J-C . PUJET
La réhabilitation respiratoire, qui est individualisée
depuis plus de 20 ans, et est source d’une multiplication de publications
scientifiques dans les meilleures revues, se propose d’agir de façon
personnalisée sur l’ensemble des facteurs qui, chez un malade
donné, conduisent à l’essoufflement (dyspnée), à
la réduction des activités physiques (périmètre
de marche…) et à l’altération de la qualité de vie.
La perspective de cet «art médical» est double :
Améliorer les scores physiologiques et psychologiques :
- Paramètres mécaniques ventilatoires et musculaires …
- Paramètres cognitifs : attention, mémoire, capacités
intellectuelles…
- Paramètres émotionnels : anxiété, dépression,
déni, résignation…
Adapter le patient au handicap physique en intervenant
dans son comportement face à la maladie et en l’aidant à
se fixer de nouvelles normes de santé.
Il s’agit d’un programme multidisciplinaire intégrant l’éducation,
l’aide à l’arrêt du tabac, la prise en charge psychosociale,
la kinésithérapie respiratoire, la prise en charge nutritionnelle
et surtout le ré-entraînement à l’exercice.
Population concernée :
Il s’agit de malades, souvent âgés de 50 à 80 ans,
présentant une dyspnée à l’effort qui limite leurs
activités quotidiennes, et ce malgré un traitement pharmacologique
maximal :
- 7% Ne peuvent ni se laver, ni se vêtir,
- 25% Ne peuvent ni faire leurs courses, ni bricoler,
- 31% Ne peuvent utiliser aucun moyen de transport public,
- 80% sont incapables de prendre des vacances…
Dans cette population, on retrouve essentiellement des patients porteurs
d’une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) (par bronchite--tabagique++
ou d’origine professionnelle--), emphysème - primitif ou secondaire-,
avec parfois une petite participation asthmatique, mais aussi des patients
avec des bronchectasies, des cyphoscolioses, des paralysies diaphragmatiques
-après chirurgie cardiaque-, des séquelles importantes de
tuberculose…
Globalement il s’agit de patients avec un trouble ventilatoire obstructif
notable : VEMS compris entre 50 et 30% des valeurs théoriques,
ou un trouble restrictif d’au moins 40%.
Education :
Elle a pour but d’améliorer la connaissance et l’autogestion
de la maladie en incluant l’observance des traitements et le mode de vie,
dans un objectif d’autonomie aussi grande que possible.
Elle doit permettre aussi d’améliorer l’estime de soi, de renforcer
les affects positifs tout en réduisant la sensation de handicap,
et de mieux gérer les symptômes dont font partie non seulement
la dyspnée, mais aussi l’anxiété et la dépression.
Kinésithérapie respiratoire :
Le drainage bronchique pour les malades avec hypersécrétion
bronchique : toux contrôlée avec augmentation du flux expiratoire,
Ventilation à lèvres pincées, ventilation thorax
penché en avant, synergie thoracoabdominale
Apprentissage de « l’économie d’énergie »
dans la vie quotidienne.
Prise en charge nutritionnelle :
Il existe dans les BPCO deux situations aux effets délétères
sur la tolérance à l’exercice :
- Dénutrition liée à l’hyper métabolisme
des muscles ventilatoires, limitant globalement la performance musculaire,
qui justifie une supplémentation calorique prolongée par
voie orale correspondant à une augmentation d’au moins 30% des apports
caloriques
- Surcharges pondérales, frein à la tolérance
à l’exercice, qui justifie une restriction équilibrée
et permanente de l’apport calorique tout en respectant la masse musculaire.
Réentraînement à l’exercice :
Il agit essentiellement par le biais du reconditionnement musculaire
qui déplace le seuil de passage des muscles en métabolisme
anaérobie vers des exercices de plus en plus importants.
Le ré entraînement privilégie l’action sur les
muscles périphériques plutôt que sur les muscles respiratoires.
Il s’agit d’un entraînement utilisant la marche en terrains divers,
le vélo, la natation et la rame…la gymnastique en petit groupe.
Son efficacité est vérifiée pour des programmes comprenant
2 à 4 séances (30 à 45 minutes, avec une intensité
limitée au seuil d’apparition de la dyspnée) durant 4 à
6 mois en centres spécialisés (ambulatoires plutôt
qu’hospitaliers) avec poursuite du travail à domicile par
la constitution d’un coin de gymnastique dans l’habitation. En effet, l’amélioration
ne persiste que si l’entraînement à domicile est poursuivi
de façon au moins bi-hebdomadaire, toute la vie.
Chez les malades, les plus sévères (désaturants
à l’effort ou en permanence) l’administration d’oxygène accroît
les possibilités du ré-entraînement en retardant
la fatigue diaphragmatique et en évitant tout risque d’insuffisance
cardiaque droite.
Les résultats :
Il a été objectivé :
- Une amélioration de la qualité de vie dans ses différentes
dimensions : mobilité physique, tonus, énergie-fatigue, réactions
émotionnelles, sommeil, isolement social, perception de l’état
de santé générale,
- Une diminution du recours aux soins (visites d’urgence, hospitalisations,
réanimations),
- Une diminution des besoins ventilatoires et de la sensation
de dyspnée pour un effort donné, améliorant la tolérance
et la performance à l’exercice (par exemple, évaluées
par des tests de marche mesurés sur 6 ou 12 minutes -épreuve
de Mc Gavin-),
- Par contre la fonction ventilatoire et les gaz du sang demeurent
inchangés, au mieux stables pour plusieurs années au lieu
de se dégrader annuellement.
Le coût de la réhabilitation respiratoire :
Ces programmes réduisent :
- Le nombre annuel des jours d’hospitalisation,
- Et pour les 10% de patients qui ont encore une activité professionnelle,
le nombre de jours d’arrêt de travail.
Les limites :
Bien que nous ayons institué un tel programme dès 1975
dans notre Centre de Santé spécialisé dans les affections
respiratoires, et depuis lors largement participé à la formation
de nos collègues pneumologues, les centres de réhabilitation
respiratoire sont encore trop peu nombreux et essentiellement d’initiative
privée. Leur développement est limité par l’absence
de nomenclature et donc de tarification, contrairement à la réhabilitation
des insuffisants coronariens dont nous avons aussi une grande pratique.
Néanmoins le mouvement est en marche puisque se tiendra en mars
2000, à Lille, le quatrième congrès international
sur cette thérapeutique applicable aux insuffisants respiratoires
et aux insuffisants cardiaques.
Conclusions :
La réhabilitation respiratoire est le meilleur traitement de
l’insuffisance respiratoire chronique, dès que le patient se plaint
d’une dyspnée notable à l’exercice.
Elle permet, mieux que les médicaments broncho-dilatateurs et
corticoïdes, mieux que l’oxygénothérapie, d’accroître
l’activité physique et donc sociale et relationnelle de la vie quotidienne,
et donc la qualité de vie des malades.