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Document 399D0060

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[ 08.20.20 - Accords autorisés, exemptions et attestations négatives ]


399D0060
1999/60/CE: Décision de la Commission du 21 octobre 1998 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4 - Conduites précalorifugées) [notifiée sous le numéro C(1998) 3117] (Les textes en langues danoise, allemande, anglaise, italienne et finnoise sont les seuls faisant foi.)
Journal officiel n° L 024 du 30/01/1999 p. 0001 - 0070



Texte:


DÉCISION DE LA COMMISSION du 21 octobre 1998 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4 - Conduites précalorifugées) [notifiée sous le numéro C(1998) 3117] (Les textes en langues danoise, allemande, anglaise, italienne et finnoise sont les seuls faisant foi.) (1999/60/CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne,
vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment son article 3 et son article 15, paragraphe 2,
vu la décision de la Commission du 19 mars 1997 d'engager la procédure dans la présente affaire, conformément à l'article 3 du règlement n° 17,
après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et au règlement n° 99/63/CEE de la Commission du 25 juillet 1963 relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (2),
après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes,
considérant ce qui suit:

I. LES FAITS

A. Résumé de l'infraction
(1) La présente décision infligeant des amendes pour violation de l'article 85 est adressée aux entreprises suivantes:
- ABB Asea Brown Boveri Ltd,
- Brugg Rohrsysteme GmbH,
- Dansk Rørindustri A/S (Starpipe),
- le groupe Henss/Isoplus,
- Ke-Kelit Kunstoffwerk GmbH,
- Oy KWH Tech AB,
- Løgstør Rør A/S,
- Pan-Isovit GmbH,
- Sigma Tecnologie di rivestimento S.r.l.,
- Tarco Energi A/S.
(2) L'infraction consiste dans la participation des producteurs de conduites précalorifugées pour chauffage urbain à un système d'accords anticoncurrentiels qui a vu le jour au Danemark vers le mois de novembre 1990, sous la forme d'une entente nationale, avant d'être étendu à d'autres États membres (Italie, Allemagne) en 1991, puis organisé, en 1994, de façon à englober l'ensemble du marché commun; ces sociétés, agissant de concert et en violation de l'article 85, paragraphe 1, se sont livrées aux pratiques suivantes:
- répartition entre producteurs des différents marchés nationaux, puis de l'ensemble du marché européen, par l'application d'un régime de quotas,
- attribution de marchés nationaux à certains producteurs et organisation du retrait des autres,
- fixation du prix des produits et de chaque projet,
- attribution de chaque projet à un producteur désigné à cet effet et manipulation des procédures d'appels d'offres, afin que ce producteur obtienne le contrat en question,
- pour protéger l'entente de la concurrence de la seule entreprise importante à ne pas en faire partie, Powerpipe AB, mise en oeuvre de mesures concertées visant à entraver son activité commerciale, à nuire à la bonne marche de ses affaires ou à l'évincer purement et simplement du marché,
- utilisation de normes de qualité pour maintenir les prix à un certain niveau et retarder l'introduction de nouvelles technologies plus économiques.
(3) Les entreprises ont pris part à l'infraction durant les périodes suivantes:
- ABB, Løgstør, Starpipe, Tarco: à partir de novembre-décembre 1990, et au moins jusqu'en mars ou avril 1996,
- Pan-Isovit: plus ou moins à partir de novembre-décembre 1990, jusqu'à la même date,
- Henss/Isoplus: plus ou moins à partir d'octobre 1991, jusqu'à la même date,
- KWH: au moins à partir de mars 1995, jusqu'à la même date,
- Brugg: plus ou moins à partir d'août 1994, jusqu'à la même date,
- Ke-Kelit: plus ou moins à partir de janvier 1995, jusqu'à la même date,
- Sigma: plus ou moins à partir d'avril 1995, jusqu'à la même date.
(La participation de Brugg, Ke-Kelit et Sigma s'est limitée aux arrangements concernant leurs marchés nationaux respectifs).

B. Le secteur des conduites précalorifugées

1. Le produit
(4) Les conduites précalorifugées, qui servent principalement dans les systèmes de chauffage urbain, sont constituées pour l'essentiel d'un tube d'acier enveloppé d'un tube de plastique, avec une épaisseur de mousse isolante entre les deux.
Les systèmes de chauffage urbain sont communément utilisés dans les pays d'Europe occidentale situés le plus au nord et dans les pays de l'ancien bloc de l'Est, qui connaissent un climat rigoureux. L'eau, chauffée dans un site central, est ensuite acheminée, grâce à des conduites souterraines, à travers la municipalité ou un quartier donné, afin de chauffer les logements privés et les immeubles commerciaux.
En raison de l'importance croissante des préoccupations liées à l'environnement, et notamment à l'emploi rationnel de l'énergie, le potentiel d'utilisation des systèmes de chauffage urbain est de plus en plus largement reconnu, par exemple en combinaison avec des centrales électriques; ce système, dit de «cogénération», consiste à récupérer la chaleur résiduelle provenant des centrales ou d'autres usines et à l'utiliser pour le chauffage urbain.
Étant donné que l'eau chaude (ou la vapeur) doit être transportée sous terre sur de longues distances, la température est très élevée (jusqu'à 140 °C) et les conduites doivent être précalorifugées pour assurer une distribution économique et sans risque.
(5) Les conduites précalorifugées sont constituées de trois principaux éléments:
- un tube d'acier (ou, plus rarement, de cuivre), appelé «conduite transporteuse», qui est la pièce maîtresse du produit, et dans lequel circule l'eau chaude,
- un «tube de gainage» extérieur, en plastique, qui enveloppe cette conduite et la protège,
- entre les deux, une couche rigide de mousse isolante.
Les conduites de chauffage urbain sont généralement de longueur fixe (6, 12 ou 16 mètres). Les diamètres standard vont de 125 à 800 millimètres, mais il est possible de fabriquer des conduites plus larges. Les fabricants proposent une gamme complète de conduites, de raccords coudés et d'accessoires spéciaux, dont des systèmes de surveillance pour détecter les fuites. Certains des producteurs impliqués dans la présente affaire fabriquent aussi des conduites flexibles qui servent essentiellement à raccorder des logements individuels au système de canalisations principal. Ces conduites flexibles ne sont pas concernées par la présente procédure.
Les produits sont standardisés et doivent satisfaire à des normes de qualité définies dans le cadre d'une coopération entre fabricants, clients et instances de normalisation; les principales sont les normes EN 253, EN 258, EN 488 et EN 489. Le mode de fabrication traditionnel consiste, en les maintenant par des entretoises, à insérer les conduites transporteuses en acier dans un tube de plastique, puis à injecter de la mousse entre les deux tubes concentriques. L'innovation joue un rôle important dans ce secteur. La sécurité, l'efficience et la protection de l'environnement sont des préoccupations essentielles. Parmi les nouveautés récentes figure l'apparition, en 1988, de mousses isolantes sans CFC. La mise au point, à peu près au même moment, d'un procédé de fabrication en continu a permis de réduire substantiellement les coûts. Grâce à cette technique, les tubes avancent sans discontinuer d'un bout à l'autre de la chaîne de production, alors que dans le processus traditionnel, ils sont portés un par un sur le site d'injection de la mousse. Toutefois, l'autorisation de ce mode de production et son utilisation généralisée à des fins commerciales se sont heurtées, pendant un certain nombre d'années, à l'opposition de fabricants qui utilisaient le système de fabrication traditionnel.

2. Le marché des systèmes de chauffage urbain
(6) En Europe occidentale, les consommateurs finaux pour les conduites de chauffage urbain sont principalement des fournisseurs d'énergie ou des spécialistes du chauffage urbain appartenant à des municipalités. Les contrats peuvent porter sur un projet précis ou sur des accords d'approvisionnement annuels.
Dans le premier type de contrat, les municipalités ou autres collectivités publiques ou locales passent un contrat, à l'issue de la procédure d'adjudication appropriée, avec une société de génie civil, qui lance à son tour un appel d'offres aux fabricants de conduites pour la fourniture de conduites précalorifugées. [Les contrats de fourniture de conduites d'un montant supérieur à 400 000 écus sont aussi soumis à la réglementation communautaire sur les marchés publics (3)]. L'installation des tubes fournis par le fabricant est assurée par l'adjudicataire. Les contrats de ce type représentent environ 60 % du marché européen.
Dans les contrats annuels (qui correspondent à ce que l'on appelle le marché «de détail»), l'utilisateur final (municipalité ou autre) décide d'acheter directement à un fabricant, à concurrence d'un montant annuel précis, des conduites et des accessoires, généralement pour le remplacement partiel ou l'entretien d'un système de chauffage urbain existant. Dans certains cas, la durée des contrats peut être de trois ans, parfois même cinq.
(7) Le marché communautaire des conduites de chauffage urbain représentait en 1995 quelque 400 millions d'écus, soit 15 % de plus que l'année précédente. Le produit est commercialisé dans presque tous les États membres. Il fait l'objet d'un commerce important entre États membres. ABB a des sites de production dans plusieurs États membres. Henss/Isoplus fabrique ses conduites en Autriche et en Allemagne. Le Danemark, principal centre de production, représente environ 50 % de la capacité de fabrication de l'Union et approvisionne tous les autres États membres où l'on utilise le chauffage urbain. L'Allemagne constitue le plus grand marché national de l'Union (avec quelque 160 millions d'écus, soit 40 % de la consommation communautaire). Au moins deux tiers des conduites de chauffage urbain posées en Allemagne proviennent d'autres États membres, notamment du Danemark, mais aussi d'Autriche, de Finlande et de Suède. Le Danemark est le deuxième marché national de l'Union avec 20 % de la consommation totale. Par ailleurs, l'ensemble des producteurs de l'Union alimente un marché d'exportation (Europe de l'Est, pays nordiques et États baltes) équivalant à 100 millions d'écus, sans compter les marchés en plein essor que sont la Russie et la Chine.

3. Les producteurs
(8) À l'époque des faits, huit producteurs assuraient, à une assez grande échelle, l'approvisionnement de l'Europe occidentale en conduites précalorifugées: ABB, Løgstør, Dansk Rør (Starpipe), Tarco, Pan-Isovit, Henss/Isoplus, KWH et Powerpipe. La production de l'Union est surtout concentrée au Danemark, où sont implantés quatre de ces producteurs, dont trois dans la ville de Fredericia.

a) ABB
(9) Le plus gros producteur de conduites de chauffage urbain (et le seul grand groupe international présent dans ce secteur) est le groupe helvético-suédois ABB Asea Brown Boveri Ltd, qui a son siège à Zurich. Ce groupe est né en 1988 d'une fusion entre Asea AB, de Stockholm, Suède et BBC Brown Boveri Ltd, établi à Baden en Suisse. Il est détenu à parité par les deux sociétés mères, qui ne jouent plus qu'un rôle de holding et ont été rebaptisées respectivement ABB AB et ABB AG. ABB Asea Brown Boveri Ltd est la société faîtière d'un groupe de plus de 1 000 entreprises, qui affichait en 1997 un chiffre d'affaires consolidé de quelque 31,3 milliards de dollars des États-Unis (USD) (27,6 milliards d'écus). Il exerce plus de la moitié de ses activités en Europe.
L'organisation du groupe ABB se fonde sur la superposition de deux structures, l'une régionale, l'autre axée sur les segments de marché.
ABB est présidé par un conseil d'administration, au-dessous duquel on trouve son principal organe dirigeant, le comité de direction du groupe, composé (en août 1993) d'un directeur général et de sept directeurs généraux adjoints, représentant les trois aires géographiques où ABB est présent et ses quatre principaux segments d'activité, ou types de production. Durant la majeure partie de la période concernée par la présente décision, les quatre segments d'activité dont les directeurs siégeaient au comité de direction en tant que directeurs généraux adjoints étaient les suivants: production d'électricité, transmission et distribution d'électricité, systèmes industriels et systèmes de construction, transports (4).
Chacun des segments d'activité d'ABB se subdivise en plusieurs «domaines d'activité» («business areas») correspondant chacun à l'exercice d'une activité industrielle particulière au niveau mondial. Au total, ABB compte aujourd'hui trente-sept domaines d'activité, dont le chauffage urbain.
ABB est en même temps organisé en trois aires géographiques (Europe, Amériques et Asie-Pacifique), cette structure, qui dépasse la segmentation par activité et par produit, permet de traiter les questions de stratégie générale et d'assurer une coordination entre segments d'activité et pays.
(10) À la suite de la restructuration d'ABB, en août 1993, le domaine d'activité «chauffage urbain» (désigné par le sigle «BA-VDH») a été intégré au segment «transports» et placé sous le contrôle direct du directeur responsable de ce segment (qui, en tant que directeur général adjoint siégeant au comité de direction, comptait parmi les principaux dirigeants du groupe).
Le domaine d'activité «chauffage urbain» d'ABB regroupe des entreprises de production situées dans la ville danoise de Fredericia (ABB IC Møller A/S), en Finlande (l'ancienne société Ecopipe), en Allemagne (ABB Isolrohr GmbH), en Suède et en Pologne. La vente et la distribution des conduites précalorifugées dans l'Union est assurée par ces entreprises, par d'autres filiales d'ABB ou par des agents commerciaux. Le groupe ABB détient environ 40 % du marché du chauffage urbain pour toute l'Europe de l'Ouest. Il est le chef de file du marché et le principal fournisseur dans la plupart des pays où il est implanté. Après s'être lancé au Danemark avec ABB IC Møller, ABB a pris de l'importance sur ce marché essentiellement en rachetant de petits producteurs. Toutes ces entreprises ont été intégrées aux activités d'ABB. Le rapport annuel d'ABB évalue les «commandes enregistrées» par le secteur «chauffage urbain» en 1995 à 283 millions d'USD (216 millions d'écus).
Bien qu'IC Møller soit la principale entreprise d'ABB dans le secteur du chauffage urbain et que son président soit à la tête du domaine d'activité «chauffage urbain», elle ne joue pas pour autant, au sein du groupe, un rôle de holding pour les autres entreprises de ce domaine; Isolrohr GmbH, par exemple, est une filiale à part entière de l'entreprise phare d'ABB en Allemagne.

b) Løgstør
(11) Løgstør Rør A/S, deuxième fabricant de conduites de chauffage urbain de l'Union, est une entreprise familiale qui a vu le jour en 1960 dans la ville du même nom, au Danemark. Dans le cadre d'une restructuration, en 1988, ses activités ont été transférées à une nouvelle entreprise. Sa part de marché en Europe de l'Ouest est d'environ 20 %. En 1993, elle a racheté une petite usine en Finlande, rebaptisée par la suite LR Putki, qui a fermé en 1996 après avoir essuyé de lourdes pertes. Elle a également une entreprise commune avec des installations de production en Italie, qui fabriquent surtout des accessoires. Løgstør, qui a été le premier producteur à adopter un système de fabrication en continu, affirme avoir réduit ses coûts d'environ 15-20 % par rapport aux techniques traditionnelles de fabrication par lots. Le revêtement extérieur est moins épais et il faut moins de mousse isolante, ce qui permet d'importantes économies de matière première. D'après Løgstør, l'entreprise aurait eu beaucoup de difficultés à implanter ce nouveau produit sur les marchés, car ses concurrents, qui employaient des techniques traditionnelles, ont contesté sa conformité aux normes, réclamant le maintien des normes anciennes pour l'épaisseur du revêtement et la densité de mousse.
Løgstør a racheté le producteur allemand Pan-Isovit (également destinataire de la présente décision), le rachat devenant effectif le 1er janvier 1997.

