Matériaux et technologies associées

La problématique

LA LONGUEUR DU CYCLE D'INNOVATION

Le délai qui sépare l'apparition d'un matériau nouveau de son développement économique est généralement long. On peut ainsi noter que de nombreux technoplastiques qui connaissent aujourd'hui une croissance rapide ont, en fait, été mis au point il y a une quarantaine d'années.

Si l'on compare l'évolution technique dans le domaine des matériaux et dans celui des technologies de l'information, les deux domaines se différencient par les délais qui s'écoulent entre la mise au point en laboratoire des nouveaux produits et leur développement économique, beaucoup plus que par le flux d'innovation lui-même.

Ainsi, les céramiques techniques figuraient déjà en bonne place dans les études de prospective technologique des années 60, bien avant que le premier micro ordinateur n'ait été conçu. Pourtant, le marché mondial de la micro-informatique (hors logiciels) représente aujourd'hui environ cinq fois celui de ces céramiques.

La "viscosité" de l'innovation dans le domaine des matériaux peut recevoir plusieurs explications :

- dans certaines industries (construction aérospatiale...), le coût de la certification constitue un frein à l'innovation, puis une protection pour celui qui a franchi l'obstacle;

- le parc d'équipements de mise en oeuvre des matériaux constitue un facteur d'inertie plus important encore, la constante de temps étant ici celle de la durée de vie des équipements, soit sensiblement plus de dix ans. Ainsi, la pénétration des polymères est limitée par la diffusion très large des machines-outils pour le travail des métaux, y compris chez les utilisateurs de matériaux (construction mécanique, par exemple), parce que les équipements équivalents pour les plastiques (presses à injecter) sont moins répandus;

- les habitudes des concepteurs et utilisateurs de pièces, d'équipements et de systèmes dans lesquels s'insèrent les matériaux renforcent le facteur précédent et contraignent fortement le développement des matériaux dont l'emploi s'inscrit en rupture par rapport au passé.

En d'autres termes, le changement de matériau entraîne un investissement maté riel et immatériel élevé (R-D, formation...), car il ne se limite pas au producteur mais inclut la chaîne des acteurs situés en aval. C'est finalement ce caractère fortement capitalistique des filières de matériaux qui explique la viscosité observée dans ce domaine.

Le ratio élevé entre le stock de technologies en attente d'application et le flux d'in novation constitue une caractéristique essentielle du domaine des matériaux (voir figure ci-dessous). Il en résulte pour l'utilisateur ce qu'on a parfois appelé un hyperchoix et, plus exactement, une demande d'aide au choix de la solution technique et du matériau qui, dans un environnement complexe, répondent le mieux aux fonctionnalités recherchées. Cette demande génère à son tour des besoins spécifiques d'innovation (banque de données, documentique).

Ce phénomène de viscosité n'est pas incompatible avec un flux important d'innovation et des marchés en croissance sensible (voir tableau précédent). Mais elle rend difficile l'appréciation des évolutions technologiques sans un élargissement du cadre d'analyse, car le progrès technique dans le domaine des matériaux est finalement très flexible, pouvant prendre telle ou telle orientation selon les besoins des marchés.



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