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Législation communautaire en vigueur
Document 399D0581
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[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]
399D0581
1999/581/CE: Décision de la Commission, du 9 décembre 1998, concernant l'aide d'État accordée par l'Allemagne à la centrale au lignite de Cottbus [notifiée sous le numéro C(1998) 4275] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.)
Journal officiel n° L 220 du 20/08/1999 p. 0033 - 0037
Texte:
DÉCISION DE LA COMMISSION du 9 décembre 1998 concernant l'aide d'État accordée par l'Allemagne à la centrale au lignite de Cottbus [notifiée sous le numéro C(1998) 4275] (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (1999/581/CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles et vu ces observations, considérant ce qui suit: I. PROCÉDURE La Commission a appris, par le biais d'une plainte déposée le 26 mars 1996 par un membre du Parlement européen, que l'Allemagne avait versé une aide à la centrale au lignite de Cottbus. Par lettres du 7 juin et du 5 septembre 1996, la Commission a demandé des renseignements à ce sujet aux autorités allemandes, qui y ont répondu par lettres du 26 juillet 1996 et du 20 février 1997. Par lettre du 12 août 1997, la Commission a informé l'Allemagne de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité en ce qui concerne cette aide. L'Allemagne a transmis sa réponse par lettre du 31 octobre 1997. La communication de la Commission sur l'ouverture de la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes(1). Tous les intéressés ont été invités à présenter leurs observations à cette occasion. Ces observations ont été transmises à l'Allemagne par lettre du 3 mars 1998. Une visite de la centrale de Cottbus a eu lieu les 6 et 7 mars 1998, à laquelle ont également pris part des représentants de la Commission. Le 9 juillet 1998, l'Allemagne a pris position sur les observations qui lui ont été communiquées. II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE Cottbus est située dans le plus important bassin de lignite de la partie orientale de l'Allemagne, dont le gisement est exploité par Lausitzer Braunkohle AG (ci-après dénommée "Laubag"). Le 26 avril 1995, la ville de Cottbus a décidé de remplacer sa centrale thermique au lignite, construite à l'époque de la République démocratique allemande (RDA) et qui ne correspondait plus aux normes techniques actuelles, surtout en matière de consommation de combustible et de protection de l'environnement, par une nouvelle centrale moderne à production combinée chaleur-électricité (PCCE). Le projet vise essentiellement à approvisionner la ville de Cottbus en chauffage (70 % environ des foyers sont raccordés à un réseau de chauffage urbain). Accessoirement, la centrale produit de l'électricité, exclusivement pour la ville de Cottbus. Le coût du projet s'élève au total à 395 millions de marks allemands. Le Land de Brandebourg a soutenu financièrement cet investissement afin de compenser l'écart de prix avec une centrale de chauffage moderne au gaz, qui aurait coûté quelque 185 millions de marks allemands. L'aide de 49,95 millions de marks allemands a été versée sur une base ad hoc, car l'Allemagne a expressément exclu le secteur de l'énergie du bénéfice des subventions accordées dans le cadre du régime d'aides régionales allemand autorisé par la Commission, intitulé "Gemeinschaftsaufgabe" (tâche d'intérêt commun)(2), en vertu duquel des aides à l'investissement pouvant atteindre 35 % du coût total des investissements peuvent être octroyées dans le Land de Brandebourg, une région relevant de l'article 92, paragraphe 3, point a), du traité. En outre, ce projet n'a bénéficié d'aucune aide d'État supplémentaire, que ce soit sur une base ad hoc ou dans le cadre de régimes d'aide autorisés en matière de recherche et de développement ou de protection de l'environnement. La centrale emploie actuellement 243 personnes. À Cottbus, l'emploi du lignite comme combustible dans une centrale PCCE à lit fluidisé de deuxième génération, alimentée sous pression, constitue une première mondiale. La Commission a, pour cette raison, décidé d'accorder pour ce projet 29 millions de marks allemands supplémentaires dans le cadre du programme Thermie, institué par le règlement (CEE) n° 2008/90 du Conseil(3) (numéro du projet: SF/00122/95/DE/SE et SF/00264/97/DE/SE, "centrale thermique à lit fluidisé de deuxième génération, alimentée sous pression avec du lignite provenant de l'est de l'Allemagne"). L'objectif du projet est de démontrer que le lignite peut également être utilisé