c) Tarco
(12) Tarco Energi A/S a ses installations de production dans la ville danoise de Fredericia et vend principalement au Danemark et en Allemagne. L'entreprise est aussi présente en Scandinavie, en Italie, aux Pays-Bas et sur certains marchés d'Europe de l'Est. Sa part de marché en Europe de l'Ouest est d'environ 14 %. Tarco Energi A/S fait partie du groupe industriel Tarco A/S, établi à Nyborg, qui appartient à un consortium de plus de quatre-vingts municipalités danoises, dont un grand nombre sont consommatrices de chauffage urbain.

d) Dansk Rørindustri
(13) L'entreprise Dansk Rørindustri A/S, connue sous le nom de Starpipe, est aussi installée à Fredericia, au Danemark. Elle détient en Europe de l'Ouest une part de marché d'environ 6 %. Ses principaux marchés sont le Danemark, les autres pays scandinaves, l'Allemagne et les pays d'Europe de l'Est.

e) Pan-Isovit
(14) A l'époque des faits, l'entreprise Pan-Isovit GmbH, basée alors à Spire, en Allemagne, était détenue à 100 %, comme sa société soeur Pan-Isovit AG située à Regensdorf, par Pan-Isovit Holding AG, elle-même filiale à part entière du groupe industriel suisse WMH - Walter Meier Holding AG. La principale usine de conduites de chauffage urbain se trouvait à Spire; l'usine suisse ne fabriquait que des accessoires. Pan-Isovit, qui détenait environ 12 % du marché d'Europe de l'Ouest, a été rachetée par Løgstør après les vérifications relatives à la présente affaire.

f) Henss/Isoplus
(15) Isoplus Fernwärmetechnik Gesellschaft mbH possède une usine à Hohenberg, en Autriche, et une autre (par le biais d'une filiale à 100 %) à Sonderhausen, en Allemagne. Cet État membre constitue d'ailleurs son marché principal. Isoplus a aussi des sites de production en Hongrie et en République tchèque. L'entreprise, créée en 1989, a racheté en 1990 l'usine d'ABB Isolrohr en Autriche. Durant la période couverte par la présente décision, les ventes d'Isoplus en Allemagne ont été réalisées exclusivement par l'intermédiaire de deux entreprises, Dipl-Kfm Walter Henss GmbH, de Rosenheim, et Dipl-Kfm Walter Henss Rohrleitungsbau GmbH Berlin (5). Henss Rosenheim a aussi été l'agent commercial d'ABB IC Møller en Bavière, ce lien avec ABB s'expliquant par le fait que la famille possédait auparavant Isolrohr, qu'elle avait vendue à IC Møller en 1987. Cet accord de représentation avec ABB a donné lieu à des désaccords récurrents et à des procédures d'arbitrage. Les entreprises Henss et Isoplus constituaient, de facto, un groupe, même si, d'après les registres du commerce, il n'existait entre elles aucune relation d'appartenance. Henss/Isoplus détient environ 9 % du marché d'Europe de l'Ouest.

g) KWH
(16) Le producteur Oy KWH Pipe AB, installé à Vaasa, qui est le seul à avoir un actionnariat finlandais, se consacre essentiellement à la fabrication et à la commercialisation de conduites en plastique (PEHD, PVC) à l'usage du génie civil et des municipalités. KWH Tech est la division responsable (entre autres) de la production de conduites précalorifugées pour le chauffage urbain (il s'agit de la division «conduites thermiques», l'autre étant l'unité «machines», qui produit et vend des appareils et des technologies pour la fabrication de conduites). KWH, dont l'activité dans le domaine du chauffage urbain se limite, en Europe de l'Ouest, aux pays scandinaves, détient environ 2 % du marché d'Europe occidentale. Depuis 1992, l'entreprise s'est spécialisée dans les entreprises communes pour la promotion du chauffage urbain sur des marchés extracommunautaires, où elle a transféré des technologies et du savoir-faire.

h) Fournisseurs locaux
(17) Il existe plusieurs fournisseurs de chauffage urbain qui alimentent principalement leur propre marché national: il s'agit de Brugg (Allemagne et Suisse), de Sigma (Italie) et de Ke-Kelit (Autriche). L'entreprise Brugg ne fabrique plus que des conduites flexibles. Pour les projets de chauffage urbain où elle est en concurrence avec les autres producteurs, elle achète des conduites rigides à Starpipe, ayant fermé, fin 1994, ses propres installations pour la fabrication de ce type de conduites. Ke-Kelit est une entreprise indépendante qui vend pour son propre compte des conduites achetées à Løgstør.
Sigma, qui appartenait auparavant au groupe sidérurgique public Ilva (Italie), a été rachetée par le groupe Riva lors de la privatisation de 1995. Bien qu'appartenant à un grand groupe, Sigma n'opère qu'à l'échelon local.

i) Powerpipe
(18) Powerpipe AB est une entreprise créée en 1986 par d'anciens salariés du producteur suédois Ecopipe après le rachat de celui-ci par le Finlandais Uponor. À la suite d'un concordat avec les créanciers, en 1988, et d'une restructuration financière réalisée avec la garantie d'une société d'investissement privée, Birka Business Development AB, Powerpipe a été rachetée par Birka dont elle est devenue une filiale à part entière. Powerpipe a été, en 1988, l'un des premiers producteurs à mettre au point (grâce à une technologie à base de CO2) une mousse isolante sans CFC pour les conduites précalorifugées. En 1994, elle détenait environ 2 % du marché d'Europe de l'Ouest pour les conduites précalorifugées et exerçait l'essentiel de ses activités en Suède et en Finlande.
À partir de 1993 environ, Powerpipe a poursuivi une politique d'expansion vers d'autres marchés européens, dont l'Allemagne. L'une des raisons avancées pour expliquer ce changement de stratégie est le niveau inexplicablement bas, selon les termes de Powerpipe, auquel les prix étaient tombés en Suède (où ABB dominait le marché). Powerpipe avait la conviction que les gros producteurs baissaient délibérément les prix dans ce pays pour lui faire du tort.
Selon Powerpipe, les producteurs en place ont d'emblée cherché à l'éliminer ou à le neutraliser en tant que concurrent potentiel. À partir de 1991, les autres producteurs ont fait des démarches répétées auprès de Birka et de son propriétaire pour racheter Powerpipe, mais les négociations n'ont jamais abouti.
En janvier 1997, Birka a vendu les activités de Powerpipe à une entreprise nouvelle appartenant à un groupe d'investissement franco-danois spécialisé dans les petites et moyennes entreprises industrielles. La société Powerpipe AB a changé de nom et est restée dans le groupe Birka. La nouvelle entreprise a repris les activités en question sous la raison sociale Powerpipe AB. Elle n'a aucun lien avec Birka.

4. L'association professionnelle EuHP
(19) En 1991, à l'initiative d'ABB, une association professionnelle a été créée sous le nom de European District Heating Pipe Manufacturers Association («EuHP», en abrégé). Selon les statuts de l'EuHP, son objectif premier est de veiller à la qualité du produit, ainsi que de l'installation, de l'entretien et de la formation des personnels. L'EuHP avait défini ses propres normes techniques et imposait aussi le respect des normes européennes applicables au produit.
Parmi les autres objectifs déclarés de l'EuHP figuraient aussi:
- la promotion de la recherche et du développement technique,
- la promotion du chauffage urbain,
- la participation aux travaux menés en matière de protection de l'environnement et de normalisation,
- la fourniture d'une assistance technique et de conseils.
L'élément moteur de l'EuHP était en fait ABB, qui contrôlait l'organisation et lui fournissait du personnel. À l'origine, n'en faisaient partie, à titre individuel, que les entreprises du groupe ABB opérant dans ce secteur, et les trois producteurs danois. KWH a rejoint l'EuHP un peu plus tard (en avril 1992), imité l'année suivante par Pan-Isovit. À partir de 1993, Henss/Isoplus n'a pas ménagé ses efforts pour y entrer (y compris en agitant la menace de poursuites judiciaires, au motif que l'EuHP était une entente dont il était exclu), avant d'y être finalement admis au milieu de l'année 1995. Powerpipe n'en a jamais fait partie.
Durant le déroulement de la présente procédure, ABB a annoncé qu'il avait décidé de se retirer de l'EuHP. Løgstør a quitté l'association le 31 décembre 1997. Les autres producteurs lui ont apparemment emboîté le pas. Le statut exact de l'EuHP à la date de la décision n'est pas connu.

C. La procédure

1. Plainte de Powerpipe
(20) Par lettre du 18 janvier 1995, Powerpipe a introduit auprès de la Commission une plainte portant essentiellement sur les points suivants:
- les autres fabricants et fournisseurs de conduites précalorifugées, notamment ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe, Pan-Isovit et Isoplus, s'étaient réparti le marché européen dans le cadre d'une entente illicite et clandestine, grâce à un système de quotas; ils avaient fixé les prix des produits et de chaque projet et s'étaient entendus pour manipuler la procédure d'appel d'offres relative aux différents projets, afin que les contrats soient attribués au producteur désigné à l'avance par l'entente,
- pour que l'entente soit préservée de la concurrence et conserve la mainmise sur le marché, les producteurs susmentionnés avaient pris des mesures concertées pour nuire à l'activité de Powerpipe ou confiner cette activité au marché suédois ou évincer purement et simplement Powerpipe du secteur, notamment en débauchant les principaux membres de son encadrement et en intervenant illégalement dans ses relations contractuelles avec ses clients et fournisseurs.
(21) Au début de 1994, le propriétaire de Birka (la société mère de Powerpipe) avait par deux fois attiré l'attention d'ABB sur ce problème, en écrivant personnellement au directeur du segment «transports» (voir considérant 10) à Zurich et en lui proposant de le rencontrer. Ce dernier avait rejeté ces allégations de comportement déloyal et anticoncurrentiel comme étant dénuées de tout fondement, déclinant même l'offre de rencontre du propriétaire de Powerpipe, au motif que ses lettres pouvaient être interprétées par les autorités chargées de la concurrence comme une tentative pour amener ABB à contracter des accords illicites. Par la suite, le propriétaire de Powerpipe a informé un membre du conseil d'administration d'ABB des agissements de l'entente et de leurs effets sur l'activité de Powerpipe, et il a demandé au conseil d'administration d'ABB d'intervenir immédiatement pour faire cesser l'infraction. En décembre 1994, à la suite d'une nouvelle démarche des conseillers juridiques de Powerpipe auprès du groupe ABB, le siège social du groupe, à Zurich, a nié catégoriquement que le groupe ait été «impliqué dans des pratiques ou dispositifs concertés susceptibles de fausser, de restreindre ou d'affecter de quelque manière que ce soit la concurrence sur le marché du chauffage urbain et des systèmes de conduites.» Il a affirmé que les allégations de comportement illicite lancées par Powerpipe étaient absolument dénuées de fondement et prévenu que «ABB réagira vigoureusement à toute initiative déplacée ou à toute immixtion dans ses activités et réclamera une indemnisation pour tous les dommages qu'il pourrait subir.»
C'est à la suite de cette réaction d'ABB que Powerpipe a porté plainte auprès de la Commission.

2. Vérifications
(22) Le 28 juin 1995, agissant en vertu d'une décision de la Commission du 12 juin 1995, des fonctionnaires de la Commission et des représentants des autorités de la concurrence des États membres concernés, ont procédé, simultanément et sans préavis, à des vérifications dans les entreprises ou associations suivantes:
- ABB IC Møller A/S, Fredericia, Danemark,
- Dansk Rørindustri A/S, Fredericia, Danemark,
- Løgstør Rør A/S, Løgstør, Danemark,
- Tarco Energi A/S, Fredericia, Danemark,
- European District Heating Pipe Manufacturers Association, Fredericia, Danemark,
- Dipl.-Kfm Walter Henss GmbH, Rosenheim, Allemagne,
- Dipl.-Kfm Walter Henss Fernwärmerohrleitungsbau GmbH, Berlin, Allemagne,
- Pan-Isovit GmbH, Spire, Allemagne,
- Isoplus Fernwärmetechnik GmbH, Hohenberg, Autriche,
- Oy KWH Pipe AB, Vaasa, Finlande.
Ces vérifications ont permis à la Commission d'obtenir, dans la plupart des entreprises visitées, un volume considérable de preuves documentaires, notamment des notes de réunion, des circulaires internes, des documents de travail, des tableaux et des listes qui tendaient tous à confirmer les allégations de Powerpipe.

3. Demandes de renseignements adressées en vertu de l'article 11
(23) Le 13 mars 1996, la Commission a adressé des demandes de renseignements, en vertu de l'article 11 du règlement n° 17, à ABB IC Møller, Løgstør, Starpipe, Pan-Isovit et quatre entreprises du groupe Henss/Isoplus. Les entreprises en question étaient priées de fournir des renseignements supplémentaires et des explications précises concernant les documents trouvés dans leurs locaux lors des vérifications effectuées l'année précédente en vertu de l'article 14, paragraphe 3.

4. Réactions des entreprises
(24) Après avoir reçu les demandes de renseignements adressées en vertu de l'article 11, plusieurs de ces entreprises ont contacté la Commission et reconnu, dans des termes généraux, avoir participé à des violations graves de l'article 85 du traité, en l'informant de leur intention de coopérer totalement à l'enquête et de lui fournir les renseignements relatifs aux infractions, y compris des renseignements qui n'étaient pas réclamés dans les demandes faites en vertu de l'article 11 (dont chacune se limitait presque exclusivement aux documents trouvés en possession du producteur concerné).
La plupart des entreprises impliquées ont ensuite fourni à la Commission, de leur propre initiative, des informations et preuves documentaires qui non seulement corroboraient les preuves trouvées lors des vérifications, mais révélaient aussi que l'entente avait commencé à fonctionner dès novembre ou décembre 1990, avec des accords de partage des marchés et de fixation des prix entre les producteurs danois, et qu'elle avait continué de fonctionner quasiment comme auparavant pendant au moins neuf mois après les vérifications, des précautions supplémentaires étant prises pour en cacher l'existence à la Commission (les réunions, par exemple, étaient organisées hors du territoire de l'Union).
À la suite des demandes de renseignements fondées sur l'article 11, les entreprises du groupe Henss/Isoplus ont d'abord nié avoir participé à une quelconque infraction, ou d'en avoir eu connaissance, ou ont refusé d'aborder les points concernés, avant d'avouer une participation limitée (d'Isoplus, uniquement) à une violation de l'article 85, et de fournir également certaines preuves documentaires.

