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Législation communautaire en vigueur

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Document 300Y0414(02)

Chapitres du répertoire où le document peut être trouvé:
[ 01.60.60 - Contrôle financier ]


300Y0414(02)
Rapport spécial nº 5/2000 relatif aux dépenses immobilières de la Cour de justice (bâtiments annexes «Erasmus», «Thomas More» et «Annexe C»), accompagné des réponses de l'institution
Journal officiel n° C 109 du 14/04/2000 p. 0001



Texte:


Rapport spécial no 5/2000
relatif aux dépenses immobilières de la Cour de justice (bâtiments annexes "Erasmus", "Thomas More" et "Annexe C"), accompagné des réponses de l'institution
(présenté en vertu de l'article 248, paragraphe 4, deuxième alinéa, CE)
(2000/C 109/01)


TABLE DES MATIÈRES
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Introduction
1. La Cour de justice des Communautés européennes a conclu, le 15 novembre 1994, avec l'administration luxembourgeoise une convention de location en vue de l'achat(1) de trois bâtiments, annexés au Palais que cette institution occupe sur le plateau de Kirchberg depuis 1972.
2. L'administration luxembourgeoise a fait procéder(2), entre 1986 et 1994, à la construction de ces trois bâtiments (voir photo ci-après), d'une superficie totale de 65949 mètres carrés, en fonction des besoins spécifiques(3) de la Cour de justice. Ces constructions se sont articulées progressivement l'une à l'autre en réponse aux besoins en évolution constante de la Cour de justice et ont permis, à l'achèvement des travaux en 1994, de regrouper dans un seul et même complexe immobilier l'ensemble des effectifs de la Cour de justice entre-temps dispersés entre plusieurs emplacements. Les dépenses relatives à ce programme immobilier (annexe A ou "Erasmus", annexe B ou "Thomas More" et annexe C) représentent un montant de 9,2 Mrd LUF (soit, hors TVA, environ 200 Mio ECU) (voir tableau 1). Elles ont fait l'objet d'un audit de la Cour des comptes qui a porté sur la réalisation de ces trois bâtiments annexes, la conclusion de la convention du 15 novembre 1994, et son exécution jusqu'en 1998.
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Tableau 1
Coût de construction
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Lancement du programme immobilier
3. Dès 1979, en raison de la progression de ses activités et de ses effectifs, la Cour de justice s'est vue contrainte de louer des bureaux en dehors du Palais. À partir du début des années quatre-vingt, elle a confié à l'administration luxembourgeoise le soin de réaliser, pour elle, un programme de développement immobilier progressivement défini au cours des années ultérieures. Les modalités financières de ce programme, ainsi que celles de son suivi et de son contrôle n'ont pas été, à l'époque, contractuellement arrêtées avec l'administration luxembourgeoise.
4. La Cour de justice a lancé et poursuivi cette opération immobilière engageant financièrement à long terme les Communautés, sans l'avoir soumis à l'examen préalable de son contrôleur financier. Elle n'a pas non plus informé l'autorité budgétaire de l'ampleur des opérations envisagées en vue d'obtenir son autorisation préalable.
5. Le montage juridique(4) et financier(5) organisé entre la Cour de justice, l'administration luxembourgeoise et le promoteur, une filiale à 100 % du constructeur, rendait quasiment impossible pour les Communautés la maîtrise technique et financière d'une opération dont, en définitive, elles supporteront le coût final(6).
6. L'ensemble du programme a été organisé par l'administration luxembourgeoise sans respecter l'esprit des procédures communautaires de marchés publics(7). L'appel à la concurrence a été particulièrement limité. Le constructeur de l'annexe A a été choisi au terme d'une procédure d'adjudication restreinte dans laquelle les concurrents n'ont disposé que de 20 jours, en août 1985, pour soumissionner. Il a été reconduit, sans réel appel à la concurrence, en 1989, pour la réalisation de l'annexe B et en 1992, pour l'annexe C.
Réalisation et occupation des bâtiments
7. Les conditions de réalisation (adéquation aux besoins de la Cour de justice) et le coût des bâtiments ont été directement affectés par des insuffisances de coordination et par la faiblesse des moyens de contrôle dont la Cour de justice a disposé durant les travaux (notamment pour ce qui concerne les surcoûts engendrés par les reprises de malfaçons et les erreurs de conception ou d'exécution).
8. Les plafonds de dépenses (au total 3940 Mio LUF, TVA comprise, soit environ 100 Mio ECU) initialement fixés par les lois(8) autorisant l'administration luxembourgeoise à faire procéder à la construction des annexes n'ont pas été respectés. L'enveloppe financière a dû être augmentée, dès 1992, de 740 Mio LUF (environ 18 Mio ECU), pour tenir compte de travaux supplémentaires demandés par l'institution, ainsi que de travaux de voirie ou de reprise de malfaçons qui risquent finalement de demeurer à la charge de la Cour de justice.
9. La Cour de justice s'est elle-même placée dans une situation inextricable, en occupant sans bail, progressivement à partir de septembre 1988, des bâtiments dont elle ne connaissait pas le coût exact, et dont les conditions financières de mise à disposition n'ont été ni préalablement définies, ni approuvées par les parties concernées.
10. Occupant sans bail les bâtiments, la Cour de justice a, entre 1989 et 1994, versé plus de 1,5 Mrd LUF (environ 35 Mio ECU), sous forme d'acomptes sur loyers à régulariser. Ces montants correspondaient à la totalité des crédits budgétaires disponibles au titre du poste relatif aux loyers. Le contrôleur financier de la Cour de justice a visé les propositions d'engagement et les ordres de paiement correspondants, malgré l'irrégularité de ces pratiques au regard de la réglementation financière communautaire qui ne permet de payer un loyer que sur la base de pièces justificatives adéquates, en l'espèce, un contrat de bail.
11. La Cour de justice se situait à l'époque dans une logique de location, et pas encore d'acquisition. Et bien que l'administration luxembourgeoise ait clairement exprimé son intention de fixer un loyer qui compense les coûts de la construction(9), les montants ainsi versés pour les annexes n'ont pas été fixés sur la base d'une évaluation contradictoire et préalable des coûts véritables de chacun des bâtiments, mais en fonction du montant réclamé par l'administration luxembourgeoise, dont la Cour de justice a relayé les demandes auprès de l'autorité budgétaire. Dans cette approche, les montants payés par l'institution ne sont pas fonction de paramètres économiques vérifiés, mais principalement des crédits susceptibles d'être accordés par l'autorité budgétaire.
Convention en vue de l'acquisition des bâtiments
Aspects juridiques et financiers
12. Une convention a été signée le 15 novembre 1994 entre l'administration luxembourgeoise et la Cour de justice, par laquelle l'administration luxembourgeoise donne en location à la Cour de justice, en vue de l'achat par les Communautés européennes, les annexes A, B et C. La convention expire à la date à laquelle les Communautés européennes deviennent propriétaire des bâtiments, au plus tard en 2015. Elle peut être résiliée auparavant, dans le cas où la Cour de justice verrait son siège transféré en dehors de Luxembourg par décision prise sur la base de l'article 289 CE. Cette convention présente des anomalies sérieuses. L'administration luxembourgeoise s'engage à vendre des bâtiments dont elle n'est toujours pas, à l'époque, propriétaire. La convention comporte également des clauses(10), dérogatoires au droit commun, susceptibles de léser gravement les intérêts financiers des Communautés, ainsi que des imprécisions sur l'élément essentiel que constituent les modalités de fixation et de contrôle du prix de vente.
13. Le montage financier mis en place pour la réalisation des annexes impose à la Cour de justice les obligations d'un emprunteur, sans lui conférer les contreparties (par exemple, la propriété des immeubles ainsi financés). Les intermédiaires, l'administration luxembourgeoise et le promoteur, sont formellement juridiquement responsables. Cependant, ils ne supportent pas la charge des obligations qu'ils ont contractées. Indépendamment du fait que la réglementation financière des Communautés ne prévoit pas le recours à l'emprunt pour procéder à des acquisitions immobilières, dans un tel montage, les Communautés se trouvent dans l'incapacité de maîtriser les charges financières qui s'imposent à elles, quel qu'en soit le montant.
