J.O. Numéro 300 du 27 Décembre 1998       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 19663

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Décision no 98-404 DC du 18 décembre 1998


NOR : CSCL9803344S



LOI DE FINANCEMENT DE LA SECURITE SOCIALE POUR 1999
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 4 décembre 1998, par MM. José Rossi, Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy, Alain Madelin, Mme Nicole Ameline, M. François d'Aubert, Mme Sylvia Bassot, MM. Jacques Blanc, Roland Blum, Dominique Bussereau, Pierre Cardo, Antoine Carré, Pascal Clément, Georges Colombier, Francis Delattre, Franck Dhersin, Laurent Dominati, Dominique Dord, Charles Ehrmann, Nicolas Forissier, Gilbert Gantier, Claude Gatignol, Claude Goasguen, François Goulard, Pierre Hellier, Michel Herbillon, Philippe Houillon, Aimé Kergueris, Marc Laffineur, Jean-Claude Lenoir, Pierre Lequiller, Jean-François Mattei, Michel Meylan, Alain Moyne-Bressand, Yves Nicolin, Paul Patriarche, Bernard Perrut, Jean Proriol, Jean Roatta, Jean Rigaud, Joël Sarlot, Guy Tessier, Philippe Vasseur, Gérard Voisin, Philippe Seguin, Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Mme Michèle Alliot-Marie, MM. René André, André Angot, Mme Martine Aurillac, MM. François Baroin, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Franck Borotra, Michel Bouvard, Philippe Briand, Christian Cabal, Mme Nicole Catala, MM. Richard Cazenave, Henry Chabert, Jean-Marc Chavanne, Olivier de Chazeaux, Charles Cova, Henri Cuq, Lucien Degauchy, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Marc Dumoulin, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Michel Ferrand, François Fillon, Yves Fromion, Henri de Gastines, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Christian Jacob, Didier Julia, Jacques Kossowski, Pierre Lellouche, Jean-Claude Lemoine, Jacques Limouzy, Lionnel Luca, Patrice Martin-Lalande, Jacques Masdeu-Arus, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Gilbert Meyer, Charles Miossec, Jacques Myard, Jean-Marc Nudant, Mme Françoise de Panafieu, MM. Robert Pandraud, Etienne Pinte, Serge Poignant, Bernard Pons, Robert Poujade, Didier Quentin, Jean-Bernard Raimond, Nicolas Sarkozy, André Schneider, Bernard Schreiner, Michel Terrot, Jean-Claude Thomas, Jean Tiberi, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, François Vannson, Roland Vuillaume, Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann, MM. Yves Bur, Jean-Pierre Foucher, Germain Gengenwin, Jean-Jacques Jegou, Edouard Landrain, Henri Plagnol, Jean-Luc Préel, André Santini et Jean-Jacques Weber, députés, et le 7 décembre 1998, par MM. Charles Descours, Nicolas About, Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Jean Arthuis, Denis Badré, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard Barraux, Jean-Paul Bataille, Jacques Baudot, Michel Bécot, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean Bizet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. André Bohl, James Bordas, Jean Boyer, Jean-Guy Branger, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Michel Caldaguès, Jean-Pierre Cantegrit, Auguste Cazalet, Jean Chérioux, Jean Clouet, Gérard Cornu, Henri de Cossé-Brissac, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean Delaneau, Robert del Picchia, Christian Demuynck, Gérard Deriot, André Diligent, André Dulait, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emorine, Michel Esneu, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, Philippe François, Yves Fréville, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, Francis Giraud, Paul Girod, Daniel Goulet, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Louis Grillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Jean-Paul Hugot, Claude Huriet, Jean-Jacques Hyest, Charles Jolibois, André Jourdain, Jean-Philippe Lachenaud, Christian de La Malène, Alain Lambert, Lucien Lanier, Robert Laufoaulu, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Jean-François Le Grand, Serge Lepeltier, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Philippe Nachbar, Jacques Machet, André Maman, Philippe Marini, René Marquès, Pierre Martin, Paul Masson, Serge Mathieu, Louis Mercier, Michel Mercier, Jean-Luc Miraux, Paul Natali, Lucien Neuwirth, Louis Moinard, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Paul d'Ornano, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Jean Pépin, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Bernard Plaisait, Jean-Marie Poirier, André Pourny, Jean Puech, Victor Reux, Charles Revet, Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Michel Rufin, Jean-Pierre Schosteck, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, René Trégouët, François Trucy, Alain Vasselle, Xavier de Villepin, Serge Vinçon et Guy Vissac, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi organique no 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ;
Vu la loi no 88-16 du 5 janvier 1988 relative à la sécurité sociale, et notamment son article 4, modifié par l'article 5 de l'ordonnance no 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins ;