5. Communication des griefs
(25) Dans sa communication des griefs du 20 mars 1997, la Commission faisait valoir que, commençant leurs agissements au Danemark aux alentours du mois de novembre 1990, avant de les étendre progressivement, d'abord à l'Allemagne, plus ou moins à partir d'octobre 1991, puis, dès la fin de 1994, à l'ensemble du marché commun, les destinataires avaient enfreint l'article 85, paragraphe 1, en participant à une entente clandestine dans le cadre de laquelle ils se sont finalement partagé le marché européen et les différents marchés nationaux grâce a un régime de quotas; qu'ils avaient fixé les prix des produits concernés et de chaque projet; qu'ils avaient attribué chaque projet à un producteur désigné et manipulé la procédure d'appels d'offres pour que celui-ci soit effectivement retenu et qu'afin de préserver l'entente de la concurrence, ils avaient pris des mesures concertées pour nuire aux activités de Powerpipe, confiner ces activités au territoire suédois ou évincer purement et simplement l'entreprise du marché.
La communication des griefs indique la durée de participation à l'infraction pour les différents producteurs:
- ABB, Løgstør, Starpipe, Tarco: de novembre 1990 à mars ou avril 1996 au moins,
- Pan-Isovit: plus ou moins à partir de décembre 1990, jusqu'à la même date,
- Henss/Isoplus: plus ou moins à partir d'octobre 1991, jusqu'à la même date,
- KWH: plus ou moins à partir de mars 1995, jusqu'à la même date,
- Brugg: plus ou moins à partir d'août 1994, et à peu près jusqu'à la même date,
- Ke-Kelit et Sigma: plus ou moins à partir du début de 1995, jusqu'à la même date.
Il était précisé que la participation présumée de Brugg, Ke-Kelit et Sigma se limitait aux arrangements concernant leurs marchés nationaux respectifs.

6. Réponses à la communication des griefs
(26) Dans leur réponse à la communication des griefs, la plupart des producteurs ont reconnu avoir pris part à une violation de l'article 85 mais, à l'exception d'ABB (qui n'a pas contesté les principaux faits décrits par la Commission, ni ses conclusions), ils ont minimisé la durée de l'infraction et le rôle qu'ils y avaient joué et nié avoir participé à de quelconques manoeuvres pour nuire à Powerpipe ou l'évincer.
Løgstør et Tarco ont prétendu qu'il n'y avait pas eu une infraction continue, mais deux ententes complètement distinctes; la première, limitée au territoire danois, aurait fonctionné de la fin de 1990 ou du début de 1991 jusqu'au début de 1993; la seconde aurait couvert un marché plus vaste et n'aurait commencé à fonctionner qu'à la fin de 1994.
Starpipe, pour sa part, n'a pas réagi sur ce point précis, mais affirme n'avoir joué qu'un rôle mineur dans les tentatives d'ABB et de Løgstør pour dominer le marché.
Bien que la Commission ait fait valoir que les sociétés Henss/Isoplus ne constituaient qu'une seule entreprise, en l'absence de toute holding identifiée du groupe, elle a adressé la communication des griefs aux sociétés Henss et Isoplus, qui ont en outre été représentées séparément dans le cadre de la procédure.
La société Isoplus, qui a formellement nié que les entreprises Henss et elle-même constituent un groupe ou soient liées par un quelconque lien de propriété, a aussi déclaré n'avoir participé à aucun accord de partage des marchés avant la fin de 1994 ou le début de 1995.
Les deux entreprises Henss soutiennent que bien que leur propriétaire ait participé, dès 1991, à des pourparlers avec les producteurs visant à mettre fin à une guerre des prix, ceux-ci n'ont donné strictement aucun résultat jusqu'à la fin de 1994. Si, après cette date, une entente a bien été constituée, au sein de laquelle Isoplus aurait mandaté le principal actionnaire de Henss pour la représenter lors des réunions, elles n'ont pour leur part jamais commis la moindre infraction, puisque elles n'étaient que les agents commerciaux d'Isoplus et ne pouvaient, à ce titre, faire partie d'une «entente de producteurs»: Isoplus est seule responsable de toute infraction à l'article 85.
Pan-Isovit a aussi affirmé que quels que soient les contrats qu'elle ait pu conclure avec d'autres producteurs avant la fin de 1994, elle n'a pas fait partie de l'entente avant 1994/1995.
(27) L'entreprise KWH, sans contester en substance les faits sur lesquels se fonde la Commission dans sa communication des griefs, a affirmé qu'elle a été contrainte et forcée par ABB de rejoindre l'entente en mai (et non en mars 1995), et qu'elle n'est entrée dans le jeu de l'entente que pour éviter les représailles systématiques des autres producteurs.
Brugg a admis avoir joué un rôle limité dans l'entente (ce que la communication des griefs avait parfaitement reconnu), mais seulement à partir de décembre 1994 (et non du mois d'août); cette entreprise a aussi déclaré avoir assisté aux réunions pour ne pas être éliminée du marché par ses concurrents plus importants, et notamment par ABB.
Ke-Kelit a minimisé son rôle et déclaré avoir été mis devant le fait accompli par les autres producteurs, sans autre solution que d'accepter le quota qu'ils lui avaient alloué pour l'Autriche.
La société Sigma (qui ne semble pas faire de distinguo entre la participation à l'entente et l'appartenance à l'association EuHP, dont elle n'a jamais fait partie) a déclaré que dans la plupart des cas, sa participation aux réunions concernant l'Italie se limitait aux aspects techniques et que dans les rares cas où il était question d'accords anticoncurrentiels, elle n'a jamais accepté de voir restreindre sa liberté commerciale.
Quant aux actions, décrites dans la communication des griefs, qui visaient à éliminer Powerpipe en tant que concurrent, tous les producteurs, hormis ABB, qui étaient visés par cette allégation (et parmi lesquels ne figuraient ni Ke-Kelit ni Sigma) ont nié avoir participé à de telles actions ou les avoir mises en oeuvre. L'entreprise KWH a affirmé qu'elle avait subi des pressions destinées à lui faire appliquer une décision de boycott collectif de Powerpipe, mais qu'elle avait bravé les instructions de l'entente.

D. Détails de l'infraction

1. Historique du marché
(28) En 1987, juste avant la concentration avec ASEA, Brown Boveri Company, qui contrôlait le producteur danois IC Møller (devenu par la suite ABB IC Møller A/S) s'est lancée dans un programme stratégique d'acquisition de producteurs européens de conduites de chauffage urbain, dont Isolrohr (désormais ABB Isolrohr), en Allemagne, en Autriche et en Hongrie, ainsi qu'Ecopipe et Dyrotan en Scandinavie.
Si le Danemark était le «berceau» de l'industrie du chauffage urbain, l'Allemagne était déjà le principal marché national mais, à la fin des années 1980, il était considéré comme arrivé à maturité, les possibilités de nouvelles installations étaient rares, mais il y avait un besoin d'entretien et de modernisation des systèmes de chauffage urbain existants.
Selon les plus grands producteurs, le marché du chauffage urbain en général se caractérisait à l'époque par une forte concurrence qui tendait à faire baisser le niveau des prix.
ABB estime pour sa part qu'elle a dû injustement supporter tous les coûts de la réorganisation du secteur, quand les autres producteurs «n'ont rien eu à débourser» (réponse d'ABB conformément à l'article 11, p. 14). Selon elle, pendant la deuxième moitié des années 1980, les fournisseurs ont réduit leurs prix de manière irresponsable pour essayer d'améliorer leur part d'un marché qui ne devait pas, estimait-on, connaître un développement sensible dans un avenir prévisible.
ABB déclare que la restructuration était essentielle, car il y avait trop de petits producteurs qui fabriquaient des conduites de mauvaise qualité dont le manque de durabilité «portait préjudice à la viabilité économique du chauffage urbain»: les systèmes qui ne respectaient pas les normes de qualité du CEN pouvaient être de 10 à 20 % moins chers que les équipements agréés, mais ils ne duraient que dix ans au lieu de vingt.
(29) En Allemagne, les fabricants allemands, autrichiens et suisses ont créé une association professionnelle connue sous le nom de BFW (Bundesverband Fernwärmeleitungen) qui, d'après eux, regroupait les seules entreprises qualifiées pour répondre aux normes de qualité élevées du marché allemand. Les producteurs ne disposant pas d'installations de production en Allemagne n'étaient pas autorisés à en faire partie. Les producteurs danois (dont ABB IC Møller) en étaient exclus, mais étaient désireux de renforcer leur pénétration sur le marché allemand: Løgstør déclare cependant qu'après l'acquisition d'Isolrohr en 1987, Brown Boveri a relâché la pression, étant donné qu'elle pouvait désormais produire elle-même en Allemagne (réponse de Løgstør à la demande adressée au titre de l'article 11, déclaration II, p. 87).
Les barèmes de prix présentés par ABB montrent que les prix sur le marché allemand sont restés assez stables au cours de la période 1985-1990: en dépit de légères fluctuations, le niveau des prix à la fin de cette période était resté le même qu'au début, alors que les marchés stagnaient en volume.
Le marché danois, qui était approvisionné exclusivement par les quatre producteurs nationaux, était cependant considéré en général comme un marché où les prix étaient élevés; la stabilité du niveau des prix sur le marché national fournissait aux producteurs locaux une base solide pour exporter vers les pays voisins.
(30) En 1988/1989, ABB a organisé plusieurs réunions entre Løgstør, Tarco, Starpipe et elle-même en vue de trouver une «solution» aux problèmes perceptibles dans ce secteur (réponse de Løgstør à la demande adressée au titre de l'article 11; déclaration I, p. 72; déclaration II, p. 86 et 87).
Peu après le démarrage de ces discussions, les conditions du marché ont changé de manière spectaculaire. L'ouverture à l'économie de marché, en 1989, des pays de l'ancien bloc de l'Est a entraîné une augmentation massive de la demande: le marché potentiel total pour les fournisseurs occidentaux est passé d'environ 2 500 millions de couronnes danoises (DKK) (315 millions d'écus) en 1988 à 3 500-3 700 millions de DKK en 1991 (440-470 millions d'écus).
Tous les producteurs ont accru leur capacité de production pour satisfaire cette nouvelle demande, qui émanait en particulier de l'ex-RDA où le gouvernement fédéral et les nouveaux Länder investissaient dans le remplacement des infrastructures non conformes aux normes. Si le marché allemand, en un an seulement, a connu une expansion de 20 %, les prix n'ont cependant pas augmenté et, selon les producteurs, ils ont même baissé en Allemagne de 10 % en 1991 par rapport à l'année précédente.
ABB estime que la persistance de prix peu élevés en Allemagne s'expliquait essentiellement par des raisons d'ordre structurel, en particulier:
i) la concentration des investissements du gouvernement fédéral dans l'ex-RDA;
ii) le fait que la croissance en Allemagne de l'Est reposait presque exclusivement sur des projets et non sur des travaux de remplacement; les clients directs étaient donc les donneurs d'ordre et non les autorités locales, et ils encourageaient la concurrence par les prix entre producteurs, de façon à accroître leurs propres marges;
iii) les ventes à perte effectuées par les producteurs pour conquérir une clientèle sur un nouveau marché.
En outre, le recours à la procédure d'appel d'offres pour les travaux publics comme base d'attribution de la plupart des projets a probablement entraîné un renforcement de la concurrence entre producteurs.

2. L'entente danoise

a) Le régime des quotas et la fixation des prix
(31) Bien que, dès le 30 octobre 1989, ABB [annexe XI de la communication des griefs (6*)] ait fait état d'un certain nombre de possibilités, dont 1) une offre par Løgstør de limiter ses activités au Danemark, à l'Allemagne, à la Finlande et à la Suède et 2) un «traité de paix» au Danemark liant l'ensemble des quatre producteurs et prévoyant un gel des parts de marché, les premiers accords clairement définis de partage du marché dont la Commission ait eu connaissance sont entrés en vigueur en 1991.
Lors d'une réunion au Jutland à la fin de 1990, un accord avait été conclu entre les quatre producteurs danois sur les principes de base d'une coopération générale sur leur marché national. À cette époque, les importations d'Allemagne au Danemark étaient négligeables. Les participants étaient tous des cadres de direction qui occupaient la fonction de directeur général ou une position plus élevée (réponse d'ABB à la demande adressée conformément à l'article 11, p. 49; réponse de Løgstør à la demande adressée conformément à l'article 11, déclaration I, p. 72; déclaration de Tarco du 26 avril 1996, p. 2).
L'une des premières mesures a consisté à coordonner une augmentation de prix de 10-12 % au total, qui devait s'appliquer au Danemark en deux temps (des dates différentes étaient prévues pour les différents producteurs), ainsi qu'une augmentation des prix sur les marchés d'exportation, variant entre 6 et 10 % (annexe 19).
Pour mettre au point les derniers détails des modalités de cet accord, qui devait comprendre un système de quotas et de répartition de la clientèle, plusieurs autres réunions ont suivi: les directeurs généraux (qui se sont surnommés «les papes») se sont réunis le 16 janvier 1991.
(32) Les quotas, qui devaient être valables pour les deux années suivantes, à savoir 1991 et 1992, ont été convenus lors de la réunion du 16 janvier 1991, puis modifiés deux mois plus tard (le 4 mars 1991) pour attribuer à ABB et à Løgstør un pourcentage légèrement supérieur.
Les quotas définitifs au 4 mars étaient les suivants:
>EMPLACEMENT TABLE>
Le principe de base sur lequel reposait le système de partage du marché pour le Danemark était le respect des relations avec la clientèle existante: chaque fournisseur conservait sa clientèle et il ne devait pas y avoir de tentative pour ravir les clients d'un autre producteur.
Le système de quotas convenu par les directeurs généraux a été appliqué et contrôlé par le groupe subordonné des responsables des ventes (groupe «chargé des ventes» ou groupe «de contact»), qui se réunissait une fois par mois (dans le cas de Tarco) ou deux fois (dans le cas d'ABB).
Les directeurs généraux se rencontraient tous les trois mois environ pour résoudre les problèmes ou les conflits.