14. Dans le cadre de la mise en oeuvre de la convention du 15 novembre 1994, les Communautés voient actuellement comptabilisées à leur charge de nombreuses dépenses connexes aux coûts de construction des bâtiments (dépenses d'aménagements extérieurs, construction d'une route de liaison). Elles ont dû négocier pour finalement obtenir l'exemption de TVA prévue par le protocole sur les privilèges et immunités des Communautés. Elles devront aussi supporter, pour devenir définitivement propriétaire de ces bâtiments, le prix du terrain, lequel n'est pas fixé dans la convention. La prise en charge de ces dépenses par les Communautés va au-delà de ce qui était initialement convenu(11), lorsque les deux partenaires se situaient encore dans une logique de location. Il n'y a en outre aucune justification à la prise en charge de la route.
Coûts de construction et charges financières
15. La détermination et le contrôle des coûts de construction ont été confiés à un expert. Ces coûts devaient être déterminés et contrôlés sur la base des information reçues par l'administration luxembourgeoise, lesquelles, dans le cas d'espèce, ne donnent généralement pas d'indications suffisantes sur la nature des prestations réalisées. La Cour de justice n'a pas réclamé la fourniture de documents, pourtant signalés à son attention par l'expert, susceptibles d'apporter des justifications pour 629 Mio LUF (environ 15 Mio ECU) de travaux supplémentaires.
16. Les coûts de construction des annexes n'ont pas été maîtrisés. Sur la base des calculs effectués par l'expert, ils dépassent de 49 % l'enveloppe initialement prévue, et sont supérieurs de 25 % au nouveau plafond fixé en 1992 pour réaliser des travaux supplémentaires relatifs aux trois annexes (voir tableau 1).
17. La documentation jusqu'ici recueillie par l'expert pour justifier les charges et produits financiers imputés à l'opération demeure insuffisante, et ses vérifications incomplètes. Elle ne donne toujours pas une assurance suffisante que ces charges et ces produits ont été correctement calculés. Le montant des charges financières, qui représente 36 % du coût de l'opération apparaît élevé. Il comporte des frais importants, liés au préfinancement de l'opération par le promoteur.
18. L'audit fait apparaître des insuffisances dans les vérifications des factures présentées par le promoteur (justifications à l'appui de certains travaux supplémentaires, prise en compte des moins-values). Compte tenu des montants en jeu (un peu plus de 2,5 Mio ECU) et du risque que ces montants demeurent à la charge des Communautés, des investigations complémentaires devraient être diligentées par la Cour de justice.
Loyer du Palais
19. Contrairement à un engagement pris en 1984, dans le cadre de la négociation du projet de réalisation des annexes, de réduire le loyer du Palais à concurrence de l'amortissement financier de cet immeuble, le règlement intégral des sommes dues en vertu du contrat de bail initial a continué d'être exigé, en 1994, lorsque le Palais s'est trouvé financièrement amorti. La Cour de justice a alors décidé de suspendre le versement de ce loyer à partir de 1995. Puis, en 1996, elle a accepté de le reprendre à partir de 1997. Au-delà de la seule obligation de respecter ses engagements contractuels, sa motivation a alors tenu davantage à son estimation du caractère budgétairement acceptable de l'ensemble des demandes présentées au titre des loyers, qu'à une appréciation de leur bien-fondé. Une telle attitude, qui conduit à laisser supporter par les Communautés des charges financières en fonction des crédits inscrits à leur budget, n'est pas en soi un gage de bonne gestion financière.
Conclusion
20. La Cour de justice a engagé un important programme de développement immobilier pour l'extension progressivement définie des locaux qu'elle occupe sur le plateau de Kirchberg, dans des conditions qui appellent les remarques suivantes:
a) la réalisation du programme a été confiée à l'administration luxembourgeoise, sans avoir donné lieu au préalable à une information adéquate en faveur de l'autorité budgétaire, et sans que les conditions financières, administratives et techniques de sa réalisation n'aient été définies contractuellement entre les parties concernées;
b) la réalisation de ce programme a elle-même été sous-traitée à un promoteur, dans le cadre d'un montage juridique et financier qui s'est avéré très onéreux;
c) le montage accepté par l'institution utilisatrice a rendu quasiment impossible le contrôle de l'exécution et la maîtrise des coûts;
d) la Cour de justice a occupé sans bail, à partir de septembre 1988, les bâtiments mis à sa disposition, et a réglé au titre de ces immeubles des "acomptes", qui ne respectent pas la réglementation financière communautaire;
e) elle a ensuite conclu en novembre 1994 une convention de location-achat, qui appelle les réserves suivantes:
i) notamment, pour devenir définitivement propriétaire des immeubles, la Cour de justice devra payer au prix du marché des terrains qui devaient initialement être mis gracieusement à sa disposition;
ii) l'établissement du prix de vente des bâtiments a été confié à un expert indépendant, mais les limites assignées à ses vérifications ne permettent pas de donner l'assurance que le prix de vente reflète sincèrement la réalité des coûts de l'opération;
iii) certains coûts que les Communautés ne devaient pas supporter ont été jusqu'ici comptabilisés à leur charge;
f) enfin, on constate des anomalies de facturation, portant sur des montants significatifs, qui devraient appeler des investigations complémentaires de la part de la Cour de justice, afin d'éviter qu'ils ne demeurent à charge des Communautés.
Recommandations
21. Les conditions de réalisation et d'acquisition des bâtiments annexes de la Cour de justice illustrent les problèmes que rencontrent les institutions européennes pour mener à bien leurs projets immobiliers dans le respect des principes de légalité-régularité et de bonne gestion financière. La répétition de telles situations pourrait être évitée par des dispositions appropriées, dont la Cour des comptes a déjà rappelé à plusieurs reprises la nécessité(12), en vue d'établir sur des bases transparentes et efficaces la politique immobilière des Communautés. Les recommandations suivantes devraient notamment être prises en considération:
a) les institutions communautaires doivent toujours obtenir l'autorisation préalable de l'autorité budgétaire avant de s'engager dans un important projet immobilier, quels qu'en soient la forme et l'objet (location, location-achat, acquisition, etc.);
b) l'approche budgétaire purement annuelle des dépenses immobilières ne répond pas à des critères de bonne gestion. Elle conduit les institutions à engager, sans visibilité suffisante, leurs projets immobiliers en mettant ensuite l'autorité budgétaire devant un fait accompli. Afin de planifier dans les meilleures conditions de transparence et d'efficacité leur politique immobilière, la création d'un budget pluriannuel d'investissement, doté de crédits dissociés, apparaît indispensable;
c) les Communautés doivent avoir la pleine maîtrise administrative, technique et financière de leurs projets immobiliers, en se dotant des moyens juridiques, techniques et financiers nécessaires. Dans cette perspective, des services communautaires, à vocation interinstitutionnelle, devraient être développés sous l'impulsion par exemple de la Commission, afin d'assister chaque institution dans la définition et la conduite des aspects administratifs, techniques et financiers de la maîtrise d'ouvrage. La possibilité de modifier la réglementation communautaire devrait également être étudiée, afin de permettre aux Communautés de financer le cas échéant ses programmes immobiliers par un appel direct à l'emprunt, dans de meilleures conditions de transparence et de coût que celles aujourd'hui observées avec les intermédiaires et les montages financiers auxquels elles ont recours;
d) dans l'hypothèse où les Communautés souhaiteraient néanmoins, à titre exceptionnel, déléguer leurs attributions de maître d'ouvrage à des tiers, il faudrait éviter une dilution des responsabilités et les risques de surcoût. À cette fin, les modalités de la délégation devraient être contractuellement arrêtées au préalable avec les mandataires, et ces derniers devraient respecter les mêmes obligations, notamment en matière de respect des règles de concurrence, que celles qui s'imposent aux Communautés. Le partage des responsabilités respectives dans les différentes phases de réalisation du programme doit être clairement défini. En particulier, de tels contrats devraient obligatoirement prévoir la fixation d'un prix plafond, et soigneusement définir les conditions de sa révision, qui ne pourra intervenir sans l'accord du maître de l'ouvrage et l'autorisation préalable de l'autorité budgétaire.
22. Enfin, dans le cas spécifique des annexes au Palais de la Cour de justice, cette dernière devrait s'adresser à l'administration luxembourgeoise afin de renégocier les aspects de la convention de 1994 qui posent un problème (notamment ceux qui concernent la prise en charge des aménagements extérieurs et la mise à disposition des terrains).

Le présent rapport a été adopté par la Cour des comptes à Luxembourg en sa réunion des 23 et 24 février 2000.

