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Document 301Y0125(01)

Chapitres du répertoire où le document peut être trouvé:
[ 11.50.30 - Mesures d'aide spécifiques ]
[ 03.60.05 - Dispositions concernant plusieurs organisations communes ]


301Y0125(01)
Rapport spécial n° 18/2000 relatif au programme d'approvisionnement en produits agricoles de la Fédération de Russie, accompagné des réponses de la Commission
Journal officiel n° C 025 du 25/01/2001 p. 0001 - 0020



Texte:


Rapport spécial no 18/2000
relatif au programme d'approvisionnement en produits agricoles de la Fédération de Russie, accompagné des réponses de la Commission
(présenté en vertu de l'article 248, paragraphe 4, deuxième alinéa, du traité CE)
(2001/C 25/01)

TABLE DES MATIÈRES
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RÉSUMÉ
En 1998, la Fédération de Russie a été affectée à la fois par une mauvaise récolte et par une crise financière. Suite à cette crise, l'Union européenne (UE) craignait une chute importante de ses exportations agricoles, ce pays constituant son deuxième marché d'exportation pour la viande. Les États-Unis d'Amérique ont décidé un programme de fourniture alimentaire à la Russie. L'UE souhaitait elle aussi y assurer une présence. Suite à la demande adressée par le gouvernement russe, le Conseil a décidé en décembre 1998 de fournir gratuitement des produits agricoles aux régions les plus démunies de la Fédération de Russie (voir point 1).
Le programme ne devait pas gêner les exportations agricoles, parfois subventionnées, de l'UE vers la Russie ni perturber le marché local. De ce fait, le prix de vente des produits ne devait pas être inférieur à celui des produits similaires locaux ou importés de l'UE. Quant aux régions les plus démunies, auxquelles ces produits étaient destinés, elles souhaitaient les obtenir au prix le plus bas. En même temps, les autorités russes voulaient aussi maximiser les recettes de vente pour les affecter à des mesures sociales (voir point 2).
La Cour a constaté qu'une analyse préalable des besoins n'a pas été effectuée. La nécessité d'une telle aide n'a pas été démontrée. D'ailleurs, la Russie a exporté des céréales en 1999. La difficulté pour de nombreux Russes à se nourrir correctement est due non pas un manque de produits alimentaires mais à un manque de moyens financiers pour les acquérir. De plus, les capacités à terme de la Russie d'importer des produits alimentaires de l'UE n'ont pas été assez examinées. Alors que l'UE craignait une chute de ses exportations de viande vers la Russie, celles-ci ont augmenté en 1999, notamment grâce aux restitutions à l'exportation dont la Commission a sous-estimé l'impact (voir points 6-11).
Les fonds de contrepartie générés par la vente de ces produits ont souvent été récoltés tardivement, en raison surtout des difficultés d'écoulement de la viande. Les régions, déjà parmi les plus démunies, ayant des difficultés à verser ces fonds dans les délais étaient en outre menacées de sanctions financières par les autorités fédérales russes. Par ailleurs, la Commission s'est souciée davantage d'une récolte optimale de ces fonds que de leur utilisation (voir points 14 et 42-47).
D'une manière générale, l'impact du programme a été réduit du fait que:
- la Commission a accepté que les autorités fédérales russes lient l'attribution de l'aide aux régions à leur capacité de fournir une garantie financière alors que le programme était censé assister en priorité les régions les plus démunies (voir points 11 et 53),
- les prix de vente de la viande étant très élevés pour éviter une concurrence avec les importations communautaires mais aussi avec la production locale, cette viande est restée de nombreux mois en stock en Russie et ces livraisons, bien que très onéreuses, n'ont donc pas eu d'impact significatif sur le marché local en 1999 alors que, à la fin de 1998, le Conseil estimait "impératif que les produits arrivent à destination dans les meilleurs délais" (voir points 35-36).
L'objectif principal déclaré d'améliorer la situation précaire du peuple russe et de régulariser les marchés agricoles par la livraison aux régions les plus démunies de produits agricoles à faire parvenir à destination dans les meilleurs délais n'a été que très partiellement atteint. L'aide n'était pas indispensable dans la mesure où la Russie pouvait s'approvisionner sur le marché international en laissant agir les opérateurs privés. Si une aide alimentaire devait être accordée à la Russie, un programme humanitaire moins vaste ciblé sur les couches les plus défavorisées de la population aurait été plus approprié. Quant au souhait de préserver le marché russe d'exportation, il a été réalisé par les restitutions à l'exportation de manière plus efficace et proportionnellement à bien moindre coût (voir points 55-61).
INTRODUCTION
Objectifs du programme
1. En 1998, la récolte de céréales a été particulièrement médiocre en Russie(1). En août de la même année, le pays a en outre été affecté par une grave crise financière. Les États-Unis ont décidé le 6 novembre 1998 d'attribuer une aide alimentaire à la Russie. L'Union européenne (UE) souhaitait elle aussi y assurer une présence, ce pays constituant son deuxième marché d'exportation pour la viande(2). Faisant suite à la demande adressée par le gouvernement russe le 12 novembre 1998, le Conseil a adopté le 17 décembre 1998 le règlement (CE) n° 2802/98(3) prévoyant la fourniture gratuite de produits agricoles aux régions les plus démunies de la Fédération de Russie. La vente de ces produits sur les marchés locaux devait constituer un fonds de contrepartie permettant de financer des mesures sociales. Considérant que cette opération contribuerait à améliorer la situation précaire du peuple russe et, en même temps, régulariserait les marchés agricoles en Russie, le Conseil estimait impératif de faire parvenir l'aide à destination dans les meilleurs délais.
2. D'importantes contraintes pesaient sur la Commission pour la mise en oeuvre du règlement du Conseil. Le programme ne devait pas gêner les exportations agricoles, parfois subventionnées, de l'UE vers la Russie ni perturber le marché local. De ce fait, le prix de vente des produits ne devait pas être inférieur à celui des produits similaires locaux ou importés de l'UE. D'un autre côté, ces produits devaient être destinés aux régions les plus démunies soucieuses de les obtenir au prix le plus bas. De plus, le règlement (article 1er, paragraphe 4) stipulant que les recettes devaient être affectées à des mesures sociales, les autorités russes ont souhaité disposer d'un maximum de fonds de contrepartie dans le but de les utiliser comme appui budgétaire.
Composantes du programme
3. Ce programme ambitieux et complexe prévoyait la fourniture de 1,85 million de tonnes de produits alimentaires d'une valeur de 377,7 millions d'euros à une cinquantaine de régions sur les 89 entités administratives que compte la Fédération de Russie. De cette valeur totale, les céréales et le riz représentaient environ 40 % contre près de 50 % pour la viande, le solde étant constitué par le lait écrémé en poudre. Tous les produits ont été mobilisés à partir des stocks d'intervention, à l'exception de la viande porcine, qui a été achetée sur le marché communautaire.
4. Le coût du transport de ces produits jusqu'à la frontière russe et celui du monitorage (de la mobilisation en Europe et de la distribution en Russie) étaient à la charge du budget communautaire. Compte tenu des économies en frais de stockage et en restitutions à l'exportation estimées à 71,5 millions d'euros, le coût total net de ce programme financé sur des crédits FEOGA était estimé à 411,1 millions d'euros (voir tableau 1).
Tableau 1
Coût estimé du programme
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Étendue de l'audit
5. En raison des risques importants inhérents à la mise en oeuvre de ce programme(4), l'audit de la Cour a porté essentiellement sur son exécution en Russie. L'objectif de l'audit était, d'une part, de vérifier l'efficacité et l'impact du programme et, d'autre part, d'examiner la façon dont la Commission s'est acquittée de sa mise en oeuvre à la fois pour faire parvenir les produits à destination et pour collecter les fonds de contrepartie et assurer leur utilisation aux fins prévues. La Commission ayant prévu de livrer les produits au cours du premier semestre de 1999 (point 3.11 du Memorandum of Understanding), le contrôle sur place a été effectué au cours du second semestre de 1999 auprès de la Commission et de sa délégation sur place, auprès des instances russes concernées (ministères de l'agriculture et des finances, fonds de pensions, opérateurs chargés de la distribution) et dans neuf régions bénéficiaires. La valeur cumulée des fournitures allouées aux régions visitées représente environ 35 % de l'ensemble du programme. Des rencontres ont également été organisées à Moscou avec des conseillers d'ambassades d'États membres et des États-Unis, avec les représentations locales du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale ainsi qu'avec l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
PRÉPARATION DU PROGRAMME
Analyse des besoins
6. Lors de la réunion du Conseil "Agriculture" du 28 septembre 1998, la Commission estimait qu'"il n'y avait pas de pénurie alimentaire en Russie" et que "au niveau macroéconomique, il y avait suffisamment d'argent pour acheter des denrées alimentaires" et notait que "la plupart des analystes considéraient que les importations russes de denrées alimentaires reprendraient aussitôt que le taux de change se serait stabilisé"(5). En novembre 1998, elle proposait néanmoins un programme de fourniture de produits alimentaires à la Russie.
7. La nécessité réelle d'un tel programme a fait l'objet d'un vaste débat en Russie, où les organisations commerciales semi-publiques y étaient favorables et les opérateurs commerciaux privés ainsi que les groupes en faveur des réformes économiques défavorables. Malgré la mise en garde de la Banque mondiale, la Commission n'a pas analysé l'incidence négative que comporterait un tel programme sur le secteur privé émergeant (producteurs locaux, nouveaux opérateurs privés). Elle n'a pas non plus tenté d'apprécier dans quelle mesure les barrières commerciales internes affectaient l'approvisionnement en céréales alors que la FAO considérait en novembre 1998 que, s'il devait y avoir des pénuries en Russie, celles-ci seraient locales et imputables à l'existence de ces entraves intérieures(6).
8. Si l'offre en céréales sur le marché russe s'est effectivement trouvée réduite en 1998, il n'a pas été démontré que la Russie, malgré la crise financière d'août 1998, n'aurait pas pu recourir à des importations(7). Du reste, le problème pour une large part de la population n'est pas tant une pénurie alimentaire qu'un manque d'argent pour acheter la nourriture(8). Par ailleurs, les experts céréaliers russes(9) considèrent que les statistiques officielles sous-estiment de 10 à 20 % les réserves céréalières, notamment la production et les réserves des opérateurs privés.