b) Le fonctionnement de l'entente
(33) Un cadre à la retraite, qui entretenait avec ABB des liens personnels étroits et avait précédemment siégé au conseil d'administration d'IC Møller, a été engagé comme consultant pour jouer le rôle de «coordinateur» de l'entente.
Le groupe de contact, qui répartissait les activités entre les membres de l'entente, possédait une base de données des projets et des clients sur un ordinateur portable. On décidait à l'avance qui «décrocherait» un marché donné. Pour chacun des projets, le «favori» (autrement dit l'entreprise à laquelle était attribué le marché) informait les autres participants du prix qu'il avait l'intention de proposer et ces derniers faisaient alors une offre plus élevée de façon à protéger le fournisseur désigné par l'entente.
Généralement, l'entente attribuait le projet au fournisseur traditionnel du client. Le Danemark étant un marché mûr, la majorité des contrats concernaient des ventes directes à des clients existants. Les 20 à 30 «nouveaux» projets qui faisaient l'objet chaque année d'un appel d'offres (d'un montant compris entre 500 000 et 30 millions de DKK) étaient répartis entre les quatre producteurs, afin que leurs ventes totales soient conformes aux quotas convenus.
L'accord de partage du marché au Danemark s'appuyait sur un système de compensation. Les vérificateurs comptables de chacun des producteurs certifiaient les ventes totales de conduites réalisées au cours de l'année et ces attestations étaient ensuite échangées entre les participants à l'entente.
(34) À la fin de 1990, les quatre producteurs danois s'étaient concertés sur des augmentations de leurs barèmes de prix nationaux et de prix à l'exportation, ainsi que sur le rythme et les modalités de ces augmentations, qui variaient d'un producteur à l'autre (voir considérant 31).
Pour faciliter le fonctionnement de ce système, les producteurs échangeaient leurs barèmes de prix respectifs qu'ABB a, le 23 janvier 1991, regroupés en un seul document de référence. Ultérieurement, en mars 1991, le montant des rabais a été convenu et cet accord a été appliqué par les responsables des ventes, qui ont donné à leur personnel de vente des instructions indiquant l'étendue des rabais autorisés: le respect des rabais convenus était garanti par le fait que les producteurs échangeaient des copies de ces instructions internes (déclaration de Tarco, p. 3).
Des augmentations de prix ont été décidées de temps à autre. À l'automne 1991, les quatre producteurs basés au Danemark ont discuté des augmentations annuelles de leurs prix de barème à la fois pour le Danemark et pour l'exportation. Dès octobre, les deux producteurs allemands se sont joints à eux lors de réunions régulières (voir considérant 41). Un accord visant à augmenter d'environ 6 à 8 % les prix hors du Danemark, avec effet à compter du 1er janvier 1992, a été conclu. Pan-Isovit et Henss/Isoplus étaient parties à cet accord. (Réponse d'ABB à la demande au titre de l'article 11, p. 18 et 19; réponse de Løgstør à la communication des griefs, p. 30 et 31).
(35) Au cours de la première année d'application du système de quotas danois (1991), ABB a respecté son objectif, mais Løgstør a ravi aux deux plus petits producteurs une part de marché appréciable (annexe 22). Le ressentiment qu'ils ont pu en concevoir a été atténué par le fait que les prix avaient grimpé et que tous les producteurs avaient vu leurs recettes augmenter de façon sensible. En tout état de cause, selon Tarco, le mécanisme de compensation a joué.
Il est incontestable que ce mécanisme a été mis en oeuvre à la fin de 1991 (ainsi que l'attestent un nombre considérable de documents comptables), mais les modalités exactes de paiement de la compensation restent floues. Tarco (principal bénéficiaire des compensations) a déclaré que les versements se faisaient en argent liquide et qu'ils étaient enregistrés dans les comptes des sociétés bénéficiaires au moyen de factures établies pour des livraisons fictives de conduites (déclaration de Tarco, p. 4; réponse à la deuxième demande au titre de l'article 11, p. 1). Løgstør nie catégoriquement cette version des faits et affirme que la demande de Tarco (portant sur quelque 4,5 millions de DKK) a été satisfaite de deux façons: a) en prenant en compte les commandes de gaines plastiques et d'autres matériaux que Løgstør avait déjà passées à Tarco au cours de l'année et qui représentaient une contribution positive et b) par sa renonciation, au bénéfice de Tarco, à sa participation dans un projet conjoint en Islande (réponse de Løgstør à la demande au titre de l'article 11 du 26 avril 1997).
Quelle qu'ait été la procédure exacte de règlement des compensations en 1991, il a été convenu que, pour 1992, un nouveau système s'appliquerait: les parts de marché en surplus feraient l'objet d'un «report» et seraient réaffectées aux producteurs n'atteignant pas le quota imparti.
(36) Bien que la durée d'application prévue des quotas convenus pour le Danemark en mars 1991 ait été de deux ans (1991 et 1992), ils ont été renégociés après neuf mois seulement.
Au cours d'une série de réunions tenues à la fin de 1991 et au début de 1992, une nouvelle répartition du marché a été arrêtée pour 1992 et 1993.
Les nouveaux quotas pour le Danemark ont été les suivants:
>EMPLACEMENT TABLE>
On ne sait pas exactement si les parts de marché réalisées en 1992 étaient conformes aux objectifs (Løgstør déclare que sa part avoisinait 35 %, mais son propre plan stratégique interne 1994-1997 indiquait pour 1992 une part de 29,5 %; voir également annexes 24 et 49). On s'attendait toutefois à ce qu'elles dépassent de façon sensible le pourcentage fixé pour 1993, en partie du fait de l'introduction, malgré les difficultés pour obtenir l'approbation au sein de l'EuHP, de la production en continu, meilleur marché.
À la fin de 1992 et au début de 1993, Løgstør a demandé que l'amélioration de son rendement et de son potentiel soit formellement reconnue par l'attribution d'un quota plus élevé (ce qui l'aurait libérée de l'obligation d'accorder aux autres des compensations); cela a amené ABB à lui offrir 1,5 % sur sa propre part plus 1 % sur la part des deux plus petits producteurs. Ces derniers, bien entendu, s'y sont opposés.
(37) Løgstør affirme (réponse à la communication des griefs, p. 22) que, dès la fin de 1992, elle a menacé de quitter l'entente si on ne lui accordait pas un quota plus élevé. Il était prévu que les parts de marché au Danemark pour 1993 devraient demeurer les mêmes que pour 1992 (annexe 8 de la réponse d'ABB à la demande adressée au titre de l'article 11). Que Løgstør ait ou non proféré une telle menace, le fait est qu'elle est restée dans l'entente (bien qu'elle prétende y avoir été contrainte par ABB: réponse à la communication des griefs, p. 24). En mars 1993, Løgstør réclamait toujours un nouveau quota de 34 %, tandis qu'ABB l'accusait de rompre l'accord en se livrant à un «dumping» des prix au Danemark.
Les relations entre les producteurs danois à la fin de 1992 et au début de 1993 ont été compliquées par deux autres facteurs:
- ABB a demandé une participation atteignant 10 % dans Løgstør,
- Henss/Isoplus et Pan-Isovit ont exercé des pressions de plus en plus fortes pour obtenir une part du marché danois.
Quels que soient les désaccords qu'il ait pu y avoir entre les producteurs à l'époque, Løgstør elle-même admet que «début 1993, la coordination reposait essentiellement sur un accord de respect des relations avec les clients traditionnels.» (Réponse à la communication des griefs, p. 23).
La Commission a obtenu de Tarco un tableau détaillé (daté du 25 mars 1993) des projets pour 1993, qui indique non seulement le soumissionnaire sélectionné et le prix des marchés déjà attribués pour cette année-là, mais également le «fournisseur prévu» et le «prix prévu» pour des procédures encore en cours et pour des projets susceptibles d'être mis en adjudication. Ces données ont été réunies au moment de l'exercice décrit au considérant 33 et elles montrent ainsi qu'à cette date l'entente fonctionnait très bien (annexe 23).
Le printemps étant la «haute saison», c'est-à-dire la période de l'année au cours de laquelle la plupart des marchés sont attribués, cela signifie que la majorité des projets pour l'année en question avaient déjà été répartis à cette date.
Toutefois, la Commission admet qu'à partir de mars-avril 1993 environ, les prix pour les nouveaux projets au Danemark ont commencé à baisser. Dans certains cas également, à une période plus tardive de cette même année, l'accord relatif aux «clients traditionnels» n'a pas été respecté au Danemark.
Il y a eu des récriminations de toute part: Løgstør affirme qu'il y a eu manigances de la part d'ABB pour discipliner les autres producteurs et les forcer à rester dans l'entente. Elle prétend qu'ABB lui a même déclaré avoir débloqué un crédit de 50 millions de DKK pour éliminer Løgstør au cours d'une guerre des prix (réponse de Løgstør à la communication des griefs, p. 22-24, 32, 40 et 42). Toutefois, ABB rejette la responsabilité sur Løgstør en invoquant le fait que celle-ci a demandé une augmentation de son quota, avis apparemment partagé par Henss, qui estime (compte rendu de la réunion du conseil de surveillance du 3 février 1994, figurant dans la correspondance communiquée par Isoplus au titre de l'article 11) que Løgstør a débauché l'un des principaux «clients traditionnels» d'ABB grâce à des prix très bas, afin de convaincre ABB de renoncer à des parts de marché en sa faveur.
Quelle que soit la version des événements, la chute des prix au Danemark a été la conséquence de rapports de force au sein de l'entente et non de la suppression de celle-ci. En effet, exactement à la même époque, Løgstør et ABB s'efforçaient de trouver une «solution globale» et des accords étaient en train d'être conclus pour l'Allemagne (considérants 49 et 51). Les discussions destinées à résoudre les désaccords à propos du marché danois étaient combinées avec celles pour l'Allemagne au sein d'un même processus (réponse d'ABB au titre de l'article 11, p. 59).