Par la Cour des comptes
Jan O. Karlsson
Président

(1) Suivant les termes de l'article 1er de la convention du 15 novembre 1994.
(2) Selon les termes des lois luxembourgeoises d'autorisation des 25 juillet 1985, 1er juin 1989, 18 décembre 1990 et 28 décembre 1992.
(3) Selon les termes du préambule de la convention du 15 novembre 1994.
(4) En vue de la réalisation des extensions, l'administration luxembourgeoise a concédé, sur le terrain d'assiette de chaque immeuble, le droit de superficie et de tréfonds au promoteur, à charge pour ce dernier de faire construire les bâtiments, dont il devient le propriétaire. À l'expiration des contrats de concession, conclus pour une durée de 20 ans à compter de la réception provisoire des immeubles, les contrats prévoient que la propriété des immeubles revient à l'administration luxembourgeoise. L'administration luxembourgeoise a par ailleurs conclu avec le promoteur, pour chaque immeuble, un contrat de location-vente, prévoyant, dès la réception provisoire des ouvrages, leur location à l'administration luxembourgeoise, pour une durée de 20 ans. Les contrats ont prévu la possibilité pour l'administration luxembourgeoise de sous-louer ou de céder ses droits. Le prix de la location-vente a été fixé en fonction du montant des prêts accordés au promoteur. Dans ce montage, la Cour de justice a le statut du sous-locataire.
(5) Le financement des constructions a été assuré par des prêts bancaires consentis au promoteur, dont les conditions ont été négociées par l'administration luxembourgeoise. L'administration luxembourgeoise a cependant pris directement à sa charge certaines dépenses, telles que les honoraires des architectes. Les prêts ont été utilisés par le promoteur pour le règlement des factures présentées par l'entreprise générale chargée des travaux, après visa préalable par l'administration des bâtiments publics, ainsi que pour le remboursement des annuités d'emprunt pendant la phase de construction. Dans les faits, à compter de la réception de chaque ouvrage, l'administration luxembourgeoise a réglé directement les échéances dues à la banque au titre des prêts consentis au promoteur. Pour consacrer ce transfert d'obligations, le promoteur a officiellement cédé en 1994 à la banque les créances détenues sur l'administration luxembourgeoise en vertu des contrats de location-vente.
(6) À l'origine, les loyers du sous-locataire (la Cour de justice) devaient être fixés en tenant compte à la fois de la durée de l'amortissement des prêts auxquels il faudrait procéder et des taux d'intérêts pour lesquels ces prêts seraient souscrits.
(7) Notamment la directive 71/305/CEE du Conseil portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 185 du 16.8.1971), transposée en droit luxembourgeois par la loi du 4 avril 1974 (Mémorial grand-ducal A numéro 36 du 13 mai 1974).
(8) Selon les termes des lois luxembourgeoises d'autorisation des 25 juillet 1985, 1er juin 1989, 18 décembre 1990 et 28 décembre 1992.
(9) À l'origine, les loyers du sous-locataire (la Cour de justice) devaient être fixés en tenant compte à la fois de la durée de l'amortissement des prêts auxquels il faudrait procéder et des taux d'intérêts pour lesquels ces prêts seraient souscrits.
(10) Essentiellement une clause au terme de laquelle, si la Cour de justice ne se porte pas acquéreur au prix du marché du terrain sur lequel sont construites les annexes, ces dernières deviendront propriété de l'administration luxembourgeoise à l'issue de la durée du droit de superficie accordé dans la convention (49 ou 98 ans selon le cas).
(11) En juin 1983, le président du Comité de coordination pour l'installation d'institutions et d'organismes européens avait indiqué à la Cour de justice que "le gouvernement luxembourgeois serait disposé à prendre à sa charge le prix du terrain, l'aménagement des alentours et d'accorder à titre exceptionnel l'exonération de la TVA".
(12) Voir travaux antérieurs de la Cour en la matière:
- Rapport spécial relatif à la politique immobilière des institutions des Communautés européennes (JO C 221 du 3.9.1979)
- Rapport annuel relatif à l'exercice 1987, points 10.41 - 10.77 (toutes institutions)
- Rapport annuel relatif à l'exercice 1992, points 15.7 - 15.9 (Parlement)
- Rapport annuel relatif à l'exercice 1993, points 17.1 - 17.38 (Parlement) et 18.1 - 18.19 (Conseil)
- Rapport annuel relatif à l'exercice 1995, points 13.16 - 13.39 (Commission)
- Rapport spécial n° 5/95 relatif à la signature sans visa préalable du contrat pour la construction de l'hémicycle du Parlement européen à Strasbourg, points 5.1 - 5.16 (JO C 27 du 31.1.1996)
- Rapport annuel relatif à l'exercice 1998, points 6.13 - 6.17 (Commission).