pour la combustion en lit fluidisé sous pression, ce qui permettrait d'accroître les possibilités d'exportation de cette technologie hors des frontières de la Communauté. En ce qui concerne les répercussions de cette mesure sur la concurrence, la Commission estimait toutefois que l'aide à l'investissement destinée à une centrale au lignite comparativement coûteuse pouvait constituer une aide d'État illégale en faveur de Laubag, l'entreprise régionale d'extraction de lignite, qui ne bénéficie pas, il est vrai, de prix préférentiels liés à ce projet, mais a conclu un contrat d'approvisionnement de longue durée avec la centrale. La présomption d'illégalité de cette aide d'État se fondait surtout sur un engagement pris par l'Allemagne dans le cadre de l'aide à l'investissement N 13/92 en faveur de la centrale thermique au lignite de Schkopau (Saxe-Anhalt), autorisée par la Commission à hauteur de 600 millions de marks allemands(4). Afin d'empêcher l'octroi systématique de subventions à l'industrie est-allemande du lignite et des distorsions de concurrence sur un marché de l'électricité libéralisé, la Commission avait subordonné l'autorisation de cette aide à l'engagement de l'Allemagne de ne plus octroyer d'aides directes ou indirectes destinées à l'utilisation du lignite. Les centrales électriques pourront cependant continuer à recevoir des subventions, à condition que celles-ci soient conformes aux décisions de la Commission relatives à l'autorisation des aides dans le cadre de régimes d'aide destinés à favoriser le développement régional, la recherche et le développement ou la protection de l'environnement, qu'elles ne visent pas l'utilisation de sources d'énergie déterminées, et ne soient pas prévues pour compenser les coûts supplémentaires résultant d'un tel choix. Étant donné qu'il s'agit, dans le cas de Cottbus, d'une aide ad hoc accordée en dehors du régime d'aides horizontales autorisé, la Commission a exprimé, vu l'engagement pris par les autorités allemandes en 1992, des doutes sérieux sur la compatibilité de l'aide à l'investissement du Land de Brandebourg avec les règles communautaires applicables en matière d'aides et a par conséquent décidé, le 30 juillet 1997, d'ouvrir la procédure en application de l'article 93, paragraphe 2, du traité. III. OBSERVATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES La Commission a reçu six prises de position, qui peuvent être résumées comme suit. Amt Jänschwalde, l'administration d'une commune située à proximité immédiate de la zone d'extraction de Laubag, est d'avis que l'aide en faveur de la centrale de Cottbus constitue manifestement une aide à l'industrie régionale du lignite. Elle estime que cette aide ne peut pas non plus être considérée comme une aide régionale au sens des dispositions communautaires applicables en la matière, car cette mesure est dépourvue de toute finalité régionale. De même, elle fait valoir que les centrales au lignite ne sont de toute évidence pas concurrentielles actuellement et ne le seront pas à l'avenir, sauf si les pouvoirs publics continuent à leur accorder des aides. En ce qui concerne l'incidence du projet sur l'environnement, cette administration considère que le gaz a incontestablement moins d'effets néfastes que le lignite, quelle que soit son utilisation. D'après ENRON Europe Ltd (ci-après dénommée "ENRON"), une entreprise de production et de distribution d'électricité fonctionnant au gaz, l'argument selon lequel les prix du lignite seraient plus stables ne peut être invoqué en faveur de cette source d'énergie, car les prix du gaz pourraient l'être tout autant si une garantie de prix équivalente était accordée pour ce combustible. L'entreprise signale en outre que l'utilisation du gaz peut garantir une meilleure protection de l'environnement. Les quatre autres commentaires portaient moins sur les répercussions du projet sur le marché de l'électricité que sur le combustible lui-même, dont l'emploi est critiqué parce qu'il n'est pas suffisamment respectueux de l'environnement. IV. OBSERVATIONS DE L'ALLEMAGNE En réponse à la décision de la Commission d'ouvrir la procédure en application de l'article 93, paragraphe 2, du traité, l'Allemagne a fait valoir en premier lieu que l'entreprise Laubag ne pouvait guère être considérée comme bénéficiaire de l'aide, car l'avantage pour l'entreprise est tout au plus marginal. Celle-ci ne vend pas le lignite à des prix artificiellement élevés, mais dispose uniquement d'un contrat de livraison de longue durée, qui ne représente cependant que 0,9 % du volume total extrait annuellement. En outre, les autorités allemandes