9. Le mémorandum, en son article 3, paragraphe 9, interdit l'exportation, pendant la durée du programme, de produits du même type que ceux livrés par l'UE, sauf dans les cas où les contrats avaient été conclus avant le 1er octobre 1998. Selon l'OCDE, entre juillet 1998 et février 1999, la Russie a exporté 1,04 million de tonnes de céréales, dépassant ainsi le volume record de 1997/1998, et a été un exportateur net de céréales au cours du second semestre de 1998(10). Bien qu'il n'ait pas été établi qu'il y ait eu des exportations de la Russie en violation du mémorandum, force est toutefois de constater que l'Union européenne a décidé un programme d'aide alimentaire à la Russie au moment même où les exportations russes de céréales enregistraient un niveau record.
10. Suite à la dévaluation du rouble, la Commission craignait particulièrement une chute importante des importations russes de viande(11). Elle a cependant surestimé la durée de la crise financière en Russie et, à la fin de l'année 1998, les exportations communautaires de viande porcine vers la Russie étaient déjà revenues à leur niveau d'avant août 1998. Lorsque la viande porcine fournie dans le cadre du programme est arrivée sur place, elle est entrée en concurrence avec les importations commerciales (voir point 35). Le relèvement des restitutions à l'exportation pour le porc et la prolongation des facilités d'exportation vers la Russie ont largement contribué à cette situation. Compte non tenu de l'aide alimentaire, les exportations de l'UE vers la Russie en 1999 se sont en effet relativement maintenues en ce qui concerne la viande bovine et se sont même accrues par rapport aux années précédentes pour ce qui est de la viande porcine (voir tableau 2).
Tableau 2
Évolution des exportations de viande de l'UE vers la Russie (1997-1999)
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11. La Commission n'a pas non plus examiné de façon approfondie la situation d'approvisionnement des différentes régions bénéficiaires proposées par les autorités russes. Par exemple, aucun élément objectif, sinon des contacts privilégiés avec le pouvoir fédéral, ne justifie le choix de certaines régions(12). La Commission s'est principalement contentée d'exclure des régions éligibles celles de Moscou et Saint-Pétersbourg(13) pour ne pas pénaliser les exportateurs européens, estimant que 85 à 90 % des exportations de viande de l'UE allaient à ces régions. Ces produits importés ne restent cependant pas nécessairement dans ces régions puisque les importantes usines de transformation de viande situées dans ces régions vendent en effet leurs produits à travers la Fédération(14).
Élaboration de la base juridique et du cadre de mise en oeuvre
12. Le cadre juridique du programme a été élaboré rapidement en raison de l'urgence supposée du programme. Le gouvernement russe a introduit sa requête en novembre 1998, le Conseil a adopté le règlement pour cette opération en décembre et la Commission a signé un mémorandum régissant la mise en oeuvre du programme en janvier 1999. La Commission a négocié ce mémorandum avec le ministère russe de l'agriculture sans pouvoir associer le ministère des finances dont le rôle est pourtant essentiel pour la collecte des fonds de contrepartie (voir points 42-47).
13. La Commission a défini les procédures opérationnelles du programme avec les autorités russes au coup par coup. Comme le premier mémorandum d'accord signé le 20 janvier 1999 présentait certaines lacunes, la Commission a négocié un mémorandum additionnel avec les autorités russes en février 1999, notamment pour prendre en compte l'exigence du Conseil d'assurer un suivi et un contrôle à l'intérieur du territoire russe. Les termes de référence du groupe de travail Russie-Commission européenne (mis en place pour faciliter l'exécution du programme) fixant des règles de mise en oeuvre supplémentaires n'ont été acceptés par les deux parties qu'en juillet 1999.
14. En ce qui concerne les fonds de contrepartie, la Commission a accepté de les affecter à hauteur de 80 % au paiement des arriérés du fonds de pension, qui constituait une priorité tant du gouvernement russe que du FMI. Malgré le volume des fonds à récolter, les inquiétudes de la communauté internationale quant au peu de transparence des finances publiques russes et les nombreuses irrégularités relevées à la même époque par la Cour des comptes russe dans la gestion des fonds de pension, la Commission n'a pas analysé, avant de prendre cette décision de principe, la fonction, le statut financier actuel et futur ni les modalités exactes d'utilisation de ce fonds (voir point 42).
MISE EN OEUVRE DU PROGRAMMME
Ressources budgétaires
15. La Commission estimait qu'il aurait été préférable de financer ce programme sur la base des crédits 1999, mais le Conseil et le Parlement ont préféré faire usage des crédits inutilisés sur le budget 1998(15). Aucun engagement budgétaire n'ayant pu être effectué en 1998, la Commission a demandé le report des 400 millions d'euros de l'exercice 1998 à 1999. Au début de 1999, en attendant la décision formelle de l'autorité budgétaire sur le report de crédits, elle s'est trouvée, faute de crédits, dans l'impossibilité de commencer l'exécution du programme. Elle a alors procédé à un virement de 10 millions d'euros de l'article B1-3 1 2 "Distribution gratuite de lait aux écoliers" vers l'article B1-3 1 5 "Aide alimentaire à la Russie".
Moyens déployés par la Commission
16. La prise de décision sur des modalités d'exécution du programme était centralisée à Bruxelles. Ni la DG Agriculture, ni la DG Relations extérieures ni la délégation à Moscou n'ont disposé de ressources supplémentaires pour sa mise en oeuvre. L'ambassade américaine à Moscou, dotée d'une vingtaine de personnes pour la gestion d'une aide similaire, disposait quant à elle d'une large autonomie de décision. Alors que, par exemple, elle décidait sur une base hebdomadaire les adaptations de prix ou de destination des produits, la seule modification importante des régions éligibles décidée par la Commission a nécessité l'habilitation de deux commissaires et un délai de plus de deux mois.
Mobilisation des denrées
17. Fin 1998, dans ses prévisions financières, la Commission avait prévu un budget moyen de 110 EUR/100 kg pour la fourniture de viande porcine. En fait, le prix moyen pour cette viande au départ de l'abattoir a été de 112 EUR/100 kg sur le marché communautaire en 1999. Cependant, le prix payé dans le cadre du programme s'est élevé en moyenne à 150,5 EUR/100 kg. Les prévisions de la Commission pour la viande porcine ne prenaient pas en compte les frais de congélation, de conditionnement, de manutention, de transport et de stockage. Le coût des livraisons de viande porcine a été supérieur de 31,4 % (à la tonne) par rapport aux prévisions de la Commission.
18. Le règlement du Conseil précisait qu'il était impératif que les produits parviennent à destination dans les meilleurs délais et le mémorandum conclu avec les autorités russes prévoyait que "la Commission s'efforcera d'effectuer la livraison des produits dans les ports russes ou aux points de frontière avec la Russie au cours du premier semestre de 1999". À la mi-juillet 1999, 45 % seulement de ces produits étaient parvenus en Russie. À la fin de l'année 1999, 89 % des produits en volume, mais seulement 58 % en valeur, avaient été livrés aux régions bénéficiaires par rapport au programme initialement prévu. Les livraisons de blé, de seigle et de riz étaient pratiquement terminées mais seuls les deux tiers de la viande de boeuf et la moitié de la viande de porc et du lait écrémé en poudre avaient été livrés.
19. La Commission a en effet été amenée à suspendre la mobilisation des produits pendant près de quatre semaines jusqu'à ce que les autorités russes acceptent les procédures communautaires en matière de sécurité, d'hygiène et de certification sanitaire. La mobilisation des produits a ensuite été suspendue pendant plus d'un mois en raison de la difficulté d'aboutir à un accord entre la Commission et les autorités russes sur le mécanisme de détermination des prix. De plus, les livraisons de viande porcine ont été un temps suspendues en raison de la crise belge de la dioxine (voir point 40) et ce n'est qu'en juillet 1999 que les autorités sanitaires russes ont accepté la livraison de lait en poudre.
20. En raison de ces retards, près de la moitié des céréales sont arrivées pendant ou après la moisson, d'importantes quantités de viande sont arrivées en été, lorsque la demande pour ce produit est la plus faible, et l'intégralité du programme prévu n'a pas pu être exécutée. En outre, ces retards ont nécessité la prolongation des activités de contrôle confiées à des firmes extérieures. Le montant des contrats pour le monitorage en Europe et en Russie a été respectivement porté de 2 millions d'euros à 5,5 millions d'euros et de 4 millions d'euros à 8,8 millions d'euros.
21. Le 22 décembre 1999, la Commission a décidé d'interrompre le programme. Celle-ci n'ayant pu utiliser tous les crédits reportés avant la fin de l'exercice 1999, un montant de 64,5 millions d'euros est tombé en annulation. De ce fait, alors que l'essentiel des céréales avait déjà été livré, 41500 tonnes de viande porcine, 11550 tonnes de viande bovine et 5000 tonnes de lait en poudre initialement promises aux autorités russes pour une valeur globale de plus de 71,2 millions d'euros n'ont pas été livrées. Le programme ne devant plus financer le transport de ces produits, son coût total d'exécution se trouvait ainsi réduit de 74,4 millions d'euros par rapport aux prévisions (voir tableau 3).
Tableau 3
Exécution effective du programme (avril 2000)
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Transport des produits
22. Le coût effectif du transport du lait en poudre a été supérieur de 93 % à l'estimation initiale Quant aux frais de transport du seigle, ils ont été supérieurs de 40 % aux prévisions (voir tableau 3), car celles-ci n'avaient pas pris en compte l'acheminement du produit jusqu'au port communautaire avant embarquement. Les prévisions financières quant au coût du programme communiquées par la Commission à l'autorité budgétaire ont donc sous-évalué le coût des livraisons de lait en poudre, de seigle et de porc (voir point 17).
23. La Commission a confié à une firme de monitorage le soin de vérifier les quantités et la qualité des produits enlevés par les transporteurs dans les entrepôts de stockage à l'intervention. Des retards dans l'acheminement de la viande bovine ont été enregistrés du fait que cette société ne disposait pas d'assez d'agents pour effectuer le monitorage lors du chargement de cette marchandise qui, en France, était disséminée sur une trentaine d'entrepôts. Par ailleurs, lors de contrôles d'opérations de déstockage de blé tendre destiné à la Russie, l'unité de coordination de la lutte antifraude (UCLAF) a constaté que les contrôleurs de cette société n'étaient pas toujours présents lors du chargement des céréales.