Réponses de la Cour de Justice

À titre liminaire, la Cour de justice tient à indiquer qu'elle partage le constat fait par la Cour des comptes au terme de son examen des dépenses immobilières de la Cour de justice, selon lequel le cadre budgétaire et financier dans lequel les institutions européennes doivent répondre à leurs besoins immobiliers est inadapté, et qu'elle souscrit par conséquent pleinement aux recommandations formulées par la Cour des comptes pour y remédier.
C'est dans ce cadre néanmoins que la Cour de justice a dû, au cours des vingt dernières années, en collaboration avec les autorités luxembourgeoises, prendre des mesures pour faire face à des besoins immobiliers en augmentation constante et rapide, déterminés par un accroissement important du contentieux, la création du Tribunal de première instance, les élargissements successifs de la Communauté et l'augmentation des effectifs de l'institution.
La Cour de justice tient à souligner qu'elle n'a pas la maîtrise du nombre des affaires à traiter ni de l'ampleur de l'activité qui en résulte, et que, pour assurer la continuité de la mission juridictionnelle qui lui est confiée par les traités, elle doit impérativement disposer des locaux et des infrastructures adaptés au fonctionnement du service public de la justice.
C'est dans ce contexte, pour l'essentiel commun à toutes les institutions mais également marqué par des spécificités propres à la Cour de justice, qu'il convient d'apprécier les commentaires ci-après en réponse au rapport de la Cour des comptes relatif aux dépenses immobilières de la Cour de justice (ci-après dénommé "rapport de la Cour des comptes"), regroupés autour des thèmes suivants:
1. L'évolution des besoins immobiliers de la Cour de justice entre 1979 et 1994 et des réponses apportées.
2. L'occupation sans contrat écrit des annexes au Palais.
3. Les relations entre la Cour de justice et l'autorité budgétaire.
4. Le contrôle du coût de la construction et du financement des bâtiments annexes au Palais.
5. La convention de location-achat du 15 novembre 1994.
6. Conclusion.
TABLE DES MATIÈRES
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1. L'évolution des besoins immobiliers de la Cour de justice entre 1979 et 1994 et des réponses apportées
Le rappel succinct du contexte de l'évolution des besoins immobiliers de la Cour de justice de 1979 à 1994 est nécessaire pour apprécier les observations figurant dans le rapport de la Cour des comptes (chronologie sommaire en annexe).
1.1. Des solutions provisoires en réponse à des besoins en évolution constante et rapide
Dès 1979, le Palais de la Cour de justice, achevé en 1972, s'est révélé insuffisant pour héberger l'ensemble des effectifs de l'institution en croissance rapide. Suite aux élargissements de 1981 et 1986 et à la mise en place du Tribunal de première instance en 1989, les effectifs de la Cour de justice sont passés de 363 agents en 1980 à 733 en 1989, soit une augmentation de 102 %. Pour faire face à cette augmentation des effectifs, 40 bureaux en 1979, puis 80 bureaux supplémentaires en 1980, ont dû être loués dans le bâtiment Jean Monnet. Fin 1985, 140 bureaux ont été installés dans des baraques préfabriquées à Weimershof. Suite à l'élargissement de 1986 et après l'abandon des préfabriqués de Weimershof en 1988, 150 bureaux ont encore dû être loués dans le bâtiment BAK.
1.2. Une situation peu satisfaisante
La location de ces différentes surfaces de bureaux en dehors du périmètre d'implantation de l'institution, dans des lieux plus ou moins éloignés du Palais, n'était pas satisfaisante du point de vue fonctionnel, une dispersion des services sur différents sites constituant pour une institution comme la Cour de justice, dont les activités sont très imbriquées, une perte de temps et d'efficacité importante.
Par ailleurs, les bâtiments préfabriqués et loués à Weimershof ne répondaient pas aux critères courants en matière d'hygiène et de confort.
Il est apparu aussi, dès 1985, que le Palais était insuffisant non seulement en surfaces de bureaux mais aussi et surtout au regard des besoins en salles d'audience équipées de cabines d'interprétation, notamment dans la perspective de la création du Tribunal de première instance.
1.3. Une réponse appropriée: la construction des annexes
La première annexe (annexe A ou bâtiment Erasmus), dont la construction avait été décidée en 1984, fut livrée en octobre 1988, soit neuf ans après l'annonce par la Cour du justice au Conseil de ses problèmes immobiliers. Sa capacité d'accueil d'environ 300 bureaux a permis l'abandon des préfabriqués de Weimershof; elle comportait en outre les bureaux et les salles d'audience indispensables à l'activité du Tribunal de première instance créé dans l'entre-temps et installé en septembre 1989.
L'annexe B (bâtiment Thomas More), dont la construction a commencé lors du vote de la loi de financement en juin 1989, a été livrée en 1992 et a permis de faire face à une partie des besoins nés de l'élargissement de 1986.
L'annexe C, dont la construction a été décidée en 1989 et la loi de financement votée en décembre 1990, non seulement pour faire face au futur élargissement de 1995, mais également en raison de la présence d'amiante au Palais et de l'insistance pressante du Parlement européen pour récupérer les locaux occupés par la Cour de justice au BAK, a été achevée et occupée en octobre 1994. Ce n'est qu'avec la livraison de ce bâtiment que l'ensemble des effectifs a pu être regroupé dans un seul et même complexe immobilier pour la première fois en quinze ans.
Les constructions et les livraisons successives des annexes au Palais se sont donc substituées à des installations précaires, et ont ainsi permis à la Cour de justice de disposer de locaux adaptés à sa mission et à son fonctionnement. Comme indiqué au point 2 du rapport de la Cour des comptes, ces constructions se sont articulées progressivement l'une à l'autre en réponse à des besoins en évolution constante. Elles ne se sont pas inscrites dès le départ dans un programme immobilier d'ensemble.
1.4. Une politique immobilière évoluant en parallèle avec celle des autres institutions communautaires
Dans sa recherche de solutions immobilières lui permettant d'accomplir au mieux sa mission juridictionnelle, la Cour de justice a d'abord suivi, comme toutes les autres institutions communautaires, la formule de la location, même si elle a pu évoquer, pour la rejeter, l'hypothèse d'un autofinancement de certains bâtiments. Avant 1992, alors que les sièges des institutions communautaires n'étaient pas définitivement fixés et la politique de l'autorité budgétaire préconisant l'acquisition pas arrêtée, la Cour de justice n'était pas en position d'être le fer de lance d'une nouvelle politique immobilière, dont la définition incombait aux institutions politiques de la Communauté.
Ce n'est donc qu'à la faveur d'une définition claire, en 1992, de cette nouvelle politique immobilière de l'autorité budgétaire que la Cour de justice a envisagé l'acquisition des annexes.
Les observations du rapport de la Cour des comptes doivent être appréciées dans ce contexte.
2. L'occupation sans contrat écrit des annexes au Palais
Au point 9 de son rapport, la Cour des comptes fait grief à la Cour de justice d'avoir occupé les annexes au Palais sans signer préalablement de contrat écrit. À cet égard, il y a lieu d'observer ce qui suit.
Dès que le projet de louer un premier bâtiment annexe à construire a pris forme, la Cour de justice s'est ouverte auprès des autorités luxembourgeoises de son souci de s'entendre sur le montant du loyer qui serait à la charge de l'institution.
De véritables négociations sur son montant exact n'ont toutefois pu commencer que six mois après l'occupation de l'annexe A, en 1989, lorsque la Cour de justice a été saisie par le Comité de coordination pour l'installation d'institutions et organismes européens à Luxembourg (CCIIOE), instance de coordination interministérielle luxembourgeoise, d'un projet de contrat de bail relatif à cette annexe. Les services de la Cour de justice ont alors insisté pour qu'un contrat relatif à l'annexe A soit conclu dans les meilleurs délais et pour que des discussions soient d'ores et déjà engagées sur les conditions de location des futures annexes B et C, dans le but d'éviter que ces bâtiments soient occupés sans titre écrit (lettre du greffier au président du CCIIOE du 8 mai 1989).
Initialement, les discussions ont porté exclusivement sur le montant du loyer. À cette fin, des comparaisons ont été établies avec, notamment, les loyers pratiqués pour les bâtiments occupés par les autres institutions sur le plateau de Kirchberg. Les services de la Cour de justice et les autorités luxembourgeoises sont parvenus à un accord sur le montant du loyer de l'annexe A en mai 1992.
Entre-temps, la Cour de justice avait reçu des projets de contrats de bail pour les annexes B et C. Le montant du loyer au mètre carré était beaucoup plus élevé que celui consenti pour l'annexe A et dépassait largement les loyers pratiqués sur le plateau de Kirchberg. Soucieuse de conclure des contrats respectant les principes de bonne gestion financière, et notamment d'économie et de rapport coût/efficacité [voir article 2 du règlement financier du 21 décembre 1977 applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 356 du 31.12.1977, p. 1)], d'une part, et de suivre la voie tracée par la Cour des comptes dans son rapport de 1979(1) en assortissant le contrat de bail d'une option d'achat, d'autre part, la Cour de justice a rejeté ces projets de contrats.
En effet, la politique d'acquisition des bâtiments des institutions communautaires s'affirmant, les réflexions se sont à ce moment dirigées vers la perspective d'un achat, ce qui justifiait l'inclusion, dans le contrat en discussion, d'une clause permettant l'achat différé. Cette clause nécessitant des négociations entre la Cour de justice et l'État luxembourgeois, la signature d'un contrat de bail a été reportée.
Dans le contexte décrit ci-dessus, la Cour de justice avait le choix:
