M. COCUDE
Vous venez d'entendre la présentation d'une expérimentation
ancienne (1983) de qi gong menée avec des pneumoconiotiques. Comme
nous l'avons vu, le Dr WANG a fait une recherche sur les travaux plus récents
effectués en Chine même et nous allons maintenant l'entendre
sur le thème "Qi gong et pneumoconiose".
Mme WANG
Il faut distinguer entretien de la santé et thérapie.
En ce qui concerne l'entretien de la santé c'est comme tous les
sports, le jogging…le qi gong, le tai chi chuan.
Par contre, quand il s'agit de soigner, c'est du qi gong médical.
Cela se pratique dans le milieu médical, en milieu hospitalier.
D'ailleurs il y a 15 jours une nouvelle réglementation est sortie
qui interdit sévèrement de pratiquer les qi gong en dehors
de la médecine.
Avant le règlement qui vient de sortir la Chine avait essayé
depuis deux ans de tester toutes les méthodes de qi gong pour trouver
les plus utilisables.
Chacun a essayé de trouver des justifications scientifiques à
ses méthodes : étude sur les souris, analyses statistiques…
mais comment contrôler la projection du Qi ?
Le milieu médical est très vigilant mais ouvert aux recherches.
Sur l'internet on trouve des indications sur les qi gong utilisés
mais quand on regarde dans le détail c'est peu : quelques cas. Ce
qui importe c'est l'observation clinique. Je ne donne pas d'évaluation
mais on peut noter que depuis les années 50, dans les établissements
pour
pneumoconiotiques, pour des maladies professionnelles incurables, on
essaye toutes les méthodes traditionnelles dans un but de bien être.
Comme vous avez vu sur la deuxième cassette, on utilise le qi
gong pour mieux respirer, massages sur le ventre, massages sur les points
d'acupuncture. Tout à l'heure on a déjà parlé
de l'acupuncture : certains points sont plus efficaces que d'autres. On
y fait les massages soi-même et puis aussi des respirations comme
tout à l'heure, respiration profonde, respiration inversée,
etc…
M. COCUDE
J'ai noté un certain parallélisme avec ce qu'a dit M.
PUJET ce matin concernant l'amélioration de la sensation de bien-être.
Aussi subjectif que cela puisse paraître, on peut chercher l'objectivité
en demandant aux sujets de repérer leurs sensations sur des échelles.
Ces expérimentations sont très courantes en psychologie.
Ce n'est pas un problème.
Dr MAHIEU, si l'on voulait faire reprendre le genre d'expériences
que vous avez décrites, que faudrait-il faire ? Quelle méthodologie
faudrait-il adopter ?
M. MAHIEU
L'application de nos critères scientifiques occidentaux à
une expérimentation faite dans le cadre de la conception chinoise
de la médecine amène inévitablement à une critique
d'apparence très négative : éthique et problématique
sont trop différentes.
Une telle évaluation de l'efficacité du qi gong, si elle
devait être menée selon "nos" normes, devrait être réalisée
sous forme d'étude cas - témoins avec 3 groupes de 70 à
80 personnes chacun :
- un groupe de silicosés "traités" appariés (notamment
au niveau de la consommation de tabac) à
- un groupe de silicosés "non traités"
- et un groupe de sujets sains "traités" à l'identique
du 1er groupe.
- Il faudrait aussi recueillir par des questionnaires les impressions
des patients sur ce qu'ils ressentent.
Cette étude longitudinale devrait se dérouler sur 4 à
5 ans au minimum et comporter le suivi de paramètres objectifs :
images radiographiques lues collégialement et en aveugle selon la
classification internationale, explorations fonctionnelles respiratoires
approfondies (spiromètres, courbes débit-volume, transfert
du CO, etc…). Enfin, il serait nécessaire d'appliquer aux résultats
les tests statistiques classiques en épidémiologie pour en
déterminer la significativité.
Suivre une telle population pendant quatre ans est une étude
très lourde.
M. COCUDE
En ce qui concerne les effectifs, c'est ce que nous avions fait quand
nous avions étudié la méthode de cristallisation sensible,
cristallisation de chlorure cuivrique (CuCl2) avec additifs comme indicateur
éventuel du risque pneumoconiotique. Nous avions pris trois populations,
un groupe de sujets témoins non exposés aux poussières,
un groupe de sujets exposés mais n'ayant pas de maladie déclarée,
enfin un groupe de malades.
