La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, adoptée le 5 décembre 2000, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs qui invoquent, à l'encontre de ce texte, de nombreux moyens.
On relèvera d'emblée que les critiques que les sénateurs adressent à l'ensemble de la loi mettent essentiellement en cause, à travers la discussion sur son « accessibilité » et son « intelligibilité », les choix d'ordre politique que le Gouvernement a proposés au Parlement et que la loi a retenus. En outre, et qu'il s'agisse du mode de financement du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), ou des transferts entre le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), la complexité alléguée des mouvements financiers qui en résultent ne fait nullement obstacle à leur compréhension, comme le montrent d'ailleurs les termes mêmes de la saisine.
Situées en réalité sur le terrain de l'opportunité, les critiques ainsi formulées ne relèvent pas du contrôle prévu par l'article 61 de la Constitution.
Quant aux autres moyens des recours, ils appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I. - Sur les articles 3 et 7
A. - Afin de favoriser le retour à l'emploi des personnes aux revenus les plus modestes, l'article 3 met en place, pour les personnes gagnant moins de 1,4 fois le SMIC, un dispositif de réduction dégressive de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) sur les revenus d'activité. Par ailleurs, l'article 7 organise un mécanisme de compensation permettant de faire prendre en charge par l'Etat la diminution de ressources qui en résulte pour les régimes obligatoires de base.
Pour contester cette mesure, les requérants font valoir qu'elle ne respecte ni l'article 34 de la Constitution ni le principe d'égalité devant les charges publiques. Ils estiment, en particulier, qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire la détermination des modalités d'application de l'exonération de la CSG et de la CRDS, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence. Ils soutiennent que ces impositions prennent le caractère d'impôts progressifs, sans tenir compte de la situation du foyer fiscal, créant ainsi des ruptures d'égalité entre contribuables ayant le même niveau de vie. Ils font également grief au dispositif de ne pas tenir compte des revenus non professionnels.
Les sénateurs, auteurs du second recours, ajoutent que le dispositif applicable aux « pluriactifs » conduit à les privilégier et ne comporte pas de contrôle efficace. Ils estiment que, de manière générale, l'article 3 porte atteinte à des principes de « solidarité » et d'« universalité du financement de la sécurité sociale ». Ils font valoir que la compensation prévue à l'article 7 est incertaine. Ils critiquent également le fait que la sécurité sociale soit tributaire de la compensation de pertes de recettes.
B. - Ces critiques ne sont pas fondées.
1. S'agissant du principe même de la réduction dégressive, c'est à tort que les requérants soutiennent qu'il méconnaît l'égalité devant l'impôt.
a) A cet égard, il convient en premier lieu de souligner que, au regard du but que s'est assigné le législateur, qui est de favoriser la reprise d'activité et le retour à l'emploi en augmentant le revenu net tiré d'une d'activité, il est rationnel de prendre en considération le seul revenu professionnel de chaque individu.
En adoptant cette mesure incitative, le Parlement a entendu réduire ce qu'il est convenu d'appeler les « trappes à inactivité ». Il apparaît en effet que certaines dispositions sociales ou fiscales ont un effet dissuasif à l'égard du retour à l'emploi. C'est en particulier ce qui résulte de l'assujettissement du revenu d'activité à diverses contributions, qui peuvent avoir pour effet de réduire le revenu disponible, en cas de reprise du travail, à un niveau inférieur - ou insuffisamment supérieur - à celui d'un chômeur.
Le prélèvement de 8 % sur les revenus d'activité, que constitue l'ensemble formé par la CSG et la CRDS, peut à cet égard présenter un caractère dissuasif. C'est pourquoi il a été décidé de réduire progressivement ce prélèvement, pour les revenus inférieurs à 1,4 fois le SMIC, allant jusqu'à la suppression complète pour les revenus inférieurs ou égaux.
Sans doute pourrait-on imaginer d'autres solutions pour faciliter le retour à l'emploi, comme cela a été évoqué au cours des débats parlementaires. Mais le débat relatif au parti le plus adéquat est essentiellement de nature politique. Il ne peut être utilement poursuivi devant le juge constitutionnel qui ne dispose pas, ainsi que le Conseil l'a notamment rappelé dans sa décision no 99-411 DC du 16 juin 1999, d'un pouvoir d'appréciation analogue à celui du Parlement. En particulier, le bien-fondé de ce choix ne saurait être remis en cause, au motif que l'objectif que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies (no 99-416 DC du 23 juillet 1999). L'essentiel, comme le souligne cette même décision, est que ce choix ne soit pas manifestement inapproprié et que, s'agissant d'un dispositif fiscal incitatif, il repose sur des critères objectifs et rationnels, au regard du but que s'est assigné le législateur.
Ces conditions sont remplies par le dispositif contesté, qui se borne à agir sur le revenu disponible que le candidat à un retour à l'emploi peut espérer d'une reprise d'activité. De ce point de vue, la loi n'avait pas à prendre des mesures particulières pour tenir compte, au sein d'un ménage, de situations différentes, suivant que l'autre conjoint exerce ou non une activité professionnelle. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, elle ne crée aucune rupture contraire au principe d'égalité en traitant différemment deux ménages pouvant avoir le même revenu global : c'est la situation de chaque actif, prise isolément, qui seule est pertinente au regard de l'objet de la mesure.
b) On ajoutera, en deuxième lieu, que le mécanisme contesté est inhérent au caractère cédulaire de la CSG, dont le régime consiste à soumettre chacune des catégories de revenus à un impôt dont les règles d'assujettissement, d'assiette, de taux et de recouvrement sont propres, comme l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision no 90-285 DC du 28 décembre 1990. Il est donc inévitable que ce dispositif, qui n'a pas pour finalité l'imposition d'un revenu global, ne prenne pas en compte la totalité des revenus professionnels et non professionnels des intéressés ainsi que la totalité des revenus d'activité de chaque ménage.
c) En troisième lieu, on soulignera que cette contribution, qui se substitue à des cotisations sociales, repose sur un mécanisme de retenue à la source. Cette retenue est opérée par les employeurs, qui versent les sommes correspondantes aux organismes de recouvrement, selon les mêmes modalités que pour le recouvrement des cotisations sociales. Un tel mécanisme repose sur des exigences de simplicité incompatibles avec la prise en compte de revenus d'autre nature ou de la composition des ménages.