24. Près de 40 % des livraisons ont été acheminés via des ports baltes. Environ 25 % des livraisons de céréales ont transité par Muuga (Estonie) bien que les frais de manutention y soient plus élevés qu'à Riga ou à Saint-Pétersbourg. Ces coûts plus élevés, qui étaient principalement dus au contrôle monopolistique des infrastructures portuaires(16), ont été supportés par le bénéficiaire (voir point 26).
25. Une meilleure analyse des capacités de manutention et d'entreposage sur place ainsi qu'une meilleure coordination avec les Américains auraient permis à la Commission d'éviter certains engorgements dans les ports.
26. De la viande a par ailleurs été transportée par camions venus d'Europe jusqu'à l'Oural, soit à plus de 2000 km à l'intérieur des frontières russes. Ces frais n'ayant pas été pris en charge par la partie russe, le coût du transport dû aux opérateurs européens, les frais de manutention dans les ports et les surestaries (4,5 millions d'euros) ont été déduits par la Commission de l'enveloppe globale allouée pour la fourniture de produits aux régions les plus démunies.
27. Les transporteurs européens ont dû faire face à d'importants retards de paiement et de libération de leurs garanties bancaires par les organismes d'intervention. Ces retards ont été en partie à l'origine des majorations des offres effectuées pour les tranches ultérieures de l'opération, les opérateurs cherchant à couvrir les frais supplémentaires ainsi occasionnés.
Distribution en Russie
Mise en oeuvre par les autorités russes
28. À l'issue d'un appel d'offres peu ouvert en raison des critères de sélection retenus, le ministère russe de l'agriculture et de l'alimentation a confié la distribution des produits à des opérateurs issus de l'ancien système de planification centrale ayant conservé des liens étroits avec lui (voir point 51).
29. Le gouvernement russe n'a pas respecté le mémorandum d'accord, qui prévoyait qu'il prenne en charge les frais de transport intérieur (article 3.3). Les acheteurs ont dû payer les frais de transport aux opérateurs nationaux et verser en outre une commission supplémentaire de 2,5 à 3 % aux opérateurs régionaux choisis par les gouvernements régionaux, lesquels entretenaient souvent des liens étroits avec ces mêmes autorités.
Livraison des produits dans les régions
30. Si la grande majorité des produits (97 % en valeur) a bien été livrée dans les régions sélectionnées, des manquements ont néanmoins été constatés à l'arrivée à destination. Ainsi, sur les 196950 tonnes de viande et les 45000 tonnes de lait écrémé en poudre livrées en Russie, respectivement 7947 tonnes et 3045 tonnes n'étaient pas arrivées en avril 2000.
31. Le système de surveillance mis en place par la Commission en collaboration avec les autorités russes a permis de limiter les pertes lors de l'acheminement des produits dans les régions bénéficiaires. Cependant, le cahier des charges de la firme chargée du monitorage en Russie ne prévoyait pas un système de reddition de comptes suffisant, même si des améliorations ont été apportées après qu'un premier contrôle de la Cour en juillet 1999 en ait identifié les carences. Les contrôleurs devaient vérifier les quantités de produits arrivant à la frontière russe jusqu'à leur livraison aux entreprises de transformation. Toutefois, en pratique, lorsque la viande était d'abord envoyée dans des entrepôts frigorifiques des régions bénéficiaires, les contrôleurs n'ont pas vérifié si la viande était ensuite livrée aux entreprises de transformation de ces régions, le cahier des charges ne prévoyant ce contrôle que sur demande expresse de la Commission.
Prix de vente des produits
32. Pour pouvoir déterminer le montant des versements à effectuer sur un compte spécial, le groupe de travail Russie-Commission européenne (voir point 13) devait se réunir tous les quinze jours afin d'estimer la valeur en roubles, dans la Fédération de Russie, des marchandises expédiées. Ces estimations ne devaient revêtir un caractère définitif qu'une fois approuvées par la Commission européenne sous la forme d'une absence d'objection dans les cinq jours ouvrables. Dans les 120 jours à compter de l'arrivée de la cargaison à la frontière russe, ou dans les 75 jours à compter de l'arrivée des marchandises à destination dans la région bénéficiaire, le délai à respecter étant celui arrivant le premier à échéance, le gouvernement de la Fédération de Russie devait déposer sur un compte spécialement ouvert à cette fin une somme correspondant à la valeur estimative. L'impossibilité pour la Fédération de Russie de tirer de la vente des marchandises des recettes du même ordre que les valeurs estimatives ne dispensait pas le gouvernement de verser sur le compte spécial des montants correspondant à l'intégralité de la valeur des marchandises, dans le respect des délais susmentionnés.
33. Il était prévu de calculer le produit des ventes à déposer sur le compte spécial sur la base de la valeur estimative des cargaisons, telle que déterminée par le groupe de travail et approuvée par la Commission européenne. Si le niveau des recettes s'avérait inférieur aux prévisions, les valeurs estimatives devaient être examinées par le groupe de travail pour en déterminer les causes et identifier des solutions. En revanche, si le produit total des ventes se révélait par la suite supérieur au montant total des recettes estimatives, la Fédération de Russie était tenue de déposer le solde sur le compte spécial.
34. La Commission a régulièrement établi, en accord avec les autorités russes, un prix net rendu au port pour déterminer le montant du dépôt initial que le gouvernement de la Fédération de Russie devait placer sur un compte spécial après la livraison des produits. Cependant, ce n'est pas le gouvernement de la Fédération de Russie qui a versé le dépôt initial mais les opérateurs russes qui ont transféré, souvent avec retard, les fonds de contrepartie sur le compte après la vente des produits au premier acheteur (voir points 42-47).
35. Les produits ont été vendus par les autorités russes au prix net rendu au port (estimé de commun accord avec la Commission), augmenté des commissions des opérateurs nationaux et régionaux ainsi que des frais de manutention, de transport et de stockage, et pas nécessairement à un prix permettant de ne pas perturber le marché local comme exigé par le règlement de base. Il en est résulté que les prix pour la viande étaient quelquefois largement supérieurs à ceux des importations commerciales, souvent de meilleure qualité, en provenance de l'UE(17) ou d'autres pays d'Europe centrale. Ainsi, en septembre 1999, la viande porcine fournie par l'UE était vendue à 25 roubles/kg. Augmentée des frais de transport et de manutention, cette viande atteignait le prix de 33 roubles/kg alors que des importations commerciales d'un prix global variant entre 15 et 23 roubles/kg ont été observées dans plusieurs régions éloignées de Moscou ou de Saint-Pétersbourg.
36. Le prix de vente de la viande fournie dans le cadre du programme ne paraissant pas compétitif aux entreprises de transformation, la majeure partie de la viande a été stockée pendant plusieurs mois dans des entrepôts frigorifiques des différentes régions. Pas moins de 37000 tonnes de boeuf (soit 26,7 % des quantités de boeuf livrées) étaient encore stockées en attente d'être vendues à la mi-février 2000 et 35000 tonnes de porc (soit 60 % des livraisons de ce produit) à la mi-mars 2000. Dans d'autres cas, elle a été réorientée vers d'autres régions plus solvables, ce qui a encore accru les frais de transport et donc les prix de vente.
37. La Commission a commandé trop tardivement l'audit externe du programme qui devait établir si les produits ont été vendus au prix du marché et si les paiements aux fonds de contrepartie reflètent ce prix. En effet, cet audit n'avait pas encore commencé en juin 2000, plus d'un an après la première livraison des produits. Même si des bénéfices indus réalisés par des opérateurs sur certains produits peuvent être démontrés, la Commission pourra difficilement exiger l'affectation de la différence au fonds de contrepartie. Par ailleurs, en agissant de la sorte, la Commission ne s'est pas assurée que le prix fixé pour la vente des produits ne perturbait pas le marché local.
Qualité et utilisation des produits
38. Bien que le froment livré répondît aux normes d'admission à l'intervention (notamment être panifiable), il n'était pas d'une qualité suffisante pour permettre la production de pain selon les normes russes. Les minoteries n'ont pu l'utiliser qu'en le mélangeant avec du blé russe ou kazakh de qualité supérieure. La qualité du blé livré par l'UE, moindre que celle du blé fourni par les Américains d'après les opérateurs locaux, a été à l'origine d'un certain ressentiment du côté russe. Consciente de ce problème, la Commission envisage d'ailleurs une révision à la hausse des critères d'intervention, notamment en ce qui concerne le taux de protéines.
39. La qualité du seigle et du riz livrés par l'UE était généralement appréciée par les bénéficiaires. Cependant, du seigle a été utilisé à d'autres fins que celles prévues. Ainsi, après analyse contradictoire auprès d'un laboratoire choisi de commun accord en Hongrie, il a été constaté que du seigle (près de 5000 tonnes) livré à Smolensk était impropre à la production de pain. Contrairement aux instructions de la Commission, il a été vendu pour la production d'alcool et les fonds de contrepartie correspondants ont été versés. Une quantité comparable de seigle livrée à Tula a connu le même sort, bien que le laboratoire précité ait conclu à l'acceptabilité du produit. Par ailleurs, dans la région de Sverdlovsk, sans que la qualité du produit n'ait été mise en cause, 4000 tonnes de seigle n'ont pas été utilisées comme prévu pour la fabrication de pain, mais pour l'alimentation de volailles.
40. Lorsque la crise de la dioxine éclata en Belgique, des livraisons de viande porcine belge avaient déjà été réalisées. La vente de ce produit suspect d'être contaminé par la dioxine fut alors suspendue, le temps d'effectuer les tests nécessaires. Ceux-ci révélèrent que 104 tonnes étaient effectivement contaminées. Les frais liés à la fourniture de cette viande ont été supportés par l'adjudicataire européen, qui a finalement cédé cette marchandise pour l'alimentation d'animaux à fourrure. Le fait d'avoir livré de la viande contaminée a rendu plus difficile encore l'écoulement de la viande fournie.
41. Certaines entreprises de transformation ne voulaient pas de la viande bovine, parce qu'elle avait été généralement stockée en entrepôt frigorifique dans l'UE pendant trois ans. Par ailleurs, dans certains entrepôts frigorifiques visités par les auditeurs de la Cour en Russie, la température était parfois largement plus élevée que les - 18 °C requis pour le stockage de la viande.