- soit de sacrifier les exigences de bonne gestion financière en signant des contrats à tout prix (c'est-à-dire en acceptant sans discussion les prétentions fermes et élevées du partenaire contractuel),
- soit de laisser perdurer, non sans coût, les expédients qui perturbaient toujours davantage son fonctionnement (voir points 1.1 et 1.2),
- soit de parer au plus pressé en occupant les annexes.
Tenue par les traités d'assurer la continuité de sa mission juridictionnelle et confrontée à l'impossibilité de conclure des contrats de bail écrits dans de bonnes conditions, elle a estimé opportun de retenir la troisième solution jusqu'à la conclusion, le 15 novembre 1994, de la convention de location-achat (voir point 5).
La Cour de justice considère que c'est à la lumière de ces contraintes qu'il convient d'apprécier l'irrégularité formelle résultant de l'occupation de bâtiments sans contrat de bail écrit.
L'occupation des annexes, en l'absence de contrat de bail écrit, justifiait une contrepartie financière. Celle-ci a pris la forme d'acomptes sur loyer calculés sur la base des loyers du marché et de ceux payés par les autres institutions communautaires sur le plateau de Kirchberg. Les acomptes versés entre 1988 et 1994 ont été pris en compte en tant qu'indemnités échues dans le cadre du prix de vente des annexes (voir point 5.3.2).
Au point 11 de son rapport, la Cour des comptes soutient que ces acomptes ont été payés en fonction des disponibilités budgétaires et non de paramètres économiquement vérifiés. En réalité, tant que la Cour de justice s'est située dans une logique de location, elle a versé des acomptes par référence aux loyers pratiqués pour des bâtiments comparables occupés par les autres institutions sur le plateau de Kirchberg(2). Ce n'est qu'à partir du moment où la Cour de justice a envisagé l'acquisition de biens immobiliers que les acomptes ont excédé les loyers pratiqués pour des immeubles comparables sur le plateau de Kirchberg pour correspondre aux crédits accordés par l'autorité budgétaire.
Dans le même point, la Cour des comptes avance que les acomptes n'ont pas été fixés sur la base d'une évaluation contradictoire et préalable des coûts véritables de chacun des bâtiments. Toutefois, tant que les parties se situaient dans une logique de location, la Cour de justice n'était pas en mesure, en sa qualité de simple locataire, d'exiger d'être informée du coût total de construction et des conditions financières arrêtées par les autorités luxembourgeoises, notamment en ce qui concerne la durée d'amortissement des capitaux investis(3). En tant que locataire, elle s'est efforcée de négocier un loyer d'un montant acceptable. Elle pouvait légitimement présumer que le pays hôte retiendrait une durée d'amortissement suffisante et que le montant du loyer demeurerait raisonnable et conforme à ce qu'une institution communautaire peut attendre de la part d'un pays hôte soucieux de développer une politique de siège.
C'est dans ces conditions que le contrôleur financier a estimé devoir viser les propositions d'engagement et les ordres de paiement correspondants relatifs à ces acomptes.
3. Les relations entre la Cour de justice et l'autorité budgétaire
Au point 4 de son rapport, la Cour des comptes reproche un manque d'information préalable de l'autorité budgétaire et l'absence d'autorisation préalable en vue de la conclusion de contrats immobiliers, quel qu'en soit l'objet (location, achat ou location-achat).
La question de l'association de l'autorité budgétaire aux décisions immobilières de la Cour de justice s'est posée différemment suivant qu'elles s'inscrivaient dans le contexte d'une location ou d'un achat. Il convient en conséquence de distinguer les locations pures et simples (point 3.1) de la convention de location-achat conclue en 1994 (point 3.2).
3.1. Les locations pures et simples
Non seulement l'autorité budgétaire a été informée de l'intention de la Cour de justice d'occuper les nouveaux locaux en qualité de locataire (point 3.1.1), mais elle a toujours accordé les crédits nécessaires pour couvrir ces frais de location (point 3.1.2).
3.1.1. L'information sur l'intention de la Cour de justice d'occuper les nouveaux locaux en qualité de locataire et sur ses conséquences
Dès le début de l'année 1979, la Cour de justice a sensibilisé l'autorité budgétaire à ses besoins immobiliers; le Conseil a alors inscrit au budget de la Cour de justice pour l'exercice 1980 des crédits supplémentaires en vue de la location de bureaux additionnels.
Dans le cadre du même exercice budgétaire, le Conseil a également accordé des crédits pour financer des études portant sur la possibilité d'héberger certains services de la Cour de justice dans un bâtiment à construire à proximité immédiate du Palais. Plus tard, dès mai 1984 (lettres du président de la Cour de justice au président du Conseil et du greffier au président du comité des représentants permanents et à la présidente du comité budgétaire du Conseil), le Conseil a été informé de l'intention de la Cour de justice de louer une annexe à construire. Le Conseil a marqué son accord. Même si cette location présentait la particularité d'être envisagée dans le cadre d'un immeuble à construire en fonction des besoins spécifiques de la Cour de justice, l'autorité budgétaire n'a pas pu se méprendre sur l'intention de la Cour de justice de louer cet immeuble. Cette intention ressortait clairement des courriers de cette dernière et, plus tard, de la loi de finances luxembourgeoise de 1985 autorisant la construction de la première annexe destinée à abriter ces bureaux. Cette loi indiquait que "la formule la plus favorable pour permettre la réalisation dans un délai rapproché de l'extension envisagée était la construction par le gouvernement luxembourgeois d'une annexe au Palais de la Cour qui serait, comme le Palais actuel, louée à la Cour dès sa construction".
Le Conseil a également été informé de l'analyse de la Cour de justice selon laquelle la formule de la location ne devait pas conduire à une augmentation de son budget dans l'immédiat et de l'intention de la Cour de justice de saisir l'autorité budgétaire dès qu'une augmentation du budget se révélerait nécessaire en raison de l'évolution des besoins. L'analyse de la Cour de justice reposait sur la considération que, dans l'immédiat, les coûts de la location de la première annexe seraient couverts par les crédits accordés pour la location de bureaux en dehors du Palais. La Cour de justice n'a jamais occulté le fait que ses moyens budgétaires devraient être adaptés à ses besoins immobiliers, en évolution constante et rapide.
Le Conseil a avalisé la solution retenue par la Cour de justice.
3.1.2. L'autorité budgétaire a accordé les crédits nécessaires pour couvrir les frais de location
Les crédits nécessaires pour couvrir les dépenses exposées au titre de la location d'immeubles ont été octroyés par l'autorité budgétaire dans le cadre de l'élaboration du budget annuel (point 3.1.2.1). L'autorité budgétaire a également été informée des prévisions pluriannuelles de la Cour de justice dès l'existence d'un cadre approprié à cette fin (point 3.1.2.2).
3.1.2.1. L'implication de l'autorité budgétaire dans le cadre de l'élaboration du budget annuel
Lorsque des augmentations de crédits se sont révélées nécessaires pour faire face aux frais découlant de locations existantes ou envisagées, l'autorité budgétaire a toujours été dûment informée, dans le cadre de l'élaboration du budget annuel.
Les demandes documentées de crédits budgétaires présentées par la Cour de justice à l'autorité budgétaire en vue de couvrir les frais de location ont systématiquement fait l'objet, au cours de toute la période considérée, de discussions approfondies au sein du comité budgétaire du Conseil et de la Commission des budgets du Parlement européen, à l'occasion de l'examen de chaque projet de budget de l'institution. Jusqu'en 1997, le comité budgétaire du Conseil procédait à un examen ligne par ligne du projet de budget et la ligne "Loyers" donnait généralement lieu à des débats approfondis, notamment entre le représentant du Grand-Duché de Luxembourg et les représentants des autres États membres.
S'agissant plus particulièrement du premier exercice budgétaire au cours duquel des dépenses de location de la première annexe ont été exposées, à savoir l'exercice 1988, l'état prévisionnel contenait à la ligne 200 "Loyers" le montant nécessaire pour la location "du nouveau bâtiment annexe du Palais pour quatre mois, déduction faite du loyer 'Jean Monnet' correspondant à cette période". Le fait d'avoir obtenu ces crédits peut être considéré comme un accord de l'autorité budgétaire quant à la prise en location de ce premier bâtiment annexe. À partir du printemps 1987, l'autorité budgétaire avait en effet été saisie d'une demande de crédits et avait eu l'occasion d'exprimer ses commentaires tout au long de la procédure d'approbation du budget pour l'exercice 1988. C'est ainsi que la résolution du Parlement européen sur le projet de budget pour 1988 relève que "l'occupation par la Cour de sa nouvelle annexe, bâtiment dont la superficie est égale à celle de ses locaux actuels, entraînera inévitablement une augmentation sensible de ses besoins financiers" et que le rapporteur propose "que les dépenses liées à l'occupation du nouveau bâtiment de la Cour de justice fassent l'objet d'une dotation suffisante".
3.1.2.2. L'information de l'autorité budgétaire dans le cadre de prévisions pluriannuelles
Malgré l'absence de cadre approprié pour la présentation de prévisions budgétaires pluriannuelles, la Cour de justice a constamment informé le Conseil sur l'évolution prévisible de son développement et de ses besoins immobiliers eu égard, notamment, à l'augmentation de sa charge de travail, aux élargissements successifs de la Communauté, à l'extension de ses compétences, à la création du Tribunal de première instance et à la croissance de ses effectifs.
