dans le rôle des salauds, "à la suite de caricatures" islamophobes "publiées par son journal".
La promotion du documentaire de Daniel Leconte dont Philippe Val est le héros est assurée, depuis quelques semaines, par Philippe Val, dans les pages, notamment, de Charlie Hebdo - mais pas que.
(Hier matin, sur France Inter, où il tient chronique dans la tranche horaire animée par Nicolas Demorand (et sur fond, par conséquent, de pénibles braiements), Philippe Val a posément énoncé, en substance, que la programmation, à Cannes, du documentaire de Daniel Leconte dont Philippe Val est le héros constituait, sans nul doute, l’événement cinématographique (en même temps qu’intellectuel) de ce début de siècle.
Le penseur d’altitude se reconnaît à ce qu’il n’hésite jamais à faire, sur une antenne de service public, sa promotion privée.)
La réclame du documentaire de Daniel Leconte dont Philippe Val est le héros est aussi faite, il va de soi, par Daniel Leconte, qui dans Le Nouvel Observateur de la semaine énonce gravement que : "Aujourd’hui l’extrême-gauche intellectuelle est compromise avec l’islamo-gauchisme".
(Qui ferait mieux de cesser d’emmerder Condoleeza Rice.)
Libération note ce matin, cependant, que le documentaire de Daniel Leconte dont Philippe Val est le héros "ne découvre rien et ne démontre pas davantage", mais qu’"il s’assimile le plus souvent à une caméra embarquée au flanc de Philippe Val, ses fous rires, son appétit de vaincre, parfois ses inquiétudes".
(On réalise par conséquent, et c’est divertissant, que Philippe Val, durant qu’il guerroyait contre Al-Qaeda, était continûment filmé : le gars enregistrait son courageux combat, pour la postérité.)
En somme, résume Libé, "la position où campent le cinéaste et son film est univoque dès l’origine : résolument du côté de Charlie Hebdo et du droit absolu à la caricature".
Or : "Cette position est à peu près unanimement partagée par la profession, ainsi que par la totalité du spectre politique français".
(Et notamment par le chef de l’Etat français, qui avait assuré Philippe Val de son plein soutien : Philippe Val avait alors, il t’en souvient, passé au fondement du chef de l’Etat français une langue chargée de l’affirmation que le gars était un irréprochable républicain, violemment démocrate.
Après quoi, frétillant toujours de l’appendice caudal, Philippe Val avait chanté : "Sarkozy est petit, mais c’est mon ami, Sarkozy n’est pas grand, mais il est vaillant, oooooh-ooh, Saaaaarkozyyyyy…")
De sorte que "la projection à Cannes" du documentaire de Daniel Leconte dont Philippe Val est le héros "ne suscite, au sens strict, aucun débat".
C’est pas trop dur, Philippe ?
D’être aimé par des sarkozystes ?