Vu l'ordonnance no 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance no 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 11 décembre 1998 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les auteurs des saisines demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ; que les députés requérants contestent les articles 10, 22, 24, 26, 27, 28, 30, 31 et 38 ; que, pour leur part, les sénateurs requérants contestent les articles 10, 22, 26, 27, 30, 31, 32 et 34 ;
Sur l'article 10 :
Considérant que cet article modifie le mode de calcul d'une contribution exceptionnelle mise à la charge des entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques, au profit de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, par le III de l'article 12 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 susvisée relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale ; qu'en vertu de cette disposition, l'assiette de la contribution, définie comme le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France, au titre des spécialités remboursables, par les entreprises redevables, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1995, pouvait être minorée des charges comptabilisées au cours de la même période au titre des dépenses de recherche réalisées en France ;
Considérant que l'article 10 a pour objet de supprimer cette possibilité de déduction ; qu'en conséquence de l'élargissement de l'assiette de la contribution qui en résulte, son taux est abaissé à 1,47 % ; que les sommes dues par les entreprises en application de ce dispositif seront imputées sur les sommes acquittées en 1996, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale étant chargée, selon le cas, de recouvrer ou de reverser le solde résultant du nouveau mode de calcul de la contribution ;
Considérant que les auteurs des deux requêtes critiquent le caractère rétroactif de cet article , qui, selon les députés, « va bien au-delà des textes habituels en matière de rétroactivité fiscale », puisqu'il « modifie l'assiette d'un impôt déjà versé par les sociétés, et bouleverse une situation déjà soldée » ; que cette disposition méconnaîtrait les exigences constitutionnelles relatives aux validations législatives et à la rétroactivité des lois fiscales ; qu'elle serait contraire aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime garantis selon eux par les articles 2 et 16 de la Déclaration de 1789, au principe de consentement à l'impôt garanti par l'article 14 de la même Déclaration, ainsi qu'au principe d'annualité de la loi de financement de la sécurité sociale ; que les sénateurs ajoutent que « l'importance des conséquences financières de l'article 10, pour de nombreux laboratoires français, évaluée à 66 millions de francs, n'apparaît pas proportionnée par rapport au risque d'annulation contentieuse de l'ordonnance » du 24 janvier 1996 ; qu'il est également fait grief à cet article d'être entaché d'incompétence négative ; que l'article 10 violerait en outre le principe d'égalité devant les charges publiques en raison des modifications intervenues depuis 1996 dans l'industrie pharmaceutique, certaines entreprises ayant pu disparaître, notamment par l'effet de fusions ou d'absorptions ;
Considérant que le principe de non-rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'en matière répressive ; que, néanmoins, si le législateur a la faculté d'adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
Considérant que la disposition critiquée aurait pour conséquence de majorer, pour un nombre significatif d'entreprises, une contribution qui n'était due qu'au titre de l'exercice 1995 et a été recouvrée au cours de l'exercice 1996 ;
Considérant que le souci de prévenir les conséquences financières d'une décision de justice censurant le mode de calcul de l'assiette de la contribution en cause ne constituait pas un motif d'intérêt général suffisant pour modifier rétroactivement l'assiette, le taux et les modalités de versement d'une imposition, alors que celle-ci avait un caractère exceptionnel, qu'elle a été recouvrée depuis deux ans et qu'il est loisible au législateur de prendre des mesures non rétroactives de nature à remédier auxdites conséquences ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs, l'article 10 doit être déclaré contraire à la Constitution ;
Sur l'article 22 :
Considérant que cet article , qui modifie l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, prévoit que les conventions nationales conclues entre les organismes d'assurance maladie et les organisations syndicales représentatives des médecins pourront notamment déterminer de nouvelles conditions d'exercice destinées « à favoriser la coordination des soins par un médecin généraliste choisi par le patient », ainsi que « la prise en charge globale des patients dans le cadre de réseaux de soins » ; que les parties à ces conventions pourront déterminer « les modes de paiement, autres que le paiement à l'acte » afférents à ces formes nouvelles d'exercice de la médecine libérale ou aux « activités non curatives des médecins », telles, par exemple, les activités « de prévention, d'éducation pour la santé, de formation, d'évaluation, d'études de santé publique, de veille sanitaire » ;