2. S'agissant des renvois au pouvoir réglementaire, on rappellera d'abord que la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature » n'implique pas nécessairement que le régime applicable à une imposition soit entièrement contenu dans des dispositions législatives, comme le souligne, en dernier lieu, la décision no 99-422 DC du 21 décembre 1999.
En l'espèce, l'essentiel du dispositif est défini par la loi et le renvoi au décret est seulement destiné à en préciser les modalités concrètes d'application pour certaines catégories très particulières d'actifs. C'est ainsi que le A du I (pour l'activité salariée) et du II (pour l'activité non salariée) de l'article 3 définit précisément les personnes pouvant prétendre à la réduction, tandis que le B du I et du II en fournit directement le taux.
Le législateur pouvait donc renvoyer à des dispositions réglementaires le soin de préciser les modalités de certaines adaptations dont la nature est prévue par la loi : s'agissant des employeurs de gens de maison, la réduction s'applique sur une base horaire forfaitaire ; pour les salariés agricoles bénéficiant du titre emploi simplifié agricole, sur une base horaire ; pour les salariés qui contribuent sur des assiettes forfaitaires, la réduction s'appliquera sur ces assiettes ; s'agissant enfin des artistes auteurs, elle portera sur le revenu correspondant à l'exercice d'une activité sur une année entière.
De même le législateur pouvait-il renvoyer au décret le soin de préciser les modalités concrètes de la conversion, dans certains cas, des revenus en équivalent temps plein, ainsi que les modalités selon lesquelles seront pris en compte les différents revenus qu'une même personne peut percevoir en cas de pluri-activité.
Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 34 de la Constitution n'est donc pas fondé.
II. - Sur l'article 9
A. - Afin de simplifier l'assiette des cotisations sociales des exploitants agricoles, l'article 9 retient deux périodes de référence, au lieu des quatre assiettes qui coexistaient jusqu'à présent.
Le nouvel article L. 731-15 du code rural pose le principe d'une assiette triennale, consistant à prendre en compte la moyenne des revenus professionnels se rapportant aux trois années précédentes. Toutefois, l'article L. 731-19 ouvre la possibilité d'opter pour une assiette annuelle, fondée sur les revenus de l'année précédente. Par ailleurs, ce nouveau mécanisme s'applique aussi bien aux exploitants relevant du régime forfaitaire d'imposition qu'à ceux relevant du régime d'imposition selon le bénéfice réel.
Les requérants font grief à la loi de supprimer la référence constituée par l'année n pour les adhérents au régime réel d'imposition et de porter ainsi atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques, pendant la période transitoire.
B. - Cette critique se méprend sur la portée exacte de la mesure.
La simplification apportée par l'article 9 conduira à appliquer dès le 1er janvier 2001, aux exploitants dont les cotisations reposaient sur une assiette annuelle constituée par les revenus professionnels de l'année n, une assiette triennale fondée sur la moyenne des années n-1, n-2, n-3. De ce fait, ces exploitants bénéficieront d'un « lissage » de leurs revenus professionnels des trois dernières années servant au calcul de leur assiette de cotisations sociales. Le nouveau dispositif permettant de faire face à la variation des revenus professionnels inhérente à l'activité agricole, les intéressés ne seront donc pas pénalisés. Par ailleurs, s'ils le désirent, ils pourront opter, dès 2001, pour l'assiette annuelle constituée par les revenus de l'année n-1.
Dès lors, s'il faut comprendre la critique adressée à l'article 9 comme fondée sur l'impossibilité d'asseoir, pendant deux exercices successifs, un prélèvement sur le revenu d'une même année, le grief est inopérant : il est en effet loisible au législateur de définir l'assiette qui lui paraît appropriée, pourvu que le prélèvement ne revête pas un caractère spoliatoire.
Au reste, on observera que les modalités pratiques d'exercice de l'option pour une assiette basée sur les revenus professionnels de l'année n, jusqu'à présent ouverte aux exploitants agricoles soumis au régime réel d'imposition, n'aboutissent pas, en réalité, à asseoir les cotisations sur les revenus de l'année n. En effet, le calcul des cotisations des exploitants ayant opté pour l'année n consiste en réalité à appeler des acomptes calculés sur les revenus professionnels de l'année n-1, puis à régulariser ceux-ci au cours de l'année n+1 lorsque les revenus professionnels des intéressés sont définitivement connus. Autrement dit, le régime dont les requérants contestent la disparition ne reposait pas véritablement sur une référence à l'année n.
Le moyen tiré de l'atteinte portée au principe d'égalité devant les charges publiques doit donc être écarté.
III. - Sur l'article 18
A. - L'article 18 arrête, par catégorie, les prévisions de recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement.
Selon les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, cet article aurait été adopté dans un « contexte de confusion », marqué notamment par l'absence, dans la loi déférée, du dispositif aménageant la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). A leurs yeux, l'exigence de sincérité permettant au Parlement de se prononcer sur les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour 2001 aurait été méconnue.
B. - Les requérants confondent, ce faisant, les dispositions qui doivent figurer en loi de financement, en vertu du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, et celles qui peuvent y figurer, en application du III du même article .
Au titre des premières, le 2o du I de cet article prescrit à loi de financement de la sécurité sociale de l'année de « prévoir, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ». Au contraire, le III du même article permet seulement d'insérer, dans la loi de financement, toute disposition « affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ».
