M. SAUTREUIL
Je voudrais simplement revenir sur le propos de Mme WANG pour dire combien,
pour le médecin occidental que je suis comme pour d'autres collègues
ici, il peut être enrichissant d'aborder la médecine traditionnelle
chinoise, pour nous surtout l'acupuncture mais aussi la pharmacopée.
L'enrichissement porte sur l'analyse symptomatologique et les possibilités
de traitement. C'est vraiment un "plus" dans la pratique professionnelle.
M. LAFOREST
Une question complémentaire : on a bien parlé des effets
et des médicaments associés mais vous n'avez pas parlé
de l'équivalent d'une posologie. Avez-vous les notions de dose,
et comment sont-elles déterminées ?
Mme WANG
Je n'ai rien noté là-dessus. La préparation des
médicaments chinois classiquement consiste en des décoctions
de plantes séchées. On prépare une décoction
de 3 à 15 grammes par plante et à partir de là chaque
formule est différente. On boit la décoction le matin une
fois, le soir une fois, pendant 3 ou 4 jours. Aujourd'hui les compositions
avec les nouvelles techniques sont bien définies et elles dépendent
du laboratoire pharmaceutique.
Depuis dix ans dans le monde entier, on a beaucoup importé de
Chine des lyophilisats de médicaments chinois, avec des concentrations
de 5%, 10%... toute une série de fabrications. Cela dépend...
M. BONNEVIALE
Je voudrais réagir sur qu'a dit le Dr WANG à propos du
facteur personnel. Certaines personnes seraient plus aptes et d'autres
moins aptes à contracter la silicose. Personnellement, je suis intimement
persuadé que, si on expose les gens à un même empoussiérage,
ils auront tous la silicose à la sortie. S'il y a des gens qui sont
moins silicosés que d'autres, c'est parce qu'ils ont occupé
des postes de travail qui les ont moins exposés à la poussière
de silice. Je ne suis pas médecin, mais s'il y a un facteur physiologique
personnel qui joue, il est à mon avis négligeable par rapport
au facteur exposition. Je voudrais revenir à ce que disait le Dr
MARQUET au début de la journée : finalement le meilleur remède,
c'est la prévention au niveau du travail.
Mme WANG
Je suis d'accord avec vous, mais néanmoins sur les malades les
progressions de la maladie sont différentes. Sur certaines personnes,
il y a tout de suite des fibrosités alors que d'autres en sont encore
à un autre stade. C'est la même chose en médecine chinoise.
Il faut prévenir la maladie avant d'être malade et il faut
éviter l'altération et l'aggravation des maladies. Selon
le tempérament personnel certains progressent vite et d'autres moins
vite.
M. COCUDE
Je regrette que MM. MAHIEU et AMOUDRU aient du nous quitter. Il faudrait
avoir l'avis d'un médecin qui ait suivi effectivement des mineurs
des Houillères. Dans mon souvenir les médecins des Houillères
- je pense spécialement aux Houillères du Midi, mais peut-être
aussi du Nord-Pas-de-Calais - avaient constaté des différences
dans le développement de la pneumoconiose, même dans la même
famille entre des frères. Évidemment, il faudrait avoir des
médecins ayant suivi effectivement des familles de mineurs. Dans
le Nord-Pas-de-Calais, il y a eu des dynasties de mineurs, de génération
en génération des familles entières passaient à
la mine.
M. KOCH
C'est avec le Dr AMOUDRU qu'avait été mise au point la
réglementation sur la pneumoconiose dans les mines de charbon, il
y a une trentaine d'années. Le but était qu'une personne
travaillant dans la mine, normalement sensible à la silicose, n'attrape
pas cette maladie. On n'avait pas les moyens de prévention et de
lutte contre les poussières pour avoir un empoussiérage nul
dans les mines. Si on n'avait visé dans le but à atteindre
que les travailleurs normalement sensibles à la poussière,
cela ne voulait pas dire justement que personne ne pouvait avoir cette
maladie. On admettait qu'il y avait des gens plus susceptibles que d'autres
de contracter la maladie d'où l'importance attachée par la
réglementation à la surveillance médicale des personnels.
M. LAFOREST
Je pourrais ajouter qu'il s'agit là du problème général
de la fixation des valeurs limites dans le domaine des maladies professionnelles,
que ce soit les pneumoconioses ou les maladies par toxiques ou les allergies.