Considérant que les députés, auteurs de la première requête, comme les sénateurs, auteurs de la seconde requête, font grief à cette disposition d'être entachée d'incompétence négative ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il revient à la loi de déterminer les principes fondamentaux de la sécurité sociale ; qu'en confiant aux parties à la convention la possibilité de déroger aux « principes fondamentaux de la médecine libérale », tels le « libre choix du médecin par le malade », « le paiement direct des honoraires » ou encore « l'indépendance professionnelle des médecins », le législateur aurait méconnu sa propre compétence ; qu'au surplus les sénateurs font valoir que cette disposition n'entre pas dans le champ d'application des lois de financement de la sécurité sociale, tel que défini par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ;
Considérant, en premier lieu, qu'en raison même de leur objet, qui est d'engager des réformes structurelles dans les modes d'exercice de la médecine libérale s'accompagnant de nouvelles modalités de rémunération des médecins et des effets financiers attendus de telles innovations, la disposition en cause est de nature à dégager des économies ayant une incidence significative sur les conditions générales de l'équilibre financier des comptes de l'assurance maladie ; que, dès lors, elle est au nombre de celles qui, en vertu du III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'avant-dernier alinéa de l'article 22 de la loi que les seules dérogations autorisées aux dispositions législatives du code de la sécurité sociale, dans le cadre des nouveaux modes d'exercice de la médecine prévus par les 12o et 13o nouveaux de l'article L. 162-5 du même code, sont celles « mentionnées au II de l'article L. 162-31-1 » de ce code ; qu'il s'agit des règles relatives aux tarifs, honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux médecins par les assurés sociaux édictées par les articles L. 162-5 et L. 162-5-2, du principe du paiement direct des honoraires par le malade édicté par l'article L. 162-2, du champ des frais couverts par l'assurance maladie tel qu'il résulte des articles L. 321-1 et L. 615-14 et des règles relatives à la participation de l'assuré aux tarifs servant de base au calcul des prestations prévues par les articles L. 322-3 et L. 615-16 ; que les dérogations autorisées par la loi aux dispositions législatives du code de la sécurité sociale sont ainsi limitativement énumérées et définies de façon suffisamment précise ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence manque en fait ;
Sur l'article 24 :
Considérant que l'article 24 modifie le mécanisme d'aide à la cessation anticipée d'activité des médecins libéraux mis en place par l'article 4 de la loi du 5 janvier 1988 susvisée relative à la sécurité sociale, lequel s'appliquera jusqu'au 31 décembre 2004 ; qu'il prévoit que l'allocation de remplacement pourra désormais « n'être attribuée que pour certaines zones géographiques d'exercice, qualifications de généraliste ou de spécialiste, ou spécialités compte tenu des besoins, appréciés par zone, qualification ou spécialité » ; qu'elle pourra également être modulée selon les mêmes critères ;
Considérant que la saisine des députés fait grief à cette disposition de ne pas être suffisamment précise et de porter atteinte au principe d'égalité, « tous les médecins étant appelés à cotiser sur les mêmes bases alors que certains seront complètement exclus du droit aux prestations » ;
Considérant, d'une part, que, garantissant à son bénéficiaire un revenu de remplacement, financée par une cotisation et versée par un organisme de sécurité sociale, l'allocation instituée par l'article 4 de la loi du 5 janvier 1988 susvisée constitue une prestation de sécurité sociale ; que l'article 24, en posant le principe et en définissant les conditions et critères du droit à prestation, n'est pas resté en deçà de la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, s'agissant de la détermination des principes fondamentaux de la sécurité sociale ;
Considérant, d'autre part, qu'il est loisible au législateur de réserver le bénéfice d'une prestation de sécurité sociale à une certaine catégorie de personnes, pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi ; que tel est le cas en l'espèce, l'allocation devant être arrêtée par les parties à la convention de manière à adapter aux besoins de la population, appréciés par zone géographique, qualification ou spécialité, la répartition des médecins exerçant à titre libéral ; que, par suite, le grief tiré de la rupture du principe d'égalité ne peut qu'être rejeté ;
Sur les articles 26 et 27 :