Les fonds de contrepartie
42. Initialement, le montant des fonds de contrepartie attendu était estimé à 320 millions d'euros. Le règlement du Conseil prévoyait l'affectation des recettes nettes de la vente des produits à la mise en oeuvre de mesures sociales. Le décret n° 130 du gouvernement russe (voir point 9) allait toutefois plus loin en indiquant que les fonds seraient affectés au budget du fonds de pension fédéral pour le paiement des pensions et le paiement de la dette due à cet égard en 1998 (voir aussi point 14). La Commission a néanmoins pu obtenir que 20 % des fonds soient utilisés à d'autres fins sociales spécifiques(18). Dans la plupart des régions visitées par les auditeurs de la Cour, les autorités régionales auraient souhaité qu'une part importante des fonds de contrepartie produits par le programme soit affectée au développement de l'agriculture locale, souhait qu'avait déjà exprimé le ministère russe de l'agriculture lors de la négociation du programme avec la Commission en novembre 1998. L'utilisation des fonds de contrepartie pour les programmes agricoles aurait pu être conditionnée à l'adoption de certaines réformes dans ce secteur.
43. Tant la Commission que le gouvernement russe ont accordé une importance primordiale à la perception des fonds de contrepartie. À cette fin, le gouvernement russe a tenté de mettre en place un système de garanties qui entraînerait une réduction des transferts budgétaires centraux vers les régions en cas de non-paiement des produits par ces dernières. Cependant, ces garanties n'étaient pas toujours valides. Ainsi, la plus grande région bénéficiaire (Sverdlovskaya) n'avait pas fourni elle-même de garantie pour les livraisons de viande, mais avait laissé cette responsabilité à une société privée. Or, celle-ci, n'ayant pu vendre la viande au prix réclamé, s'est retirée du programme, la viande restant stockée dans les entrepôts frigorifiques. Par ailleurs, certaines régions ne pouvant fournir les garanties exigées ont préféré réduire leurs demandes de viande, les produits allant à d'autres régions plus riches (voir à l'annexe le tableau comparatif entre l'indicateur de pauvreté des régions et le montant d'aide alloué par habitant).
44. Le gouvernement de la Fédération de Russie n'ayant pas versé le dépôt initial comme prévu dans le mémorandum d'accord (voir point 32), à la mi-mars 2000, l'équivalent en roubles de 129,4 millions d'euros avait été récolté, soit seulement 74,5 % du total des fonds de contrepartie que le programme était censé produire à cette date. Les fonds de contrepartie étant conservés sur un compte bancaire non porteur d'intérêts alors que l'inflation annuelle en Russie était de 36,5 % à la fin de l'année 1999, la valeur des fonds bloqués pour des projets sociaux (voir point 47) s'est érodée rapidement.
45. À cette même date, les arriérés de paiement des fonds de contrepartie s'élevaient à l'équivalent de 44,4 millions d'euros. Les principales régions concernées étaient en retard de paiement(19), surtout parce qu'elles ne pouvaient pas vendre la viande aux prix fixés. Ces régions, parmi les plus démunies, s'exposaient en outre à des sanctions financières de la part du pouvoir central, qui envisageait de prélever sur les transferts financiers auxquels elles pouvaient prétendre les montants qu'elles devaient encore au titre des fonds de contrepartie.
46. En raison notamment d'une meilleure perception des recettes et du fait que le niveau des pensions n'a pas suivi le rythme de l'inflation(20), les arriérés du fonds de pension étaient entièrement résorbés au 1er septembre 1999. En conséquence, seuls 882 millions de roubles sur les 8500 millions qui devaient être prélevés sur les fonds de contrepartie ont été utilisés pour liquider les arriérés. Hormis un montant relativement modeste affecté au remboursement d'un prêt contracté par les autorités russes pour payer les arriérés, la majeure partie des fonds de contrepartie affectés au fonds de pension a été utilisée pour financer le relèvement des pensions pendant quelques mois.
47. En janvier 2000, le gouvernement russe n'avait toujours pas présenté un plan d'utilisation pour les 20 % de fonds de contrepartie destinés à des fins sociales spécifiques ni de projets acceptables pour la Commission. Celle-ci n'avait toujours pas à ce moment d'idée précise quant à l'affectation de ces 20 %, alors qu'elle avait bloqué, pour des projets sociaux, l'équivalent de 35,7 millions d'euros en roubles en constante dévaluation (voir point 44). Cependant, en janvier 2000, l'équivalent de 20,5 millions d'euros a été transféré aux ministères de la santé et du travail sans l'aval de la Commission et, sur ces fonds, 11,6 millions d'euros avaient déjà été dépensés sans qu'aucun projet n'ait été proposé à la Commission. En avril 2000, vu la difficulté d'aboutir à un accord avec la partie russe sur des projets individuels, la Commission a finalement accepté de financer certaines lignes budgétaires proposées par les ministères de la santé et du travail.
IMPACT DU PROGRAMME
Sur le prix des denrées alimentaires
48. Le programme devait contribuer à régulariser les marchés agricoles en Russie. Cependant, les prix ont en général enregistré une hausse sensible en 1999. Le coût de 25 produits de base a augmenté de 42 % entre janvier et septembre 1999.
49. Le prix du blé acheté par les minoteries est passé de 33 à 101,2 EUR/t entre janvier et septembre 1999(21). Les exécutifs régionaux, vu la sensibilité politique de la disponibilité et du prix du pain, ont, par différentes mesures, notamment par un contrôle administratif des prix, essayé d'éviter une répercussion directe de l'augmentation du prix du pain sur les consommateurs. Dans certaines régions, le poids de la miche de pain a tout simplement été réduit de 500 à 400 grammes, tandis que son prix restait approximativement le même. Néanmoins, on peut considérer que, en augmentant l'offre en céréales panifiables de 5 %(22), le programme communautaire a empêché une hausse des prix encore supérieure.
50. Dans le secteur de la viande, les prix à la consommation ont plus que doublé entre août 1998 et septembre 1999, entraînant une baisse généralisée de la consommation(23). Si l'augmentation des prix de la viande a pu être limitée, ce serait davantage grâce aux restitutions à l'exportation, qui ont permis aux opérateurs locaux de contenir les prix, qu'au programme d'aide communautaire, qui n'avait encore enregistré la vente que de quantités limitées de viande en septembre 1999. L'augmentation du niveau des restitutions pour la viande porcine de 40 à 70 EUR/100 kg de novembre 1998 à juillet 1999 s'est avérée être un instrument plus économique et efficace pour assurer la continuité des exportations communautaires de viande de porc vers la Russie (voir tableau 2). La Commission estimait en effet en mai 2000 le coût total des restitutions pour l'exportation de 450000 tonnes de viande porcine vers la Russie en 1999 à un montant se situant entre 270 et 290 millions d'euros(24), alors que la fourniture de seulement 58500 tonnes du même produit au titre de ce programme s'est élevée à environ 101 millions d'euros compte tenu des frais de monitorage et d'assistance technique pour la mise en oeuvre du programme. Cette mesure a permis de contribuer à combler le déficit sur le marché russe et a eu un impact positif sur le cours du porc en réduisant les stocks sur le marché communautaire, tout en permettant à l'UE de conserver son marché d'exportation (voir point 35).
Sur le secteur privé
51. L'opération a été critiquée par de grands opérateurs privés russes établis dans les années 1990, estimant que le programme renforçait les opérateurs issus du régime précédent à leur détriment(25). Le fait que, dans certaines régions, les entrepôts frigorifiques ont été saturés pendant de nombreux mois, la viande ne pouvant être vendue au prix exigé par les autorités russes, a empêché certains producteurs locaux d'écouler leur production lorsqu'ils le souhaitaient alors qu'ils étaient déjà souvent dans une situation financière difficile (voir point 35). Alors que le programme Tacis s'efforce de développer l'agriculture locale, l'aide alimentaire l'a empêchée de bénéficier pleinement de la dévaluation du rouble, qui avait rendu moins concurrentielles les denrées alimentaires importées(26) et a permis aux autorités locales de reporter à plus tard les réformes indispensables dans le secteur agricole(27).
52. Les États de la Communauté d'États indépendants (CEI) bénéficiaient parallèlement d'une aide exceptionnelle Tacis (20 millions d'euros) pour tempérer les effets de la crise financière en Russie. Cependant, l'aide alimentaire a soustrait des marchés d'exportation à ces pays. Au cours du premier semestre de 1999, alors que les importations de viande porcine en Russie ont augmenté de 32 % par rapport à la période correspondante en 1998, les importations de ce produit en provenance des autres pays de la CEI ont diminué de plus de deux tiers(28).
Sur l'approvisionnement des régions et sur les groupes les plus démunis
53. Du fait que la Commission a accepté que les autorités russes exigent une garantie financière des régions demandant des fournitures de produits alimentaires, les régions les plus pauvres, que le programme était censé assister mais qui n'ont pu fournir de telles garanties, ont renoncé à acquérir certains produits dont elles avaient pourtant estimé avoir besoin. De plus, les régions les plus pauvres ont renoncé à s'approvisionner en viande livrée par l'UE, estimant le prix de vente trop élevé, celle-ci allant à des régions plus favorisées. Ainsi, des régions comme celle de Belgorod ou la république des Komis, parmi les moins pauvres de Russie, ont reçu davantage d'aide que l'Ingouchie et le Daguestan pourtant particulièrement affectés par la pauvreté (voir annexe).
54. Contrairement à l'aide américaine, qui prévoyait dès le départ la distribution gratuite par des ONG de 191000 tonnes de produits en faveur de groupes de population plus vulnérables, celle de l'UE n'a que peu bénéficié aux groupes les plus démunis bien que le règlement de base prévoyait que des produits puissent "à titre exceptionnel faire l'objet d'une distribution gratuite en faveur des personnes les plus démunies des régions concernées"(29). Ce n'est qu'en mars 2000 que la Commission a affecté une petite quantité de produits (3000 tonnes de boeuf et 1000 tonnes de riz) à une distribution gratuite aux réfugiés et à leurs hôtes via des ONG en Ingouchie. Il est clair que les produits fournis par l'UE n'ont guère amélioré les conditions de vie des plus pauvres(30). C'est particulièrement vrai pour un produit aussi coûteux que la viande. Néanmoins, les fonds de contrepartie ont contribué à améliorer le sort des retraités et permis le financement de projets à caractère social par les ministères de la santé et du travail.
CONCLUSION
55. La nécessité du programme tel qu'il a été conçu est contestable; ce pays ayant exporté des céréales en 1999 (voir point 9) et les difficultés pour une large part de la population étant davantage imputables à un manque de ressources financières qu'à un approvisionnement défaillant (voir points 6-8). Les fournitures de viande, dont la réalisation s'avère particulièrement compliquée et onéreuse (voir points 17, 36 et 40-41), sans garantie quant à leur destination finale (voir point 30), paraissent particulièrement peu justifiées.