3. Extension à d'autres marchés
(38) La coopération entre les producteurs danois ne s'est pas limitée à leur marché national: la première augmentation concertée des prix s'est appliquée également aux marchés d'exportation à compter du 1er janvier 1991. En Allemagne, l'augmentation a été de 7 % pour ABB, de 10 % pour Tarco et Løgstør et de 6 % pour Starpipe à partir du 1er décembre 1990 (annexe 19).
En outre, à la même époque (fin 1990, début 1991), alors que les producteurs danois mettaient la dernière main à leurs accords secrets pour contrôler le marché au Danemark, des initiatives avaient déjà été prises pour étendre la coopération en matière de partage du marché à d'autres marchés et y associer les producteurs allemands.
Ces manoeuvres sont restées au départ relativement isolées. ABB, qui avait repris Isolrohr en 1987 et avait ainsi un pied dans les deux camps, allemand et danois, a participé à des discussions bilatérales avec Pan-Isovit, en décembre 1990-janvier 1991, au sujet de la constitution d'une «alliance stratégique informelle» (annexes 30 et 31; réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 7-9). À cette époque, les deux producteurs approvisionnaient à eux deux la majeure partie du marché allemand: Isoplus, qui venait tout juste d'acquérir l'usine autrichienne d'Isolrohr, cherchait encore à se positionner comme candidat valable à l'entrée sur le marché allemand, en faisant appel à Henss comme agent commercial.
Il n'était pas question à ce moment-là de la constitution d'une alliance formelle entre les quatre producteurs danois et Pan-Isovit: ce dernier considérait Løgstør, Tarco et Starpipe comme des «pirates» qui cherchaient à décrocher des parts de marché en Allemagne grâce à des prix peu élevés. ABB, en tant que propriétaire d'Isolrohr en Allemagne, était son partenaire naturel. Il était sans aucun doute dans l'intérêt stratégique d'ABB de s'entendre avec les deux camps.
Outre la coopération technique, les discussions entre ABB et Pan-Isovit ont porté sur les modalités d'une répartition du marché entre eux, en tant que principaux producteurs et fournisseurs en Allemagne. L'idée sous-jacente était de répartir les zones commerciales en conservant les parts de marché existantes.
(39) Il a été convenu d'instituer une structure qui comprendrait «un groupe de direction» et «un groupe chargé de l'élaboration de la stratégie», afin de coordonner les activités des deux producteurs et d'assurer leur domination conjointe du marché allemand.
Pan-Isovit s'est également déclarée en faveur des augmentations de prix de 6-8 % auxquelles ABB (et les producteurs danois) avaient récemment convenu de procéder sur leurs marchés d'exportation, l'Allemagne y comprise.
Selon ABB, Pan-Isovit a, par la suite, émis des réserves au sujet de la coopération technique proposée et, après son refus de participer à l'association EuHP (7), les discussions bilatérales relatives à la coopération sur le marché ont pris fin en avril 1991.
(40) Les accords entre les producteurs danois ont été étendus à l'Italie, même si, en mars 1991, Tarco signalait que, sur le chapitre des prix, ABB IC Møller et Løgstør «ne respectaient pas entièrement les accords conclus pour le marché italien» [ABB n'avait appliqué l'augmentation de 6 % qu'au deuxième semestre de l'année, tandis que Løgstør avait augmenté ses barèmes tout en consentant dans le même temps des rabais qui maintenaient les prix au niveau de 1990 (annexe 33)].
En ce qui concerne l'attribution des projets, un marché important à Turin, que le secteur considérait comme un marché «vedette», a fait l'objet, en octobre 1991, d'un accord du type «un pour tous et tous pour un» prévoyant que le producteur qui décrocherait le contrat le partagerait avec les autres, dans certaines proportions convenues (cet accord n'a en fait pas été appliqué, car un sousmissionnaire extérieur a présenté l'offre la plus avantageuse; réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 53-55, annexe 32).
Pan-Isovit a également participé, en juillet 1991, à des discussions avec ses concurrents danois au sujet du partage du projet de Turin. Selon certaines indications, la réciprocité était déjà une caractéristique de ce marché: ABB aurait déclaré à d'autres participants, lors d'une réunion, que Løgstør avait renoncé au projet de Turin au bénéfice d'IC Møller, «en échange d'une autre compensation au plan international» (documents supplémentaires, nos 1-4).
(41) À l'automne 1991, la coopération organisée entre les producteurs danois a été étendue de manière plus formelle au marché allemand et, à partir d'octobre, les deux producteurs allemands Pan-Isovit et Henss/Isoplus (ce dernier étant désormais établi en Allemagne) se sont joints à cette collusion. À compter de cette date, des réunions se sont tenues régulièrement entre ces six principaux fournisseurs du marché allemand, dans le but de porter les prix à des niveaux plus élevés (réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 31 et 51).
(42) Selon les informations disponibles, des réunions des directeurs généraux (ou des personnes de grade équivalent) ont été tenues (à tout le moins) aux dates suivantes:
- le 9 (ou le 10) octobre 1991,
- le 10 décembre 1991,
- le 19 février 1992,
- le 6 mars 1992,
- le 1er avril 1992,
- le 30 juin 1992,
- le 11 août 1992,
- le 11 novembre 1992,
- le 20 avril 1993,
- le 30 juin 1993,
- le 18 (ou le 19) août 1993,
- le 8 (ou le 9) septembre 1993.
(43) Il y avait eu des tensions évidentes entre les deux groupes nationaux: Henss/Isoplus a accusé les producteurs danois d'avoir utilisé les bénéfices dégagés sur leur marché local par l'entente, qui y était bien implantée, pour financer «une guerre des prix» devant leur permettre de conquérir des parts de marché en Allemagne au détriment de Henss/Isoplus.
À cette époque, la collusion entre les producteurs à l'extérieur du Danemark n'avait pas atteint le degré de complexité que l'on devait observer trois ans plus tard. Dans cette recherche d'un accord global sur le marché, les participants poursuivaient des objectifs différents. ABB cherchait, par le biais d'un projet de grande envergure, à s'assurer le contrôle stratégique du secteur, tandis que la politique agressive de prix menée par Tarco en Allemagne avait amené les producteurs allemands à prospecter le marché danois, au grand mécontentement de Løgstør et de Starpipe. Les entreprises allemandes, toutefois, étaient clairement intéressées par la conclusion d'un accord de partage du marché afin de protéger leur position contre les producteurs danois.
Selon ABB, il était tout à fait insensé que les producteurs se livrent à une guerre des prix au moment où le marché connaissait un développement rapide et il était essentiel que des mesures soient prises au plus haut niveau (annexe 35).
(44) ABB insistait sur la conclusion d'un accord concernant les prix en Allemagne, qui lui permettrait à la fois de contenir les activités de Tarco et d'augmenter les prix consentis à ses agents. Lors d'une réunion à Francfort le 9 ou 10 octobre 1991, à laquelle assistaient les six producteurs, une augmentation d'environ 6 % des barèmes de prix a été décidée. (La veille, les producteurs danois avaient convenu que les directeurs généraux examineraient la situation en Allemagne et sur d'autres marchés d'exportation - réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 51.)
L'accord sur les prix a été confirmé au cours d'une réunion ultérieure tenue à Hambourg le 10 décembre 1991; les résultats en ont été les suivants:
- tous les producteurs devaient appliquer une augmentation immédiate de 6 % des prix,
- une «ligne directe» devait relier les participants,
- d'autres réunions devaient être organisées une fois par mois,
- un barème de prix minimaux devait être élaboré d'ici le 13 janvier 1992.
Selon ABB, les participants ont également examiné s'il convenait ou non d'échanger des chiffres relatifs aux parts de marché (annexe 36; réponse d'ABB conformément à l'article 11, p. 18 et 19).
(45) Au cours de l'année suivante, des réunions des instances dirigeantes se sont tenues à intervalles assez réguliers, «afin d'examiner des questions d'intérêt commun» (ainsi qu'il était dit sur l'une des invitations) (8).
Le coordinateur de l'entente danoise a également joué le rôle «intermédiaire» pour le groupe allemand, sa fonction consistant à convoquer les réunions et à faciliter la conclusion d'un accord afin d'augmenter les prix.
Il est fort possible que des réunions de cadres d'un niveau inférieur aient également eu lieu pour l'Allemagne, mais aucun détail n'est disponible à ce sujet (considérant 69).
Comme il avait été convenu précédemment, un barème de prix a été élaboré par un employé d'ABB IC Møller sur la base d'informations fournies par Henss et du barème de prix «K3» d'ABB pour 1992. (Løgstør décrit ABB et Henss comme la «force motrice» du groupe allemand: réponse à la communication des griefs, p. 28.) Le barème en question devait servir de guide pour la fixation des niveaux de prix, dans le cadre du projet d'augmentation de l'ensemble des prix. Il devait être distribué le 10 avril 1992 au plus tard.
(46) À ce stade, aucun accord définitif ne s'était apparemment dégagé sur les parts de marché et des négociations complexes ont eu lieu pour répartir le marché allemand entre les deux groupes nationaux. Au cours de son enquête, la Commission a obtenu des notes manuscrites relatives à certaines de ces réunions, rédigées par Tarco et Starpipe (annexes 37, 44 et 45).
Les producteurs ont effectivement décidé d'échanger des informations sur les parts de marché (voir considérant 44), ainsi qu'il ressort d'une note rédigée par Starpipe au cours de l'une des premières réunions (annexe 37). À côté du nom de chacun des six participants, elle indique, sous le titre - «précédents» (Tidligere), la valeur de ses ventes ainsi que la part de marché correspondante en pourcentage, et sous le titre «nouveaux» (Ny), un autre ensemble de pourcentages. L'année concernée semble être 1991, mais il n'est pas possible de conclure avec certitude si les «nouveaux» pourcentages indiqués sont des objectifs ou de simples estimations des ventes. D'après cette note, les producteurs allemands souhaitaient atteindre des ventes de 130 millions de marks allemands (DEM) (Henss évaluait le marché total à 180 millions de DEM) et une augmentation de prix de 15 %.
Au cours d'une réunion ultérieure, qui s'est tenue à Bruxelles en novembre 1992, un tableau des ventes et des parts de marché des producteurs en Allemagne pour cette même année a été établi, probablement en vue de parvenir à un accord sur les quotas (annexe 44). Les producteurs danois Løgstør, Tarco et Starpipe demandaient à pouvoir se répartir 40 % du marché allemand.
Løgstør déclare (déclaration I, p. 73) qu'en 1991 et 1992, en dépit de la méfiance qui régnait entre les producteurs, un effort a été fait pour mettre en oeuvre un modèle danois dans différents pays, dont l'Allemagne.
La répartition des parts de marché était basée sur les parts obtenues par les différents producteurs au cours des deux années précédentes, «en tenant compte des parts de marché susceptibles d'être acquises par elle-même par chacune des sociétés». (Løgstør ajoute que les producteurs allemands n'étaient pas satisfaits de la façon dont les parts de marché avaient été réparties et que ces efforts ont échoué.)
Au début de 1993, les principaux producteurs cherchaient à parvenir à un accord global dans ce secteur et ABB ébauchait déjà (annexe 48) «une stratégie européenne» valable pour le Danemark, la Suède, la Finlande, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas, la France et l'Italie (qualifiés globalement de «vieux marché occidental du chauffage urbain»), aux termes de laquelle ABB aurait détenu 42 % du marché et Løgstør, 25 %. Avec une part cumulée de 67 %, ces deux producteurs auraient effectivement contrôlé l'ensemble du marché.
ABB croyait pouvoir affermir sa position en prenant dans Løgstør une participation pouvant atteindre 10 %, en échange de laquelle elle devait obtenir pour Løgstør un quota plus élevé au sein de l'entente. (Cette idée ne s'est en fait jamais concrétisée.)
(47) À cette date, les deux principaux marchés, l'Allemagne et le Danemark, faisaient l'objet de discussions régulières dans la même enceinte (réponse d'ABB à la demande adressée conformément à l'article 11, p. 58 et 59).
Løgstør (dans sa réponse à la communication des griefs, p. 37) a décrit la tactique employée par ABB pour obtenir un accord comme celle de «la carotte et du bâton», ABB faisant tour à tour miroiter des avantages et proférant des menaces en cas de refus de ses propositions.
La Commission admet tout à fait que, pendant une grande partie de la période en question, et en dépit de l'accord conclu pour augmenter les prix à compter du 1er janvier 1992, le niveau général des prix en Allemagne est resté peu élevé, chacun des producteurs cherchant à obtenir une part de marché supérieure.
Les producteurs allemands avaient essayé d'amener les quatre fournisseurs danois à vendre en Allemagne aux mêmes prix que ceux qu'ils pouvaient obtenir sur leur marché national. Les producteurs danois quant à eux avaient, au début de 1993, essayé d'obtenir l'accord d'Isoplus de rester à l'écart du marché danois, en échange de quoi, semble-t-il, Tarco et Starpipe se seraient retirés du marché autrichien ou abstenus d'y pénétrer.
(48) ABB a continué de jouer le premier rôle. Sa politique consistait à affermir, par le biais de l'entente, sa position de chef de file du marché, tout en nouant une alliance stratégique avec au moins un de ses concurrents. Outre sa demande de participation dans Løgstør (et son offre à ce dernier d'un quota plus élevé au sein de l'entente), ABB a cherché (en vain), par l'intermédiaire d'agents, à acquérir Isoplus et, plus tard, lui a vivement conseillé de rester à l'écart du marché danois (déclaration d'Isoplus du 10 october 1996, p. 23).
Au milieu de 1993, Pan-Isovit et Isoplus ont perdu patience du fait de la durée de ces négociations et, afin d'acquérir plus de «poids», ont décidé de pénétrer sur le marché danois. Ils font valoir que ce coup de force démontrait l'absence d'entente, mais il est clair qu'il s'agissait d'une tactique pour persuader les producteurs danois d'augmenter leurs prix en Allemagne.
Le plan de Henss/Isoplus pour le Danemark était donc d'obtenir des marchés individuels uniquement au terme d'un accord avec ABB ou Løgstør: la société entendait manifester «une certaine solidarité» avec ABB, mais attendre d'être approchée par Løgstør (compte rendu de la réunion du conseil de surveillance d'Isoplus, considérant 37).
(49) Quelles qu'aient été leurs divergences et en dépit d'une stratégie musclée, les six producteurs cherchaient toujours à surmonter leurs différences et à parvenir à une solution.
Des représentants des principaux producteurs se sont à nouveau réunis à Hambourg, le 20 avril 1993, pour relancer le processus de fixation d'un barème commun et s'entendre sur une augmentation commune des prix pour l'Allemagne (réponse d'ABB à la demande adressée conformément à l'article 11, p. 32 et 33). Løgstør avait convoqué cette réunion en sa qualité de président de l'association des producteurs danois.
ABB a toutefois déclaré que le représentant de Løgstør n'avait apparemment pas été en mesure de participer à la réunion, une déclaration confirmée par Løgstør dans sa réponse à la communication des griefs (p. 35): toutefois, d'après ce qu'elle avait déclaré précédemment à la Commission dans sa réponse à la demande adressée conformément à l'article 11, Løgstør indique que son directeur des ventes a participé à une «réunion européenne» à cette date.
La veille de la réunion, Tarco avait distribué aux autres producteurs danois des tableaux (annexe 49) indiquant les ventes et les parts de marché pour l'ensemble des fournisseurs (y compris les producteurs allemands) sur chaque marché national en 1992, ces chiffres ayant été réunis à partir d'informations fournies par les directeurs des ventes au cours d'une réunion antérieure. De l'aveu même de Tarco (réponse à la première lettre adressée au titre de l'article 11, p. 8), les tableaux devaient permettre de calculer quel serait le marché européen global (probablement en 1993); il n'est pas possible de contester que cet exercice ait été lié à un projet de partage du marché.
Le 30 juin 1993, au cours d'une réunion à Copenhague à laquelle étaient présents, comme d'habitude, les directeurs généraux d'ABB, de Løgstør, de Tarco, de Starpipe, d'Isoplus et de Pan-Isovit, il a été à nouveau discuté d'accords de partage du marché allemand, y compris de la répartition proposée 60/40. Selon la note d'ABB rédigée quelques jours plus tard seulement (annexe 48), cette répartition était «presque arrêtée» lorsque Løgstør l'a jugée inacceptable pour les producteurs allemands. Les six ont alors réussi à se mettre d'accord pour demander un audit indépendant des ventes de 1992, qui servirait de base à un accord sur les quotas pour l'Allemagne.
Le fait que les discussions, axées au départ sur la recherche d'un barème commun, aient ensuite porté, à partir de juin 1993, sur «des tentatives plus organisées pour se partager le marché» s'explique par la prise de conscience que des tentatives pour augmenter les prix non assorties d'accords de partage du marché ou de quotas resteraient vouées à l'échec (réponse d'ABB à la demande adressée conformément à l'article 11, p. 35).
Une note rédigée par ABB en vue d'une réunion organisée à Zurich, les 5 et 6 juillet 1993, entre ses cadres dirigeants et ceux de Løgstør prévoyait, avec un certain optimisme, qu'un règlement européen global serait bientôt trouvé (annexe 48).
(50) Dans le cadre de ces tentatives pour parvenir à un règlement global, Løgstør a promis à la société mère de Pan-Isovit, lors d'une réunion qui a eu lieu le 18 août 1993 (annexe 52), qu'elle s'allierait avec ABB pour «contenir» les activités de Tarco au Danemark et en Allemagne (Løgstør aurait été, en principe, intéressée par un accord sur les prix en Allemagne, sous réserve qu'on lui attribue un quota approprié).
À la suite de l'audit (effectué par des comptables suisses) qui a établi les recettes de chaque producteur en 1992 (annexe 53), les producteurs se sont rencontrés à Zurich le 18 ou le 19 août et sont parvenus à un accord sur les points suivants:
- les parts obtenues en 1992 sur le marché allemand devaient être maintenues en 1994, avec de légers ajustements,
- un nouveau barème uniforme devait être préparé,
- Pan-Isovit devait élaborer un système de sanctions pour les producteurs qui s'écarteraient des quotas convenus (réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 34 et 35).
(51) Les «objectifs» convenus en termes de parts du marché allemand pour 1994 étaient les suivants:
>EMPLACEMENT TABLE>
La solution a consisté en fait à attribuer aux trois producteurs danois un quota de 33 %, comme l'avait suggéré précédemment le coordinateur de l'entente.
Tarco aurait émis des «réserves», car elle voulait voir son quota augmenté de 1 %.
De nouvelles réunions pour discuter du régime de quotas et d'un dispositif permettant de sanctionner les producteurs qui dépasseraient leur quota se sont tenues le 8 ou 9 septembre 1993, à Copenhague et à Francfort.
Un consensus général semble s'être dégagé. La part de Tarco a été portée à 17,7 % (annexe 7 de la réponse de Løgstør à la communication des griefs) et un système de pénalités mis au point, initiative que Løgstør attribue à ABB et qui aurait recueilli «le soutien sans réserve de Henss».
Ce projet, qui devait prendre effet le 15 septembre 1993, prévoyait que chaque producteur devait effectuer une déclaration mensuelle et que ses recettes devaient faire l'objet d'un audit trimestriel effectué par le cabinet comptable suisse chargé de l'audit précédent. Le produit des amendes sanctionnant le dépassement des quotas devait être versé sur le compte en banque suisse d'une association professionnelle qui devait être créée dans le but affiché de promouvoir le chauffage urbain.
Le barème uniforme devait servir de référence pour relever par étapes successives, sur six mois, le niveau général des prix d'environ 25 %.
(52) Il avait été envisagé que cet accord soit mis par écrit et signé, mais cette dernière disposition n'a apparemment jamais été suivie d'effet. Løgstør fait valoir qu'elle a refusé de signer parce qu'elle n'a jamais voulu conclure d'accord pour l'Allemagne, déclaration qui n'explique pas qu'elle ait participé de son plein gré à l'audit effectué par les comptables suisses et qui est en contradiction avec la déclaration de Pan-Isovit selon laquelle Løgstør était intéressée par un système de quotas (annexe 52).
Les autres producteurs n'étaient pas disposés à aller plus loin sans engagement écrit.
Løgstør déclare que, lors d'une réunion au Danemark le 29 septembre 1993, ABB a fait pression sur elle pour qu'elle signe le système de compensation, condition qu'ABB, Henss/Isoplus et Pan-Isovit mettaient à la coopération en Allemagne.
Devant son refus de signer (déclare Løgstør), la réaction d'ABB a été très vive et négative. Lors d'une réunion à haut niveau tenue à Copenhague - que Løgstør situe le 2 décembre 1993 - le directeur du segment «transports» d'ABB de l'époque (qui, comme en atteste un grand nombre de documents, s'est employé activement à promouvoir l'entente) aurait critiqué, en termes très vifs, des cadres de Løgstør pour ce qui était considéré comme un manque de coopération (réponse de Løgstør à la communication des griefs, p. 39). ABB n'a pas contesté la version imagée donnée par Løgstør de cet incident.
Bien que l'augmentation en volume du marché se soit poursuivie, en particulier en Allemagne, une «guerre des prix» a, selon les producteurs, à nouveau éclaté: le niveau des prix sur les principaux marchés a effectivement baissé de 20 % en quelques mois. Selon ABB, il s'est produit «un effondrement de la confiance» qui a effectivement mis fin aux tentatives de recherche d'un accord global sur le marché allemand. Toutefois, les producteurs ont continué à se réunir, même si, pendant un certain temps, les réunions multilatérales ont été remplacées par des contacts bi- et trilatéraux entre les producteurs. Il semble très probable qu'ABB ait, lors de ces contacts, cherché à négocier un nouvel arrangement, afin de ramener «l'ordre» sur ce marché (voir la réponse d'Isoplus à la demande adressée au titre de l'article 11, p. 25).
De fait, dès le 21 décembre 1993, le président de Løgstør organisait une réunion avec ABB et le coordinateur de l'entente pour le 28 janvier 1994 (annexe XI); la liste des contacts de Løgstør avec ses concurrents, fournie dans le cadre de l'article 11, montre que la réunion a effectivement eu lieu à cette date.
D'autres réunions bilatérales ont eu lieu entre ABB et Løgstør (le 23 février 1994 et le 11 mars 1994), Løgstør et Tarco (le 8 janvier 1994 et le 19 mars 1994) et Tarco et Pan-Isovit (le 22 février 1994). ABB déclare qu'il y a également eu un certain nombre de réunions bilatérales entre des dirigeants d'ABB et des représentants de Pan-Isovit, Tarco et Henss (réponse d'ABB à la demande adressée au titre de l'article 11, p. 44). Toutefois, hormis l'affirmation de Løgstør selon laquelle Tarco avait (sans succès) réclamé à Løgstør une compensation de 16 millions de DKK (son déficit pour 1993) comme préalable aux «négociations de paix» (réponse à la communication des griefs, p. 25), aucun détail n'est disponible.