Considérant que l'article 26 instaure un nouveau dispositif de régulation des dépenses médicales en modifiant les dispositions des articles L. 162-5, L. 162-5-2 et L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale relatifs aux relations conventionnelles ; que le I, qui modifie l'article L. 162-5, introduit dans le champ des conventions la fixation des modalités d'un « suivi périodique des dépenses médicales » ; que le II, qui modifie l'article L. 162-5-2, prévoit que l'annexe annuelle à la ou aux conventions « fixe, pour les médecins généralistes conventionnés, d'une part, pour les médecins spécialistes conventionnés, d'autre part, l'objectif des dépenses d'honoraires, de rémunérations, de frais accessoires et de prescription... dénommé objectif des dépenses médicales » ; que cet objectif de dépenses médicales, qui porte sur les seules dépenses remboursables, permet d'établir « le montant prévisionnel des dépenses médicales », lequel se décompose en « un montant prévisionnel des dépenses d'honoraires, rémunérations et frais accessoires » et un « montant prévisionnel des dépenses de prescription » ; qu'au cas où le montant constaté des dépenses médicales de l'année est inférieur à l'objectif des dépenses médicales, la différence est versée à un fonds de régulation ; que les sommes affectées à ce fonds sont, pour une part, destinées au financement d'actions de modernisation du système de soins, et, pour l'autre part, à la revalorisation des tarifs applicables aux honoraires, rémunérations et frais accessoires des médecins ; que le III de l'article 26, qui modifie l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale, prévoit, au I nouveau de cet article , un dispositif de suivi infra-annuel des dépenses médicales par les parties à la convention ; qu'il les autorise notamment à opérer des ajustements de tarifs, pour une période déterminée, lorsqu'elles constatent que l'évolution de ces dépenses n'est pas compatible avec le respect de l'objectif fixé ; qu'aux termes du II nouveau de l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale : « En cas de non-respect de l'objectif des dépenses médicales par les médecins généralistes ou par les médecins spécialistes, les médecins conventionnés généralistes ou spécialistes sont redevables d'une contribution conventionnelle » ; que le montant global exigible des médecins au titre de cette contribution, « qui ne peut excéder le montant du dépassement constaté, est calculé en fonction des honoraires perçus et des prescriptions réalisées », selon les modalités déterminées par un décret en Conseil d'Etat ; que « la charge de cette contribution est répartie entre les médecins conventionnés en fonction des revenus au sens de l'article L. 131-6 qu'ils ont tirés de leurs activités professionnelles définies à l'article L. 722-1 au cours de l'année pour laquelle le dépassement est constaté » ; que le taux de la contribution est fixé par arrêté, de telle façon que son produit soit égal au montant global mis à la charge des médecins défini par l'annexe annuelle aux conventions ; que, toutefois, les parties à la convention pourront prévoir une modulation de ce taux en fonction du niveau des revenus des médecins ou de leur choix d'appliquer des honoraires différents de ceux fixés par la convention, sous réserve que le montant global de la contribution demeure inchangé ; que les dispositions du IV nouveau de l'article L. 162-5-3 prévoient les modalités de recouvrement de la contribution ; que le IV de l'article 26 de la loi, qui modifie l'article L. 162-5-4 du code de la sécurité sociale, dispose qu'en cas de non-paiement, total ou partiel, de la contribution le médecin redevable peut, selon une procédure définie par ce même article , être placé hors de la convention ; qu'enfin, l'article 27 de la loi fixe les objectifs des dépenses médicales applicables aux médecins généralistes ou spécialistes pour l'année 1998, ainsi que les règles applicables pour cette même année en cas de respect ou non-respect de ces objectifs ;
Considérant que les députés, auteurs de la première requête, font grief au dispositif institué par l'article 26 de la loi déférée d'instaurer « une responsabilité collective des médecins » contraire au « principe de responsabilité individuelle régissant le droit français » ; que les sénateurs, auteurs de la seconde requête, soutiennent également que cet article « méconnaît les principes de personnalité des peines et de responsabilité personnelle » et que les « pénalités financières » ainsi instituées seraient contraires à « l'interdiction d'automaticité des peines » ; qu'il est également fait grief à ces dispositions d'être entachées d'incompétence négative ; que, selon les députés requérants, le législateur ne pouvait renvoyer au décret la détermination de l'abattement forfaitaire dont pourra faire l'objet la contribution individuelle ; qu'il ne pouvait davantage, selon les députés et les sénateurs requérants, renvoyer aux partenaires conventionnels la faculté de moduler le taux de la contribution en fonction des revenus des médecins et de leur appartenance à l'un ou à l'autre des secteurs conventionnels ; qu'en outre, selon les sénateurs requérants, le « périmètre des dépenses » dont