estiment que l'engagement pris en 1992 ne vaut pas dans le cas présent, puisque le projet vise pour l'essentiel le chauffage urbain. L'engagement en question porte sur la production d'électricité, alors qu'elle ne constitue en l'espèce qu'un produit secondaire. Selon l'Allemagne, il faut en outre considérer que Cottbus est située dans une région aidée en vertu de l'article 92, paragraphe 3, point a), du traité, où la Commission autorise des aides à l'investissement dont le montant peut atteindre 35 % du coût total du projet. L'investissement en question s'élevant au total à 395 millions de marks allemands, le projet aurait pu, théoriquement, bénéficier d'une aide d'environ 135 millions de marks allemands, donc nettement plus élevée que celle qui a été effectivement versée à ce jour (49,95 millions de marks allemands par le Land de Brandebourg et 29 millions de marks allemands par la Commission dans le cadre du programme Thermie). L'Allemagne considère que le projet est parfaitement conforme aux dispositions communautaires relatives aux marchés publics. Lorsque la décision a été prise en faveur de la centrale à production combinée fonctionnant avec la technologie de combustion en lit fluidisé sous pression, un appel d'offres a été lancé à l'échelon communautaire et publié dans le supplément du Journal officiel des Communautés européennes du 8 août 1995. De plus, tous les fabricants connus de procédés de combustion en lit fluidisé sous pression ont été directement invités à déposer des offres. Le marché a finalement été attribué à un fabricant allemand. Ni l'instance de contrôle des marchés publics (Vergabeprüfstelle) ni la commission des recours en matière de marchés publics (Vergabebeschwerdeausschuss) n'ont reçu de plainte concernant le déroulement de la procédure de passation du marché. En outre, le projet revêt un caractère expérimental, comme l'atteste également le financement communautaire accordé dans le cadre du programme Thermie. Les instituts de recherche de l'université technique de Cottbus suivent d'ailleurs avec attention les répercussions de l'utilisation du lignite dans le cadre d'une combustion en lit fluidisé sous pression. La réussite du projet consisterait à prouver que le lignite est un combustible compétitif. Les conséquences sur l'emploi dans le secteur du lignite seraient positives dans cette région structurellement faible, où il constitue la première industrie dont dépendent toujours, directement ou indirectement, entre 13000 et 17000 emplois (en 1989, ce nombre atteignait encore 73000). De plus, le projet a des répercussions positives sur la protection de l'environnement. Ainsi, selon l'Allemagne, il permet une réduction importante des émissions nocives et sonores, qui seraient même inférieures aux valeurs fixées par la législation nationale en la matière. L'Allemagne a communiqué à l'appui de ses affirmations les taux d'émission suivants: >EMPLACEMENT TABLE> En ce qui concerne les émissions sonores, l'Allemagne a présenté les valeurs suivantes: >EMPLACEMENT TABLE> L'Allemagne a commenté comme suit les observations des autres parties intéressées. La position défendue par l'administration de Jänschwalde est surtout dirigée contre la politique énergétique du Land de Brandebourg en général, notamment contre le déplacement de la commune de Horno, rendu nécessaire par l'extension d'une exploitation à ciel ouvert de Laubag. De même, les autorités allemandes ont une nouvelle fois souligné que le projet n'avait qu'une répercussion minime sur l'extraction du lignite dans la région et, partant, sur la concurrence entre les différents combustibles. Le fait que le gaz, combustible concurrent du lignite, occupe déjà, avec quelque 27 % du marché, une place importante dans les nouveaux Länder, contre 21 % en moyenne dans l'ensemble de l'Allemagne, confirme ces déclarations. À la fin de 1997, 40 % de l'ensemble des logements étaient chauffés au gaz dans la partie orientale de l'Allemagne. La part que représente le combustible de la centrale de Cottbus dans le volume total des combustibles utilisés en Allemagne dans les centrales de chauffage urbain n'atteint que 0,1 %. En ce qui concerne l'affirmation selon laquelle le gaz serait plus propre que le lignite, l'Allemagne rappelle que le gaz provoque des émissions supplémentaires de méthane, un élément que l'administration de Jänschwalde n'a pas mentionné. À l'égard des observations transmises par ENRON, l'Allemagne met avant tout en doute l'affirmation selon laquelle il serait possible, par le biais d'une garantie de prix, d'obtenir pour le gaz des prix aussi stables que pour le lignite. ENRON