56. La volonté de maximiser les recettes de vente des produits, et donc les fonds de contrepartie, était en contradiction avec l'objectif principal déclaré du programme d'assister les régions les plus démunies (voir points 42-47).
57. Une telle opération aurait pu être réalisée spécifiquement en faveur des régions les plus pauvres, en traitant directement avec les autorités et les opérateurs régionaux. Une telle approche aurait permis de contribuer au développement des opérateurs privés et d'éviter de renforcer les anciennes structures d'État centralisatrices (voir points 28 et 51).
58. Lorsque la Commission a proposé cette opération au Conseil, elle a surestimé la durée de la crise financière en Russie et sous-estimé l'impact des restitutions à l'exportation qui pouvaient contribuer à moindre coût à l'approvisionnement du marché russe tout en permettant aux exportateurs communautaires de conserver leur marché (voir point 10). Elle aurait aussi dû davantage conditionner son aide à l'adoption de réformes favorisant un redressement de la production agricole et réclamer la mise en place d'un système favorisant les échanges commerciaux entre régions productrices et régions déficitaires (voir point 7).
59. Les délais de mise en oeuvre du programme ont été largement dépassés (voir points 18-20) et la Commission n'a pas pu livrer tous les produits initialement prévus avant que les crédits reportés ne tombent en annulation (voir point 21). Néanmoins, elle a réussi à limiter les pertes lors de l'acheminement des produits dans les régions bénéficiaires (voir point 30).
60. Faute d'avoir affecté ou redéployé les ressources humaines nécessaires au niveau de sa délégation sur place (voir point 16), la Commission n'a pas pu assurer un suivi suffisant, notamment de l'adaptation des prix de vente des produits dans les différentes régions (voir point 37). En outre, la nécessité d'en référer constamment au siège à Bruxelles avant toute prise de décision concernant une modification des prix et des quantités allouées aux régions bénéficiaires a entraîné des retards dans l'exécution du programme.
61. L'objectif principal déclaré d'améliorer la situation précaire du peuple russe et de régulariser les marchés agricoles par la livraison aux régions les plus démunies de produits agricoles à faire parvenir à destination dans les meilleurs délais n'a été que très partiellement atteint. Le sort de la population en situation la plus précaire n'a guère été amélioré par les livraisons de céréales et certainement pas par les livraisons de viande, cette catégorie de personnes n'ayant pas les moyens financiers d'acquérir ces produits. Par contre, les fonds de contrepartie ont contribué à améliorer la situation des retraités et les soins de santé (voir points 46-47 et 54). S'agissant de la régularisation des marchés, l'impact des livraisons de céréales a été limité, d'autant plus que moins de la moitié des livraisons était arrivée à destination avant la moisson (voir points 48-49). Quant aux livraisons de viande, elle n'ont eu aucun impact sur le marché en 1999, une large part demeurant invendue en mars 2000 (voir point 50). En outre, des régions parmi les plus favorisées ont autant, sinon davantage, profité du programme que celles enregistrant le plus haut taux de pauvreté (voir point 53).

Le présent rapport a été adopté par la Cour des comptes à Luxembourg en sa réunion du 5 octobre 2000.

Par la Cour des comptes
Jan O. Karlsson
Président

(1) 48 millions de tonnes par rapport à une moyenne de 73 millions de tonnes au cours des cinq campagnes précédentes, selon les estimations officielles du gouvernement russe.
(2) Voir le document à l'appui de l'exposé du commissaire F. Fischler, intitulé Background note for the Agricultural Council of 28 September 1998: "As regards EU agricultural products and especially animal products, maintaining the normal level of export to Russia is essential, as the balance on the European markets is highly dependent on exports to Russia."
(3) JO L 349 du 24.12.1998, p. 12.
(4) Voir le règlement (CE) n° 2802/98 du Conseil du 17 décembre 1998: "considérant que l'opération comporte inévitablement, malgré toutes les précautions prises ou à prendre, des risques inhérents" (JO L 349 du 24.12.1998, p. 12).
(5) Voir Background note for the Agricultural Council of 28 September 1998.
(6) Par exemple, la régulation différente des prix selon les régions ou l'interdiction d'exporter vers d'autres régions imposées par des régions grandes productrices de céréales spéculant sur une hausse des prix.
(7) La Banque mondiale considérait que, vu notamment l'état de sa balance commerciale, la Russie était en mesure d'importer des céréales et de la viande; voir Outlook for Russian Agriculture, Banque mondiale, 1999.
(8) Sources: "European Union Heads of Mission Assessment on the Situation of Russian Agriculture, Harvest and Food Aid", septembre 1999 et "The Association of Russian Agricultural Reform Funds".
(9) Notamment la principale société russe de commerce de céréales "OGO" et l'"Institute for the State of the Agrarian Market" (ISAM).
(10) OCDE, A review of recent developments in agricultural policies, markets and trade in Russia and the NIS, avril 1999.
(11) En 1997, la Russie recourait aux importations pour environ un tiers de son approvisionnement en viande.
(12) Rapport de la Banque mondiale: Outlook for Russian Agriculture, octobre 1999.
(13) Ces régions situées en dehors des centres urbains enregistrent pourtant des taux de pauvreté parmi les plus élevés de Russie et bénéficiaient de l'aide alimentaire américaine.
(14) Une partie de la viande livrée par l'UE a du reste été transformée dans ces régions.
(15) Voir la réponse de la Commission aux points 2.16-2.17 du rapport annuel de la Cour relatif à l'exercice 1998 (JO C 349 du 3.12.1999, p. 52).
(16) L'OLAF mène une enquête sur certaines anomalies constatées suite à un appel d'offres pour le transport via ce port.
(17) Notamment à Arkhangelsk, Samara, Nijny Novgorod et Smolensk.
(18) Les fonds de contrepartie du programme d'aide américain ont été intégralement affectés à ce fonds de pension.
(19) République des Komis et régions de Kemerovo et de Yaroslavl.
(20) La chute du pouvoir d'achat des retraités est estimée à 45 % par rapport à 1998.
(21) Ministère russe de l'alimentation et de l'agriculture.
(22) Même si la moitié des livraisons n'est arrivée à destination que pendant ou après la moisson.
(23) European Union Heads of Mission Assessment on the Situation of Russian Agriculture, Harvest and Food Aid, septembre 1999.
(24) Source: DG AGRI D/02. Le montant exact ne sera connu qu'après apurement des comptes.
(25) Voir notamment Food Aid is not what Russia really needs although it gives an opportunity to certain lobbying groups to use it to their benefit, E. Serova, Centre for Agrarian Policies and Economic Issues, Institute for Economy in Transition, Moscou, 1999, et Outlook for Russian Agriculture, Banque mondiale, octobre 1999.
(26) Reprise de compétitivité soulignée dans le European Union Heads of Mission Assessment on the Situation of Russian Agriculture, Harvest and Food Aid, septembre 1999.
(27) Voir The Association of Russian Agricultural Reform Fonds, Assessment of the Impact of Food Aid on the Availability and Affordability of Food in Russia Report, premier trimestre 2000.
(28) Source: ministère russe de l'alimentation et de l'agriculture, Price Policy and Monitoring Division et Outlook for Russian Agriculture, Banque mondiale, octobre 1999.
(29) Article 1er, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 2802/98 du Conseil du 17 décembre 1998.
(30) Selon le ministère russe du développement social, environ 52 millions de Russes (35,3 %) vivent sous le seuil de pauvreté. En 1999, les plus nécessiteux consommaient 8,2 fois moins de viande et 2,9 fois moins de pain que la moyenne des classes supérieures.



Annexe


COMPARAISON ENTRE L'INDICATEUR DE PAUVRETÉ ET L'AIDE ALIMENTAIRE COMMUNAUTAIRE ALLOUÉE PAR HABITANT ET PAR RÉGION
>EMPLACEMENT TABLE>


Réponses de la Commission

RÉSUMÉ
Le programme considéré - le programme de fourniture de produits alimentaires le plus ambitieux dans lequel l'Union européenne se soit jamais lancée - a eu certains résultats très positifs. Les effets combinés du programme de l'Union européenne et de celui des États-Unis d'Amérique ont contribué de façon importante à stabiliser les prix du marché et à rendre les produits plus abordables, l'utilisation des fonds de contrepartie permettant d'apurer les arriérés du fonds de pension et d'augmenter sensiblement les retraites [article 4 du règlement (CE) no 2802/98 du Conseil].
Les services de la Commission se sont heurtés à de nombreuses difficultés pour la mise en oeuvre du programme entrepris par l'Union européenne. L'objectif principal, à savoir l'expédition des produits alimentaires vers les destinations convenues, a été atteint assez rapidement, en dépit d'un manque de ressources humaines au sein de la Commission elle-même.
D'après l'Union européenne, les besoins étaient manifestes, comme en attestaient notamment les facteurs suivants:
- selon les statistiques officielles russes, une récolte céréalière en 1998 inférieure d'un tiers à la récolte moyenne des années précédentes,
- le net repli des importations de produits à base de viande, provoqué par la crise financière de l'automne 1998,
- une analyse effectuée par l'autre donateur.
En outre, même si des capitaux étaient disponibles en Russie au niveau macroéconomique, les opérateurs privés étaient dans l'impossibilité d'effectuer des importations commerciales car ils ne pouvaient pas supporter les risques liés à l'instabilité du taux de conversion entre le dollar des États-Unis et le rouble.
Il est inexact de dire que les prix de la viande ont été à l'origine fixés à des niveaux protégeant les importations commerciales de produits de l'Union européenne. Le premier protocole de prix pour ce programme (adopté le 14 mai 1999) a arrêté des estimations de prix qui correspondaient aux prix fixés par le gouvernement russe dans sa décision du 5 février 1999.
La Cour estime qu'un programme humanitaire ciblé aurait été plus approprié mais les ONG qui auraient été chargées de sa réalisation ne disposaient pas des ressources suffisantes pour exécuter un programme d'une telle ampleur dans l'ensemble de la Fédération russe. En outre, ce programme n'aurait pas permis d'obtenir les avantages considérables qu'ont apportés les fonds de contrepartie, lesquels ont servi à résorber les arriérés de paiement du fonds de pension et contribué à l'augmentation des pensions de base.