De cette distinction entre contenu obligatoire et contenu facultatif, il découle que les prévisions devant figurer dans la loi de financement de la sécurité sociale en application du 2o du I doivent prendre en compte tous les éléments susceptibles d'exercer une influence sur le montant des recettes, même si ces éléments ne se retrouvent pas dans d'autres dispositions de la même loi. Ces éléments peuvent d'ailleurs ne reposer que sur des prévisions économiques. Ils peuvent aussi tenir compte de mesures diverses de nature à faire varier le montant des recettes des régimes obligatoires de base. Celles de ces mesures qui ont un caractère réglementaire n'ont évidemment pas leur place dans la loi.
Celles qui ont un caractère législatif peuvent, en vertu du III de l'article LO 111-3, figurer dans la même loi de financement que la prévision de recettes qui les prend en compte en application du 2o du I. Mais il est clair que, s'agissant notamment de mesures fiscales, la loi de financement de la sécurité sociale n'a aucune compétence exclusive.
Au cas particulier, il est exact que la réforme de la TGAP aurait pu trouver sa place dans la loi déférée. Il se trouve cependant que l'ensemble du dispositif ne pouvait être prêt à temps pour figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Le Gouvernement a donc été conduit à l'insérer dans le projet de loi de finances rectificative, comme il lui est loisible de le faire, s'agissant de dispositions présentant un caractère fiscal. La recette associée à la TGAP n'en a pas moins été prise en compte, pour 7 milliards de francs, dans les agrégats de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
IV. - Sur l'article 21
A. - L'article 21 de la loi déférée prévoit la prise en charge progressive, par la Caisse nationale des allocations familiales, de la majoration de 10 % de la pension de vieillesse servie aux parents d'au moins trois enfants qui était jusque-là financée par le Fonds de solidarité vieillesse.
Selon les députés requérants, la mise à la charge de la branche famille des majorations familiales des pensions de vieillesse du régime général porte atteinte à l'universalité des prestations familiales et à l'égalité des citoyens devant les charges publiques. Ils font à cet égard valoir que tous les actifs qui paient des cotisations familiales et la CSG destinée à la branche famille n'ont pas vocation à bénéficier de majorations familiales de pensions de retraite et que le législateur fait financer par certains cotisants des avantages dont ils sont privés. Les auteurs de la saisine soutiennent également que l'article 21 méconnaît le « principe de l'autonomie des branches » qui résulterait de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
Selon les sénateurs, auteurs du second recours, cette autonomie résulterait d'un « principe fondamental reconnu par la législation républicaine », depuis les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945.
B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que ces moyens ne sont pas fondés.
1. En premier lieu, il est inexact de prétendre que le régime des prestations familiales repose sur un « principe d'universalité », tel que l'entendent les requérants.
A cet égard, on soulignera d'abord que, s'il est vrai que tous les salariés participent au financement de la branche famille par le biais du précompte, sur leurs salaires, de la CSG et d'une cotisation patronale, en revanche la dépense de la branche famille n'est pas, au sens où l'entendent les requérants, universelle. Ainsi, bien que contribuant au financement de la branche famille, tous les assurés ne bénéficient pas des allocations familiales, celles-ci n'étant versées qu'à partir du second enfant. De même, ils n'ont pas tous vocation à bénéficier des autres prestations familiales, qui peuvent être soumises à une condition de ressources.
Par ailleurs, des mécanismes de financement fondés sur la solidarité entre régimes ou faisant intervenir la solidarité nationale fonctionnent d'ores et déjà au bénéfice de tous les régimes de base. Ces mécanismes contribuent donc, même de manière indifférenciée, au financement de la majoration de pension, avantage non contributif.
Ils reposent actuellement, d'une part, sur le FSV, pour le régime général, les régimes alignés et celui des exploitants agricoles, d'autre part, sur la compensation entre les régimes ou sur des subventions d'équilibre d'origine budgétaire, pour les autres régimes de base. Il n'y a donc pas d'inégalité de traitement entre régimes.
Le transfert, opéré par la mesure contestée, du FSV à la branche famille ne modifie donc pas la logique du dispositif d'ensemble.
Enfin, il convient de mentionner que l'affiliation à l'assurance vieillesse des parents au foyer des personnes qui cessent ou réduisent leur activité professionnelle pour élever leurs enfants obéit à cette même logique. Le financement de cette affiliation est en effet assuré par une cotisation à la charge exclusive des organismes débiteurs des prestations familiales calculées sur des assiettes forfaitaires.
2. En deuxième lieu, le transfert opéré par l'article 21 ne porte aucune atteinte à l'égalité des citoyens devant les charges publiques.
En effet, cette réforme constitue un simple changement de source de financement, sans impact sur les modalités de celui-ci. Elle n'implique par ailleurs aucune modification du champ de prise en charge de la majoration de pension pour enfants, qui reste le même qu'auparavant (régime général des salariés, artisans, commerçants et exploitants agricoles). Les bénéficiaires eux-mêmes ne sont pas affectés par ce changement.
3. En troisième lieu, le moyen tiré d'un « principe d'autonomie des branches » est inopérant.
Un tel principe ne peut en effet se déduire de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, qui se borne à prévoir la présentation des objectifs de dépenses par branche : il s'agit seulement de présenter, par grande fonction sociale, les montants susceptibles d'être consacrés à chacune de ces fonctions.
On ne saurait davantage, comme tentent de le faire les sénateurs, auteurs du second recours, tirer des textes fondateurs de la sécurité sociale la conséquence que la séparation des branches, actuellement posée, pour le régime général, à l'article L. 225-1 du code de la sécurité sociale, aurait valeur constitutionnelle. En tout état de cause, de cette séparation ne découle nullement l'interdiction des transferts de recettes entre branches : bien au contraire, c'est ce principe qui rend nécessaire de tels transferts. En l'absence de transferts, les situations existantes seraient gelées et les évolutions structurelles de chacune des branches ne seraient pas prises en compte.