Lorsque, en 1988, suite à une décision du Collège des chefs d'administration, le cadre approprié pour la présentation de prévisions budgétaires pluriannuelles portant sur les dépenses administratives a vu le jour, la Cour de justice, à l'instar des autres institutions, a saisi l'autorité budgétaire de telles prévisions, parmi lesquelles celles relatives aux dépenses de loyer pour la période 1989 - 1992. Ces prévisions ont été acceptées par l'autorité budgétaire sur la base d'une communication de la Commission; toutefois, l'autorité budgétaire n'en a pas tiré les conséquences pour l'établissement d'un budget pluriannuel d'investissement doté de crédits dissociés.
3.2. La convention de location-achat de 1994
En 1979, la Cour des comptes a publié un rapport préconisant l'achat plutôt que la location des immeubles occupés par les institutions communautaires. En 1981, le Conseil a déclaré qu'il n'avait pas d'opposition de principe à l'achat d'immeubles par les institutions. Mais, ainsi que le relève la Cour des comptes, le Conseil a refusé, en tant qu'autorité budgétaire "d'assurer les moyens financiers nécessaires" à l'acquisition des immeubles (décision du Conseil du 14 décembre 1981, citée aux points 10.62 à 10.66 du rapport annuel de la Cour des comptes relatif à l'exercice 1987, JO C 316 du 12.12.1988, p. 1). En juillet 1990, le rapporteur de la Commission des budgets du Parlement européen sur le budget 1991 de la Cour de justice, a envisagé d'inscrire au budget de la Cour de justice de 1991 les crédits nécessaires à l'achat des bâtiments "Palais" et "Erasmus". Ces velléités sont toutefois restées vaines, puisque seuls des crédits destinés à couvrir les loyers de ces deux bâtiments ont été inscrits au budget 1991, malgré le texte de la Résolution du Parlement européen A3 - 360/90.
Alors que la construction des annexes A, B et C s'était effectuée dans la perspective d'un contrat de location à conclure et que la Cour de justice persévérait dans ses tentatives d'obtenir du pays hôte un accord sur un montant de loyer raisonnable, ce nouveau contexte a conduit la Cour de justice à envisager l'inclusion d'une option d'achat dans le contrat de bail en discussion.
Comme indiqué plus haut, l'autorité budgétaire a défini, en 1992, une politique immobilière prônant clairement l'acquisition par les institutions des bâtiments qu'elles occupaient ou seraient appelées à occuper.
L'affermissement de cette nouvelle politique immobilière des institutions communautaires et l'accueil de plus en plus favorable réservé par l'autorité budgétaire à l'idée d'acquérir les annexes A, B et C, conjugués au voeu des autorités luxembourgeoises de calculer le loyer sur la base d'un amortissement des capitaux investis sur une période de vingt ans, a accéléré la négociation d'une convention combinant des prestations de location et l'achat différé des bâtiments.
Ce changement d'approche a conduit à une intensification des échanges entre la Cour de justice et les deux branches de l'autorité budgétaire.
Cette dernière a naturellement été dûment informée de ce qu'une convention faisait l'objet de négociations avec les autorités luxembourgeoises, à tel point qu'en 1994, elle a décidé, par voie de BRS, d'allouer avant la fin de l'exercice budgétaire en cours un montant de 9,476 Mio ECU à la Cour de justice en vue de "couvrir partiellement la différence entre les loyers demandés par l'État luxembourgeois pour le nouveau complexe immobilier de la Cour, sur base d'une location avec option d'achat, et le montant que le budget de l'institution a permis de payer". L'utilisation de ces crédits présupposant que soit conclue une convention de location avec option d'achat, les Communautés européennes, représentées par la Cour de justice et l'État luxembourgeois ont signé une convention de location-achat, le 15 novembre 1994, après plusieurs années de négociations.
Le texte de la convention de location-achat a été communiqué à l'autorité budgétaire.
En 1996, l'autorité budgétaire a obtenu, à sa demande, un avis technique de la Cour des comptes concernant les engagements financiers régissant les immeubles de la Cour de justice. Cet avis ne contenait aucune critique du montage juridique et financier mis en place par la convention, ni aucune réserve quant au paiement anticipé sur le prix de vente en sus des indemnités annuelles qui était envisagé (à cet égard, voir point 5.2). Suite à cet avis, un montant de 50 Mio ECU a été mis à la disposition de la Cour de justice pour effectuer un paiement anticipé dans le cadre de la convention.
Il apparaît donc que l'autorité budgétaire a été associée aux projets d'acquisition de bâtiments par la Cour de justice dans le cadre de la convention de location-achat.
4. Le contrôle du coût de la construction et du financement des bâtiments annexes au Palais
La Cour des comptes dénonce un manque de contrôle de l'exécution des projets immobiliers et des composantes de leur coût [points 5, 7, 11 et 20 c), du rapport de la Cour des comptes].
Il importe de rappeler les conditions dans lesquelles ce contrôle a pu être exercé (point 4.1) et le renforcement progressif de ce contrôle (point 4.2).
4.1. Les conditions du contrôle
Le contrôle était soumis à des contraintes internes (point 4.1.1), d'une part, et à la nature des relations entre l'institution et les autorités luxembourgeoises (point 4.1.2), d'autre part.
4.1.1. Les conditions internes
Les services administratifs de la Cour de justice sont constitués pour apporter un soutien à l'activité juridictionnelle et assurer la gestion courante de l'institution. Leurs effectifs, peu nombreux, ne disposent pas dans leur sein des compétences étendues nécessaires pour assurer un contrôle détaillé et approfondi, sur le plan technique et financier, d'opérations de construction d'une telle envergure. Ce constat a conduit la Cour de justice à signer, en 1986, un contrat avec le bureau d'expert néerlandais Bouwcentrum qui n'a toutefois pas pu remplir correctement sa mission.
C'est dans ces conditions, et dans un contexte parfois marqué par l'urgence, que la Cour de justice a dû prendre des décisions pour faire face à ses besoins immobiliers et qu'un contrôle sur les dépenses en ce domaine a pu être exercé.
4.1.2. Les relations avec les autorités luxembourgeoises
Le contrôle de la Cour de justice a en outre été conditionné par la nature de ses relations avec les autorités luxembourgeoises.
Les relations en matière immobilière entre une institution communautaire et l'État membre du siège ne peuvent être jugées à l'aune d'une relation contractuelle entre un locataire et un propriétaire privés.
La Cour de justice est un locataire particulier en ce sens qu'elle a des exigences spécifiques en matière de construction (bâtiments accessibles au public, salles d'audience équipées de cabines d'interprétation, etc.) qui vont au-delà de simples besoins en bureaux. Les autorités luxembourgeoises ont tiré argument de cette situation particulière pour tenter de fixer le loyer en fonction du coût de la construction. Le rapport de la Cour des comptes souligne qu'une telle méthode aurait dû amener la Cour de justice à envisager un contrôle du coût de la construction et à exiger la formalisation par écrit des modalités détaillées de la procédure de construction. Encore eût-il fallu que, tandis que les parties se situaient dans une logique de location, les autorités luxembourgeoises acceptent d'associer la Cour de justice à la définition de ces modalités.
Or, les autorités luxembourgeoises ne se sont pas senties tenues d'associer la Cour de justice à l'élaboration du montage financier critiqué dans le rapport de la Cour des comptes et elles n'ont pas non plus estimé devoir l'impliquer dans le choix de l'architecte, du promoteur et de l'entreprise générale.
C'est seulement lorsque la Cour de justice a été appelée à devenir propriétaire qu'elle a pu avoir connaissance du montage financier. Ses relations avec les autorités luxembourgeoises sont toutefois restées marquées par la situation de départ. Elle a, en effet, éprouvé des difficultés récurrentes pour obtenir les informations nécessaires à un contrôle, qu'il se soit agi des montants des loyers, de l'exonération de la TVA ou de l'achat du terrain, ou pour obtenir des explications concernant certains travaux modificatifs ou supplémentaires. Un des exemples symptomatiques de l'ambiguïté qui a pu caractériser les relations avec les autorités luxembourgeoises réside dans le fait que, malgré leur accord pour céder les annexes sans bénéfice, elles ont continué à exiger le paiement des loyers pour le Palais alors que ce bâtiment était amorti depuis longtemps, et alors même qu'elles s'étaient engagées, en 1984, à réduire ces loyers à concurrence de l'amortissement financier du bâtiment.
4.2. Un renforcement progressif du contrôle
Le contrôle exercé par la Cour de justice est progressivement monté en puissance (point 4.2.1) avant d'être systématisé dans le cadre de la convention de location-achat (point 4.2.2).
4.2.1. La montée en puissance du contrôle
Les services de la Cour de justice ont tenté à plusieurs reprises d'intervenir dans les choix retenus par les autorités luxembourgeoises sans toujours obtenir satisfaction. Pendant la période où la Cour de justice se trouvait dans la position de futur locataire, ce sont essentiellement des observations relatives aux besoins fonctionnels de la Cour de justice qui ont été formulées, et même celles-là n'ont pas toujours été suivies.
À partir de l'occupation du premier bâtiment annexe (Erasmus), en automne 1988, les services de la Cour de justice ont avancé un grand nombre de revendications afin que ce bâtiment soit rendu davantage conforme à sa destination et que cet aspect soit pris en compte dès la conception d'éventuelles futures autres constructions. Ces revendications visaient à éviter les surcoûts importants occasionnés par des travaux rectificatifs.
Dès qu'il a été établi que la Cour de justice était appelée à devenir propriétaire des immeubles, elle a fait valoir des observations sur les différents aspects du coût de leur construction. Ceci fut en particulier le cas pour l'annexe C, dont la construction a débuté en février 1992 et dont les projets originaux ont été modifiés de façon significative à l'initiative des services de la Cour de justice. Il convient de constater toutefois que, à ce moment, le montage financier avait déjà été arrêté par les autorités luxembourgeoises et que l'essentiel du programme de construction était figé.
