"Sciences molles" et technologies d'accompagnement

LE PROCESSUS DE PRODUCTION

Aspects socio-organisationnels

L'organisation de l'appareil de production relève du problème général de l'organisation du travail. Elle recourt de plus en plus à la modélisation et à la simulation des comportements afin, d'une part, de concevoir et mettre en place des organisations hautement opérationnelles et, d'autre part, d'en prévoir les dysfonctionnements éventuels.

Ce domaine est celui du management des ressources humaines. Bien au-delà de la gestion des carrières et de celle du temps de travail, il s'agit de permettre une gestion dynamique du facteur travail en vue de son optimisation, en y incluant le temps partiel. Ces efforts s'appuient sur les développements des recherches sur les systèmes sociaux et ont jusqu'à présent été surtout engagés dans de grandes organisations alors qu'un besoin crucial se fait sentir pour les petites organisations comme les PMI et les unités de production décentralisées.

Dans ce contexte, la tendance actuelle aux Etats-Unis est au "reengineering (reconfiguration), approche basée sur la mise en place d'une plus grande flexibilité de production, nécessitant plus de formation pour aboutir à la polyvalence du personnel, et une organisation en réseaux. Cette approche prend le contre-pied de ce qui se faisait et se fait encore avec le modèle classique de type Taylor-Ford. Elle permet parfois des gains spectaculaires de productivité, essentiellement par la motivation du personnel, qui résulte d'une plus grande autonomie d'action et d'une plus grande délégation de responsabilités.

L'organisation du travail conjugue des méthodes liées à la psychologie et au langage avec les technologies de communication. Elle a notamment pour mission de mettre en commun de manière dynamique les compétences de plusieurs individus. La multiplicité des acteurs nécessite de diffuser l'information de façon ciblée, par exemple sur la base de mots clés et, pour les informations nouvelles, de systèmes sélectifs d'alarmes, ou encore à partir d'une évaluation de l'usage de l'information, effectuée notamment au travers d'enquêtes.

L'ergonomie du travail contribue à la conception ou à la transformation des situations de travail, non pas seulement dans leurs aspects techniques mais aussi dans leurs aspects socio- organisationnels, de façon à ce que le travail puisse être réalisé dans le respect de la santé et de la sécurité des hommes et avec le maximum d'efficacité économique.

Maîtrise de l'appareil de production

L'exploitation de l'outil industriel impose une intégration de connaissances de tous types. Le plan d'expérience est la codification de ces connaissances accumulées dans la conduite d'une opération. Celles-ci doivent être utilisées pour la préparation des manuels d'exploitation, l'amélioration des procédures ou le contrôle statistique des procédés ("statistical process control", c'est-à-dire des méthodes qui intègrent l'historique de fonctionnement d'un procédé pour en prévoir les performances et les défaillances sur une base statistique). Ces outils sont maintenant largement utilisés en production discrète (aéronautique, pharmacie, électronique...). La mise en place d'un tel système nécessite le suivi et l'historique de tous les lots, de toutes les pièces.

Cependant, les dispositifs qu'on cherche à modéliser sont souvent d'une telle complexité qu'une approche progressive préalable s'impose avant toute tentative de mise en système. On procède à une simulation multi-agents consistant à modéliser les règles et les contraintes du dispositif par des programmes autonomes, permet tant a chaque agent de traiter individuellement les problèmes pour lesquels il est spécialisé. On peut ainsi observer comment le système évolue, et perfectionner progressivement le modèle au fur et à mesure que l'on accumule des connaissances.

Cette méthode, très puissante, rend possible la modélisation des systèmes complexes tels que les organisations, les usines ou les marchés. Toutefois, les différentes contributions des agents ne sont pas nécessairement cohérentes entre elles, ce qui rend nécessaire la mise en oeuvre d'un système d'intégration des différents points de vue. Ces outils servent d'une part à intégrer, grâce à des systèmes experts, les points de vue multiples ou même contradictoires de spécialistes divers (matériaux, énergie, problèmes d'environnement...) et, d'autre part, à favoriser l'apparition de compromis utiles pour les décisions de conception.

La complexité et la richesse des flux d'informations générés mobilisent des systèmes experts permettant d'actualiser et d'enrichir les modèles de conduite des procédés industriels en tenant compte des caractéristiques réelles de fonctionnement. L'organisation de ces systèmes ne peut pas faire l'économie d'une simulation des flux continus et, surtout, discontinus intégrant des hypothèses d'événements divers (dysfonctionnements) à tous les niveaux de la chaîne logistique.