V. - Sur l'article 29
A. - L'objet de l'article 29 est de permettre le financement par le Fonds de solidarité vieillesse de la validation, par les régimes de retraite complémentaire, des périodes de chômage et de préretraite indemnisées par l'Etat.
Selon les sénateurs requérants, ces régimes ne sont pas des régimes obligatoires de base, au sens de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Ils estiment que, si les dépenses qui résultent de cet article pour le FSV figurent dans l'objectif de dépenses de l'article 54, cet objectif est erroné. Dans le cas contraire, et si les recettes permettant de les financer sont incluses dans les prévisions de l'article 18, l'article 29 introduit une incohérence dans la notion d'équilibre des lois de financement de la sécurité sociale.
B. - Ces moyens ne sont pas fondés.
Le Gouvernement entend souligner que cet article permet de mettre fin à un litige existant depuis 1984 entre l'Etat et les régimes de retraite complémentaire.
Ce litige a pour origine l'engagement pris par l'Etat en 1984, lors de la création du régime de solidarité, et jamais honoré, de prendre en charge la validation des périodes de préretraite et allocation de solidarité spécifique dans les régimes complémentaires. Depuis le 1er juillet 1996, les régimes complémentaires ont cessé de valider les périodes de retraite correspondant à ces périodes de chômage, pour les contrats de travail interrompus à compter de cette date. L'article 29 tire les conséquences d'un accord signé le 23 mars 2000 afin de clore ce contentieux, et permet que les personnes ayant été affectées par la perte d'un emploi pendant leur carrière professionnelle ne voient pas leur retraite complémentaire amputée. Se trouve ainsi assuré, pour tous les retraités, le bénéfice de leurs droits à retraite complémentaire.
Ce faisant, le législateur n'introduit, contrairement à ce qui est soutenu, aucune incohérence dans la notion d'équilibre de la loi de financement de la sécurité sociale. Il ne méconnaît pas non plus l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
Il ne fait certes pas de doute que les bénéficiaires du versement autorisé par l'article 29 - les régimes ARRCO et AGIRC - ne sont pas des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.
Toutefois, cette dépense a pour conséquence directe de réduire les excédents du FSV et, partant, les ressources potentielles du fonds de réserve pour les retraites, qui constitue la deuxième section du FSV et a pour mission essentielle de financer les régimes de base d'assurance vieillesse. Or il résulte de la jurisprudence dégagée à propos d'un autre organisme concourant au financement des régimes obligatoires de base, le FOREC (no 99-422 DC du 21 décembre 1999), que des dispositions ayant une incidence sur les recettes ou les dépenses d'un tel organisme ont leur place en loi de financement de la sécurité sociale.
Contrairement à ce qu'indiquent les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 n'en est pas affectée. En effet, l'annexe f du projet de loi de financement de la sécurité sociale retraçant les comptes prévisionnels du FSV et de la CADES intègre la prise en charge par le fonds du coût de la validation des périodes de « chômage-solidarité » dans les régimes complémentaires conventionnels, tandis que le texte lui-même prend en compte cette charge, tant en recettes qu'en dépenses.
Ainsi, les dispositions de l'article 29 ne sont pas étrangères au domaine des lois de financement, et ne portent pas atteinte à l'équilibre de la loi déférée.
VI. - Sur l'article 49
A. - L'article 49 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 définit un nouveau mode de calcul du reversement pour dépassement du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique, établi par les articles L. 138-10 et suivants du code de la sécurité sociale.
D'une part, pour le seuil de déclenchement de la contribution, un taux de progression fixé à 3 % pour 2001 est substitué au taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). D'autre part, pour le calcul de la contribution, le mécanisme actuel, qui est fonction du taux de croissance du chiffre d'affaires, est abandonné au profit d'un système linéaire évitant les effets de seuil.
Les requérants estiment que le taux de 3 % n'est fondé sur aucun élément objectif ou rationnel. Ils reprochent également à cet article de méconnaître le principe de progressivité de l'impôt et considèrent que le taux de 70 % est confiscatoire.
B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
1. En premier lieu, il convient de rappeler que l'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, déclaré conforme à la Constitution par la décision no 98-404 DC du 18 décembre 1998, fixait déjà un taux spécifique pour le calcul de la contribution. Or, la présente loi se borne à adapter le dispositif existant aux réalités observées. Il s'agit d'une simple modulation, dont on observera au surplus qu'elle est, pour ce qui concerne le taux de déclenchement, favorable aux laboratoires concernés, ce taux étant fixé à 3 % au lieu de 2 % en 2000.
On soulignera ensuite que la différence entre le taux de déclenchement (3 %) et le taux de progression de l'ONDAM « rebasé » (3,5 %) est strictement identique à celle qui avait été retenue par la loi de financement pour 2000, qui avait fixé ces taux respectivement à 2 % et 2,5 %.
En tout état de cause, aucun principe de valeur constitutionnelle n'impose au législateur de retenir le taux de l'ONDAM comme taux de déclenchement de la clause de sauvegarde, étant rappelé que l'ONDAM est un objectif global qui n'implique pas, par lui-même, que tous les postes de dépenses de l'assurance maladie connaissent la même progression.
2. En deuxième lieu, c'est à tort qu'il est reproché au nouveau dispositif de méconnaître le principe de progressivité.
L'argument des requérants repose sur l'idée que l'article 49 a en fait pour objectif de mettre en place un taux unique de récupération de 70 %. Mais ce postulat est erroné. Le texte prévoit en réalité que, en cas de dépassement, la récupération sera effectuée sur trois tranches, soit pour 2001 :
50 % pour la partie de l'augmentation du chiffre d'affaires comprise entre 3 % et 3,5 % ;
60 % pour la partie de l'augmentation du chiffre d'affaires comprise entre 3,5 % et 4 % ;
70 % pour l'augmentation du chiffre d'affaires au-delà de 4 %.