dépend « le déclenchement de la contribution financière » ne serait pas déterminé avec la précision nécessaire ; qu'en particulier il ne pourra être tenu compte des décisions relatives à la détermination des dépenses remboursables par l'assurance maladie ; que les requérants estiment que la contribution instituée par l'article 26 porte également atteinte au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques ; qu'en effet, selon les députés requérants, « en faisant peser sur des médecins une responsabilité pour des agissements dont ils ne sont pas les auteurs, le législateur établit entre ces médecins et les autres une discrimination injustifiée », traitant ainsi de la même façon des personnes relevant de situations différentes ; que, selon les sénateurs, le législateur ne pouvait rendre « chaque médecin conventionné financièrement responsable d'un objectif collectif de dépenses, quelle que soit l'évolution de sa propre activité » ; que le prélèvement institué pourrait en outre, selon eux, s'avérer confiscatoire et porter atteinte au droit de propriété ; qu'au surplus, selon les sénateurs, le mécanisme de reversement porterait atteinte à la liberté d'entreprendre et au libre exercice de la profession ; qu'enfin, la compétence dévolue à la juridiction administrative par le nouvel article L. 162-5-4 du code de la sécurité sociale pour connaître des litiges relatifs au déconventionnement des médecins par la Caisse primaire d'assurance maladie méconnaîtrait l'article 66 de la Constitution ;
Considérant qu'il était loisible au législateur, dans un but de régulation des dépenses médicales, de prévoir, dans le cas où le montant constaté des dépenses est inférieur à l'objectif des dépenses, l'affectation de la différence à un fonds de régulation et à la revalorisation des honoraires des médecins, et, dans le cas inverse, l'assujettissement des médecins conventionnés à une contribution obligatoire assise sur leurs revenus professionnels ; qu'il devait, toutefois, pour respecter le principe d'égalité, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif de modération des dépenses médicales qu'il s'était assigné ;
Considérant qu'en mettant à la charge de tous les médecins conventionnés, généralistes et spécialistes, une contribution assise sur leurs revenus professionnels, et ce, quel qu'ait été leur comportement individuel en matière d'honoraires et de prescription pendant l'année au cours de laquelle le dépassement a été constaté, le législateur n'a pas fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs, il y a lieu de déclarer contraires à la Constitution les dispositions du II du nouvel article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale ; que les autres dispositions de l'article 26 de la loi en sont inséparables ; que les dispositions du III de l'article 27 de la loi, qui mettent à la charge des médecins conventionnés, au titre de l'année 1998, une contribution calculée selon les modalités prévues à l'article 26, sont également contraires à la Constitution ; que les autres dispositions de l'article 27 en sont inséparables ; qu'il y a lieu, en conséquence, de déclarer contraires à la Constitution, dans leur ensemble, les articles 26 et 27 de la loi déférée ;
Sur l'article 28 :
Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique » ; qu'il en résulte que seule la loi organique peut déterminer les rapports qui doivent être annexés aux projets de loi de financement de la sécurité sociale ; qu'il y a lieu, dès lors, de déclarer contraire à la Constitution, comme adopté au terme d'une procédure irrégulière, le I de l'article 28 de la loi déférée qui prévoit qu'un « rapport sur l'état de la santé bucco-dentaire de la population », dont il fixe le contenu, est joint à l'une des annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale ;
Considérant que l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, qui définit l'objet des lois de financement de la sécurité sociale, dispose en son dernier alinéa : « Les amendements non conformes aux dispositions du présent article sont irrecevables » ; que, dans le cadre des prérogatives propres aux assemblées parlementaires, le règlement de l'Assemblée nationale, en son article 121-2, et le règlement du Sénat, en son article 45, ont prévu les modalités selon lesquelles s'exerce, notamment à la diligence de tout parlementaire, le contrôle de la recevabilité des amendements aux projets de loi de financement de la sécurité sociale ; que, dans ces conditions, le Conseil constitutionnel ne peut être directement saisi de la conformité d'une disposition d'une loi de financement de la sécurité sociale à l'article LO 111-3 précité lorsque cette disposition est issue d'un amendement dont la question de la recevabilité n'a pas été soulevée selon la procédure prévue par le règlement de celle des assemblées du Parlement devant laquelle cet amendement a été déposé, dès lors que les parlementaires qui soulèvent un tel grief appartiennent à cette assemblée ;