elle-même n'a pu fournir d'indications précises sur les conditions auxquelles le gaz pourrait être livré à prix constants durant une période longue et sur les risques qu'il faudrait alors prendre en compte. L'Allemagne a répondu aux quatre autres commentaires en rappelant une nouvelle fois que, en matière d'émissions nocives et sonores, les taux constatés pour le projet sont inférieurs aux limites en vigueur en Allemagne et que celui-ci contribue donc à la protection de l'environnement. V. APPRÉCIATION DE L'AIDE Le lignite ne relève pas du traité CECA, mais du traité CE. Par conséquent, cette subvention à l'investissement de 49,95 millions de marks allemands, accordée par le Land de Brandebourg pour la construction de la centrale au lignite de Cottbus, constitue de toute évidence une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE. Certes, les premiers bénéficiaires de cette aide sont les exploitants de la centrale, mais indirectement aussi l'industrie est-allemande du lignite et, dans le cas présent, Laubag en particulier. Cette aide devrait promouvoir l'utilisation du lignite, même si la construction d'une centrale alimentée par d'autres combustibles (le gaz par exemple) aurait été moins coûteuse. Cette aide peut fausser la concurrence et altérer les échanges entre les États membres. À la suite du rattachement de l'ex-RDA à la Communauté en 1990/1991, la production communautaire de lignite a brusquement augmenté. Au sein de la Communauté, seuls trois pays extraient du lignite en quantité significative et l'Allemagne représente 75 % de la production communautaire. Le lignite est normalement utilisé dans des centrales situées à proximité des gisements, car il n'est généralement pas rentable de le transporter sur de longues distances. On ne peut toutefois pas en déduire que le commerce du lignite soit inexistant au sein de la Communauté. De plus, il convient de noter que, en l'espèce, le lignite a été choisi alors qu'il était en concurrence avec le gaz, la houille et le pétrole. Sur le marché de l'énergie, ces produits sont interchangeables. Il convient donc d'examiner les différents marchés, celui des combustibles en général et l'éventuelle concurrence intracommunautaire qui y règne. Or, il existe effectivement, sur ces marchés, un commerce et une concurrence intracommunautaires entre les entreprises des différents États membres. L'aide en cause est donc susceptible d'affecter la concurrence entre entreprises sur le marché de l'énergie. L'aide n'a pas été accordée en vertu d'un régime d'aide autorisé préalablement par la Commission et aurait donc dû être notifiée individuellement en application de l'article 93, paragraphe 3, du traité. L'Allemagne ne s'étant pas acquittée de cette obligation, l'aide était illégale. En ce qui concerne la question de savoir si l'aide relève de l'une des exemptions prévues à l'article 92, paragraphes 2 et 3, du traité, il convient tout d'abord d'indiquer que l'engagement pris par l'Allemagne dans le cadre de l'aide d'État en faveur de Schkopau ne s'oppose pas à l'application de ces dispositions dans le cas présent. L'engagement mentionné devait à l'époque empêcher la mise en place, dans les nouveaux Länder, des mécanismes de protection appliqués pour le charbon dans la partie occidentale de l'Allemagne. Le projet de Cottbus constitue cependant une mesure ad hoc, qui n'a ni pour objectif ni pour conséquence de subventionner systématiquement l'industrie est-allemande du lignite, comme en attestent le fait que Laubag ne vend pas son produit à des prix artificiellement élevés, mais aux prix du marché et le fait que le lignite nécessaire pour ce projet ne représente qu'une partie infime (0,9 %) de la quantité extraite annuellement par Laubag. En outre, le projet vise surtout le chauffage urbain. L'électricité, sur laquelle porte essentiellement l'engagement de 1992, ne constitue qu'un produit secondaire. Dans le cadre de l'examen des dispositions dérogatoires de l'article 92, paragraphes 2 et 3, du traité, il convient de noter que les exemptions prévues à l'article 92, paragraphe 2, ne sont pas applicables à l'aide en question, en raison de ses caractéristiques, et au motif que celle-ci ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier de ces exemptions. Toutefois, l'aide peut être considérée comme compatible avec le marché commun sur la base de l'article 92, paragraphe 3, point a), du traité. L'application de cette disposition n'est pas exclue de prime abord, mais si l'aide n'a pas été octroyée en vertu du régime d'aides régionales allemand intitulé "Gemeinschaftsaufgabe" (tâche d'intérêt commun), c'est simplement