4. L'entente européenne en place à partir de 1994

a) Premiers contacts
(53) Les réunions plénières entre les six producteurs ont repris, avec la participation des directeurs généraux et des responsables des ventes, les 7 mars, 15 avril et 3 mai 1994.
ABB explique que la «guerre des prix» livrée à la fin de 1993 et au début de 1994 avait entraîné de telles pertes pour presque tous les fournisseurs de conduites de chauffage urbain que les plus petits producteurs s'étaient vu contraints de réclamer un effort concerté pour ramener le niveau des prix au statu quo ante bellum (réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 62).
D'après Løgstør, les producteurs avaient «passé toute l'année 1993 à essayer de se préparer à affronter une nouvelle situation semblable à celle qui régnait au Danemark . . . Plusieurs accords ont été conclus sans jamais être exécutés, parce qu'on partait du principe que les personnes qui ne s'exprimaient pas n'étaient pas d'accord.» En 1994 cependant, les directeurs généraux de nombreux producteurs ayant changé, un nouveau climat est apparu: «ABB a fait beaucoup d'efforts pour faire progresser ce projet et a bénéficié du soutien de tous les producteurs danois» (réponse de Løgstør à la demande conformément à l'article 11; déclaration I, p. 74; voir également annexe 55).
(54) Au cours des réunions de mars et d'avril, les discussions ont notamment porté sur des augmentations de prix, mais elles ne semblent pas avoir abouti. (Dans une lettre à Ke-Kelit du 17 mars 1994, Løgstør fait référence à des réunions organisées avec des collègues pour examiner la situation des prix, mais il n'est pas optimiste sur les chances d'aboutir rapidement à une solution - annexe 55.) Néanmoins, après la réunion du 3 mai 1994 tenue à la foire commerciale de Hanovre, à laquelle assistaient ABB, Henss, Pan-Isovit et Løgstør, un barème de prix a été établi qui devait servir de base pour l'ensemble des livraisons sur le marché allemand (annexe 56; réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 42 et 43).
Il semblerait que le barème commun ait été immédiatement appliqué pour coordonner les offres de prix pour des projets individuels, bien que son utilisation ait posé problème. L'invitation lancée le 10 juin 1994 pour une réunion des directeurs devant se tenir le 18 août 1994 fait référence au «barème du 9 mai», en précisant que, ce dernier ayant été à certains égards incomplet, il a donné lieu à «des oppositions et des divergences d'interprétation» lors de la comparaison des soumissions. C'est pourquoi le coordinateur de l'entente a joint à l'invitation un barème modifié et plus complet (annexe 56).
(55) Bien que Henss et Isoplus, dans leurs réponses aux demandes adressées conformément à l'article 11 du règlement n° 17, aient commencé par nier avoir jamais eu connaissance de ce barème, Henss a déclaré ultérieurement qu'il avait été diffusé par d'autres producteurs dans le cadre d'un projet visant à évincer Isoplus du marché danois, sans donner de détails sur la manière dont le barème était censé produire ce résultat.
Tarco déclare que c'est en réalité Henss qui a établi ce barème, peut-être en collaboration avec le conseiller d'ABB qui jouait le rôle de coordinateur de l'entente (réponse à la demande conformément à l'article 11, p. 8 et 9).
Løgstør déclare également que les auteurs du barème sont Henss et le coordinateur de l'entente (réponse à la communication des griefs, p. 41 et 42). Leur explication sur l'origine de ce barème est corroborée par d'autres documents dont le plus significatif est une télécopie du 28 juin 1994 adressée par le directeur général adjoint d'ABB qui était à la tête du segment «transports» à Zurich (voir considérants 10, 24 et 52) au nouveau directeur général d'ABB IC Møller au Danemark, dans laquelle il approuve les instructions données par ce dernier au coordinateur de l'entente et confirme avoir appelé à la fois le coordinateur et Henss «pour les informer qu'il était impératif de suivre vos instructions. [Le coordinateur] a déclaré qu'il avait à présent compris clairement le message et qu'il organisait une réunion en Allemagne en août» (annexe X9).
(56) Le nouveau directeur général d'ABB IC Møller (qui rendait compte directement au directeur général adjoint susmentionné) considérait que sa toute première priorité était de ramener l'ordre sur le marché du chauffage urbain en Europe occidentale (déclaration de KWH du 29 novembre 1996, p. 6).
La réunion du 18 août 1994 (voir réponse d'ABB à la demande adressée au titre de l'article 11, p. 43 et 44), consacrée au marché allemand, s'est en fait tenue à Copenhague et a rassemblé les représentants des membres de la direction des six plus grandes entreprises et (pour la première fois) un représentant de Brugg. Brugg n'avait pas été invitée officiellement par le coordinateur, mais elle a, sur la proposition de Henss, assisté à la réunion. (Brugg déclare qu'on lui avait donné à entendre que si elle ne s'alignait pas sur l'entente, elle s'exposerait à des représailles qui viseraient ses principaux clients.)
Lors de cette réunion, des projets visant à relever le niveau des prix en Allemagne ont été examinés et il semble probable qu'il ait été convenu d'élaborer un nouveau barème commun et de limiter les rabais à un certain niveau (15 % ou 30 %).
À cette époque, KWH était membre de l'EuHP, mais n'avait pas encore été admise au sein de l'entente et n'assistait pas à la réunion. De toute façon, elle était très peu présente sur le marché allemand. Lors d'une réunion technique de l'EuHP organisée quelques jours plus tard (le 23 août), son représentant a constaté l'existence d'une sorte d'accord tacite entre les autres participants et a écrit dans son agenda: «la rencontre s'est déroulée, semble-t-il, comme si le marché avait déjà été conclu» (traduction du finnois: déclaration de KWH, p. 7; tableau B. 2.b; annexe 185).
Løgstør tente de minimiser son rôle et déclare qu'elle «a gardé un profil bas» lors des réunions portant sur l'Allemagne, car elle n'avait pas d'intérêt majeur sur ce marché. D'après elle, c'est uniquement en raison des effets néfastes de la guerre des prix qu'elle a été contrainte de contacter le coordinateur de l'entente à la fin du mois de juin, afin de demander une trêve. Elle a d'ailleurs même prétendu dans sa réponse à la communication des griefs (p. 42) ne pas avoir assisté à la réunion du 18 août, affirmation que démentent les informations qu'elle a elle-même communiquées au titre de l'article 11 et qui montrent que son directeur des ventes a assisté à cette date à la réunion en question. (En fait, Løgstør avait déjà pris une part active aux contacts initiaux de mars-avril, ainsi que, de son propre aveu, à la réunion du 3 mai, à Hanovre, et elle a reçu le barème qui avait ensuite été établi et distribué par Henss et le coordinateur de l'entente.)

b) Partage du marché européen: les accords de base sur les quotas
(57) Après les initiatives qu'ils avaient prises en ce qui concerne le marché allemand, si important, les directeurs généraux d'ABB, de Løgstør, de Tarco, de Starpipe, de Pan-Isovit et de Henss/Isoplus n'ont pas été longs à conclure un accord global sur le partage du marché européen à l'automne 1994. (Il semble que les aspirations de KWH, qui exerçait ses activités essentiellement en Scandinavie et en Europe orientale, aient été satisfaites un peu plus tard.)
Cet accord de partage du marché couvrait non seulement la Communauté mais également la Suisse, les pays nordiques n'appartenant pas à l'Union européenne, les Républiques baltes et plusieurs pays d'Europe orientale.
Des quotas (en pourcentage) pour l'ensemble du marché ont été arrêtés pour chaque producteur. La valeur (en DKK) du marché total a été calculée et les quotas en pourcentage du marché européen affecté à chaque producteur ont été traduits en termes monétaires. Les différents marchés nationaux ont ensuite été subdivisés en conséquence, chaque producteur ayant un quota différent sur chaque marché.
(58) L'objectif fondamental du système était d'augmenter le niveau des prix. Tous les acteurs ont pris conscience que cet objectif ne pouvait être atteint que par un accord sur les quotas. Tarco déclare que cet accord visait à «augmenter les prix d'environ 30 à 35 % sur une période de deux ans». Des augmentations trimestrielles progressives étaient prévues . . . Les entreprises étaient censées ne pas augmenter leurs prix au même moment et dans les mêmes proportions. La façon de faire habituelle était une augmentation trimestrielle de 6 à 8 %, en fonction du barème de prix de chaque société (réponse de Tarco à la deuxième demande conformément à l'article 11, p. 18).
Les notes de Pan-Isovit qui présentent les modalités de ce système (annexe 60) confirment que le projet était d'augmenter les prix d'au moins 25 % en 1995.
Dans un compte rendu d'une réunion du groupe ABB, tenue le 30 septembre 1994, il est fait référence au souhait d'ABB et de ses concurrents de faire monter les prix et on peut y lire également que «des augmentations de 10 % des prix relatifs plus une autre, toujours de 10 %, pour couvrir la hausse des prix des matières premières est prévisible» (annexe 61).
(59) D'après la version des faits donnée par les différents producteurs (par exemple réponse d'ABB à la demande au titre de l'article 11, p. 62-65; réponse de Løgstør à la communication des griefs, p. 43-45; réponse de Tarco à la première demande au titre de l'article 11, p. 5; lettre de Tarco du 10 juillet 1996; réponse de Pan-Isovit à la demande au titre de l'article 11, p. 54 et 55), il apparaît qu'il y a eu tout d'abord une réunion des quatre producteurs danois à Billund, le 16 septembre 1994, lors de laquelle ABB a expliqué son projet de nouvel accord européen.
Des réunions plénières «stratégiques» des six producteurs ont ensuite eu lieu les 30 septembre, 12 octobre et 16 novembre 1994, au cours desquelles les quotas globaux pour le marché européen ont été négociés et ont fait l'objet d'un accord de principe.
Lors de la première réunion du 30 septembre, au cours de laquelle les propositions d'ABB ont été examinées, il a été décidé que cette dernière irait voir tous les participants et chercherait également à faire entrer officiellement KWH et Brugg dans le système de quotas européen.
C'est au cours de cette réunion qu'un accord de principe a été conclu concernant l'instauration d'un régime de quotas globaux pour la Scandinavie, le reste de l'Europe occidentale et l'Europe orientale, des chiffres précis devant être fixés pour chaque marché national et leur mise en oeuvre confiée, à un échelon inférieur, aux réunions de commercialisation (réponse d'ABB au titre de l'article 11, p. 62 et 63).
ABB déclare que les quotas globaux pour l'Europe ont été arrêtés au cours de la (troisième) réunion stratégique du 16 novembre (réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 64).
(60) Des tableaux découverts chez Pan-Isovit (annexe V de la demande adressée à Pan-Isovit conformément à l'article 11; annexe 60) montrent qu'à ce stade les quotas de base («décisions antérieures») avaient été fixés comme suit:
>EMPLACEMENT TABLE>
D'après la note de Pan-Isovit (annexe 60) qui détaille les principaux éléments de l'entente, il ressort que le régime est entré en vigueur le 1er octobre 1994.
(61) KWH et Brugg n'étaient pas présentes à la réunion du 16 novembre, mais ABB ayant bon espoir qu'ils puissent adhérer à ce régime, elle a été mandatée par l'entente pour élaborer un accord final avec ces deux producteurs et rendre compte de la situation au début de 1995 (réponse de Løgstør à la communication des griefs, p. 45).
Brugg, qui avait participé à la réunion de Copenhague du 18 août et assisté, à partir de décembre 1994, aux réunions pour l'Allemagne, semble avoir été contactée en premier: elle déclare qu'il lui a été communiqué en décembre qu'il existait un accord sur les quotas pour l'Allemagne, mais qu'on ne lui a pas alors affecté de quota spécifique. Peu de temps après, (a-t-elle déclaré), ABB l'a informée que son propre quota (soit 4 % pour l'Allemagne) lui avait été attribué par le club des directeurs (réponse à la demande au titre de l'article 11, p. 6). Løgstør (déclaration I, p. 74; réponse à la communication des griefs, p. 45) attribue un rôle un peu plus actif à Brugg: selon elle, Brugg avait réclamé une part de 2 % de l'ensemble du marché et de 4 % du marché allemand. Brugg voulait également que l'on exclue de l'accord les conduites flexibles et qu'on lui donne la garantie qu'il n'y aurait pas de nouveaux concurrents en Suisse. Ces conditions semblent avoir été acceptées, de toute façon, seuls les projets pour lesquels Brugg était en concurrence avec les autres producteurs de conduites étaient inclus dans son quota.
(62) KWH déclare que les autres producteurs ont fait pression sur elle de façon soutenue soit pour qu'elle se retire entièrement du marché, soit pour qu'elle parvienne à un compromis avec l'entente. Il se peut tout à fait que cela soit vrai, mais tout indique que KWH revendiquait une part de marché plus importante que celle que les autres étaient prêts à lui accorder. Elle était également prête à se retirer entièrement du marché si elle obtenait pour cinq ans la garantie que les autres lui achèteraient des conduites, et des discussions approfondies ont eu lieu pour examiner cette proposition.
KWH a été amenée à participer à la collusion plus tôt qu'elle ne l'admet. Fin 1994, des représentants de KWH avaient déjà eu des contacts avec la filiale finlandaise d'ABB «à propos des attentes relatives aux volumes de vente» (réponse complémentaire d'ABB aux demandes en vertu de l'article 11, p. 26).
Le directeur général de KWH Pipe Oy (qui était également président de KWH Tech) a assisté à une réunion avec ABB le 19 janvier 1995 à Copenhague, lors de laquelle, de son propre aveu, les «tendances du marché» ont été examinées (réponse de KWH à la demande conformément à l'article 11, p. 9).
KWH a participé pour la première fois au groupe de contact danois (voir considérant 77) le 4 avril 1995 (réponse complémentaire d'ABB, p. 7).
Les documents trouvés chez Pan-Isovit (annexe 60) semblent indiquer que, à ce moment là, KWH avait déjà fait connaître son souhait de se voir attribuer une part dans le cadre du régime de quotas. KWH admet également avoir participé, le 14 mars 1995, à un «dîner de travail» avec le directeur général d'ABB IC Møller pour discuter des parts de marché (déclaration de KWH, p. 8 - KWH - tableau B.2.a).
Selon la note détaillée rédigée par le directeur général de Pan-Isovit au sujet d'une réunion du «club des directeurs» organisée en mars ou avril 1995 (annexe 60), la réaction initiale aux demandes de quotas présentées par KWH pour différents marchés a été «impossible!».
(63) À la fin du mois d'avril 1995, KWH a décidé d'adhérer au «club des directeurs» (déclaration de KWH, p. 10). En conséquence, ABB a été en mesure de présenter un tableau définitif des parts de marché pour chaque marché national, y compris les pays Baltes et les pays d'Europe orientale. La première réunion à laquelle KWH a assisté a eu lieu le 5 mai. Lors de cette réunion ou juste avant, elle a vu son quota au sein de l'entente plus que doubler, passant des 76 millions de DKK proposés à 144 millions (3,8 %).
La Commission a obtenu à la fois de Tarco (annexe 62) et de KWH (annexe 186) le tableau fixant les quotas pour chaque pays en pourcentage et en valeur, sur la base d'un marché total estimé à 3 794 millions de DKK (513 millions d'écus).
Ce tableau a été approuvé lors de la réunion des directeurs qui s'est tenue à Budapest le 5 mai 1995.
(64) Le principe qui sous-tendait le régime de quotas était qu'à l'avenir les parts de marché ne pourraient être qu'«achetées». Løgstør explique (déclaration II, p. 90) qu'ABB insistait sur «le verrouillage» du marché, c'est-à-dire sur la nécessité de geler les parts de marché. Si un producteur voulait accroître sa part de marché globale, il ne pouvait le faire qu'en acquérant un concurrent, ce que corrobore une note de Pan-Isovit déclarant que «les parts de marché ne peuvent qu'être achetées et non prises» (annexe 60).
Les producteurs, dont les parts de marché dans certains pays étaient jugées trop faibles, étaient encouragés ou contraints à se retirer de ces marchés, car leur faible présence commerciale avait tendance à faire baisser le niveau des prix [annexes 63, 64; déclaration de Løgstør II, p. 90; réponse de Starpipe à la demande conformément à l'article 11, sous K (g); réponse de Pan-Isovit à la demande conformément à l'article 11, p. 28-32]. En échange, ils recevaient une compensation sous la forme d'un accroissement du quota qui leur était attribué sur d'autres marchés où ils étaient déjà présents.
Dans la pratique, ces «accords de compensation» étaient conclus sur une base bilatérale: Pan-Isovit s'est retirée des Pays-Bas et a reçu une compensation en Italie; pour Isoplus, c'est le contraire qui s'est produit.
(65) Pour veiller à l'application du régime de quotas, un système de compensation a été mis au point; selon ABB (réponse à la demande conformément à l'article 11, p. 63), lors des discussions de 1994 sur ces dispositions, Henss avait vivement préconisé un système de pénalités pour sanctionner le non-respect des quotas, mais aucun accord ne s'est dégagé sur ce point.
Des notes détaillées rédigées par Pan-Isovit au sujet d'une réunion du club des directeurs tenue en mars ou avril 1995 (annexe 60) présentent la base d'un mécanisme de compensation sanctionnant le fait de «tricher» sur des projets individuels, c'est-à-dire de ravir le marché au «favori» désigné en offrant un prix moins cher que le prix convenu:
«- niveau min des prix - ne descendre en dessous en aucun cas/sur aucun marché (sauf si décidé, par exemple Powerpipe)
- pénalité en cas de prix plus bas pour tout produit/client
- prod/client retranché de la part de marché pour l'année considérée (en cas d'offre de 8 millions pour un projet en valant 11, la pénalité est de 4).»
Tarco déclare cependant que ce système de compensation ne fonctionnait pas en fait à ce niveau, à savoir pour des projets individuels: les producteurs avaient en réalité envisagé une péréquation à un niveau général pour corriger les écarts par rapport aux quotas. Le principe de base était qu'à la fin de l'année, on examinait les résultats de chaque producteur par rapport à son quota et les écarts étaient corrigés soit lors de l'attribution des quotas pour l'année suivante, soit par le versement d'une compensation.