Le dispositif est donc bien progressif et le taux de 70 % ne représente que le taux applicable à la tranche supérieure des dépassements : en aucun cas ce taux ne s'applique uniformément à l'ensemble.
En tout état de cause, le taux d'évolution de la dépense de médicament de 6 à 7 % ne constitue qu'une prévision dont rien ne dit qu'elle sera réalisée en 2001 ni au-delà. Au contraire, il est à espérer que le mécanisme de régulation mis en place par l'article 49 aura un effet modérateur sur le taux d'accroissement du chiffre d'affaires pour 2001.
3. En troisième lieu, l'application de ce mécanisme ne présente aucun caractère confiscatoire.
En effet, la contribution ne se déclenche que lorsque la progression du chiffre d'affaires des médicaments remboursables dépasse le taux défini par la loi. Au-delà de ce taux, le chiffre d'affaires ne supporte que des charges très réduites. Les coûts variables de production et de commercialisation sont en effet très faibles dans cette industrie. Le prélèvement, même à son maximum, laisse donc une marge suffisante aux entreprises.
Par ailleurs, la contribution qui reste soumise au plafonnement prévu par l'article L. 138-12 ne s'applique pas à la totalité du chiffre d'affaires mais seulement à la partie qui correspond à la vente en France de médicaments remboursables en officines de ville. On précisera à cet égard que, en moyenne, le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques en France ne représente que 67 % du chiffre total, et se partage en trois :
- le chiffre d'affaires obtenu par la vente des médicaments non remboursables (7 %) ;
- celui obtenu par la vente des médicaments à l'hôpital (16 %) ;
- enfin celui obtenu par la vente de médicaments remboursables en officine de ville (77 %).
Seul ce dernier élément, qui ne représente in fine que 52 % en moyenne du chiffre d'affaires total, est pris en compte dans le mécanisme contesté.
On ajoutera que le mécanisme de récupération ne se cumule pas d'une année sur l'autre. Les dépassements observés en année n sont intégrés dans le chiffre d'affaires servant de base à la mesure de la progression de l'année n+1, restant ainsi acquis à l'industrie pharmaceutique sans donner lieu, à nouveau, à l'application de la clause de sauvegarde.
Enfin, c'est à tort que les requérants tirent argument de la contribution sur les ventes directes que modifie, par ailleurs, l'article 50 de la loi déférée. En réalité, cet article concerne une taxe majoritairement acquittée par les grossistes, et qui ne porte sur le chiffre d'affaires des entreprises que pour leurs ventes directes, c'est-à-dire un peu moins de 10 % de leur chiffre d'affaires.
4. En quatrième lieu, on rappellera que le Conseil constitutionnel a admis, dans sa décision no 98-404 DC, déjà citée, que la contribution en cause ne créait pas de rupture d'égalité entre les entreprises ayant signé et respecté une convention avec le comité économique du médicament et les autres. Or, l'article contesté n'introduit, à cet égard, aucune modification dans le dispositif initial et il n'affecte pas davantage la liberté contractuelle des entreprises concernées.
VII. - Sur l'article 50
A. - Le I de l'article 50 modifie le barème de la taxe sur les grossistes répartiteurs, qui tient compte de l'évolution trimestrielle du chiffre d'affaires hors taxe réalisé par l'ensemble des entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques.
Le II du même article précise que la mesure s'applique au chiffre d'affaires réalisé à compter du 1er octobre 2000.
Selon les requérants, cette dernière disposition présenterait un élément de rétroactivité qu'aucun motif d'intérêt général ne justifierait.
B. - Ce moyen est inopérant.
Il résulte en effet de l'article L. 138-2 du code de la sécurité sociale, dans lequel s'insère le I de l'article 50, que le fait générateur de cette contribution est constitué par l'écoulement d'une période trimestrielle à l'issue de laquelle est évalué le chiffre d'affaires servant de base au calcul du prélèvement. L'article L. 138-4 précise en outre que les entreprises concernées versent les sommes dues à ce titre, avant le dernier jour du trimestre suivant.
Dans le silence de la loi, le I de l'article 50 se serait de toute façon appliqué à tout fait générateur constitué après son entrée en vigueur. Dès lors que la loi déférée doit être publiée avant le début de l'année 2001, le barème issu de l'article 50 aurait par conséquent frappé le chiffre d'affaires apprécié au 31 décembre 2000, c'est-à-dire celui qui a été réalisé au cours du dernier trimestre de cette année.
En précisant que le nouveau barème s'applique au chiffre d'affaires réalisé à compter du 1er octobre 2000, le II de l'article 50 s'est donc borné à expliciter ce qui résulte des règles normales d'application de la loi fiscale dans le temps, sans introduire aucune rétroactivité.
VIII. - Sur l'article 53
A. - L'article 53 de la loi déférée crée un Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Prenant acte de ce que ce dispositif permet aux victimes d'obtenir, sous le contrôle des juridictions, une indemnisation intégrale du préjudice né d'une exposition à l'amiante, et avec le souci d'éviter la multiplication de recours contentieux poursuivant le même objet, le législateur a précisé, aux IV et V de l'article 53, les règles régissant l'exercice des recours liés à l'indemnisation de ce préjudice.
Les parlementaires requérants estiment que ces dispositions portent une atteinte excessive au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. Tel serait le cas tant du IV de l'article 53 qui prive, selon eux, les personnes qu'il vise de la possibilité de se porter partie civile devant les tribunaux, que du V qui limiterait les possibilités de recours contre des décisions de la commission d'indemnisation.