Les observations de la Cour concernent un programme qui est toujours en cours. Conformément au règlement du Conseil, la Commission a chargé des experts indépendants de réaliser une évaluation du programme. Leur rapport final sera publié sous peu. Bien que la Commission ait surveillé et géré les risques liés à la mise en oeuvre du programme, un audit complet et final, comme l'exige l'article 1er, paragraphe 4, du règlement du Conseil, est également prévu.
INTRODUCTION
Étendue de l'audit
5. Bien que la Cour reconnaisse le risque important inhérent au programme, ses observations ne prennent pas pleinement en compte la dynamique de la gestion du risque dans la mise en oeuvre du programme. La Commission, lorsqu'elle a appliqué le point 3.16 du mémorandum d'accord, a été contrainte de suspendre les fournitures à deux reprises au cours du premier semestre de 1999, à chaque fois pendant un mois. Cela a eu inévitablement des répercussions sur sa capacité à respecter le calendrier de livraison mentionné par la Cour.
PRÉPARATION DU PROGRAMME
Analyse des besoins
6. Les facteurs suivants ont été pris en consideration lorsque la possibilité de mettre en place un programme d'aide alimentaire à la Russie a été envisagée:
a) dans la Fédération de Russie, 31 % de la population se situe au-dessous du seuil de pauvreté et, à la suite d'une récolte de céréales particulièrement mauvaise et de la grave crise financière d'août 1998, l'Union européenne a estimé que la situation justifiait véritablement une aide extérieure;
b) après que des informations eurent été fournies par certains des États membres de l'Union européenne, par la Banque mondiale et par l'autre donateur et qu'une mission d'enquête eut été envoyée à Moscou, l'Union européenne a conclu que la Russie se trouvait dans l'incapacité d'effectuer des importations commerciales normales pendant l'hiver et qu'elle ne disposait pas de ressources financières pour importer des denrées de l'étranger;
c) le faible coût d'opportunité, économique et budgétaire, de la fourniture de produits alimentaires sur les stocks d'intervention de l'Union européenne faisait en fait d'un programme d'aide alimentaire une alternative intéressante à un soutien direct en faveur de la balance des paiements. Les ventes de denrées alimentaires pouvaient offrir un soutien budgétaire, et un choix avisé des bénéficiaires était de nature à régler les problèmes d'accessibilité des produits pour les groupes vulnérables.
À la suite de la demande d'aide alimentaire effectuée officiellement par le gouvernement russe le 12 novembre 1998 et compte tenu de la mise en place par l'autre grand donateur d'un programme d'aide alimentaire, l'Union européenne a finalement décidé de fournir des produits agricoles à la Fédération de Russie.
Ce programme avait pour objet de répondre à deux besoins fondamentaux:
- accroître la disponibilité des produits, en augmentant les fournitures et, partant, en maintenant les prix à "un niveau abordable",
- rendre les produits plus abordables, en utilisant les fonds de contrepartie pour accélérer le paiement des arriérés du fonds de pension.
7. L'un des principaux objectifs du programme était de veiller à ce que les marchés locaux ne soient pas perturbés. Pour ce faire, la Fédération de Russie et la Commission ont cherché à utiliser les systèmes existants pour la distribution et la transformation des fournitures alimentaires. Dans l'ensemble, on a eu recours à des opérateurs russes pour la distribution en Russie et la transformation des denrées a été effectuée uniquement au niveau local. De ce fait, le programme n'a pas eu d'effet négatif sur le secteur privé; au contraire, le programme de fournitures alimentaires a représenté pour les transports et les entreprises russes une bouée de sauvetage et le moyen de se relever de la récession économique.
8. Du fait des mauvaises récoltes et de l'effondrement de l'industrie de transformation, les réserves alimentaires en Russie étaient incontestablement faibles. Le programme communautaire de fourniture de produits alimentaires parallèlement à ceux de l'autre donateur a cherché à accroître la fourniture de denrées alimentaires. La redistribution de la majeure partie des recettes des ventes aux retraités de l'État a permis de donner à l'une des couches les plus défavorisées de la société russe davantage de moyens pour acheter en quantité plus importante les fournitures présentes sur le marché.
9. Les exportations auxquelles se réfère la Cour auraient fait l'objet de contrats irrévocables conclus par le secteur privé russe. Le point 3.9 du mémorandum d'accord autorise expressément l'exportation de biens similaires à ceux qui ont été fournis dans le cadre du programme lorsque les contrats relatifs à ces exportations ont été conclus avant le 1er octobre 1998.
10. Les produits livrés dans le cadre du programme ont été fournis à des régions ne constituant pas des débouchés traditionnels pour les importations commerciales. En outre, comme cela est indiqué au point 35 du rapport, le prix de vente de la viande a souvent été plus élevé que celui des importations commerciales.
Le fait que les exportations communautaires vers la Russie se sont maintenues en 1999 en ce qui concerne la viande bovine et même accrues pour ce qui est de la viande porcine, au moment où l'aide alimentaire arrivait, atteste là encore que cette aide était réellement nécessaire.
11. La Commission n'a pas eu le temps d'examiner de façon approfondie si la liste des régions présentée par les autorités russes reflétait réellement les besoins des régions. Cette liste a cependant été examinée au cours des négociations sur le mémorandum d'accord, en coordination avec les experts de la délégation de Moscou. Outre Moscou et Saint-Petersbourg, plusieurs autres régions ont été exclues car on a jugé qu'elles ne figuraient pas parmi les régions démunies. Cela a également été l'une des principales raisons de l'exclusion de Moscou et de Saint-Petersbourg ainsi que la raison pour laquelle les listes des destinations ont fait l'objet d'un examen rigoureux.
Élaboration de la base juridique et du cadre de mise en oeuvre
12. Le caractère d'urgence du programme a été confirmé par le Conseil de l'Union européenne dans le règlement (CE) n° 2802/98 qui autorise ce programme ainsi que par l'action de l'autre principal donateur. Le ministère de l'agriculture a représenté le gouvernement russe lors des négociations sur le mémorandum d'accord, bien que la Commission ait demandé que soient en outre présents non seulement le ministère des finances mais également le ministère des transports et celui de la santé ainsi que le comité national des douanes. En fin de compte, il a incombé au gouvernement russe de décider quels ministères le représenteraient au cours de ces négociations.
13. Le mémorandum d'accord initial négocié au début de décembre 1998 ne présentait aucune lacune par rapport à la proposition initiale de la Commission, laquelle prévoyait uniquement la livraison des marchandises à la frontière russe. Compte tenu des délais d'exécution serrés, il était indispensable que le mémorandum d'accord déjà négocié soit opérationnel le plus vite possible. Le mémorandum d'accord additionnel s'est révélé nécessaire pour parachever les dispositions requises pour le contrôle interne imposé par le règlement (CE) n° 2802/98 du Conseil et son entrée en vigueur n'était nécessaire qu'à compter du moment où les marchandises devaient commencer à arriver à la frontière russe.
14. Conjointement avec l'autre donateur, la Commission a veillé à ce que la plus grande partie des fonds de contrepartie soit mis à la disposition du fonds de pension de la Fédération de Russie. La Commission avait cependant pris la précaution de s'assurer que tout versement de ces fonds sur le fonds de pension serait soumis à l'approbation préalable du groupe de travail mixte et, partant, des services de la Commission.
Les services de la Commission ont vérifié le statut, les systèmes et les mécanismes de contrôle du fonds de pension avant de procéder au moindre versement des fonds de contrepartie. La viabilité des systèmes de financement a été validée avec d'autres donateurs et organisations internationales s'occupant de fonds de pension nationaux. La Commission a obtenu l'assurance que les fonds de pension étaient également contrôlés par la commission d'audit de la Fédération de Russie.
L'efficacité du choix effectué a été confirmée par de nombreuses missions de contrôle et de surveillance effectuées pour le compte des services de la Commission.
MISE EN OEUVRE DU PROGRAMMME
Moyens déployés par la Commission
16. Devant l'accroissement manifeste du niveau du risque, l'autorité législative a imposé à la Commission de suivre et de contrôler le flux de denrées et d'argent rapporté par les ventes en Russie.
D'autres programmes similaires ont bénéficié de ressources plus importantes. Il aurait été préférable que l'Autorité budgétaire prévoie des ressources suffisantes en personnel pour gérer un programme d'une telle complexité. La Commission a toutefois été en mesure de faire le meilleur usage possible des ressources limitées dont elle disposait pour ce programme grâce à une coopération active entre les services.
Mobilisation des denrées
18. Compte tenu du fait que les premières livraisons ont commencé en mars et étant donné les diverses interruptions et les retards que le programme a connus, les services de la Commission estiment que la mobilisation des denrées a eu lieu dans le laps de temps initialement prévu dans le mémorandum d'accord.
Dans certains cas, en particulier celui du lait écrémé en poudre, les retards ont été délibérés, pour tenir compte du souhait des Russes de recevoir les denrées au moment où ils en avaient besoin.
À la fin de 1999, dans un délai de neuf mois à compter du démarrage des opérations, 97 % des denrées du programme communautaire d'aide alimentaire le plus ambitieux qui ait jamais été exécuté avaient été livrées à la frontière russe. Le fait que 58 % seulement des produits en valeur avaient été expédiés vers leur destination finale à la fin de 1999 s'explique par le stockage massif des produits présentant une valeur élevée (boeuf, porc et lait écrémé en poudre) auquel ont procédé provisoirement les autorités russes, en contradiction avec l'annexe technique du mémorandum d'accord.
19. À l'exception de la viande porcine, toutes les interruptions mentionnées ont été imputables aux autorités russes, qui soit n'étaient guère disposées à accepter les niveaux d'intervention déjà précisés dans le mémorandum, soit n'étaient pas désireuses de parvenir rapidement à une solution négociée des questions difficiles apparues au cours de la mise en oeuvre.
20. Les grandes quantités de produits à mobiliser et la nécessité de limiter le plus possible le risque d'engorgement dans les ports et, partant, les demandes de remboursement des frais de surestaries ont eu une influence sur le calendrier des livraisons.
21. Les quantités figurant dans le règlement du Conseil ont été indiquées comme les quantités maximales susceptibles d'être fournies et non comme les quantités promises aux autorités russes. En dépit des retards enregistrés par le programme, 97 % des quantités prévues dans le cadre de ce programme ont été livrées dans un délai de neuf mois. Le 22 décembre 1999, la Commission a donc estimé qu'elle avait rempli son mandat relatif à la fourniture matérielle des denrées alimentaires et a donc décidé de ne pas reporter les crédits nécessaires à la mobilisation des quantités maximales autorisées.