Considérant qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi que l'amendement dont résulte le II de l'article 28 a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale et n'a pas fait l'objet, lors de son adoption, d'une contestation relative à sa recevabilité au regard de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ; que, dès lors, le grief avancé par les députés requérants selon lequel ces dispositions seraient étrangères à l'objet des lois de financement de la sécurité sociale doit être rejeté ;
Sur les articles 30 et 31 :
Considérant que l'article 30, qui modifie les articles L. 162-16-1, L. 162-17-3 et L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale, prévoit notamment que le comité économique du médicament, chargé du suivi périodique des dépenses de médicaments, peut conclure avec les entreprises pharmaceutiques des conventions portant notamment sur l'évolution des prix, sur les engagements de l'entreprise visant à la maîtrise de sa politique de promotion et sur les modalités de sa participation à la mise en oeuvre des orientations ministérielles ; qu'il est également prévu que, lorsque l'évolution des dépenses de médicaments n'est manifestement pas compatible avec le respect de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, et au cas où l'entreprise refuserait de conclure un avenant à la convention, le comité peut la résilier ; que l'article 31 introduit dans le code de la sécurité sociale les articles L. 138-10 à L. 138-19 ; que l'article L. 138-10 prévoit que les entreprises qui n'ont pas passé de telles conventions sont assujetties à une contribution lorsque le chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France, au cours de l'année civile, au titre des médicaments remboursables, par l'ensemble des entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques, s'est accru d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie ; que les articles L. 138-11 et L. 138-12 fixent les modalités de calcul de l'assiette et du taux de cette contribution ; qu'enfin, les modalités de recouvrement par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sont précisées par l'article L. 138-14 ;
Considérant que les députés, auteurs de la première requête, soutiennent que la contribution mise à la charge des entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques, au cas où leur chiffre d'affaires d'ensemble s'est accru d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, revêt le caractère d'une sanction ; que, si sont seules redevables de cette contribution les entreprises qui n'ont pas signé de convention avec le comité économique du médicament, il résulte de l'article 30 de la loi que ce comité peut résilier la convention si l'évolution des dépenses de médicaments n'est pas compatible avec l'objectif national des dépenses de santé ; qu'un tel « mécanisme de sanction automatique » serait prohibé par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que les sénateurs requérants soutiennent également que ce prélèvement n'est pas fondé sur des « critères objectifs et rationnels » ; que, tant le critère d'assujettissement que le mode de calcul de la contribution sont « sans rapport direct avec l'objectif de maîtrise des dépenses pharmaceutiques » que s'est fixé le législateur ; qu'enfin, les députés comme les sénateurs requérants soutiennent que la progressivité de la contribution critiquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, en raison notamment d'« effets de seuil massifs », et ce au regard tant de l'« exigence de proportionnalité des sanctions » que du principe d'égalité devant les charges publiques affirmé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant, en premier lieu, que la contribution instituée par l'article 31 de la loi déférée ne revêt pas le caractère d'une sanction mais celui d'une imposition au sens de l'article 34 de la Constitution ; que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance des principes de « non-automaticité » et de « proportionnalité » des sanctions doivent être rejetés comme inopérants ;
Considérant, en second lieu, que, s'il appartient au législateur, lorsqu'il établit une imposition, d'en déterminer librement l'assiette, sous réserve du respect des principes de valeur constitutionnelle, il doit, pour se conformer au principe d'égalité, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but qu'il s'assigne ; qu'en exonérant de la contribution contestée les entreprises ayant signé et respecté une convention avec le comité économique du médicament, le législateur a entendu favoriser celles des entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques qui se sont contractuellement engagées dans une politique de modération des prix de vente des médicaments remboursables qu'elles exploitent et de maîtrise de leurs coûts de promotion ; qu'une telle exonération repose sur des critères objectifs et rationnels au regard du double objectif de contribution des entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques au financement de l'assurance maladie et de modération de la progression des dépenses pharmaceutiques que s'est assigné le législateur ; que l'assiette de cette contribution, constituée par le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France sur les médicaments remboursables, qui reflète la part prise par les entreprises concernées dans les dépenses d'assurance maladie, satisfait également à cette exigence d'objectivité et de rationalité ; que ni la progressivité de la contribution contestée, ni ses effets de seuil ne sont excessifs au regard de la nécessaire prise en compte des facultés contributives de chacun, telle qu'elle résulte de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les articles 30 et 31 de la loi ne sont pas contraires à la Constitution ;