On a toujours ce même problème et les valeurs limites telles
qu'elles sont fixées par les réglementations française
ou internationale sont toujours : "On protège tant de pour cent
de la population". Cela veut bien dire qu'on admet qu'il y aura des gens
plus sensibles que d'autres ; c'est écrit dans les définitions
des valeurs limites. De ce point de vue, l'allergie est un phénomène
bien caractéristique : 2 ou 3% de la population auront des réactions
allergiques fortes à certaines expositions alors que 95% n'auront
rien du tout. C'est le cas limite. Il y a toujours une sensibilité
individuelle qui pose beaucoup de problèmes aux préventeurs.
M. BONNEVIALE
À mon avis - celui d'un non médecin - l'immunité
totale pour un individu n'existe pas. Quand vous pensez que dans certains
bassins la prévalence de la silicose dépasse 50 %, (c'est-à-dire
que sur 100 mineurs il y en a au moins la moitié qui contractent
la silicose), pourquoi les autres ne sont-ils pas atteints ? C'est probablement
parce qu'ils étaient moins exposés travaillant à des
postes où il n'y avait pas ou peu de poussière.
M. KOCH
On pourrait ajouter qu'il n'y a pas de contradiction entre ce que dit
M. BONNEVIALE et ce que je dis. Je suis tout à fait d'accord : c'est
vrai pour les hommes comme pour les rats, ils finissent par contracter
la maladie. L'INERIS et avant lui le CERCHAR ont fait suffisamment d'expériences
en exposant des rats à un empoussiérage très fort.
Mais pour de faibles expositions on trouve une gamme de sensibilités.
M. COCUDE
Il y a une autre question que je voudrais poser, et peut-être
le Dr LAFON pourra-t-il répondre. Vous avez vu dans votre dossier
les étapes, ou plus exactement les niveaux de la pneumoconiose selon
la clinique chinoise ; c'est le document de Mme WANG et de M. DUHAMEL intitulé
"Pneumoconiose en médecine chinoise" et qui parle de la clinique.
Je lis un premier niveau, sécheresse du poumon, avec la description
d'un certain nombre de points : toux sèche, peu de glaires, etc…
; un deuxième niveau, toux avec glaires épaisses ou glaires
mélangées de sang, oppression de poitrine etc… ; et un troisième
niveau, toux avec expectorations de sang, essoufflement aggravé
par le mouvement, lassitude, fatigue.
M. LAFON
Il est très difficile de répondre. Il est vrai que dans
la clinique, il y a un certain nombre de choses que l'on retrouve classiquement
: l'augmentation des symptômes avec un démarrage par une toux
sèche, l'apparition de glaires, tout cela c'est l'évolution
normale d'une pneumoconiose. En revanche, quand on voit l'apparition de
sang, d'altération de l'état général, c'est
peut-être l'évolution normale d'une pneumoconiose, mais ce
peut être aussi l'apparition d'une tuberculose, ou l'apparition d'autres
pathologies associées. Comment, dans ce tableau, s'inscrit la tuberculose
qu'on soigne avec des traitements très particuliers ?
M. DUHAMEL
On ne peut évidemment pas répondre spécifiquement.
Nous avons eu des informations de Chine sans être nous-mêmes
vraiment spécialistes. Apparemment on distingue vraiment les atteintes
secondaires à la fin de l'expérimentation des atteintes bactériennes
suite à la pneumoconiose. Tout cela demanderait, si on était
intéressé, à prendre contact avec les gens qui font
ces études sur des milliers de cas effectivement et à creuser
l'affaire. Je crois que le sujet le mériterait.
Mme WANG
En médecine chinoise, certains symptômes sont très
importants pour le diagnostic, pour la prescription des médicaments,
certains symptômes ne le sont pas.
Autre chose aussi, en médecine chinoise on surveille tout le
temps les patients et en même temps on fait des radios régulièrement.
On passe de l'un à l'autre et même dans le cadre de la tuberculose,
la formule ne change pas pour le médicament chinois. En revanche
on rajoute plus ou moins d'éléments dans les compositions
entre le premier et le deuxième état car il n'y a pas de
distinction entre la tuberculose et la fibrose au niveau des symptômes.
C'est la radiologie qui fait la différence.
M. COCUDE
Nous allons conclure. Dans le même esprit qui m'a fait demander
à M KOCH de tirer les conclusions du débat sur l'acupuncture,
je demande à M OBRINGER de tirer les conclusions du débat
sur la pharmacopée. Ils ont tous deux une certaine distance à
l'égard des sujets discutés.