S'agissant des frais financiers, de nouvelles conditions plus favorables ont pu être obtenues de la BCEE à la suite de négociations difficiles entamées après la signature de la convention. La Cour de justice a, en effet, estimé que dans le cadre de la convention de location-achat, elle se devait, dans un souci de bonne gestion, de tenter de renégocier, sous la conduite d'un représentant du ministère luxembourgeois des finances, les conditions de prêt convenues entre l'État luxembourgeois et la BCEE.
4.2.2. Le contrôle mis en place par la convention de location-achat
La convention a mis en place un dispositif de contrôle (voir point 5).
En réponse au point 16 du rapport de la Cour des comptes, il convient de relever que certains dépassements de l'enveloppe financière initialement prévue résultent de demandes de la Cour de justice justifiées par l'évolution des besoins (édification d'un étage supplémentaire à l'annexe C, augmentation du nombre de cabines d'interprétation, etc.).
5. La convention de location-achat du 15 novembre 1994
La convention de location-achat, adoptée au terme de longues négociations (point 5.1), met en place un mécanisme (point 5.2) et détermine les éléments du prix final de vente des bâtiments (point 5.3), lequel n'inclut pas certaines dépenses que les autorités luxembourgeoises s'étaient engagées à prendre en charge en 1983 et 1984 (point 5.4), et a été négociée indépendamment du contrat de bail du Palais (point 5.5). Enfin, elle permet la préservation des intérêts financiers des Communautés (point 5.6).
5.1. La genèse de la convention
Il y a lieu de se reporter, à cet égard, au point 3.2.
La convention est un compromis résultant de longues négociations entre la Cour de justice et les autorités luxembourgeoises, et non le contrat idéal que la Cour de justice ambitionnait de signer.
5.2. Le mécanisme mis en place
La Cour des comptes connaît bien le mécanisme mis en place par la convention, qu'elle a décrit dans son avis technique du 30 mai 1996 concernant les engagements financiers régissant les immeubles de la Cour de justice. Il peut être résumé comme suit.
La convention n'entre dans aucune catégorie de contrats nommés. Il s'agit d'un contrat sui generis alliant des éléments de location et de vente. Par cette convention, l'État luxembourgeois s'engage en particulier à céder les immeubles à la Cour de justice (après cession de ceux-ci en faveur de l'État par la société immobilière chargée de la construction). Pour sa part, la Cour de justice s'engage à rembourser à l'État l'investissement au prix coûtant, sans perte ni bénéfice pour celui-ci, par des indemnités annuelles. Les indemnités payées sont considérées comme paiements anticipés en vue de l'achat des bâtiments par les Communautés européennes (article 8.1 de la convention). Elles sont dues tant que leur montant cumulé n'atteint pas le prix de vente diminué du montant de la TVA.
Bien que les effets de la convention s'étendent du 1er août 1988 (date de la première occupation partielle des locaux) à la date à laquelle les Communautés européennes deviendront propriétaires de l'ensemble des trois annexes et ce, au plus tard le 31 décembre 2015, les indemnités annuelles n'ont dû être versées qu'à partir du 1er janvier 1995. Les sommes versées pour l'occupation des bâtiments entre 1988 et 1994 ont été imputées sur le prix à titre d'indemnités échues (voir point 5.3.2).
Le montant de l'indemnité annuelle peut être adapté à la suite de paiements anticipés sur le prix de vente en sus des indemnités annuelles (article 8.2 de la convention). Son montant était initialement fixé à 633520 000 LUF (16,3 Mio ECU). À la suite du paiement anticipé de 50 Mio ECU effectué en octobre 1996 sur la base de l'avis précité de la Cour des comptes, le montant de l'indemnité annuelle a été abaissé à 405000 000 LUF. Ce montant est adaptable en cas d'augmentation sensible des taux d'intérêt des prêts servant au financement des annexes.
5.3. Le prix de vente
5.3.1. Les éléments constitutifs du prix de vente
La convention ne fixe pas le montant du prix de vente, mais énumère les éléments permettant de le déterminer.
La raison en est triple: premièrement, le taux auquel les prêts ont été consentis n'est pas fixe sur toute la période de financement, de sorte que les coûts de financement peuvent varier en fonction de l'évolution des taux; deuxièmement, lors de la conclusion de la convention, certains coûts de construction n'étaient pas encore connus des parties; troisièmement, certains coûts de construction faisaient - et font toujours - l'objet d'un différend entre les services de la Cour de justice et les autorités luxembourgeoises (vices de conception et malfaçons).
Le prix de vente des bâtiments est déterminé en prenant en compte les dépenses, qu'elles soient financées directement par l'État ou par le promoteur (article 8.1 de la convention). Il s'agit des dépenses liées au coût de la construction, des honoraires d'architectes et d'ingénieurs, des frais en relation avec le financement des dépenses (commissions, garanties et charges d'intérêts) et de ceux encourus par l'État en tant que bailleur.
5.3.2. L'inclusion des acomptes sur loyer versés entre 1988 et 1994 en l'absence de contrat écrit
En raison de l'absence de contrat de bail écrit stipulant les conditions d'occupation des annexes, les parties à la convention de location-achat ont été amenées à raisonner en dehors du cadre conceptuel strict du bail pour analyser les sommes versées à titre d'acomptes sur loyer entre 1988 et 1994. En effet, à la différence de la situation prévalant au Palais, dont l'occupation fait l'objet d'un contrat de bail écrit, les autorités luxembourgeoises ont admis qu'il était justifié de valoriser les sommes versées entre 1988 à 1994 à titre d'acomptes (voir points 2 et 5.2) en les qualifiant d'indemnités échues (article 6 de la convention), qui se distinguent ainsi des loyers versés "à fonds perdus".
5.3.3. Les modalités de détermination du prix de vente et la mission de l'expert indépendant
L'article 9 de la convention prévoit que, dès son entrée en vigueur, les parties désignent un expert indépendant chargé notamment du calcul du prix de vente des bâtiments. Les frais et honoraires de l'expert sont supportés à parts égales par l'État et la Cour de justice. En application de cet article, un expert a été désigné en février 1995.
L'offre de services de l'expert, qui a été acceptée par la Cour et les autorités luxembourgeoises, et qui forme donc le cadre contractuel de sa mission, prévoit que celle-ci s'articule en quatre phases: premièrement, la détermination des paramètres du calcul, deuxièmement, la détermination du prix de vente au 31 décembre 1994, troisièmement, la saisie annuelle des flux financiers (frais de financement, frais encourus par l'État luxembourgeois en tant que bailleur et TVA), ainsi que l'actualisation annuelle du prix de vente et du prix restant à payer et, quatrièmement, l'établissement du décompte final.
L'offre de services stipule que les informations indispensables pour la détermination du prix de vente au 31 décembre 1994 seront mises à la disposition de l'expert par les ministères luxembourgeois des finances et des travaux publics. Selon l'offre de services, "les coûts énoncés seront déterminés et contrôlés sur base des informations reçues par les ministères concernés. Un audit sur base des pièces justificatives sera effectué." (point 2.2 de l'offre de services).
Il apparaît donc que les moyens mis à la disposition de l'expert pour déterminer correctement le coût de construction et vérifier que le prix de vente reflète la réalité des coûts de l'opération ont été prévus dans le cadre de la convention.
Le montant ainsi déterminé sert ensuite de base de calcul pour l'actualisation annuelle du prix de vente à partir de 1988 et du montant restant à payer. À cette fin, il est tenu compte des sommes payées sous forme d'indemnité annuelle ou de paiement anticipé, d'une part, et des frais et dépenses encourus, d'autre part. Le montant restant à payer par les Communautés est représenté chaque année par le prix de vente actualisé des bâtiments diminué du montant actualisé des indemnités payées par la Cour et de la TVA (article 8.1 de la convention).
Pour déterminer les flux financiers et le montant restant à payer, l'expert indépendant se base, d'une part, sur les données générées par le système comptable de la comptabilité de l'État et, d'autre part, sur les données fournies par les extraits bancaires relatifs aux comptes de prêts de la BCEE ou d'autres comptes bancaires en relation avec la convention (point 2.3 de l'offre de services).
La Cour de justice estime que, dès lors que le coût de construction, qui sert de base au calcul du montant restant à payer, doit être déterminé sur la base de pièces justificatives (c'est-à-dire de pièces qui justifient que les dépenses ont été exposées en application de l'article 8.1 de la convention), la mission confiée à l'expert indépendant ne se limite pas à un contrôle purement comptable des dépenses, mais s'étend également à une vérification de leur bien-fondé. S'il apparaît que le coût de construction a été déterminé de façon erronée ou que le prix de vente ne reflète pas les coûts de construction, il devra être rectifié et le montant restant à payer corrélativement corrigé (voir point 5.6, paragraphe 1). La Cour de justice estime, en conséquence, que des garanties existent pour que seules les dépenses mises à sa charge par la convention soient effectivement supportées par l'institution.
5.4. Le sort réservé aux engagements pris par les autorités luxembourgeoises en 1984
La Cour des comptes regrette que la convention n'exclue pas du prix total des dépenses que les autorités luxembourgeoises s'étaient engagées unilatéralement à supporter en juin 1983 et lors de la séance du Conseil de gouvernement du 30 mars 1984.