Transport des produits
22. Les coûts initiaux de transport pour le seigle n'incluaient pas les coûts de transport d'un entrepôt de stockage intérieur au port de sortie, étant donné que, au moment de l'élaboration de ces estimations, l'emplacement précis qui devait être utilisé et les quantités qui devaient être enlevées à chacun de ces emplacements n'étaient pas connues. Si, comme cela est souvent le cas, les quantités en question s'étaient trouvées à proximité des ports, les estimations auraient été plus exactes. En fait, les stocks destinés à être expédiés se trouvaient souvent à l'intérieur des terres, si bien que les coûts de transport ont été plus élevés que prévu initialement. En ce qui concerne le lait écrémé en poudre et le porc, l'écart entre le coût estimé et le coût réel a été dû au manque d'expérience préalable pour l'achat (porc) et le transport (lait en poudre) de ces produits.
23. La Commission a toujours été consciente de la nécessité de vérifier l'exactitude des montants facturés pour le contrôle et c'est la raison pour laquelle le SCR a commandé un audit indépendant des factures des entreprises chargées du contrôle. Ce rapport d'audit a conclu qu'il n'y avait pas de raisons de rejeter les travaux effectués par ces entreprises.
On se référera également à la réponse donnée au point 37 pour de plus amples détails sur les contrôles mis en place par la Commission.
24. Les ports baltes ont été utilisés parce qu'il était évident d'entrée de jeu que les ports russes ne pourraient pas à eux seuls absorber les quantités prévues. Les frais de déchargement et de transit pour les quantités acheminées par les ports baltes ont été supportés par les autorités russes. En outre, une offre d'expédition à Saint-Petersbourg n'incluant pas le déchargement de la marchandise ne saurait être comparée à une offre pour Riga ou Muuga où le déchargement et le transit sur le territoire balte étaient inclus.
Aucun exemple de surestarie n'a été relevé à Muuga et de très rares cas ont été observés à Riga, ce qui indique un haut niveau d'efficacité dans ces ports. La Commission n'ignorait toutefois pas la situation de monopole régnant à Muuga et a imposé, chaque fois que cela était possible, le choix d'autres ports.
25. L'encombrement portuaire qui s'est produit en juillet-août n'a pas été dû à une analyse insuffisante des capacités de manutention du port ou à une coordination insuffisante avec les autres donateurs, mais simplement au fait que l'opérateur russe a insisté pour raccourcir les délais de livraison de la troisième tranche de céréales. Les délais finalement appliqués ont été plus longs que ceux réclamés par l'opérateur, lequel a coordonné les programmes communautaire et américain, ce qui a créé un encombrement moins important que celui auquel on aurait assisté autrement.
27. Pendant le déroulement du programme, la Commission a rappelé, à plusieurs reprises, dans des courriers adressés aux États membres, et répété, dans le cadre des comités de gestion, la nécessité de procéder rapidement à la libération des garanties, au versement des acomptes et aux paiements finals, sur présentation des documents justificatifs.
En outre, dans les cas où des dossiers particuliers posaient problème, les services de la Commission ont, à plusieurs reprises, conseillé d'effectuer des paiements partiels pour le volet du dossier qui ne présentait pas de difficultés. Il est regrettable que, à plusieurs occasions, ces conseils n'aient pas été suivis et que les opérateurs aient subi d'importants retards.
Distribution en Russie
Mise en oeuvre par les autorités russes
28. La Commission souhaite souligner l'esprit de coopération qui a animé ce programme de fourniture de produits alimentaires. Dans cet esprit, la Fédération de Russie a accepté d'être responsable du transport des denrées livrées à ses frontières. Cet arrangement a été conclu non seulement pour le programme de l'Union européenne mais également pour celui de l'autre donateur d'aide alimentaire.
Livraison des produits dans les régions
30. Des difficultés ont été rencontrées pour la livraison d'une certaine quantité de lait écrémé en poudre et de viande. Un contrôle des livraisons depuis leur stockage provisoire à Saint-Pétersbourg a cependant été effectué pour toutes les expéditions. Dans le cas de marchandises ayant quitté les entrepôts sans informations précises sur leur destination finale ou lorsque les marchandises ne sont pas arrivées dans un certain délai au lieu de destination finale préalablement convenu, des renseignements détaillés sur leur expédition ont été méticuleusement consignés et ont donné lieu à un suivi. Dans le cadre du groupe de travail mixte, l'opérateur russe donne des détails précis indiquant que les marchandises sont arrivées aux destinations initialement convenues. La vérification par l'unité d'assistance technique à Moscou des informations fournies était encore en cours en septembre 2000 et la Commission s'attend à ce que toutes les quantités soient dûment réceptionnées.
Prix de vente des produits
36. Une des raisons des problèmes rencontrés dans la vente de la viande a été due au choix du calendrier des livraisons. La majeure partie de la viande a été livrée à la fin de l'été et de l'automne 1999. Cela a coïncidé avec la période pendant laquelle la viande produite sur place était largement disponible. Par comparaison, les stocks de viande restants (près de 40000 tonnes de boeuf et 35000 tonnes de porc) ont quitté les entrepôts relativement rapidement entre février et mai 2000, période où les approvisionnements locaux étaient épuisés. Dans le cas du boeuf, ce mouvement s'est accompagné d'une baisse des prix. Dans le cas du porc, la partie russe n'a pas accepté une baisse du prix offert par l'Union européenne et a continué malgré tout à vendre la viande. Cela semble indiquer que le problème de la lenteur initiale des ventes était un problème sous-jacent dû au choix du calendrier et non uniquement au prix.
37. La Commission a déployé de grands efforts pour limiter au maximum les risques qui s'attachaient à une opération complexe comportant des risques inhérents. Dans le domaine de l'audit, ces efforts ont porté sur trois aspects:
- le recours à du personnel de la Commission, spécialisé dans l'audit et chargé d'évaluer et de limiter à un niveau acceptable le risque financier s'attachant à ce programme par l'instauration de contrôles internes plus stricts,
- le recours à des auditeurs externes chargés d'examiner les demandes de remboursement de frais présentées par les entreprises effectuant le contrôle, pour s'assurer que ces demandes étaient raisonnables et étayées par des documents justificatifs,
- le recours à des auditeurs externes chargés d'examiner les flux financiers associés au programme.
Le troisième aspect comprend le recrutement de contrôleurs extérieurs chargés d'effectuer des contrôles ex post des flux financiers résultant de la vente des denrées livrées et de l'utilisation des recettes. La Commission a jugé inapproprié de lancer l'audit avant que la majorité des fournitures n'aient été livrées et vendues, afin d'éviter que cet audit ne se fonde sur des documents incomplets, ce qui aurait enlevé à l'action toute efficacité. La passation d'un contrat d'assistance en matière d'audit externe a de fait été différée.
L'affirmation de la Cour selon laquelle l'excédent rapporté par la vente des denrées livrées ne peut être perçu semble impliquer que le gouvernement fédéral russe est ou sera incapable d'honorer les accords conclus. La Commission a confiance dans la capacité et la volonté du gouvernement fédéral russe de respecter non seulement l'esprit mais également la lettre des accords signés.
Qualité et utilisation des produits
38. La Commission, dans son règlement (CE) n° 824/2000 du 19 avril 2000, a modifié les exigences concernant le blé tendre d'intervention, qui prévoient à présent des taux minimaux de protéines de plus en plus élevés pour les campagnes de commercialisation 2000/2001 à 2002/2003.
39. L'inscription dans le compte spécial des quantités utilisées pour la production d'alcool a été la même que si le seigle avait été utilisé pour sa finalité initiale, autrement dit la fabrication du pain.
Bien que l'analyse de laboratoire ait été satisfaisante en ce qui concerne le seigle livré à Tula, les autorités russes ont refusé d'accepter ce seigle pour la fabrication du pain. La Commission a finalement autorisé l'utilisation des quantités en question pour l'alimentation des animaux tout en continuant à comptabiliser ces opérations dans le compte spécial sous la même rubrique que pour le seigle utilisé en vue de la fabrication du pain.
La quantité totale de seigle allouée à la région de Sverdlovsk a été de 5000 tonnes et l'on a découvert que, sur ce volume, une certaine quantité avait été dirigée vers des usines de transformation d'aliments pour animaux et non vers des minoteries. À cette époque, le secteur de la volaille se trouvait dans une situation critique et une lettre datée du 23 avril 1999 adressée par l'administration régionale au directeur de l'exploitation de céréales de l'oblast explique cette décision et précise la quantité exacte de seigle devant être affectée à chaque usine. Cela montre que le seigle n'a pas été réexporté vers d'autres régions. Le montant total dû pour l'expédition a été présenté en deux paiements distincts pour un montant de 3,5 millions de roubles russes.
Les fonds de contrepartie
42. Dans de nombreuses régions, les administrations locales auraient préféré utiliser les fonds du compte spécial pour le financement de programmes de développement agricole. Bien que l'administration centrale russe ait proposé d'affecter une partie de ces fonds au développement de l'agriculture locale, cette idée a été exclue très tôt. Les experts indépendants ont justifié la décision de ne pas financer le développement agricole en faisant valoir que les Russes ne s'étaient pas suffisamment engagés à réorganiser le secteur agricole. En outre, le fait de subordonner les livraisons de denrées prévues par le programme à l'exécution de mesures de réformes aurait correspondu à un objectif qui n'avait pas été recherché par le Conseil. La préoccupation première était de faire face à une très grave pénurie alimentaire provoquée par des circonstances exceptionnelles et imprévues, et non d'entreprendre une réforme structurelle de grande ampleur.
43. La Cour relève que la Fédération de Russie est allée beaucoup plus loin que ne l'exigeaient le mémorandum d'accord et le mémorandum initial, en demandant aux autorités régionales de fournir des garanties financières pour les livraisons de denrées alimentaires. Du point de vue de la Commission, il s'agit là d'une question interne à la Fédération de Russie; compte tenu de la situation financière en Russie, cette demande doit être considérée comme une mesure de prudence de la part du gouvernement fédéral, qui est responsable en dernier ressort des montants à verser sur le compte spécial.