Je me tourne maintenant vers le Dr AMOUDRU : il y a 15 ou 20 ans, à
l'époque où vous aviez en charge un effectif de 2 000 lits
d'hôpital dans le Nord, auriez-vous été d'accord pour
lancer l'étude avec une méthodologie telle que celle explicitée
par le Dr MAHIEU ?
M. AMOUDRU
Je vous remercie, c'est une très bonne question comme on dit
à la télévision. Je crois qu'à l'époque
en question, nous étions confrontés à des problèmes
de vie et de mort pour lesquels ces thérapeutiques à visées
fonctionnelles ne seraient pas apparues comme recevables. Je ne pense pas
que l'on aurait cherché à utiliser de telles pratiques, quoi
qu'on puisse en penser dans l'état de détresse où
se trouvaient ces populations avec la tuberculose, les morts précoces,
les insuffisances respiratoires aiguës, etc…
C'est parce que nous sommes à un autre stade de la pathologie,
avec des manifestations plus discrètes au départ de lentes
évolutions avec un retentissement fonctionnel modeste puis progressif
et qui de ce fait peut, peut-être, être amélioré
par de telles techniques.
J'étais donc dans un contexte épidémiologique et
culturel tellement différent que je n'aurais pas attaché
d'intérêt ou d'importance à ces techniques.
Je voudrais m'adresser au Dr MAHIEU : dans quel cadre a été
faite cette expérience : un établissement hospitalier ? Une
mine ? Est-ce que la thèse indique le contexte ?
M. MAHIEU
Les auteurs sont situés : deux d'entre eux font partie de l'association
de recherche sur le qi gong de la province du YUNNAN et le troisième
est dans l'hôpital de traitement et de prévention de la silicose
de KUNMING. On peut penser que cela s'est passé en milieu hospitalier.
M. AMOUDRU
J'aurais voulu, à propos du qi gong, poser une question à
ceux qui ont pratiqué ou qui ont étudié ces documents
: est-ce que cela ne s'insère pas dans un modèle culturel
très spécifique qui permet une action que je suis prêt
à croire effective mais est-ce transposable dans nos mentalités
occidentales ? Ce n'est pas par goût du paradoxe, je crois véritablement
que ce genre de technique suppose une attitude, une mentalité qui
se réfère à tout un univers culturel, un mode de pensée
bien différents des nôtres. Avec les esprits voltairiens et
rationalistes que nous trouvons souvent en France, à tous les niveaux
de la société ou du savoir, est-ce que ces techniques marchent
?
M. COCUDE
Pour ma part, je pense qu'effectivement la référence culturelle
a une importance certaine d'où l'intérêt justement
d'expérimentations sur les animaux ou sur les cellules pour lesquels
le gap culturel n'existe pas. Bien qu'étant par principe plutôt
opposé à l'expérimentation animale, je reconnais que
dans ce cas particulier ce pourrait être justifié.
D'ailleurs les expériences relatives à l'effet immunitaire
du qi gong dont j'ai parlé dans l'aperçu bibliographique
portent souvent sur des animaux (souris) voire des cellules animales.
M. LAFON
Nous avons en effet le résumé d'une étude menée
à l'Institut des Sciences du qi gong de BEIJING. Elle porte sur
l'effet du qi gong sur des souris immuno-déprimées par la
cyclophosphamine (CY). Trois groupes ont été constitués,
l'un avec des animaux l'ayant reçue
le premier jour, le deuxième avec des animaux l'ayant reçue
et ayant été soumis à la projection de Qi 10 à
15 minutes pendant 7 jours, le troisième n'ayant reçu que
du liquide physiologique le premier jour.
Ils ont constaté que le qi gong atténuait les effets négatifs
de CY sur le thymus (épaississement du cortex et de la médulla)
et la rate (prolifération des cellules T).
Il ne s'agit que d'un résumé qui ne donne aucune information
sur les modalités de l'exposition et il est très difficile
de se prononcer sur cette publication.