Le
schéma analysé ci-dessus ne fonctionne, bien entendu, que tant
les investisseurs se limitent aux personnes compétentes, capables
d'évaluer, au moins statistiquement une valeur actualisée d'une
entreprise, ce qui n'a visiblement plus été le cas quand
l'intensité de l'éclat du pactole a attiré de nombreux
investisseurs fortunés mais moins expérimentés à
partir de 1999...
Particuliers investissant sur la base de rumeurs mêlées
d'extrapolations, ou financiers qui s'appuient sur des ratios sans rien
comprendre au business model lui même, ont été les acteurs
d'un phénomène d'un emballement, nécessairement suivis
d'un réajustement drastique, ce qui ne démontre rien d'autre que
la nécessité d'un vrai professionnalisme du côté des
investisseurs
Il est pittoresque de lire sous la plume d'un expert (sans même
être certain que cette remarque ait été formulée au
second degré) "l'avenir est aujourd'hui beaucoup moins lisible que l'an
dernier"!!. Rappelons qu'un an auparavant nous étions à la veille
du krach...
Comme nous le verrons plus loin,
Il faut surtout avoir une solide expérience professionnelle dans le
secteur, connaître le marché, avoir un carnet d'adresse pour
pouvoir compléter une équipe de manager, trouver des clients et
apporter une crédibilité vis à vis des apporteurs de
capitaux du tour de table
L'histoire du taux du clic
Devant des nouvelles entreprises, visant de nouveaux marchés avec de nouvelles technologies, de nouveaux véhicules financiers, de nouveaux rythmes dans les prises de décision, de nouveaux processus d'investissement et des plues-values se chiffrant en milliards de $ en quelques mois, bien des investisseurs ont perdu leurs repères. Ne voulant néanmoins pas rater leur chance dans cet Eldorado, et pour se faire une idée malgré tout de la valeur d'une entreprise, renonçant à comprendre son modèle économique, ils ont essayé de la réduire à quelques ratios pour conforter intellectuellement la rationalité de leurs décisions Ont alors fleuri quelques concepts de "chiffres significatifs" pour permettre des comparaisons entre entreprises: les plus courrant d'entre eux ont été "le nombre de clic" ou celui des "visiteurs" Quand l'investisseur voulait estimer de façon "rationnelle" la valeur d'une start-up, il regardait la capitalisation boursière d'une entreprise appartenant au même secteur ayant réussi son entrée au Nasdaq, il la divisait par le "nombre de clic" revendiqué ce qui lui permettait de calculer le "taux du clic", et par une règle de 3 il en déterminait la valeur de la start-up....!! Ce système, largement répandu au niveau des financiers, a évidemment très rapidement conduit à des comportements pervers: Le véritable "client" du créateur d'entreprise n'était plus alors l'utilisateur de ses services mais l'investisseur naïf, et les fonds levés n'étaient plus utilisés à développer l'entreprise (soit pour la rendre rentable, soit pour développer une technologie vendable) mais pour "gonfler" l'indicateur servant à justifier sa valorisation. C'est ainsi que l'on a vu fleurir des campagnes de publicité télévisées d'une ampleur sans précédent, et d'une utilité économique peu évidente pour l'entreprise Bien entendu le comportement panurgique de ces investisseurs, focalisés uniquement sur les ratios et sur les espérances de jackpot à la bourse ont entraîné une fuite en avant qui a connu son apogée en mars 2000 : ce phénomène a été remarquablement décrit par le site www.kasskooye.net qui vous fournissait en quelques minutes une caricature de business plan capable de séduire les investisseur comme les hameçons même dépourvus d'appât lancé à des truites d'élevage affamées Une remarquable analyse au second degré des Echos, début 2000 mettait le doigt sur l'absurdité de cette approche: pour la mise en bourse d'une filiale de Vivendi, les investisseurs avouaient ne plus à quel saint se vouer car celle-ci pouvait ressortir de 2 secteurs différents ... or la valeur du "taux de clic" différait selon l'analogie retenue d'un facteur de 1 à 10 : quelle était alors la "véritable" valeur de l'entreprise?! |
Ce phénomène est de plus amplifié, comme souvent à la bourse, par des spécialistes du "jeu du mistigri" qui jouent sur leur capacité à trouver un investisseur crédule à qui revendre leur investissement avant dégonflement de la baudruche
Ces chasseurs de pigeon surfent de vague en vague suivant les modes générées par les "prophétie de gourou" (comme disent aujourd'hui les mauvaises langues, "un gourou, c'est un maître reconnu dans l'art de se gourer")
Ce type d'investisseur, recherchant uniquement la plue-value à court terme ne raisonne absolument plus en fonction de la "valeur économique " de l'entreprise, mais du prix qu'il estime pouvoir revendre ses actions (parfois dans la journée même), or ce prix, purement spéculatif, dépend de la position des autres spéculateurs: la décision d'achat ou de vente dépend alors "de ce que je pense que tu pense que je pense...": elle crée donc des phénomènes panurgiques que cette "dynamique des foules" rend extrêmement amples et instables.