Logistique

Les exigences de flexibilité et les impératifs économiques de gestion des stocks obligent les entreprises à travailler en "juste à temps" ou en flux tendu. Le maintien d'un stock au plus bas impose une organisation logistique des plus performantes, qui vise à optimiser les relations avec les fournisseurs et les sous- traitants (utilisation de l'EDI, notamment) et à adapter la chaîne de production à cette évolution de l'offre.

Les techniques de logistique permettent la gestion en temps réel des flux de matières, d'informations et de produits. Les objets sont identifiés durant les trajets qu'ils accomplissent au cours des cycles de production et de distribution grâce à des techniques de reconnaissance optique, magnétique, ou encore grâce au code barre. Ces différentes techniques constituent un enjeu extrêmement important car, notamment en matière de distribution, le nombre des référencements atteint des chiffres souvent considérables (il existe ainsi des dizaines de milliers de références de produits alimentaires, dont environ le tiers est renouvelé chaque année).

La reconnaissance des formes connaît une application toute particulière en matière de process car elle sert notamment au contrôle de qualité et au tri des objets. Le passage des objets (quelquefois assortis d'une mémoire reprogrammable lorsque la technique d'identification est un badge ou une étiquette électronique) est géré en temps réel. Aussitôt que l'information est recueillie, elle est distribuée, de manière centralisée ou décentralisée, et exploitée soit au cours du process par des robots, soit en vue de la gestion comptable et des approvisionnements.

Sûreté de fonctionnement, sécurité

La sûreté de fonctionnement et la sécurité sont obtenues par la qualité des produits (ou des systèmes) ainsi que par des techniques spécifiques. Celles-ci font de plus en plus appel à une modélisation intelligente appliquée à la maintenance et au fonctionnement des systèmes de gestion et de maintenance assistée par ordinateur (GMAO). Ces systèmes sont capables de prédire les dysfonctionnements et de pré venir l'opérateur avant qu'il ne soit trop tard.

La maintenance prédictive caractérise trois types de pannes (les pannes infantiles, les pannes soudaines, et les pannes liées au vieillissement de la machine) qu'une approche Amdec (Analyse des modes de défaillances, de leurs effets et de leur criticité) permet de cerner. L'Amdec part d'une analyse des fonctions techniques et pose la question des dysfonctionnements possibles. On évalue ensuite le risque que survienne chaque défaillance, la gravité d'une telle défaillance et la probabilité d'une non- détection préventive. Une démarche d'anticipation n'évite pas, bien entendu, de procéder au suivi du fonctionnement par des contrôles opérés de façon continue ou discontinue (contrôles non destructifs, capteurs, robotique pour la sécurité). L'Amdec ne résout évidemment pas tous les problèmes: la sûreté passe aussi, et peut-être d'abord, par la responsabilité des hommes dans leur approche de l'outil de production (actions de formation, de sensibilisation...).

Au-delà des performances et des défaillances éventuelles de l'outil industriel, l'exploitation tend de plus en plus à intégrer des analyses de risques appréhendées non plus sur des bases statistiques mais grâce à des simulations. Il s'agit de procédures et méthodes qui ont été développées depuis de nombreuses années et qui, grâce à des techniques informatiques, anticipent par exemple les conséquences à moyen et long terme sur l'environnement d'événements soudains tels que l'explosion d'une usine. Cette approche peut partiellement pallier le manque de bases statistiques significatives dans des cas où peu d'accidents ont eu lieu.

Propreté

Certaines unités industrielles doivent respecter des exigences bien définies de propreté. Celles-ci varient selon le type d'activité (recherche-développement, production, stockage...) et les secteurs. Selon le cas, on protège le process contre la contamination par l'environnement (électronique, pharmacie), ou le contraire (chimie, nucléaire). Il s'agit d'environnements de travail coûteux, qui demandent une surveillance analytique, des équipements (pompes, par exemple) à haut niveau de fiabilité, mettant en oeuvre des systèmes de dépannage et d'intervention per formants pour corriger les défaillances éventuelles. Dans ce domaine, un champ d'innovation important concerne la conception d'ateliers de travail dans lesquels le niveau de propreté n'est pas uniforme mais modulé par "zone", selon les spécifications imposées aux différentes étapes du process. Cette pratique, appelée zonage, permet dans certains cas des économies appréciables.



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