44. La Commission a bel et bien pris en considération la nécessité pour les Russes de gérer le compte spécial sous la forme d'un compte productif d'intérêt. Conformément au règlement national n° 864 sur le Trésor fédéral de la Fédération de Russie du Conseil des ministres du 27 août 1993, le Trésor a été obligé d'ouvrir le compte spécial à la Banque centrale. Obtenir la modification de cette disposition afin que le compte puisse être productif d'intérêts aurait entraîné des retards inacceptables pour l'exécution du programme.
45. Le problème des garanties est une affaire interne du gouvernement russe qui est responsable des versements, comme le précise nettement le mémorandum d'accord. La Commission a régulièrement fait valoir, lors de réunions successives du groupe de travail mixte et de réunions bilatérales avec le vice-premier ministre, qu'il convenait d'apurer rapidement les arriérés.
46. À compter du 1er septembre 1999, 882 millions de roubles ont été directement affectés à la liquidation des arriérés du fonds de pension. Celui-ci a cependant été en mesure de contracter un prêt substantiel auprès de la Sberbank grâce aux fonds qui devaient provenir du programme communautaire de fourniture de produits alimentaires et de celui de l'autre donateur.
Les transferts des deux programmes ainsi que d'autres ressources fiscales ont permis des augmentations substantielles des pensions d'État dans l'ensemble de la Fédération. La première augmentation, intervenue le 1er novembre 1999, a été de 15 %; la deuxième, qui s'est produite le 1er février 2000, a été de 20 % et la troisième, effectuée le 1er mai 2000, de 7 %. En termes réels, cela a représenté une augmentation de 48 % des pensions de base.
47. En ce qui concerne l'utilisation de 20 % des fonds du compte spécial pour un soutien budgétaire aux ministères de la santé et du travail, il est exact que l'intention initiale était le financement de projets individuels. Néanmoins, en raison du retard avec lequel l'administration russe a présenté des propositions bien étudiées et du fait que la Commission ne disposait pas de ressources suffisantes pour apprécier et évaluer correctement ces propositions, la décision a été prise d'opter pour un soutien budgétaire.
Ce faisant, la Commission a toutefois insisté pour qu'une piste d'audit gérable soit mise en place jusqu'au stade où les virements du compte spécial étaient déposés sur les lignes budgétaires sélectionnées. Ces lignes budgétaires approuvées (toutes les lignes budgétaires proposées par la partie russe n'ont pas été approuvées par la Commission) représentent des dépenses en faveur des catégories les plus vulnérables.
IMPACT DU PROGRAMME
Sur le prix des denrées alimentaires
48. Les effets négatifs du programme sur le marché local ont été faibles, voire inexistants, et l'offre de céréales a sans aucun doute stabilisé les prix des denrées de base.
50. Même si les 58500 tonnes de viande porcine avaient fait l'objet d'exportations commerciales, près de 41 millions d'euros sur les 101 millions mentionnés auraient été imputés au budget communautaire, en tout cas en ce qui concerne les restitutions à l'exportation. En outre, la constitution des fonds de contrepartie à partir de la vente des 58500 tonnes livrées, qui se sont élevés à près de 54 millions d'euros et qui ont aidé à apurer les arriérés de paiement des pensions n'aurait pas été possible par le seul recours aux restitutions à l'exportation. La Commission considère que le coût de 101 millions d'euros est donc justifié.
Sur le secteur privé
51. La Commission souhaite souligner le fait que la Fédération de Russie était responsable de l'organisation du transport des denrées livrées au titre du programme dans la Fédération de Russie. Contrairement au programme Tacis, ce programme de fourniture de denrées alimentaires avait pour objet de répondre à un besoin urgent et non nécessairement de réformer le secteur agricole. Selon les experts indépendants, le programme communautaire de fourniture de denrées alimentaires a assurément allégé la situation de nombreuses entreprises de transformation en leur offrant de facto un crédit gratuit. Dans la chaîne blé/farine/pain, cela a permis une offre rapide et contribué à la stabilisation des prix sur les marchés de détail urbains. Dans la filière des céréales, ce programme a servi à stabiliser les prix de la farine et du pain, ce qui a maintenu le caractère abordable des denrées de base pour les consommateurs pauvres.
52. La Commission ne dispose pas d'éléments attestant que le programme communautaire ait porté préjudice aux exportations des pays voisins.
Sur l'approvisionnement des régions et sur les groupes les plus démunis
53. Toutes les régions de la Fédération de Russie ont reçu des produits au titre du programme communautaire comme à celui d'autres programmes. Il convient donc d'interpréter le tableau figurant à l'annexe du rapport de la Cour dans le contexte général de ces programmes.
Même s'il se peut que le gouvernement russe ait eu tendance à affecter les denrées du programme communautaire aux régions en mesure de payer ou de fournir les garanties nécessaires, l'impact des livraisons et des versements du compte spécial a été ressenti dans toute la Fédération. Indépendamment du fait de savoir si une région donnée a ou non reçu des produits dans le cadre du programme, il n'y a pas eu de distinction dans la façon dont les arriérés de paiement des retraites ont été apurés et les pensions augmentées.
Ce double effet a entraîné un accroissement de la demande et du caractère abordable des produits dans les régions les plus pauvres et, partant, a garanti la disponibilité des livraisons alimentaires par le biais des circuits commerciaux habituels.
54. La "distribution gratuite" n'était autorisée par le règlement du Conseil qu'à "titre exceptionnel", le principal objectif du programme étant de rendre les denrées disponibles à des prix ne perturbant pas les marchés locaux. La fourniture à grande échelle de "denrées gratuites" aurait certainement sapé les marchés locaux, et c'est pourquoi les quantités de denrées fournies gratuitement à ce jour ont été limitées. La Commission continue cependant d'étudier les demandes de fournitures gratuites sur les quantités restant en stock dans le cadre du programme.
CONCLUSION
55. L'intention première du Conseil en lançant ce programme était de faire face à la situation critique de l'approvisionnement en denrées alimentaires dans plus de 50 régions de l'ensemble de la Fédération de Russie, et le programme a progressé relativement vite.
Le règlement (CE) n° 2802/98 du Conseil a été publié le 17 décembre 1998. Avant qu'un produit puisse être mobilisé, il a fallu mettre en place des règlements détaillés sur la passation des marchés de produits et leur transport. Le règlement (CE) no 111/1999 de la Commission a été adopté sans délai et publié le 19 janvier 1999. Il convenait cependant d'instituer des modalités d'exécution du programme, en particulier pour le traitement des marchandises après leur arrivée à la frontière russe, avant que les produits puissent être expédiés des entrepôts communautaires. Des mémorandums d'accord (comprenant des annexes techniques) ont été négociés et conclus avec les autorités russes au début du mois de février 1999.
Ce processus de mise en place des textes juridiques nécessaires a permis d'organiser les premiers appels d'offre qui ont en fait été lancés pendant la négociation des mémorandums d'accord. Malgré la célérité avec laquelle les services de la Commission ont travaillé, l'attribution de ces premiers marchés a dû être reportée, les autorités russes n'étant pas en mesure de notifier ou d'arrêter les procédures de certification pour tous les produits mobilisés. Ce n'est pas avant le 15 mars 1999 que les États membres ont attribué les premiers marchés dans le domaine du transport et que le programme a finalement démarré.
À compter d'octobre 1999, environ 1,33 million de tonnes, soit 73 % de la quantité totale avait été expédié (plus de 55000 tonnes par semaine) et la plus grande partie de ce volume était déjà parvenue aux diverses destinations finales. Malgré un certain nombre de retards enregistrés par le programme, de difficultés en matière de passation des marchés, en particulier pour la viande porcine, et des problèmes logistiques considérables, la façon dont les services de la Commission se sont acquittés des livraisons de denrées témoigne du succès considérable de leurs efforts pour concrétiser les souhaits du Conseil, et ce malgré l'impossibilité d'obtenir des ressources suffisantes pour gérer le plus vaste programme de fourniture de denrées alimentaires dans lequel l'Union européenne se soit jamais lancée.
56. La contradiction entre l'objectif principal tel que l'énonce la Cour et l'objectif implicite consistant à maximiser les recettes tirées de la vente des produits alimentaires est plus théorique que réel. Dans l'accomplissement de son mandat, la Commission a réduit au maximum les risques s'attachant au programme tout en veillant à la bonne livraison de denrées aux régions, conformément au souhait de la Fédération russe. En apportant une contribution aux fonds de pension et en soutenant le financement d'actions à caractère social, les recettes tirées de la vente des produits alimentaires ont aidé les couches vulnérables de la société russe.
57. La Commission ne pense pas qu'il aurait été approprié de mettre en oeuvre ce programme sans la pleine coopération du gouvernement de la Fédération de Russie. Assigner à un programme déjà complexe d'autres objectifs non couverts par la base juridique aurait introduit un niveau de risque ingérable.
58. L'absence du programme d'aide alimentaire aurait pu rendre nécessaires des restitutions à l'exportation encore plus élevées. Ce programme a permis en outre la constitution de fonds de contrepartie qui ont aidé à apurer les arriérés du fonds de pension et contribué à l'augmentation sensible des retraites de base. Cela a permis de donner aux retraités les moyens d'acheter les fournitures disponibles en plus grande quantité.
Le règlement du Conseil demandait que les recettes du compte spécial soient affectées à des mesures sociales et excluait donc que la mise en oeuvre du programme soit subordonnée à des réformes agricoles (voir également la réponse au point 7).
59. En dépit des retards enregistrés, 97 % des quantités prévues au titre du programme ont été livrées dans un délai de neuf mois. Le 22 décembre 1999, la Commission a conclu qu'elle avait rempli son mandat concernant la livraison matérielle des denrées. Le niveau des pertes observées tant au cours du transport vers la Russie qu'à l'intérieur du pays a été remarquablement bas pour une opération présentant cette taille et ce niveau de risque.
60. La Commission reconnaît qu'elle aurait pu faire davantage si elle avait disposé d'un plus grand nombre de ressources. Elle continue en tout état de cause à demander instamment au gouvernement de la Fédération de Russie de régler tous les problèmes restants de manière satisfaisante et dans le plein respect des mémorandums d'accord initial et additionnel.
61. L'objectif du programme était double: garantir la disponibilité des denrées et veiller à ce que leur prix soit abordable. Le programme n'a eu que peu d'effets négatifs sur les marchés locaux et ses effets positifs ont été ressentis dans toute la Fédération de Russie.


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Structure analytique Document livré le: 30/01/2001


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