Les vagues spéculatives se jetant successivement sur les business models vedettes du moment (B to C, Portails, B to Be, achats groupés, ventes aux enchères, Market Places, technologies optiques, téléphonie de 3ème génération,...) ont culminé en se superposant dans le gigantesque Tsunami de mars 2000: Le second semestre 1999 et le premier trimestre 2000 ont vu un vent de folie s'emparer des bourses avec des valorisation multipliées couramment par 10 sur moins d'un an.
Pour rester dans l'allégorie automobile pour le spéculateur s'agit de foncer le plus rapidement possible dans le brouillard vers un mur dont on connaît l'existence mais pas la position : le gagnant est celui qui s'éjecte le plus tard possible.... Avant le choc
Il ne faudrait pas pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain et considérer comme sans importance les technologies ainsi portées au pinacle pour être le lendemain vouées aux gémonies. Il faut simplement prendre conscience qu'une entreprise exploitant une excellente idée n'est pas forcément une excellente entreprise et qu'il y a rarement place pour plusieurs gagnants
Par ailleurs s'il y a eu des créateurs d'entreprises qui ont sciemment abusé de la naïveté des investisseurs, ce n'est pas la majorité : la plupart de ceux qui ont échoué, et les financiers qui les ont accompagnés ont droit à notre reconnaissance car ils ont fait émerger de nouvelles idées, ont forgé de nouvelles compétences et ont permis l'éclosion d'une génération d'entrepreneurs dont tout laisse penser qu'ils seront capables de se lancer dans de nouvelles aventures, armés de leur première expérience. Il s'agit donc là d'une vraie richesse créée pour la société (aurait on été si vite sans ce "grain de folie"?)
En outre les technologies de l'Internet elles-mêmes ont une part de responsabilité dans la brutalité de ces évolutions: elles permettent en effet
Pour autant si les "pigeons plumés" peuvent avoir naturellement tendance à passer d'un excès d'attrait à un excès de méfiance vis à vis de ce type d'investissement la plupart des professionnels de ce marché ont commencé par se réjouir de ce coup de tabac qui a dans un premier temps permis d'assainir la cote (Ils ont d'ailleurs fait remarquer qu'une entreprise qui a perdu les 90 de sa valeur en 1 an, mais qui l'avait multipliée par 20 dans les 2 année précédente (Europstat, Fi System, Icon Medialab, Business Object, Com1,...) réalise encore sur la distance une belle plus-value pour ses actionnaires (Valtech a perdu 60% dans la tourmente du printemps 2000, ce qui réduit à 1.600% sa croissance sur un an, sans parler de Cisco qui après Krach de 2001 réalise encore une plue-value de 60.000% depuis son introduction en Bourse en 1990)
Néanmoins, comme on pouvait s'y attendre, il est rare qu'une situation équilibrée succède à des excès extrêmes vers le haut (perte de confiance des investisseurs, assèchement de fonds ruinés par la spéculation, fuite de ceux qui se sont brûlé les ailes et se sont rendu comptes que l'on ne pouvait réussir sur longue période sans compétence, ... le tout entraînant une spéculation à la baisse de ceux que l'on appelle les nouveaux VC "Vulture Capital" (Capital Vautour), succédant au Venture Capital (Capital Risque).
"à la hausse comme à la baisse, les excès des bourses s'inscrivent dans la démesure de la rupture technologique en cours" Fabrice Moullé-Berteaux, JP Morgan, les Echos
On peut seulement regretter que quelques projets intéressants" qui ont vu leurs réacteurs coupés pendant la phase de décollage" se soient injustement écrasés: (certains apporteurs de capitaux, pris de panique n'ont pas tenu leurs engagements d'apport de capitaux. Dans certains cas la situation est d'autant plus choquante que ce sont ces mêmes apporteurs de capitaux qui avaient mis comme condition à leur intervention un développement international immédiat et un plan de communication beaucoup plus ambitieux que proposé par la start-up...)
Gageons que leurs animateurs sauront rebondir même si les rêves d'une richesse immense et soudaine se sont durablement estompés
2001 est donc en matière de création de start-up l'année de creux de la vague :Si cela n'empêche nullement les grandes entreprises de se transformer profondément à partir des concepts et des technologies développées ces dernières années il n'est guère possible aujourd'hui d'appréhender les conséquences du e-krach sur le rythme d'émergence de nouveaux entrepreneurs et de nouvelles idées
Evariste
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(Last update : Fri, 9 Feb 2007) |