parce que les investissements dans la distribution d'électricité ne peuvent en bénéficier. Cette restriction n'a pas été imposée par la Commission dans le cadre du contrôle des aides, mais par l'Allemagne, qui en a décidé ainsi unilatéralement. La Commission ne peut donc exclure un examen de l'aide sous l'angle régional, mais doit, comme pour l'aide d'État N 295/97 "Délipapier", France(5), vérifier dans chaque cas si les conditions nécessaires à l'application de l'article 92, paragraphe 3, point a), sont remplies. Il convient en outre de signaler que l'article 92, paragraphe 3, point a), peut également s'appliquer à des mesures ad hoc. La Cour de justice des Communautés européennes l'a confirmé dans l'arrêt qu'elle a rendu le 14 septembre 1994 dans les affaires C-278/92, C-279/92 et C-280/92 (Espagne/Commission)(6), selon lequel les aides ad hoc doivent également être examinées sous l'angle du respect des conditions fixées par l'article 92, paragraphe 3, point a), pour les aides régionales. Cette constatation s'applique également à l'aide en faveur de la centrale au lignite de Cottbus. Bien que ce projet serve à remplacer une ancienne centrale par une nouvelle, l'aide peut être considérée comme une mesure de soutien à l'investissement initial, qui peut être autorisée en vertu des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale(7). D'après le point 4.4 de ces lignes directrices, on entend également par investissement initial "un changement fondamental dans le produit ou le procédé de production d'un établissement existant (par voie de rationalisation, de diversification ou de modernisation)". En outre, Cottbus est située dans une région relevant de l'article 92, paragraphe 3, point a), dans laquelle le plafond d'aide autorisé est de 35 % pour les nouveaux investissements. Dans le cas présent, ce plafond est loin d'être atteint, car l'intensité de l'aide est de 20 %. Cette aide peut de surcroît favoriser le développement économique de cette région. Les répercussions du projet sur l'emploi dépassent certainement les 243 postes créés dans la centrale électrique elle-même. Le projet vise aussi le développement de la région à long terme. La nouvelle centrale permettra de créer un système moderne de chauffage urbain, ce qui améliorera globalement les infrastructures de cette région, auxquelles auront accès non seulement les ménages, mais également les établissements industriels existants et les investisseurs potentiels. En outre, la mise en service d'un nouveau procédé de combustion en lit fluidisé sous pression, retenu par la Commission dans le cadre de son programme Thermie pour recevoir une aide, devrait démontrer la compétitivité du lignite en tant que combustible. Si cette technologie est couronnée de succès, les effets sur l'emploi dans le secteur du lignite devraient être positifs. En 1989, le secteur du lignite employait encore 73000 personnes dans la région. Cette même année, la quantité extraite s'élevait à 195 millions de tonnes. Malgré une réduction spectaculaire des effectifs et de la production dans les années qui ont suivi 1989, l'industrie du lignite occupe toujours la première place dans cette région structurellement faible. Ainsi, des estimations montrent qu'une production annuelle de 35 à 40 millions de tonnes en l'an 2000 ferait travailler directement environ 5000 personnes dans l'extraction et l'ennoblissement du lignite. La transformation du lignite en électricité débouchera sur la création de 2000 autres emplois. À ces 7000 emplois directs pourraient encore s'ajouter 10000 postes supplémentaires, qui reposent sur des investissements dans les secteurs de l'approvisionnement, de l'entretien et de la transformation et dépendent par conséquent fortement de la conjoncture dans le secteur du lignite. Dans ce contexte, il apparaît que toute activité visant à améliorer l'avenir économique du lignite aura également des répercussions positives sur le nombre de salariés dépendant indirectement de ce secteur industriel. En outre, la Commission prend acte de la diminution prévue des nuisances pour l'environnement. Les chiffres présentés par l'Allemagne montrent que, en ce qui concerne les émissions nocives et sonores, la nouvelle centrale électrique est beaucoup moins polluante que l'ancienne. La Commission rappelle également que la centrale de Cottbus est une installation à production combinée de chaleur et d'électricité. Dans sa communication du 15 octobre 1997 au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions(8) sur la stratégie communautaire pour promouvoir la production combinée de chaleur et d'électricité (PCCE) et supprimer les obstacles à son développement, la Commission a une fois de plus mis expressément l'accent sur les effets bénéfiques de cette technologie en matière de protection de l'environnement et d'économies d'énergie. Il ne faut pas non plus oublier que la centrale fournit à la fois de la chaleur et de l'électricité et qu'elle produit par conséquent moins d'émissions que les centrales au charbon traditionnelles. La Commission a reconnu, dans d'autres cas, que l'emploi de la production combinée de chaleur et d'électricité légitimait l'attribution d'aides financières(9). Dans ce contexte, il convient en outre d'ajouter que, par sa décision du 18 décembre 1991(10), la Commission avait approuvé un programme d'aides d'un an destiné à restructurer le réseau de chauffage dans les nouveaux Länder et qui prévoyait des aides à l'investissement pouvant atteindre 35 % des coûts d'investissement, pour autant que ces mesures contribueraient à accroître l'efficacité du réseau et à faire diminuer la pollution. Le projet de Cottbus poursuit exactement ces objectifs. Enfin, il convient de noter que les conséquences négatives du projet sur le marché des combustibles à l'intérieur de la Communauté sont négligeables, car même l'entreprise de lignite Laubag ne retire qu'un bénéfice limité du projet. Il importe de rappeler à ce propos que Laubag ne profite aucunement de prix artificiellement élevés, mais qu'elle doit écouler son produit aux prix du marché. Cette entreprise bénéficie tout au plus d'un avantage indirect lié à un contrat d'approvisionnement de longue durée, qui, toutefois, ne couvre que 0,9 % du volume annuel extrait par l'entreprise. Les répercussions sur le marché des combustibles dans l'ensemble de la Communauté doivent donc être considérées comme minimales. Il faut en outre songer que le combustible utilisé dans la centrale de Cottbus ne représente que 0,1 % du combustible employé en Allemagne pour l'exploitation des centrales de chauffage. Par conséquent, la part que représente Laubag dans l'ensemble du marché allemand des combustibles n'augmentera que de 0,001 % du fait de l'alimentation de la centrale de Cottbus. En outre, le gaz, combustible concurrent du lignite, n'est absolument pas évincé du marché. Au contraire, depuis 1991 il détient dans les nouveaux Länder une part de marché plus grande que dans l'ensemble de l'Allemagne (27 % environ, contre quasiment 0 % en 1990). Fin 1997, 40 % de l'ensemble des logements dans la partie orientale de l'Allemagne étaient chauffés au gaz. À cet égard, il convient également de relever que les parties intéressées ont, dans leurs observations, accordé moins d'importance aux distorsions de concurrence qu'à l'aspect écologique de l'utilisation du lignite en général, qui ne peut, toutefois, justifier à lui seul l'ouverture d'une procédure en application de l'article 93, paragraphe 2, du traité. VI. CONCLUSIONS La Commission constate que l'aide attribuée par l'Allemagne en violation de l'article 93, paragraphe 3, du traité, est illégale. Eu égard aux effets positifs sur le développement régional, à la pollution moindre occasionnée par la nouvelle centrale en comparaison de l'ancienne, au caractère expérimental du projet, ainsi qu'à ses faibles répercussions sur la concurrence, la Commission est toutefois parvenue à la conclusion que l'aide à l'investissement en faveur de la construction d'une centrale au lignite à Cottbus était compatible avec le marché commun, A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier L'aide d'État de 49,5 millions de marks allemands accordée par le Land de Brandebourg à la centrale électrique au lignite de Cottbus est compatible avec le marché commun en application de l'article 92, paragraphe 3, point a), du traité.
Article 2 La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 9 décembre 1998.
Par la Commission Karel VAN MIERT Membre de la Commission
(1) JO C 381 du 16.12.1997, p. 5. (2) Voir point 3.1.3 du 24e plan-cadre de la tâche d'intérêt commun "Amélioration des structures économiques régionales", approuvé par décision du 30 avril 1996 (JO C 291 du 4.10.1996, p. 4). (3) JO L 185 du 17.7.1990, p. 1. (4) Décision du 22 juillet 1992 (JO C 203 du 11.8.1992, p. 15). (5) JO C 333 du 4.11.1997, p. 6. (6) Recueil 1994, p. I-4103. (7) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9. (8) COM(97) 514 final. (9) Tel a été le cas en Italie dans l'affaire NN 52/91, décision du 31 juillet 1991 (JO C 23 du 30.1.1992, p. 5). (10) JO C 184 du 21.7.1992, p. 8.
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Document livré le: 05/06/2001
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