Les sénateurs, auteurs du second recours, ajoutent que la voie de recours organisée par le V devant les cours d'appel ne présente pas de garanties suffisantes. Ils estiment que les modalités ainsi définies s'apparentent à une « transaction juridique forcée », contraire au principe du libre accès à la justice. Enfin, ils considèrent que les dispositions contestées lèsent les ayants droit de la victime.
B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que ces dispositions sont conformes aux principes constitutionnels.
A titre liminaire, on rappellera qu'il résulte de la jurisprudence, d'une part, que le principe posé par l'article 1382 du code civil trouve sa source dans l'article 4 de la Déclaration de 1789 (no 99-419 DC du 9 novembre 1999), d'autre part, qu'il ne peut être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours devant une juridiction (no 96-373 DC du 9 avril 1996). Dans le respect de ces principes, il appartient au législateur d'aménager tant les règles de la responsabilité civile que celles qui régissent l'accès aux juridictions.
C'est en parfaite conformité avec ces principes, et pour tirer les conséquences de l'expérience née de l'activité du fonds créé par la loi no 91-1406 du 31 décembre 1991 en vue d'indemniser les victimes de contaminations transfusionnelles par le VIH, qu'il a paru nécessaire de préciser l'articulation entre les procédures juridictionnelles et la procédure d'indemnisation par le fonds créé par l'article 55.
A cet égard, il convient de souligner que les règles retenues par la loi déférée sont précisément celles que la Cour de cassation avait dégagées pour l'application de la loi du 31 décembre 1991 : le principe est que la victime qui a été intégralement indemnisée de son préjudice - soit qu'elle ait elle-même accepté une offre qu'elle jugeait satisfaisante, soit que, à défaut, la juridiction compétente ait définitivement statué sur ce point - ne peut plus engager une nouvelle action aux mêmes fins.
S'il a été nécessaire d'expliciter ces règles dans la présente loi, c'est parce que, pour l'application de la même loi du 31 décembre 1991, le Conseil d'Etat avait retenu une solution différente consistant à accepter, a priori, une nouvelle action du demandeur. Les juridictions administratives procédaient donc à une nouvelle évaluation du préjudice. Lorsqu'il était conduit à retenir un montant supérieur à celui adopté par le juge civil, le juge administratif réglait la question de la double indemnisation par des mécanismes de déduction et de subrogation. La complexité des règles résultant de la coexistence de ces deux jurisprudences et l'incertitude en découlant ont conduit la Cour européenne des droits de l'homme à condamner la France, le 30 octobre 1998, pour insuffisante clarté des textes relatifs aux possibilités de recours. Une semblable condamnation vient d'ailleurs d'être à nouveau prononcée par un arrêt rendu le 10 octobre 2000 par cette juridiction.
Dans ces conditions, il appartenait au législateur de trancher entre ces deux interprétations. En codifiant les principes qui avaient été dégagés par la Cour de cassation, le texte lève toute ambiguïté : il est désormais clairement établi que, lorsque le demandeur aura accepté l'offre du fonds, ou que la cour d'appel aura pris une décision définitive, il ne pourra plus saisir une juridiction civile pour une nouvelle indemnisation du même préjudice ; et s'il a déjà obtenu une indemnisation intégrale, il ne pourra pas saisir le fonds pour les mêmes préjudices. Mais naturellement la victime pourra faire valoir d'autres préjudices que ceux qui auront été indemnisés.
Les règles ainsi adoptées ne portent - pas davantage que celles que la Cour de cassation avait retenues pour l'application de la loi du 31 décembre 1991 - aucune atteinte ni aux droits des victimes d'obtenir réparation, ni à leur droit de saisir une juridiction pour obtenir une réparation intégrale, notamment lorsque, estimant que l'évaluation faite par le fonds est insuffisante, elles rejettent l'offre, ni même à leur faculté de mettre en mouvement l'action publique par le dépôt de plaintes avec constitution de partie civile.
A fortiori, les dispositions contestées ne portent à ces droits aucune atteinte substantielle, au sens de la jurisprudence constitutionnelle.
De même était-il loisible au législateur de retenir le principe d'une compétence directe des cours d'appel, dans le souci d'accélérer le règlement définitif de ces contentieux. A cet égard, on saisit mal comment le mécanisme ainsi mis en place pourrait s'apparenter, ainsi que le prétendent les sénateurs requérants, à une « transaction juridique forcée ».
De surcroît, on peut observer que la clarification apportée par la loi s'accompagne de dispositions chargeant le fonds d'intervenir devant les juridictions civiles, notamment celles du contentieux de la sécurité sociale, au lieu et place de la victime, en recherche de la responsabilité de l'employeur en cas de faute inexcusable. Le fonds sera tenu de faire cette recherche. La loi précise en outre que, si l'indemnisation fixée par la juridiction en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est plus élevée que celle que la victime avait initialement obtenue au titre de la présente loi, le fonds sera tenu de lui faire une nouvelle offre.
Enfin, on ne voit pas en quoi l'article 53 aurait, comme le soutiennent les sénateurs, porté atteinte aux droits des ayants droit des victimes : ils pourront aussi obtenir la réparation de leurs préjudices propres.
IX. - Sur l'article 55
A. - L'article 55 de la loi déférée fixe l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 693,3 milliards de francs.
Selon les auteurs de la saisine, le caractère arbitraire du montant ainsi fixé affecte la constitutionnalité du mécanisme des « lettres flottantes ».
B. - Cette argumentation est inopérante, dans la mesure où elle s'adresse essentiellement au mécanisme de maîtrise des dépenses d'assurance maladie qui a été déclaré conforme à la Constitution par la décision no 99-422 DC du 21 décembre 1999, et auquel l'article 55 n'apporte aucune modification.
En tout état de cause, le critère de déclenchement des mesures correctrices reste le respect de l'ONDAM, et le montant retenu pour 2001 n'a rien d'arbitraire. Il s'agit d'un objectif qui prend en compte, outre la politique de maîtrise des dépenses, les besoins et les dépenses nouvelles tels qu'ils peuvent être appréciés.
Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le « rebasage » de l'ONDAM n'a pas davantage pour conséquence de lui faire perdre sa valeur. Sa fixation à partir des dépenses réelles de l'exercice 2000, assorties d'une évolution prévisionnelle crédible et cohérente avec les choix faits par ailleurs par le Gouvernement, conduit à retenir pour 2001 un objectif réaliste en termes d'adaptation aux besoins. Cela n'aurait pas été le cas si l'on avait pris en compte l'objectif initial pour 2000, sauf à retenir un taux d'évolution des dépenses qui aurait été mécaniquement mais artificiellement augmenté, donnant ainsi une indication erronée sur les marges réelles de progression des dépenses.
X. - Sur le rattachement de certaines dispositions
au domaine des lois de financement de la sécurité sociale
A. - Plusieurs dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 auraient, selon les requérants, été adoptées en méconnaissance des règles régissant le domaine des lois de financement, dans la mesure où elles n'affecteraient pas directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base.
Tel serait le cas de l'article 4 relatif à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) qui finance la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Selon les sénateurs, auteurs du second recours, la même critique doit être adressée à l'article 3, en tant qu'il concerne la CRDS.
Les requérants critiquent aussi, à ce titre, l'article 14 relatif aux allégements de cotisations sociales liés à la mise en place de la réduction du temps de travail, l'article 16 affectant certaines ressources au FOREC et l'article 24 abrogeant la loi du 25 mars 1997. Enfin, ils estiment qu'il en va de même pour l'article 44 relatif aux conditions de transmission de prélèvements aux fins d'analyse et pour l'article 45 transférant à l'assurance maladie le financement des appartements de coordination thérapeutique.
B. - Ces critiques appellent les remarques suivantes.
1. S'agissant de la CRDS, on rappellera qu'il est bien établi, depuis la décision no 96-384 DC du 19 décembre 1996, que des dispositions qui, en elles-mêmes, ne relèveraient pas du domaine des lois de financement, y ont néanmoins leur place lorsqu'elles constituent, avec d'autres dispositions qui en relèvent, les éléments indivisibles d'un dispositif d'ensemble.
Dès lors que, depuis l'origine, l'assiette de la CRDS est définie par référence à celle de la CSG, c'est en conformité avec ces principes que l'article 3 rend simultanément applicables à l'une les modifications qu'il apporte à l'autre.
La CRDS ayant la même assiette que la CSG sur les revenus d'activité, ces deux contributions sont gérées indistinctement par les employeurs lors de leur précompte. Ainsi, une circulaire du 7 avril 1997 relative à la simplification du bulletin de paie (publiée au JO du 9 avril 1997, pages 5423-27) a prévu dans son 2.2.1, à la demande des représentants des employeurs, la possibilité de regrouper la part de la CSG non déductible pour le calcul de l'impôt sur le revenu (2,4 %) et la CRDS (0,5 %) sur une même ligne du bulletin de paie en additionnant leurs taux. Dans ces conditions, la réduction définie par l'article 3 ne peut qu'être appliquée simultanément à l'ensemble formé par la CSG et la CRDS.
Il est vrai qu'il en va différemment pour l'article 4, qui ne contient que des dispositions propres à la CRDS sur des revenus autres que d'activité. Conscient de cette difficulté, le Gouvernement a fait adopter, lors de l'examen de la loi de finances pour 2001 par l'Assemblée nationale, un amendement reprenant dans ce texte les dispositions en cause.
2. Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs, auteurs du second recours, les dispositions de l'article 14 ont bien une incidence directe et significative sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base, dès lors qu'elles sont relatives à des allégements de cotisations sociales, de l'ordre de 1,7 milliard de francs en 2001, liés à la mise en oeuvre de la loi no 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.
3. S'agissant, du IV de l'article 16 de la loi déférée, prévoyant l'affectation pérenne au FOREC des droits sur les boissons, actuellement affectés au FSV, il ne s'expose à aucune des critiques qui lui sont adressées.
S'agissant, d'abord, de la possibilité d'insérer, dans la loi de financement de l'année, des dispositions ayant une portée rectificative, il convient de remarquer que la distinction opérée par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale entre lois de financement « de l'année » et lois de financement rectificatives n'interdit nullement aux lois de financement de la sécurité sociale de l'année (« initiales ») de comporter des dispositions financières afférentes à la loi de financement en cours d'exécution. Ce point résulte très clairement des travaux parlementaires de préparation de la loi organique du 22 juillet 1996 (notamment : rapport du Sénat no 375, p. 46 ; rapport de l'Assemblée nationale no 2845, p. 8 et 17).
Plus généralement, le principe d'annualité budgétaire applicable aux lois de finances, qui implique des autorisations de dépenses et de recettes pour un exercice donné, n'est pas transposable aux lois de financement, les agrégats n'ayant, pour la plupart, pas de portée normative.
L'argument soulevé par les sénateurs, selon lequel la loi déférée ne peut avoir une portée rectificative, parce qu'elle ne modifie pas les articles de la loi de financement pour 2000, est quant à lui inopérant. La ratification, par une loi de financement, des décrets pris en application de l'article LO 111-5 du code de la sécurité sociale, ne modifie pas davantage les dispositions de la loi de financement précédente ; ces articles de ratification ont pourtant bien une portée rectificative, et concernent des dispositions parmi les plus normatives des lois de financement - les limites dans lesquelles les régimes obligatoires de base peuvent, pour couvrir leurs besoins de trésorerie, recourir à des ressources non permanentes.
En tout état de cause, le Gouvernement estime que les dispositions contestées du IV de l'article 16 ont vocation à figurer dans la loi de financement de la sécurité sociale, dans la mesure où elles ont, sur les comptes d'un organisme créé pour concourir au financement des régimes obligatoires de base, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, un impact significatif : il en résulte en effet l'affectation au FOREC, dès l'année 2000, de 5,4 milliards de francs au titre des droits sur les boissons et 3 milliards de francs au titre des droits de consommation sur le tabac.