Sur l'article 32 :
Considérant qu'aux termes du III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale qui définit l'objet des lois de financement de la sécurité sociale : « Outre celles prévues au I, les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application de lois de financement de la sécurité sociale... » ;
Considérant que l'article 32, issu d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, a pour objet de donner à l'autorité compétente, lorsqu'elle est saisie de demandes d'autorisation de changement du lieu d'implantation d'un établissement de santé existant ne conduisant pas à un regroupement d'établissements, la faculté de subordonner cette autorisation à des engagements de modération des dépenses remboursables par l'assurance maladie ; que cette disposition ne concourt pas de façon significative aux conditions générales de l'équilibre financier de l'assurance maladie ; qu'elle est, dès lors, étrangère, ainsi que le soutiennent les sénateurs requérants, au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ; qu'il y a lieu, par suite, de la déclarer contraire à la Constitution ;
Sur l'article 34 :
Considérant que l'article 34, issu d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, prévoit, pour les professionnels de santé, médecins et auxiliaires médicaux, exerçant à titre libéral, la mise en oeuvre, dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, de conditions particulières d'exercice destinées notamment à assurer la coordination des soins et pouvant porter « sur des modes de rémunération particuliers autres que le paiement à l'acte et sur le paiement direct des professionnels par établissement » ; que, par l'effet attendu de telles innovations sur la maîtrise des dépenses d'assurance maladie dans le secteur des établissements médico-sociaux, l'article 34 concourt de façon significative aux conditions générales de l'équilibre financier de l'assurance maladie ; qu'il est, dès lors, au nombre des dispositions qui, en vertu du III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ; que doit être en conséquence rejeté le grief tiré par les sénateurs requérants de la non-conformité de l'article 34 à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ;
Sur l'article 38 :
Considérant que le IV de l'article 38 complète l'article L. 351-12 du code de la sécurité sociale, afin de prévoir que la majoration pour enfants applicable aux pensions de retraite est incluse dans les avantages personnels de vieillesse dont le cumul avec une pension de réversion est plafonné en vertu de l'article L. 353-1 du même code ; que les députés requérants estiment qu'une telle inclusion est contraire au principe d'égalité devant les charges publiques ;
Considérant que la majoration pour enfants instituée par l'article L. 351-12 du code de la sécurité sociale est servie au titulaire d'une pension de retraite et peut être utilisée par lui dans les mêmes conditions que la pension ; qu'en assimilant cette majoration à la pension, pour le calcul du plafond du cumul autorisé entre les avantages personnels de vieillesse et une pension de réversion, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques ;
Sur l'article 43 :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique » ; qu'en prévoyant, en son second alinéa, qu' « avant la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale par l'Assemblée nationale, le Parlement est informé de la répartition prévisionnelle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie », l'article 43 de la loi déférée a empiété sur le domaine réservé par la Constitution à la loi organique ; que, dès lors, le second alinéa de l'article 43 doit être déclaré contraire à la Constitution comme ayant été adopté au terme d'une procédure irrégulière ;
Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office l'inconstitutionnalité d'aucune autre disposition de la loi déférée,
Décide :

Art. 1er. - Sont déclarés contraires à la Constitution les articles 10, 26, 27, le I de l'article 28, l'article 32 et le second alinéa de l'article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Art. 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel, dans sa séance du 18 décembre 1998, où siégeaient : MM. Roland Dumas, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Yves Guéna, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir, M. Pierre Mazeaud et Mme Simone Veil.


Le président,
Roland Dumas