Il y a lieu de souligner d'abord que ces engagements unilatéraux, ainsi que la Cour des comptes le relève au point 14 de son rapport, ont été pris dans un contexte totalement différent de celui qui prévalait lors de la conclusion de la convention de location-achat en 1994. Celle-ci est le fruit d'un compromis qui repose non pas sur les engagements unilatéraux de 1983 et 1984, mais essentiellement sur des éléments de négociation d'une nature différente, telle que la valorisation des acomptes sur loyer versés entre 1988 et 1994 (voir point 5.3.2).
Il n'en reste pas moins que la convention de location-achat n'impute pas à la Cour de justice plusieurs dépenses que les autorités luxembourgeoises s'étaient engagées à prendre en charge en 1983 et 1984, telles que celles liées à la jouissance du terrain (point 5.4.1) et à la voirie (point 5.4.2).
5.4.1. La problématique du terrain
Lorsque les autorités luxembourgeoises ont présenté le 14 mars 1994 leur premier projet de convention fixant les conditions d'occupation des annexes alors qu'il était envisagé de céder à terme les bâtiments (ce qui n'était nullement le cas en 1984), elles ont spécifié que "le prix du terrain est fixé à 200000 000 LUF l'hectare".
La Cour de justice a rejeté cette proposition, car elle a toujours considéré qu'un pays hôte soucieux de développer une politique de siège se devait d'offrir l'assiette des bâtiments que l'institution entendait acquérir. Ce résultat n'a pu être atteint, les autorités luxembourgeoises se référant au fait que la Cour des comptes avait acheté le terrain sur lequel a été construit son immeuble. Finalement, les autorités luxembourgeoises ont accordé à la Cour de justice un droit de superficie l'assurant de la jouissance gratuite du terrain pendant 98 ans. La Cour de justice a considéré que cette formule était économiquement la plus intéressante compte tenu du prix de vente proposé par les autorités luxembourgeoises.
Dans le cadre de la convention de location-achat de 1994, la Cour de justice a donc la jouissance gratuite du terrain sur lequel les annexes sont implantées au titre d'un droit de superficie, mais il est exact qu'elle n'en est pas propriétaire et qu'elle devra le devenir avant l'expiration du droit de superficie si elle veut éviter que la propriété des bâtiments ne soit transférée à l'État luxembourgeois.
À cet égard, on notera que le droit de superficie laisse ouverte, pendant toute sa durée d'effet, la possibilité de négocier la cession du terrain à titre gracieux.
5.4.2. La voirie
L'objet de la convention est décrit avec précision en son article 1er. Il s'agit des bâtiments ainsi que de leurs appartenances et dépendances inscrits au cadastre de la commune de Luxembourg, section E C de Weimerskirch sous partie des numéros 840/4284, 871/4923 et 871/4983.
Les voies publiques ne sont pas visées par la convention. Par conséquent, le coût de construction de telles voies ne constitue nullement une dépense entrant dans le calcul du prix de vente tel que déterminé en application de l'article 8.1 de la convention.
Pour répondre aux points 8 et 14 du rapport de la Cour des comptes, on relèvera que cette disposition de la convention permet à la Cour d'exclure, dans la détermination du prix final des immeubles, le coût de la réalisation de voies publiques, telle que la route de liaison entre le boulevard K. Adenauer et la rue du Fort Niedergrünewald, quand bien même cette route destinée à faciliter la circulation publique aurait été construite à la suggestion de la Cour de justice.
5.5. Le loyer du Palais
Pour répondre à la dernière phrase du point 19 du rapport de la Cour des comptes, la Cour de justice souligne que le loyer du Palais est fixé au point III du contrat de bail conclu le 5 juin 1973 par l'État luxembourgeois et la Cour de justice.
La Cour de justice s'est limitée à demander à l'autorité budgétaire les crédits nécessaires pour payer le loyer contractuel et à honorer celui-ci au moyen de ces crédits.
5.6. La préservation des intérêts financiers des Communautés
Il ressort de l'économie de la convention de location-achat, de son préambule, de son article 8.1 et du contexte de sa conclusion (contestation de certaines dépenses avant même sa signature: voir point 5.3.1, paragraphe 2) que le montant restant à payer établi annuellement par l'expert n'est qu'une estimation, susceptible d'être rectifiée à la lumière d'informations nouvelles, d'informations qui n'auraient pas été produites par les ministères précités (voir point 5.3.3) en exécution de leurs obligations ou d'appréciations nouvelles d'informations existantes.
En conséquence, on ne saurait conclure que la Cour de justice a accepté de prendre à sa charge des dépenses qui n'ont pas lieu d'être prises en considération pour le calcul du prix de vente tel que déterminé à l'article 8.1 de la convention. Au contraire, elle a, dès le départ, contesté l'inclusion de certaines dépenses dans ce calcul (voir point 5.3.1, paragraphe 2).
À l'heure actuelle, une longue liste de points litigieux existe toujours et les services de la Cour de justice continuent de négocier avec les instances luxembourgeoises en vue d'exclure certains frais du décompte final.
La Cour des comptes relève, d'une part, certaines insuffisances tant dans les vérifications de l'administration luxembourgeoise que dans celles de l'expert indépendant (points 17 et 18 du rapport de la Cour des comptes) et, d'autre part, l'imputation indue de certains coûts qui en est résultée (points 8, 14 et 20 f), du rapport de la Cour des comptes).
Afin de prendre la mesure des anomalies de facturation constatées et des frais financiers qui ne sont pas directement liés au financement des constructions, la Cour de justice invitera les autorités luxembourgeoises, d'une part, à procéder ou faire procéder à des investigations supplémentaires approfondies et, d'autre part, à lui donner accès, directement ou, le cas échéant, par l'intermédiaire d'un auditeur externe, à tous documents utiles à la détermination du prix de vente tel que défini à l'article 8.1 de la convention.
Les clarifications sur ce prix devront être apportées au plus tard à l'expiration de la convention, actuellement prévue pour l'année 2007. Jusqu'à cette date, voire jusqu'à ce que les deux parties concernées se soient mises d'accord sur le décompte final, toute estimation d'un éventuel préjudice subi par les Communautés ne saurait être que purement conjecturale.
La Cour de justice n'a aucune raison de penser que l'exécution de la convention n'obéira pas au principe de l'exécution de bonne foi des conventions inscrit à l'article 1134, troisième alinéa, du code civil luxembourgeois, applicable en vertu de l'article 19 de la convention, lequel stipule que la convention est régie par le droit luxembourgeois.
Il y a d'autant moins lieu d'en douter que l'exécution de cette convention ne saurait qu'être inspirée par le principe de collaboration entre la Communauté et les États membres consacré par le traité CE, dans le cadre duquel s'inscrit la protection des intérêts financiers des Communautés.
6. Conclusion
- Les constructions des trois annexes au Palais ne se sont pas inscrites dès le départ dans un programme immobilier d'ensemble, mais se sont articulées progressivement l'une à l'autre en réponse à des besoins en évolution constante.
- À l'époque où les différentes constructions ont été entreprises, seule la location était envisageable pour la Cour de justice compte tenu de la politique immobilière qui était alors celle des institutions communautaires.
- À l'occasion de ses demandes de crédits pour faire face aux locations envisagées, la Cour de justice a donné à l'autorité budgétaire toutes les informations dont elle disposait elle-même.
- La Cour de justice n'a pas été pleinement informée du montage financier retenu par les autorités luxembourgeoises jusqu'à ce qu'elle envisage l'acquisition des bâtiments; en sa qualité de locataire, elle ne pouvait pas exiger de l'être.
- La Cour s'est trouvée contrainte d'occuper les bâtiments sans contrat écrit et, compte tenu de l'occupation de fait qui en est résultée, estime que les autorités luxembourgeoises étaient en droit d'exiger une contrepartie et que la Cour de justice était, par conséquent, tenue d'effectuer des versements sous forme d'acomptes.
- Après la définition par l'autorité budgétaire d'une politique immobilière préconisant l'achat des immeubles occupés par les institutions communautaires, la Cour de justice a envisagé d'acquérir les annexes qu'elle occupe; elle a signé à cet effet une convention de location-achat qui résulte d'un compromis obtenu après de longues et difficiles négociations.
- La Cour de justice estime que la mission confiée à l'expert indépendant dans le cadre de cette convention ne se limite pas à un contrôle purement comptable des dépenses, mais s'étend également à une vérification de leur bien-fondé.
- La Cour de justice estime également que le montant restant à payer établi annuellement par l'expert indépendant n'est qu'une estimation susceptible d'être rectifiée.
- Les conditions prévues par la convention de location-achat quant au prix de vente à payer par la Cour offrent des garanties pour que seules les dépenses mises à sa charge en vertu de la convention soient effectivement supportées par l'institution.
- La Cour de justice diligentera des investigations complémentaires afin de s'assurer qu'aucune irrégularité ayant pour effet de porter préjudice aux intérêts financiers des Communautés n'a été commise.

(1) Rapport spécial de la Cour des comptes relatif à la politique immobilière des institutions des Communautés européennes, en particulier le point 7.5.3, JO C 221 du 3.9.1979, p. 1.
(2) Voir, notamment, le rapport annuel de la Cour des comptes relatif à l'exercice 1987, point 10.50 (JO C 316 du 12.12.1988, p. 1).
(3) L'ignorance par la Cour de justice des conditions financières arrêtées par les propriétaires des immeubles loués en ce qui concerne notamment l'amortissement des capitaux investis n'avait du reste rien d'extraordinaire, ainsi que le montre la réponse donnée par M. Burke au nom de la Commission à une question de M. Tyrell, parlementaire européen [question écrite n° 2039/83 (JO C 194 du 23.7.1984, p. 1)].


Annexe


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Structure analytique Document livré le: 14/07/2000


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