Il est vrai que la réaffectation des droits sur les boissons du FSV au FOREC n'a pas, en tant que telle, d'impact sur les agrégats : la recette était comptabilisée au profit du FSV ; elle l'est désormais au profit du FOREC. Cependant estimer, comme le font les sénateurs, auteurs du second recours, qu'il résulte de cette considération que la mesure est extérieure au champ des lois de financement, conduirait à interdire tout transfert financier interne à la sécurité sociale dans les lois de financement, ces transferts n'ayant, par construction, aucune incidence sur les agrégats. Or, ces dispositions ont un impact réel sur le financement des organismes de sécurité sociale pris individuellement. Elles ont donc bien leur place dans la loi déférée, à l'image, d'ailleurs, de nombreuses dispositions de transferts financiers internes à la sécurité sociale prévues par les lois de financement précédentes (par exemple, l'article 5 de la loi de financement pour 2000 prévoyant le transfert de droits sur les alcools du FSV au FOREC, ou l'article 16 de cette même loi modifiant la clé d'affectation du prélèvement sur les revenus du patrimoine et de placement).
4. S'agissant de l'article 24, la justification avancée à l'appui de l'amendement qui est à l'origine de cette disposition est que le texte ainsi abrogé prévoyait la possibilité de déduire de l'assiette des cotisations sociales les versements à des fonds d'épargne retraite. De ce point de vue, la suppression de la possibilité de déduire de l'assiette sociale les versements sur les fonds d'épargne retraite induit une économie potentielle pour la sécurité sociale.
5. Quant à l'article 44 relatif aux conditions de transmission de prélèvements aux fins d'analyse, il fait entrer ces transmissions dans le droit commun de la prise en charge par l'assurance maladie, ce qui permettra de supprimer un nombre significatif de contentieux et d'alléger les dépenses des caisses à ce titre.
Actuellement, l'article L. 6211-5 du code de la santé publique n'autorise la transmission des prélèvements aux fins d'analyses qu'aux pharmaciens d'officine installés dans les agglomérations où il n'existe pas de laboratoires, ainsi qu'entre laboratoires dans certaines conditions. La modification apportée par l'article 44 permet d'encadrer les transmissions des prélèvements que les autres professionnels de santé sont également en droit de pratiquer, alors que les transmissions leur étaient jusque-là interdites.
S'agissant plus particulièrement des centres de santé, sur les 1 500 centres, seule une infime minorité (38) dispose à ce jour d'un laboratoire d'analyses de biologie médicale. En dehors de ces exceptions, les prélèvements réalisés le cas échéant dans un centre de santé ne peuvent actuellement être transmis à un laboratoire, ou le sont en dépit de la législation. Ces transmissions sont à l'origine de nombreux contentieux entre ces centres et les caisses, que l'article 44 permettra d'éviter, tout en allégeant les dépenses des caisses à ce titre.
L'incidence financière de cette mesure est difficile à apprécier, faute de statistiques disponibles sur les prélèvements réalisés par des professionnels habilités et transmis à des laboratoires. Toutefois, on notera que dans les 38 centres de santé disposant d'un laboratoire, le volume des actes en 1995 a entraîné une dépense annuelle de 148 millions de francs. On peut donc estimer que les transmissions de prélèvements effectués par les autres centres de santé ne disposant pas de laboratoire, de même que par les infirmières ou les médecins libéraux en ville et les cliniques, s'élèvent à plusieurs centaines de millions de francs par an, sur une dépense totale de biologie de 13 milliards de francs environ pour l'assurance maladie.
6. Enfin, il résulte des termes mêmes des I à IV de l'article 45, qui transfèrent à l'assurance maladie le financement des appartements de coordination thérapeutique, que cette mesure a sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale.
Les appartements de coordination thérapeutique ont été créés dans un cadre expérimental en 1995 avec un double financement de l'Etat et de l'assurance maladie, celle-ci ne finançant aujourd'hui, outre les dépenses de soins, que la seule coordination médicale. Au terme de cinq ans d'expérimentation, l'article 45 a pour objet d'intégrer les appartements de coordination thérapeutique dans le droit commun des établissements sociaux et médico-sociaux en raison du type de prestations fournies par ces structures : une prise en charge médicale, psychologique et sociale s'appuyant sur une double coordination, médicale et sociale, qui permet l'accès aux soins, l'ouverture des droits sociaux et l'aide à l'insertion sociale. L'article 45 prévoit désormais le financement des dépenses de fonctionnement de ces structures par l'assurance maladie, leur objet essentiel étant de permettre la coordination des soins, et donc leur efficacité, au bénéfice de personnes atteintes de maladies particulièrement graves.
Les conséquences financières, pour l'assurance maladie, de l'instauration de ce nouveau dispositif sont de trois ordres :
- le financement pérenne dans le cadre du droit commun des dépenses accordées aujourd'hui accordées au cas par cas dans un cadre expérimental, soit près de 20 millions de francs ;
- un transfert à l'assurance maladie de la charge assumée jusqu'à présent par l'Etat pour financer les appartements de coordination thérapeutique dans un cadre expérimental, évaluée à 29 millions de francs en 2000 ;
La montée en charge du dispositif : outre les 39 places ouvertes au 31 décembre 2000, 75 places supplémentaires doivent être créées en 2001, en raison de l'ouverture, autorisée par l'article 45, de ces structures jusqu'ici réservées aux personnes atteintes par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), aux personnes souffrant de pathologies chroniques sévères, comme les hépatites chroniques évolutives ou les cancers. L'incidence financière de cette extension est évaluée à 20 millions de francs.
Ces dispositions ont donc vocation à figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale.