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Document 399D0157

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[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


399D0157
1999/157/CE: Décision de la Commission du 22 avril 1998 relative à une aide d'État en faveur de Triptis Porzellan GmbH i. GV, Thuringe [notifiée sous le numéro C(1998) 1324] (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
Journal officiel n° L 052 du 27/02/1999 p. 0048 - 0054



Texte:


DÉCISION DE LA COMMISSION du 22 avril 1998 relative à une aide d'État en faveur de Triptis Porzellan GmbH i. GV, Thuringe [notifiée sous le numéro C(1998) 1324] (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (1999/157/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93, paragraphe 2, premier alinéa,
vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),
après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles et compte tenu de ces observations,
considérant ce qui suit:

I
Par lettre du 30 mai 1997, la Commission a informé l'Allemagne de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité CE à l'égard d'aides d'État en faveur de l'entreprise Triptis Porzellan GmbH, Thuringe (ci-après dénommée «Triptis»), et l'a mise en demeure de lui présenter ses observations.
Les autres États membres et parties intéressées ont été informés de l'ouverture de la procédure par voie d'avis publié au Journal officiel des Communautés européennes (1) et ont été invités à présenter leurs observations.
L'Allemagne a fait parvenir ses observations par lettre du 11 juillet 1997, enregistrée le même jour. Par lettres du 28 juillet et du 5 août 1997, la Commission a demandé des informations supplémentaires. L'Allemagne a répondu par lettres du 29 août (enregistrée le 12 septembre) et du 8 septembre 1997 (enregistrée le 9 septembre). Les 18 et 19 septembre 1997, des entretiens ont eu lieu à Berlin avec des représentants du gouvernement allemand au sujet de cette affaire.
Le 15 septembre 1997, la Commission a reçu des observations d'un concurrent espagnol. La traduction en a été adressée à l'Allemagne par lettre du 27 octobre 1997. L'Allemagne y a répondu par lettre du 1er décembre, enregistrée le 2 décembre 1997.

II
Triptis Porzellan GmbH, Thuringe («Triptis»), fabricant de porcelaine allemand, a été fondée en 1891 sous le nom de Unger & Gretschel. L'entreprise était implantée en Thuringe, un des nouveaux Länder.
À l'époque de l'ancienne RDA, la VEB Porzellanwerk Triptis faisait partie du combinat Feinkeramik Kahla. Elle ne possédait ni sa propre marque de fabrique ni son propre système de distribution.
Le 1er juillet 1990, la VEB Porzellanwerk Triptis a été reprise, avec près de neuf cents salariés, par la Treuhandanstalt (THA).
Avec la privatisation de Triptis en septembre 1993 a commencé la restructuration de l'entreprise. Dans le cadre de l'ouverture de la procédure, la Commission a fait part des doutes qu'elle nourrit quant au mode de privatisation retenu.
À la suite de la privatisation, l'entreprise a perçu des aides très importantes [d'un montant total de 34,7 millions de marks allemands (DEM) d'abandon de créances], toutes couvertes (2) par le régime de la Treuhand, approuvé par la Commission. Après la privatisation, il était nécessaire non seulement de réorganiser l'entreprise, mais également de mettre sur pied un réseau de distribution et de commercialisation dans de nouveaux marchés à la suite de l'effondrement des marchés d'Europe de l'Est. Immédiatement après la privatisation, le démarrage de l'entreprise s'est donc avéré difficile et a provoqué un haut niveau d'endettement.
Au début de l'année 1995, la direction a reconnu que la restructuration de l'entreprise ne pourrait pas se poursuivre sur ses propres ressources. L'entreprise a donc pris contact avec la Bundesanstalt vereinigungsbedingter Sonderaufgaben (BvS) pour lui demander un soutien financier. La BvS lui a accordé cette aide dans le cadre d'une action concertée, sous la forme d'un prêt de 8 millions de DEM (majoré des intérêts). Elle a ensuite renoncé à se faire rembourser ce prêt. C'est à l'époque de cet abandon de créance que la Commission a été informée de ce prêt. Toutes les parties concernées (les investisseurs, les salariés, la BvS) se sont efforcées d'assainir l'entreprise. C'est ainsi que la HeLaBa a renoncé au remboursement de 10 millions de DEM sur un volume de dettes plus important.
Le 30 avril 1997, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité à l'égard des aides d'État accordées à Triptis. La Commission est arrivée à la conclusion que le prêt de 8 millions de DEM (majoré des intérêts) accordé par la BvS constituait une aide qui aurait dû lui être notifiée à la date de son octroi, conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité. Par ailleurs se posait aussi la question de savoir si la renonciation au remboursement de 10 millions de DEM par la HeLaBa constituait une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.
L'ouverture de la procédure a notamment été motivée par les deux raisons suivantes:
1) étant donné que la HeLaBa appartient à l'État, la Commission s'est demandé si celle-ci avait effectivement agi comme une banque privée l'aurait fait en renonçant au remboursement du prêt. Pour cette raison, il subsistait une incertitude quant au montant exact de l'aide octroyée. Ce problème devait être clarifié dans le cadre de la procédure;
2) Triptis produisait sur un marché grevé d'importantes surcapacités. Dans le contexte de sa restructuration globale, l'entreprise a réduit sa capacité de 50 %; en revanche, aucune réduction de capacité supplémentaire liée à l'octroi de la nouvelle aide n'était prévue. Vu les surcapacités importantes qui existent dans le secteur de la porcelaine, il était permis de se demander si les aides versées à Triptis n'entraîneraient pas une distorsion indue de la concurrence et si leur octroi ne portait pas préjudice à des concurrents qui n'en percevaient pas. Dans d'autres affaires concernant le même secteur, des concurrents ont élevé des objections à l'égard d'aides éventuelles.
Pour ces motifs, des doutes sérieux se sont fait jour quant à la compatibilité de cette aide avec les dérogations énumérées à l'article 92, paragraphe 3, points a) et c), du traité, et notamment avec les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (3).
À aucun moment la Commission n'a émis de doutes sur la viabilité de l'entreprise.

III
Ce n'est que le 11 juillet 1997 que l'Allemagne a informé la Commission, par lettre, de l'ouverture d'une procédure de faillite (Gesamtvollstreckung) le 30 avril 1997. D'après ses dires, le gouvernement allemand n'en avait eu connaissance qu'en juillet. Pour cette raison, l'Allemagne avait l'intention de retirer la notification de l'aide.
Par lettre du 28 juillet 1997, l'Allemagne a été informée qu'un retrait de la notification n'était pas possible, parce que l'aide avait été versée avant sa notification en juillet et en septembre 1996 et la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité avait déjà été entamée à son égard. La Commission lui a également précisé qu'elle se fondait, dans son appréciation, sur la date d'octroi de l'aide et que, par conséquent, le fait que l'aide ait été inscrite au registre des créances déclarées à la suite de la procédure de Gesamtvollstreckung n'y changeait rien.
Il ressort des renseignements fournis le 8 septembre 1997 que le prêt de 10 millions de DEM au remboursement duquel la HeLaBa avait renoncé dans le cadre de l'action concertée était couvert à 90 % par une garantie du Land de Thuringe. Cette garantie n'avait pas été notifiée et devait donc être considérée comme illégale. Après que la HeLaBa eut renoncé au remboursement du prêt, elle s'est prévalue de la garantie du Land de Thuringe, à la suite de quoi elle a perçu 90 % du montant initial du prêt (9 millions de DEM). Étant donné que l'abandon du remboursement et le paiement effectué en vertu de la garantie ont eu lieu dès 1996, ni la HeLaBa ni le Land de Thuringe n'ont fait valoir leurs droits sur le prêt ni sur la garantie à la suite de la procédure de Gesamtvollstrekkung.
En outre, le Land de Thuringe s'était, en 1993 et en 1994, porté garant envers la HeLaBa (pour couvrir à 90 % le montant total effectif du prêt) pour des prêts d'un montant total de 26,75 millions de DEM, sans en informer la Commission. Ces garanties ont été accordées par le ministère des finances du Land de Thuringe à la suite de la privatisation, à raison de 14,75 millions de DEM et de 5 millions de DEM pour des crédits d'investissement et de 7 millions de DEM pour l'acquisition de moyens de production. Cette somme comprend la garantie à 90 % du prêt de 10 millions de DEM, au remboursement duquel il a été renoncé en 1996. Étant donné que le Land de Thuringe a déjà versé cette garantie à la HeLaBa (9 millions de DEM en tout), ce montant doit aussi être pris en compte dans l'appréciation de l'aide.
Au cours de la procédure de Gesamtvollstreckung, la HeLaBa a fait valoir ses droits à récupérer les prêts restants, de 16,75 millions de DEM, alors que seule une infime partie de ce montant devrait être réglée au cours de cette procédure. On peut donc considérer, avec une quasi-certitude, que les garanties correspondantes seront versées. C'est la raison pour laquelle l'appréciation prend en considération le total des garanties accordées illégalement, qui représentent un montant d'aide de 24,075 millions de DEM.
Par lettre du 1er décembre 1997, adressée à la Commission à la suite de l'ouverture de la procédure, l'Allemagne a fait savoir que la BvS avait déclaré, au cours de la procédure de Gesamtvollstreckung, une pénalité pour non-respect de garanties d'emploi de 8,75 millions de DEM, une autre de 2,685 millions de DEM pour défaut de preuve de l'utilisation correcte des réserves, ainsi que le montant du prêt de 8 millions de DEM (majoré des intérêts) au remboursement duquel il a été renoncé dans le cadre de l'action concertée.

IV
Après la faillite de Triptis, l'administrateur a tenté de trouver un acquéreur auquel pourrait être vendu le capital fixe de l'entreprise à la suite d'une seconde privatisation, ce qui permettrait de maintenir l'activité commerciale de l'entreprise (Auffanglösung). Celle-ci a été offerte à divers fabricants de porcelaine d'Allemagne, d'Europe et hors d'Europe. Treize offres sont parvenues à la THA. Le contrat s'est conclu avec l'investisseur ayant présenté le meilleur plan et la meilleure offre.
Il n'est finalement resté que deux candidats, l'entreprise allemande Winterling Porzellan AG, Kirchenlamitz, et l'entreprise française Médard de Noblat, Limoges. Le 18 juin 1997, le capital fixe de Triptis GmbH en faillite a été vendu à Winterling pour 2,5 millions de DEM. De plus, Winterling a offert une garantie d'investissement de 8 millions de DEM et le maintien de cent soixante emplois. Pour cette raison, l'offre de Winterling a été considérée comme la meilleure, car Médard de Noblat ne voulait verser que 1 DEM, en promettant un montant d'investissement de 4 millions de DEM et sans donner de garantie d'emploi.
En ce qui concerne la réduction de capacité, la capacité se situait, d'après les chiffres de 1996, à 3 000 tonnes et la charge de travail pour cinq jours ouvrables à 2 300 tonnes. Chez Triptis «nouvelle formule», il n'est pas prévu de procéder à une réduction supplémentaire de capacité: celle-ci restera à 3 000 tonnes et la charge de travail pour sept jours ouvrables atteindra 2 880 tonnes.
Même s'il est certain que la nouvelle entreprise n'obtiendra aucune aide à la restructuration, le Land de Thuringe prévoit quand même, dans le cadre du vingt-sixième plan-cadre de la tâche d'intérêt commun (4), qui a été approuvé, l'allocation de ressources provenant de la tâche d'intérêt commun «Amélioration des structures économiques régionales» («GA-Mittel») destinées à de nouveaux investissements.

V
Par lettre du 16 décembre 1997, la Commission a communiqué à l'Allemagne les observations de tiers, en l'occurrence d'un concurrent espagnol, qu'elle avait reçues à la suite de la publication de la décision d'ouvrir la procédure.
Ce concurrent espagnol faisait part de son inquiétude face aux conséquences qu'aurait une restructuration de Triptis avec le soutien financier de l'État sur le marché européen de la porcelaine. Il a fait valoir que Triptis jouirait d'un avantage important, du fait que lui-même devrait financer ses mesures de restructuration sur ses propres ressources tandis que Triptis percevait des aides d'État à cette fin. Cela signifiait un préjudice sérieux pour la concurrence, dans un marché souffrant de surcapacités très importantes, et léserait des concurrents qui n'étaient pas soutenus par les deniers publics. Il contestait en outre le fait que la souplesse avec laquelle la Commission peut traiter les réductions de capacité dans les régions assistées lui permette de renoncer intégralement à une réduction de capacité. Pour cette raison, il considérait qu'une aide à la restructuration devrait toujours être liée à une réduction de capacité. Il n'est donc d'accord qu'avec une réduction plus modeste. Le troisième argument qu'il a présenté est que Triptis prévoyait une augmentation de sa part à l'exportation de 20 % à 38 %, ce qui, vu les surcapacités importantes qui existaient déjà sur le marché, était préjudiciable aux concurrents de l'entreprise situés en Europe occidentale.

VI
Par lettre du 1er décembre 1997, l'Allemagne a fait parvenir sa réponse aux observations du concurrent espagnol.
Elle y confirmait que la HeLaBa avait fait valoir ses droits sur 16,75 millions de DEM dans le cadre de la procédure de Gesamtvollstreckung, alors que cela n'était pas le cas pour le Land de Thuringe à l'égard des 9 millions de DEM dont le paiement avait été réclamé par la HeLaBa à titre de garantie.
La BvS a revendiqué un montant total de 19 717 567 DEM [8,75 millions de DEM de pénalité pour des garanties d'emploi, 2,685 millions de DEM de pénalité pour défaut de preuve de l'utilisation correcte des réserves et 8 millions de DEM (majorés des intérêts) pour l'abandon du remboursement].
En ce qui concerne la capacité, l'Allemagne a fait référence à la notification, dans laquelle une réduction de capacité de 6 500 tonnes à 3 000 tonnes depuis la privatisation, effectuée en 1993, avait déjà été évoquée, en même temps qu'elle indiquait une fois de plus qu'à l'avenir aucune réduction supplémentaire liée aux nouvelles aides n'était prévue.

VII
Dans le cadre de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, il s'est confirmé que, comme le pensait la Commission, le prêt de 8 millions de DEM (majoré des intérêts) accordé par la BvS doit être considéré comme une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité et comme non compatible avec les dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, et notamment avec les «Lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté», la seule base sur laquelle l'aide aurait pu être approuvée.
Il en va de même pour les garanties accordées illégalement par le Land de Thuringe, d'un montant de 26,75 millions de DEM, dont l'existence a été révélée au cours de la procédure.
Il est en outre établi que la renonciation au remboursement d'un prêt de 10 millions de DEM par la HeLaBa, dans le cadre de l'action concertée, ne constitue pas en soi une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, puisque ce prêt était garanti à 90 % par le Land. Avec une telle garantie, le risque qu'une banque court en accordant un prêt à une entreprise (que celle-ci se trouve en difficulté ou non) passe la quasi-totalité à la puissance publique, alors que la banque n'assume pratiquement plus aucun risque.
1. Le montant de 8 millions de DEM (majoré des intérêts) accordé par la BvS à Triptis sous la forme d'un prêt assorti d'intérêts de 4,4 % constitue indubitablement une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE. Étant donné que l'entreprise se trouvait en difficulté depuis sa privatisation en 1993, aucune banque ni aucun investisseur privés n'auraient octroyé de prêt à un taux d'intérêt inférieur au taux du marché, qui était de 7,33 % en 1996. Les raisons de ces difficultés résident essentiellement dans la réalisation tardive de la privatisation, étant donné qu'il ne s'était trouvé jusque-là aucun investisseur, raison pour laquelle aucun plan de restructuration ne pouvait être élaboré ni mis en oeuvre. Par conséquent, les investissements nécessaires n'ont été réalisés que tardivement, et l'entreprise a accumulé de lourdes dettes tout en devant produire avec un équipement obsolète et, partant, d'une manière inefficace.
C'est alors que la banque a renoncé, dans le cadre de l'action concertée, au remboursement du prêt de 8 millions de DEM (majoré des intérêts). L'intensité de l'aide était déjà d'environ 100 %, puisque l'entreprise se trouvait en difficulté au sens de la communication de la Commission aux États membres concernant l'application des articles 92 et 93 du traité CE aux entreprises publiques (5). Par conséquent, l'abandon du remboursement du prêt ne se traduit pas par une augmentation de l'intensité de l'aide.
2. De même convient-il de considérer comme une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité les garanties de 26,75 millions de DEM (versés en plusieurs tranches) données par le Land de Thuringe. L'élément d'aide qui résulte d'une telle garantie doit être assimilé, en règle générale, à la différence entre le taux d'intérêt dont est assorti un prêt accordé aux conditions du marché et le taux d'intérêt, couvert par la garantie, qui a été effectivement octroyé. La Commission a toujours défendu le point de vue, par exemple dans la décision 94/696/CE (6), que dans tous les cas dans lesquels aucun établissement de crédit ne serait disposé à accorder un crédit à une entreprise, du fait de sa situation financière difficile, sans une garantie de l'État, il convient de considérer le montant total du crédit comme une aide. Comme il s'agit en l'espèce d'une garantie à 90 %, le montant de l'aide octroyée s'établit à 24,075 millions de DEM.
En ce qui concerne l'aide accordée à Triptis, il convenait de supposer qu'elle aurait probablement pour conséquence de fausser le jeu de la concurrence et d'affecter les échanges entre les États membres. Triptis produit et vend de la porcelaine à usage domestique dans le segment de haut de gamme A. En 1995, le marché en cause de ce segment représentait environ 341 millions de DEM dans les anciens Länder et environ 98 millions de DEM dans les nouveaux Länder. La part de Triptis sur le marché allemand, qui constitue l'un des plus gros marchés nationaux de la Communauté, se situait à 3,6 %. Le secteur de la céramique/porcelaine donne lieu à des échanges intenses entre l'Allemagne et les autres États membres. En 1993, les importations allemandes de vaisselle et d'articles ornementaux en céramique ont représenté 357,02 millions d'écus et les exportations 403,97 millions d'écus.
Le secteur des produits céramiques dans la Communauté représente 17 milliards d'écus et emploie 210 000 personnes, réparties dans plus de 2 500 entreprises. Entre 1984 et 1993, la production européenne s'est accrue en moyenne de 0,9 % par an et la consommation de 1,18 %. Triptis s'est résolument lancée dans le commerce intracommunautaire. Elle a écoulé près de 20 % de sa production sur le marché d'Europe occidentale, notamment en Italie, en France et en Suède. Toute aide en faveur de Triptis est par conséquent susceptible de renforcer sa position sur le marché vis-à-vis de ses concurrents dans la Communauté qui ne bénéficient pas du soutien de l'État.
Le programme d'aides relatif aux garanties du Land de Thuringe (7), sur lequel les garanties accordées dans les années 1993 et 1994 se fondaient manifestement (8), n'avait à cette époque pas été notifié et n'a toujours pas été approuvé pour la période 1992-1994. Il en ressort que les aides n'ont pas été octroyées dans le cadre d'un régime d'aides approuvé et qu'elles auraient donc dû faire l'objet d'une notification individuelle, conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité, avant d'être mises en oeuvre. L'Allemagne a manqué à cette obligation qui lui est imposée par l'article 93, paragraphe 3, du traité, puisque le prêt de la BvS et les garanties du Land ont été octroyés sans l'approbation de la Commission. Il s'agit donc d'aides illégales.
Il aurait été possible à la rigueur d'exonérer cette aide de l'interdiction de toute aide édictée à l'article 92, paragraphe 1, du traité, mais, dans le cas d'espèce, les dérogations énumérées à l'article 92, paragraphe 2, sont inapplicables du fait de la nature de l'aide et qu'aucune tentative n'a été faite pour en remplir les conditions d'application.
En ce qui concerne les dérogations de l'article 92, paragraphe 3, du traité, il est vrai que Triptis est située dans une région où sévit un grave sous-emploi ou dans laquelle le niveau de vie est anormalement bas. Selon l'article 92, paragraphe 3, point a), les aides destinées à favoriser le développement économique de telles régions peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun. Or, l'aide en question n'a certainement pas contribué au développement économique de la région, étant donné qu'elle a servi avant tout à maintenir en activité une entreprise travaillant à perte et non à créer des emplois et des investissements. Elle doit pour cette raison être considérée comme une aide ad hoc visant à rétablir la viabilité d'une entreprise en difficulté dans une région affaiblie économiquement.
L'appréciation de la compatibilité des aides se fait donc conformément à l'article 92, paragraphe 3, point c), étant donné qu'il s'agit de la restructuration d'une entreprise en difficulté. Pour que la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité soit applicable, l'aide concernée doit remplir les conditions fixées par les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté. Par conséquent, l'aide doit notamment:
- permettre de rétablir dans un délai raisonnable la viabilité de l'entreprise, sur la base d'un plan de restructuration viable et réaliste,
- prévenir toute distorsion de concurrence indue. Cela signifie qu'une aide, dans le cadre des lignes directrices précitées, ne peut être autorisée que si des mesures sont prises pour en atténuer autant que possible les conséquences défavorables pour les concurrents, car autrement l'aide est contraire à l'intérêt commun et ne peut bénéficier d'une dérogation sur la base de l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité. Lorsqu'une évaluation objective de la situation de l'offre et de la demande montre qu'il existe une surcapacité structurelle sur un marché en cause de la Communauté, le plan de restructuration doit contribuer, en proportion de l'aide reçue, à la restructuration du secteur économique concerné dans la Communauté, par la réduction ou la fermeture irréversibles de capacités de production. La Commission peut toutefois appliquer ce principe d'une manière plus souple dans le cas d'une région visée à l'article 93, paragraphe 3, point a), du traité,
- du point de vue du montant, être limitée au strict minimum nécessaire. L'analyse des mesures prises devrait prouver que l'aide est proportionnée aux coûts et avantages de la restructuration. L'aide doit être accordée sous une forme qui évite que l'entreprise ne dispose de liquidités excédentaires. Elle ne devrait être consacrée ni à des activités agressives susceptibles de provoquer des distorsions ni à des investissements non indispensables à la restructuration, mais impératifs pour résoudre les problèmes propres à l'entreprise.
En ce qui concerne la première condition, la Commission n'a exprimé aucun doute, au moment de l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, quant à la viabilité de l'entreprise eu égard aux chiffres avancés dans la notification de l'Allemagne et aux renseignements qu'elle a fournis ultérieurement. Ces prévisions reposent sur une croissance durable du chiffre d'affaires annuel, le rétablissement de la viabilité pour l'exercice 1997/1998 et un bénéfice de 1,25 million de DEM réalisé la même année. Les doutes qui ont conduit à l'ouverture de la procédure ne portaient donc que sur la capacité et l'incertitude quant au volume exact de l'aide. Comme la faillite de l'entreprise au 30 avril 1997 l'a montré, les chiffres communiqués seulement cinq mois auparavant soit étaient à l'évidence déjà périmés lorsqu'ils sont parvenus à la Commission, soit reposaient sur des hypothèses irréalistes. À cela s'ajoute que l'Allemagne était apparemment au courant de ce fait avant que la Commission n'en soit informée.
En outre, la Commission ignorait, au moment de l'ouverture de la procédure, l'existence de l'aide illégale de 26,75 millions de DEM sous la forme d'une garantie du Land de Thuringe. Il semble de surcroît que pendant les années 1993 et 1994, c'est-à-dire à la date de l'octroi de l'aide, il n'existait aucun plan de restructuration susceptible de réussir et que par conséquent aucun effort concernant cette aide n'a été entrepris non plus.
C'est ainsi qu'en dépit de tous les efforts, i1 n'a pas été possible de rétablir la viabilité de Triptis et que par là même, l'objectif de l'action concertée, à savoir le sauvetage de Triptis de la faillite, n'a pas été atteint.
En ce qui concerne la deuxième condition, il convient de relever qu'il s'est avéré, au cours de la procédure, qu'il existe effectivement des surcapacités dans le secteur de la porcelaine. Entre 1984 et 1991, la fabrication et la consommation de produits céramiques ont constamment progressé à l'échelle de la Communauté, avant de reculer en 1992 et en 1993. Depuis 1994, on escompte une amélioration des chiffres de la production. Un accroissement des exportations ne peut lui non plus compenser la pression concurrentielle dans ce secteur. Au contraire, la situation concurrentielle tendue liée aux excédents de capacité dans la Communauté pourrait encore s'aggraver du fait de l'augmentation des importations en provenance du Sud-Est asiatique et des pays d'Europe centrale et orientale, notamment de la République tchèque et de la Hongrie, qui tirent parti de l'accord commercial qu'elles ont conclu avec la Communauté. Cette situation a entraîné des coûts de production élevés et un excédent de capacités dans le secteur de la céramique de table au sein de la Communauté. Il reste donc beaucoup de chemin à parcourir avant que la restructuration soit réalisée.
Au cours de la procédure, il a été établi que les aides accordées à Triptis en raison de la forte surcapacité qui prévaut dans le secteur de la porcelaine constituent bel et bien une distorsion de concurrence indue et, par conséquent, que leur versement porte préjudice aux concurrents qui ne perçoivent aucune aide et qui doivent passer le cap de l'adaptation structurelle grâce à leurs propres ressources. L'hypothèse selon laquelle les aides accordées à Triptis induisent probablement une distorsion de concurrence indue est confirmée par les observations qu'un concurrent espagnol a adressées à la Commission.
En ce qui concerne la troisième condition, il s'agit de faire en sorte que l'aide n'amène pas l'entreprise à disposer de liquidités excédentaires qui lui permettraient de mener une politique de marché agressive n'ayant aucun lien avec la restructuration. Une grande partie des aides a déjà été octroyée en 1993 et en 1994 et a pour origine le niveau élevé de l'endettement et du service des intérêts. La même remarque s'applique aux 8 millions de DEM fournis à Triptis, dont seulement 600 000 DEM étaient disponibles sous forme de liquidités. Un montant de 7,4 millions de DEM a servi à couvrir les pertes des années 1994 à 1996.
En ce qui concerne la proportionnalité de l'aide, Triptis a déjà participé aux investissements à hauteur de 17 millions de DEM et à la couverture des pertes à hauteur de 24,7 millions de DEM. En 1996, l'entreprise s'est en outre engagée à réaliser des investissements supplémentaires pour 2,5 millions de DEM, auxquels les investisseurs participent à raison de 100 000 DEM chacun. Étant donné que cela a épuisé leurs fonds propres, ils ne peuvent plus apporter d'autre participation financière. Comme il s'agit de particuliers et non d'entreprises disposant d'une dotation financière correspondante, cette participation peut être qualifiée de proportionnée.
Étant donné que l'aide ne satisfait déjà pas à deux des trois critères énumérés dans les lignes directrices, son approbation sur la base de l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité n'est pas possible.
Eu égard à l'ensemble des éléments de fait, la Commission est amenée à conclure que tant le prêt de 8 millions de DEM (majoré des intérêts) accordé par la BvS que les garanties individuelles de 26,75 millions de DEM accordées par le Land de Thuringe (intensité de l'aide: 24,075 millions de DEM) doivent être considérés comme des aides auxquelles aucune des dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, du traité ne s'applique.
3. La renonciation au remboursement du prêt de 10 millions de DEM par la HeLaBa dans le cadre de l'action concertée ne constitue pas une aide en soi, puisqu'elle s'est faite dans le cadre d'une garantie de l'État de 90 %, qui représente l'élément d'aide de l'action. Dans ce contexte, il paraît correct de supposer qu'il s'agit de pratiques commerciales normales, bien que la puissance publique ait garanti le prêt à 90 % et ait ainsi pris la plus grande partie du risque.
4. En ce qui concerne la reprise (Auffanglösung) convenue après la faillite de Triptis, c'est-à-dire le rachat par Winterling du capital fixe de l'entreprise, il reste à clarifier si cette offre peut être tenue pour la meilleure. À l'issue d'un appel d'offres public et inconditionnel, il est resté deux candidats en lice, Winterling et l'entreprise française Médard de Noblat. Winterling a offert de racheter l'entreprise pour 2,5 millions de DEM, et moyennant une garantie d'investissement de 8 millions de DEM et l' engagement de reprendre cent soixante salariés. Médard de Noblat n' a offert que 1 DEM pour reprendre l'entreprise, une garantie d'investissement de 4 millions de DEM et aucune garantie d'emploi. Ces chiffres permettaient de considérer que l'offre de Winterling était la meilleure. Le capital fixe de Triptis a sur ces entrefaites été vendu à Winterling le 18 juin 1997, ce qui permet de conclure que les aides n'ont joué aucun rôle dans l'acquisition du capital fixe de Triptis par Winterling.
Il ressort des informations fournies par l'Allemagne le 9 septembre 1997 que la nouvelle entreprise ne bénéficiera d'aucune aide à la restructuration, à l'exception de ressources destinées à de nouveaux investissements que le Land de Thuringe veut accorder dans le cadre du vingt-sixième plan-cadre de la tâche d'intérêt commun. Cette subvention doit donc certes être considéré comme une aide, mais c'est une aide couverte par une approbation de la Commission. Toute aide supplémentaire accordée à la nouvelle entreprise doit être notifiée à la Commission.

VIII
Lorsqu'une aide est déclarée incompatible avec le marché commun, la Commission demande à l'État membre concerné de réclamer au bénéficiaire sa restitution (9). Comme cela est le cas pour les mesures prises en faveur de Triptis qui font l'objet de la présente décision, les aides doivent être restituées. Le fait que Triptis ait entre-temps été déclarée en faillite ne change rien à cette appréciation.
La restitution des aides est régie par le droit allemand, y compris les dispositions sur les intérêts moratoires applicables aux créances publiques, au taux de référence en vigueur sur le marché, qui sont exigibles à compter de la date d'octroi de l'aide (10).
Conformément à l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 21 mars 1990 dans l'affaire C-142/87, Belgique contre Commission (11), les dispositions applicables à la restitution des aides doivent être mises en oeuvre de façon à ce que le remboursement exigé par le droit communautaire ne soit pas rendu pratiquement impossible. Des difficultés éventuelles, procédurales ou autres, quant à l'exécution de la mesure concernée ne sauraient influer sur la légalité de celle-ci,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:


Article premier
Le prêt de 8 millions de DEM (majoré des intérêts) accordé par la Bundesanstalt vereinigungsbedingter Sonderaufgaben ainsi que la garantie (versée en plusieurs tranches) donnée par le Land de Thuringe en faveur de Triptis Porzellan GmbH et couvrant 90 % d'un prêt total de 26,75 millions de DEM (montant de l'aide: 24,075 millions de DEM) sont tous deux illégaux, car ils ont été octroyés sans avoir été préalablement notifiés à la Commission conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité CE.
En vertu de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE, ces aides sont incompatibles avec le marché commun, puisqu'elles ne remplissent aucune des conditions énumérées auxdits articles pour bénéficier d'une dérogation.

Article 2
L'Allemagne veille à ce que la restitution de l'intégralité des aides mentionnées à l'article 1er soit réclamée et ait lieu dans un délai de deux mois à compter de la date de publication de la présente décision.
Le remboursement s'effectue conformément aux procédures et aux dispositions du droit allemand, notamment celles régissant les intérêts moratoires applicables aux créances publiques, à un taux correspondant au taux de référence applicable au calcul de l'équivalent subvention net des aides régionales en République fédérale d'Allemagne à compter de la date d'octroi des aides jusqu'à la date de leur restitution.
Les présentes dispositions sont appliquées de façon à ce que le remboursement exigé par le droit communautaire ne soit pas rendu pratiquement impossible. Des difficultés éventuelles, procédurales ou autres, quant à l'exécution de la mesure concernée ne sauraient influer sur la légalité de celle-ci.

Article 3
Dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, l'Allemagne communique à la Commission les mesures qu'elle aura prises pour s'y conformer.

Article 4
La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 22 avril 1998.
Par la Commission
Karel VAN MIERT
Membre de la Commission

(1) JO C 250 du 15. 8. 1997, p. 3.
(2) E15/92 (non publié): sur le montant total de la renonciation au remboursement du prêt d'un montant de 34,71 millions de DEM, 19,26 millions de DEM étaient destinés à garantir la liquidité de l'entreprise, 7,25 millions de DEM étaient destinés à des investissements et 8,2 millions de DEM à la couverture des pertes. Comme l'entreprise demeurait en deçà des seuils, fixés dans le cadre du régime de la Treuhand, de 1 500 salariés et de 150 millions de DEM d'engagements financiers envers la THA, une notification individuelle n'était pas nécessaire.
(3) JO C 368 du 23. 12. 1994, p. 12.
(4) N 123/97.
(5) JO C 307 du 13. 11. 1993, p. 3.
(6) JO L 273 du 25. 10. 1994, p. 22.
(7) Richtlinie für die Übernahme von Bürgschaften und Garantien zugunsten der Wirtschaft und der freien Berufe durch den Freistaat Thüringen (Programme de reprise de garanties par le Land de Thuringe en faveur de l'économie et des professions indépendantes) du 18 juin 1992. Comme la Commission l'a expressément constaté par lettre, il n'a aucunement été tenu compte, dans l'approbation du programme de garanties pour l'année 1996, du programme précédent: SG(96) D/11031.
(8) À aucun moment de la procédure, le Land de Thuringe ne s'est fondé sur cette base juridique.
(9) Communication de la Commission du 24 novembre 1983 (JO C 318 du 24. 11. 1983, p. 3).
(10) Lettre de la Commission aux États membres: SG(91) D/4577 du 4 mars 1991.
(11) Recueil 1990, p. I-959, points 58 à 63 des motifs.


Fin du document


Structure analytique Document livré le: 05/06/1999


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