c) La structure de l'entente européenne

i) Le club des directeurs
(66) L'entente paneuropéenne comportait une structure à deux niveaux sur le modèle danois.
L'organe de surveillance, composé des présidents ou des directeurs généraux des producteurs participant à l'entente, était désigné sous le nom de «club des directeurs».
Les membres du club étaient les suivants:
- ABB,
- Løgstør,
- Starpipe,
- Tarco,
- Henss/Isoplus,
- Pan-Isovit,
- KWH (à partir du 5 mai 1995).
(67) Après avoir arrêté les quotas pour l'ensemble du marché, le club des directeurs (appelé désormais également «groupe des éléphants») s'est ensuite réuni pour fixer les quotas de chaque producteur sur chacun des marchés nationaux, y compris l'Allemagne, le Danemark, l'Autriche, les Pays-Bas, la Finlande, la Suède et l'Italie. C'est à cette époque (novembre-décembre 1994) que Powerpipe avait porté cette affaire à l'attention du comité de direction d'ABB et qu'on lui avait conseillé de s'abstenir de toutes allégations «injustifiées» (annexes 8-16).
Les directeurs ont continué à se rencontrer environ tous les mois en différents endroits, tant dans la Communauté qu'à l'extérieur. KWH a adhéré au club et assisté à ses réunions à partir du 5 mai 1995.
Le club des directeurs a été également l'enceinte où ont été arrêtées les augmentations de l'ensemble des prix.
Des notes détaillées de plusieurs réunions des directeurs, datant de la même époque, ont été trouvées chez Pan-Isovit (annexes 60, 65 et 66).

ii) Groupes de contact
(68) Des groupes «chargés de la commercialisation» ou groupes «de contact», composés de responsables locaux des ventes, ont été institués pour chaque grand marché national et se sont vu confier la tâche de gérer les accords de l'entente sous la responsabilité du club des directeurs. Les groupes de contact nationaux n'arrêtaient pas les quotas: ceux-ci étaient fixés pour chaque pays à un échelon supérieur. Leur rôle consistait à attribuer les projets individuels et à coordonner la procédure de soumissions concertées.
Le principe de la «clientèle existante», qui avait sous-tendu l'entente danoise, s'est à nouveau appliqué. Pour la plupart des projets, le fournisseur traditionnel était désigné comme le «favori» et les autres producteurs devaient soit renoncer à soumissionner, soit faire une offre plus élevée visant à «le protéger», de sorte qu'il soit sûr de se voir attribuer le marché. Dans le cas de projets de grande envergure pour lesquels il pouvait y avoir plusieurs fournisseurs, les producteurs qui fournissaient habituellement le client étaient censés soumissionner et se partager entre eux ce marché.
En cas de nouveaux appels d'offres relatifs à des grands projets dont les pouvoirs adjudicateurs n'étaient clients d'aucun producteur, le marché était attribué à l'un ou l'autre producteur en fonction de la part qui lui restait sur son quota annuel. Tout projet annoncé dépassant un montant spécifié devait être déclaré auprès du «coordinateur» désigné par l'entente pour le marché en question. En Allemagne, ce seuil s'élevait à 50 000 DEM.
Des groupes de contact ont été institués pour (au moins) l'Allemagne, le Danemark, l'Autriche, l'Italie, la Suède, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Finlande, ainsi que pour certains pays tiers (annexe 67). Dans l'ensemble, les membres en étaient les directeurs locaux des ventes mais, à l'occasion, des cadres occupant des fonctions plus élevées dans la hiérarchie en faisaient également partie. Des détails sur le mode de fonctionnement de ces groupes de contact dans chaque État membre sont donnés dans la partie qui suit.

d) Mise en oeuvre sur les marchés nationaux

i) Allemagne
(69) Le groupe de contact pour l'Allemagne, où le marché représentait en 1995, selon les estimations initiales, environ 180 millions d'écus (chiffre par la suite ramené à 160 millions d'écus), se réunissait chaque semaine ou tous les quinze jours. Il a tenu sa première réunion, dans le cadre des nouveaux accords, le 7 octobre 1994, les six principaux producteurs (et Brugg) s'étant réunis à Copenhague, le 18 août, pour décider quelles mesures pourraient être prises pour relever le niveau des prix en Allemagne. Les participants habituels en étaient:
- ABB (Isolrohr),
- Løgstør,
- Tarco,
- Starpipe,
- Henss/Isoplus,
- Pan-Isovit,
- Brugg (à compter du 7 décembre 1994).
(Réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 67; déclaration de Tarco, p. 7; réponse de Brugg à la demande conformément à l'article 11, annexe 2; mémoire complémentaire de Henss, annexe 7.)
Les directeurs des producteurs allemands s'étaient cependant déjà rencontrés pour examiner des projets individuels en Allemagne à partir de mai 1994, probablement même longtemps avant cette date. ABB déclare (réponse complémentaire à la demande au titre de l'article 11, p. 10) que, à la différence des autres groupes de contact, le groupe de contact allemand n'était pas un nouveau groupe créé par le club des directeurs, mais la reconstitution d'un organe qui s'était précédemment «réuni à intervalles réguliers sur une longue période». Dans sa fonction initiale, ce groupe avait été organisé par le même cadre commercial à la retraite engagé pour être le coordinateur de l'entente et avait organisé les réunions régulières des directeurs généraux de 1991 à 1993 (considérants 33, 42 et 45).
(70) Les quotas sur le marché allemand (annexes 62, 68 et 69) étaient initialement les suivants:
>EMPLACEMENT TABLE>
Brugg, qui figurait tout d'abord sous la rubrique «Autres» («Sonstige»), s'est ensuite vu attribuer un quota de 4 % en Allemagne ou de 2 % pour l'ensemble du marché. (Réponse de Løgstør à la demande conformément à l'article 11; déclaration I, p. 74; réponse de Brugg à la demande conformément à l'article 11, p. 6.)
(71) Une fois que le groupe de contact allemand reconstitué est devenu pleinement opérationnel, sa principale fonction a consisté à attribuer les projets individuels, dans le respect du principe de «la clientèle existante» et des quotas annuels, ainsi qu'à coordonner et contrôler la procédure de soumission pour chaque projet, de manière à veiller au respect de l'accord. Tous les projets excédant 50 000 DEM devaient faire l'objet de la procédure d'attribution et de soumission concertée.
Le nouveau «coordinateur» pour le marché allemand était le directeur général d'ABB Isolrohr GmbH (le dirigeant danois à la retraite qui avait précédemment rempli cette fonction avait, à cette époque, cessé de jouer un rôle actif dans l'entente). Les différents fournisseurs étaient initialement tenus de lui indiquer chaque mois, en détail, leur chiffre d'affaires, la valeur des commandes fournies et les offres présentées pour des projets individuels, y compris ceux pour lesquels la procédure de soumission n'était pas encore close. Les entreprises étaient également tenues de signaler, lors des réunions du groupe de contact, tous les projets dont elles avaient connaissance. Ces informations étaient introduites dans une base de données, sur un ordinateur portable, et ABB Isolrohr présentait à chaque réunion une liste actualisée des projets. À partir de janvier 1995, des réunions ont eu lieu pratiquement chaque semaine. Les participants devaient informer tous les mercredis ABB Isolrohr des projets pour lesquels ils avaient soumissionné et le prix qu'ils avaient offert pour chacun d'eux. Cette liste informatisée tenue par ABB indiquait le prix des projets, le «favori» (en d'autres termes, le fournisseur désigné par l'entente) et l'entreprise à laquelle le marché était effectivement attribué.
(72) Ce dispositif complexe permettait au groupe de contact allemand de contrôler chaque année quelque 1 400-1 500 projets dépassant le seuil de 50 000 DEM. Des exemplaires de ces listes de projets ont été obtenus au cours des vérifications effectuées au titre de l'article 14, paragraphe 3, tant auprès de Henss, à Berlin, que de Tarco, et d'autres exemplaires ont été fournis à la Commission par ce dernier (annexes 68, 71, 72 et 73).
D'autres listes (intitulées «Favorit + Angebotsumme» et «Auftrag + Angebotssumme»), utilisées à des fins de contrôle, étaient tenues à la fois pour le marché allemand dans son ensemble et pour chacun des Länder (annexes 74, 75 et 76).
Des tableaux et des listes similaires concernant l'attribution de projets en Allemagne ont été fournis à la Commission par Henss le 10 octobre 1996 (annexes 77, 78 et 79).
(73) Comme base de calcul de leurs prix, les membres du groupe de contact allemand utilisaient un barème européen, l'«Europa-Preis Liste» (appelée également «EU List» ou «Euro Price List» qui devait servir de barème commun pour toutes les fournitures. Les producteurs déclarent que, malgré cette appellation, il devait servir uniquement pour le marché allemand.
Ce barème était, dans ses grandes lignes, celui qui avait été désigné sous le nom «barème du 9 mai» dans l'invitation à la réunion de Copenhague (annexe 56), et qui avait été vraisemblablement complété et actualisé. D'après la plupart des déclarations, il avait été établi par ABB et Henss. Dans sa version initiale, il indiquait des prix supérieurs d'environ 30 % à ceux alors en vigueur, l'idée étant qu'il devait donner un prix indicatif ou une référence en tenant compte de la réduction progressive des rabais.
De nombreuses références à cette liste figuraient dans les documents trouvés chez plusieurs entreprises au cours des vérifications, mais ce n'est qu'en avril 1996 qu'un exemplaire a été obtenu auprès de Tarco (annexes 80 et 81).
Si, dans les réponses qu'ils ont données au début de 1996 aux demandes formulées au titre de l'article 11 du règlement n° 17, ABB, Tarco, Starpipe et Brugg ont tous décrit, relativement dans le détail, comment ce barème était utilisé, les sociétés Henss/Isoplus ont commencé par nier en avoir jamais eu connaissance, pas plus du reste que du groupe de contact allemand (réponse de Henss à la demande au titre de l'article 11, p. 14 et 15). Isoplus a finalement admis l'existence du barème européen dans sa déclaration du 10 octobre 1996 (p. 26) et en a même fourni une copie.
(74) Peu après que le groupe de contact allemand eut commencé ses réunions, il a été convenu (le 4 novembre 1994) que les commandes reçues avant le 15 octobre pourraient se faire aux prix indiqués dans le barème européen -30 %, après le 15 octobre aux prix du barème -15 %, aucun rabais ne devant être accordé après le 1er janvier 1995 (réponse d'ABB à la demande au titre de l'article 11, p. 67-68; annexe 82, document trouvé chez Pan-Isovit). Brugg, qui déclare qu'on lui a donné le barème européen lorsqu'elle a commencé à assister aux réunions du groupe de contact, à la fin de 1994, se souvient que les producteurs, qui ne se voyaient pas attribuer de contrat donné, pouvaient proposer les prix du barème -5 %, tandis que le «favori» pouvait descendre aux prix du barème -10 %. Lors de la réunion du 10 janvier 1995, il a été décidé, selon ABB, que lorsque le prix des commandes était inférieur à celui du barème, il serait aligné sur ce dernier (voir également les commentaires de Starpipe au sujet de cette réunion, annexe 70).
Il continuait cependant à y avoir des plaintes portant sur l'indiscipline de certaines entreprises et des cas de prix trop bas et, le 20 mars 1995 les directeurs ont décidé qu'à partir du lendemain 10 heures, le barème européen devrait s'appliquer sans exception sur le marché allemand (réponse de Starpipe à la demande au titre de l'article 11, sous J, K, L; annexes 83 et 84).
(75) Au cours des rencontres régulières du groupe de contact, chaque projet était étudié et la progression de la procédure de soumission, ainsi que les offres de chaque producteur, étaient examinées de près afin de veiller au respect du barème.
Des notes manuscrites touchant à ce mécanisme de contrôle ont été découvertes chez Henss, à Rosenheim. Pour chacun des projets en discussion, le «prix de barème» (vraisemblablement diminué de la remise appropriée) était comparé aux offres que les différents producteurs avaient déclarées conformément à la procédure de déclaration décrite au considérant 71. De toute évidence, les producteurs étaient tenus de se justifier si l'on soupçonnait qu'ils n'avaient pas respecté l'accord (annexe 85).
De très nombreux documents révèlent que, lorsqu'en violation des règles de l'entente, un rival faisait une offre inférieure à celle du «favori», des pressions s'exerçaient sur lui pour qu'il la retire. Henss, en particulier, cherchait avec insistance à faire respecter ces accords. C'est ainsi que pour deux projets (Stassfurt, Zeitz) Starpipe a dû promettre à Henss par écrit qu'elle ne soumettrait pas d'offre inférieure à un prix donné (annexes 86 et 87); dans le cas d'Erfurt-Tiergarten, Løgstør a été contrainte (à la demande de Henss) de retirer son offre en fournissant une excuse (annexes 92 et 93); dans le cas d'un projet pour lequel Tarco avait, de l'avis de Henss, proposé des prix inférieurs à ceux du barème européen et s'était vu ainsi promettre un projet (Straubing) que Henss réclamait, le directeur général de Henss Rosenheim «a réagi en perdant tout contrôle et m'a demandé de retirer notre offre» (annexes 88 et 89). Dans d'autres cas, Tarco s'est effectivement retirée de certains projets à la suite de pressions de Henss (première réponse de Tarco à la demande au titre de l'article 11, p. 4; annexe 91). Tarco était l'un des principaux contrevenants et reconnaît avoir fait des déclarations inexactes quant à ses offres. Toutefois, selon elle, Henss a toujours réussi à découvrir quels étaient ses véritables prix et commandes et l'a, a plusieurs reprises - par téléphone et lors de réunions du club des directeurs - accusée de tricher.
Henss et ABB conservaient des listes spéciales où étaient répertoriés les projets pour lesquels Tarco était accusée d'avoir triché (annexe 90).
(76) Les réunions du groupe de contact pour l'Allemagne, ainsi que d'autres réunions de l'entente, se sont poursuivies longtemps après les vérifications de la Commission, fin juin 1995.
À la suite de ces vérifications, il avait été jugé prudent de tenir ces réunions à l'extérieur de l'Union européenne; elles ont donc été organisées à Zurich. (D'après Løgstør, c'est essentiellement ABB qui a insisté pour qu'elles continuent d'avoir lieu.)
Les réunions de Zurich se sont poursuivies avec les mêmes participants que précédemment jusqu'au 25 mars 1996, autrement dit quelques jours après que les entreprises eurent reçu les demandes de renseignements adressées par la Commission en application de l'article 11.
Løgstør (réponse à la communication des griefs, p. 51) déclare qu'en janvier, ABB avait proposé de créer un secrétariat permanent à Zurich pour l'entente allemande, et qu'en mai/juin 1996 encore, les bureaux allemands d'ABB continuaient à contacter la filiale locale de Løgstør.

ii) Danemark
(77) Le nouveau groupe de contact danois a été institué en octobre 1994. Il se réunissait environ une fois par mois, en général dans des hôtels au Jutland.
Les membres du groupe étaient: ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe, Isoplus, Pan-Isovit et KWH. (Voir déclaration de Tarco, p. 7; réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 66; réponse complémentaire d'ABB au titre de l'article 11, p. 7.)
Tarco déclare que, lors de la création du groupe de contact, les quatre producteurs danois se sont tout d'abord réunis à huis clos; par la suite, soit ils ont été rejoints par KWH, Isoplus et Pan-Isovit, soit ils ont délégué l'un d'entre eux pour rencontrer les trois producteurs non danois. Ultérieurement, cependant, toutes les entreprises ont participé, sur un pied d'égalité, aux réunions du groupe de contact danois. Pan-Isovit fait valoir (dans sa réponse à la demande conformément à l'article 11, p. 63) que le marché danois était dominé par les quatre producteurs locaux et que les trois autres assistaient rarement aux réunions: ils rencontraient simplement le nouveau coordinateur (de Løgstør) qui les informait des projets qui leur avaient été attribués. (Cette déclaration semble confirmée par la réponse complémentaire d'ABB au titre de l'article 11.) Il semble effectivement qu'en août 1994 les quatre producteurs danois s'étaient rencontrés et avaient convenu que Pan-Isovit devait se retirer du marché danois (annexe 98). Étant donné qu'au Danemark 75 % des ventes s'effectuent directement aux clients existants, l'accord de partage du marché s'est appliqué dans ce pays principalement sur la base du respect des relations existantes avec la clientèle.
(78) Ces accords de fidélité fonctionnaient bien et, selon ABB (réponse à la demande conformément à l'article 11, p. 66), ils étaient respectés dans 70-80 % des cas. Aussi, au Danemark, le nombre de cas où il a fallu attribuer un nouveau marché à l'un des producteurs est-il resté limité. Si un concurrent proposait un prix moins élevé que le fournisseur traditionnel et lui «ravissait» le marché, le favori lésé se voyait en général attribuer, en compensation, un autre projet.
Un système de déclaration semblable à celui qui était utilisé (à bien plus grande échelle) en Allemagne semble avoir eu cours (annexes 99 et 100).
L'entente a initialement évalué le marché total pour 1995 à quelque 640 millions de DKK (presque 90 millions d'écus), chiffre ramené par la suite à 610 millions de DKK (soit 83 millions d'écus).
La dernière réunion plénière du groupe de contact danois s'est tenue le 11 mars 1996, mais deux brèves rencontres ont eu lieu le 18 avril 1996 entre des cadres d'ABB et de Løgstør: chacun accuse l'autre d'être à l'origine de ces réunions, dans le but de chercher un moyen de poursuivre la coopération d'une autre façon (réponse complémentaire d'ABB à la demande au titre de l'article 11, p. 9; réponse de Løgstør à la communication des griefs, p. 52). À cette date, les participants avaient reçu les demandes d'information au titre de l'article 11 et les conseillers juridiques d'ABB avaient effectivement écrit à deux reprises à la Commission en l'informant que leur client était disposé à collaborer aux enquêtes.

iii) Pays-Bas
(79) Au départ, il était prévu que le groupe de contact néerlandais se réunisse deux fois par an seulement (réponse d'ABB à la demande au titre de l'article 11, p. 70). La première réunion s'est tenue le 14 mars 1995 à Amsterdam. Selon d'autres producteurs, ABB a pris l'initiative de la création du groupe et a décidé de présider la réunion (réponse de Starpipe à la demande au titre de l'article 11, sous H; réponse de Pan-Isovit à la demande au titre de l'article 11, p. 59). ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe et Pan-Isovit, ainsi que des représentants locaux, ont assisté à cette réunion. (Sur la liste des participants d'ABB figure également un représentant d'Isoplus; cette société s'était retirée du marché italien en échange d'une augmentation de son quota aux Pays-Bas.)
Au cours de ses vérifications, la Commission a obtenu une note concernant la réunion du 14 mars 1995 rédigée à la même époque par Starpipe (annexe 101), accompagnée d'un tableau exposant les contrats et les projets pour 1995 (annexe 102) et la façon dont ils devaient être attribués; elle a obtenu de Pan-Isovit un tableau pratiquement identique (annexe 103).
(80) Le marché total (d'un montant d'environ 22,50 millions d'écus) devait être réparti selon les quotas suivants (annexes 102 et 103; voir également annexe 62):
>EMPLACEMENT TABLE>
Il s'agissait là des premiers quotas attribués par le club des directeurs. Les parts de marché effectives prévues pour 1995 étaient quelque peu différentes: ABB devait avoir 50 % du marché escompté et Løgstør 28 %, les trois plus petits producteurs se situant quant à eux en dessous de leur quota. Selon Starpipe, la liste des projets a été établie à partir de chiffres fournis par les participants, qui indiquaient leur budget pour l'année (réponse de Starpipe à la demande au titre de l'article 11, sous H). Si (comme on s'y attendait) on constatait à la fin de l'année un écart par rapport au quota, cet écart devait être redressé, mais les modalités exactes de cette péréquation n'étaient pas précisées.
(81) La part de marché probable de Pan-Isovit n'étant que de 2,5 %, il a été décidé, lors de la première réunion, qu'elle se retirerait du marché néerlandais et qu'elle céderait sa part à Isoplus contre une augmentation équivalente de la part qui lui était attribuée en Italie (et en Autriche): voir réponse de Pan-Isovit à la demande au titre de l'article 11, p. 58-60; annexes 64 et 103. Cela tendrait à expliquer pourquoi Pan-Isovit n'a assisté qu'à une réunion avant d'être remplacée par Isoplus. Les participants réguliers aux réunions ultérieures ont été ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe et Isoplus.
Après la première réunion, il a été convenu que Løgstør remplacerait ABB comme coordinateur du groupe.
Bien qu'ABB ait déclaré que le groupe de contact néerlandais ne devait se réunir que deux fois par an, ce groupe a tenu au moins six autres réunions en 1995 (voir réponse complémentaire d'ABB, p. 13-17) et une réunion prévue le 13 mai 1996 n'a été annulée qu'en raison des demandes adressées par la Commission au titre de l'article 11.

iv) Autriche
(82) De nombreuses informations montrent que les dispositions prises en vue du partage du marché en Autriche ont été antérieures à la constitution du groupe de contact et à l'adhésion de l'Autriche à l'Union européenne. Les accords d'entente locaux conclus pour ce marché préalablement à l'adhésion de l'Autriche ne relèvent toutefois pas du champ d'application de la présente procédure.
Après la création de l'entente européenne fin 1994, le groupe de contact pour l'Autriche s'est réuni toutes les trois ou quatre semaines. Les participants ont organisé les réunions à tour de rôle. La première réunion entre les directeurs des ventes autrichiens et des hauts dirigeants d'ABB et de Henss/Isoplus a eu lieu en décembre 1994 (réponse complémentaire d'ABB, p. 24). Selon Pan-Isovit (dans sa réponse à la demande au titre de l'article 11, p. 62), elle a été organisée par le producteur local Ke-Kelit, apparemment à la demande d'ABB (Ke-Kelit est un fournisseur autrichien indépendant de chauffage urbain qui recourt aux services de sous-traitance de Løgstør pour ses conduites précalorifugées).
(83) Les quotas proposés initialement pour l'Autriche par le club des directeurs et communiqués par ABB à Ke-Kelit (annexes 106 et 107) étaient les suivants:
>EMPLACEMENT TABLE>
(Voir également annexe 64, trouvée chez Pan-Isovit, et annexe 62, fournie par Tarco.)
Les ventes de Ke-Kelit en Autriche ont été affectées à Løgstør dans le cadre de son quota total pour l'Europe.
Le marché total en Autriche a été évalué par l'entente à environ 18 millions d'écus pour 1995.
(84) Le groupe autrichien s'est réuni régulièrement, afin de mettre en oeuvre la répartition convenue des parts de marché, de discuter des prix et des parts de marché et, si nécessaire, de procéder à des ajustements pour les projets individuels, dans le but de maintenir les parts de marché conformes aux quotas (annexes 108 et 109).
Selon Pan-Isovit (dans sa réponse à la demande au titre de l'article 11, p. 62), les participants à ces réunions étaient ABB, Ke-Kelit, Isoplus, Pan-Isovit et Tarco (Starpipe était représentée par son agent, Gruner & Krobath).
Toujours selon Pan-Isovit, le groupe de contact a continué à se réunir pendant toute l'année 1995 et deux réunions se sont même tenues au début de 1996. La dernière réunion a eu lieu en avril 1996. (Tarco prétend s'être retirée du marché autrichien en 1995.)

v) Italie
(85) Le groupe de contact pour l'Italie se composait à l'origine d'ABB, de Socoløgstør (une entreprise commune de Løgstør) (9), ainsi que de Tarco et de Pan-Isovit, auxquelles s'est bientôt jointe Sigma. Il s'est réuni pour la première fois à Milan, le 21 mars 1995. Une note rédigée quelques jours plus tard par le directeur général de Pan-Isovit au sujet du marché italien (annexe 111) révèle que plusieurs grands projets avaient déjà été attribués à Løgstør et à Pan-Isovit (voir également la réponse de Pan-Isovit à la demande au titre de l'article 11, p. 26-28).
Sigma n'avait pas assisté à la première réunion, mais elle est venu à la suivante, le 12 avril 1995 (annexe 187).
Un compte rendu de la réunion du 12 mai 1995, à laquelle avaient assisté uniquement des représentants locaux, transmis par le directeur local des ventes au directeur général de Tarco (annexe 112), révèle qu'un mécanisme de compensation avait déjà été décidé pour renforcer le système de quotas: si une société dépassait le quota qui lui avait été imparti, elle devait verser une compensation aux autres participants. À la fin de l'année, il était prévu qu'un auditeur externe soit engagé pour contrôler le respect des quotas fixés. Sigma, producteur local italien, devait avoir une part de marché de 10 % pour les nouveaux projets.
(86) Une note de Pan-Isovit (annexe 64) indiquait les quotas initiaux attribués à chaque producteur en Italie:
>EMPLACEMENT TABLE>
Dans le cadre de l'arrangement global, Isoplus devait se retirer du marché italien et céder sa part à Pan-Isovit (voir également la réponse de cette dernière à la demande au titre de l'article 11, p. 30-32). Il semblerait que Starpipe ait également accepté de se retirer du marché à un stade précoce, étant donné que (comme Isoplus), elle n'a pas assisté aux réunions du groupe de contact.
Une liste ultérieure des quotas obtenue par la Commission (annexe 188) montre qu'à la suite du retrait de Starpipe, il a été procédé à certains ajustements mineurs.
Le marché italien du chauffage urbain a été initialement évalué par l'entente à 25 millions d'écus environ pour 1995.
Les projets individuels étaient attribués aux participants sur la base de leurs quotas et l'évolution de la situation était contrôlée lors de réunions périodiques. Il semble que ces réunions aient été le théâtre de conflits fréquents et que c'était un lieu où s'échangeaient arguments et contre-arguments.
Le groupe de contact italien s'est réuni à sept reprises en 1995 et a tenu quatre réunions après les vérifications de la Commission effectuées en juin de la même année. La dernière réunion aurait eu lieu le 9 juin 1996 à Zurich. (Réponse complémentaire d'ABB, p. 17.)

vi) Suède
(87) Pour la Suède, les membres habituels du groupe de contact étaient ABB et Løgstør. Ces deux producteurs détenaient à eux deux 85 % du marché (d'une valeur d'environ 35 millions d'écus). Tarco et KWH participaient à ces réunions de manière plus occasionnelle; quant à Starpipe, il se peut qu'elle ait assisté à une réunion. Le groupe s'est réuni à sept ou huit reprises pour débattre du principe de la «clientèle existante». (Réponse d'ABB à la demande au titre de l'article 11, p. 69: réponse complémentaire, p. 21-23.) Cinq de ces réunions ont eu lieu après la date où ont été effectuées les vérifications de la Commission entre juin et décembre 1995.

vii) Finlande
(88) Plusieurs réunions nationales consacrées au marché en Finlande (d'une valeur d'environ 15 millions d'écus) ont été organisées, pendant la période de référence, entre ABB, Løgstør et KWH. Tarco et Starpipe ne sont pas fournisseurs sur ce marché. Ces réunions portaient notamment sur le volume probable du marché, les prix et les projets individuels (réponse complémentaire d'ABB, p. 26 et 27).

viii) Royaume-Uni
(89) Un groupe de contact, organisé et dirigé par ABB, a été institué au Royaume-Uni. Les membres en étaient ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe et Pan-Isovit (réponse de Pan-Isovit à la demande au titre de l'article 11, p. 62). Pan-Isovit déclare qu'il s'est réuni à quatre reprises, mais ABB admet n'avoir organisé qu'une seule réunion. Le marché du Royaume-Uni a une valeur annuelle d'environ 4 millions d'écus.

e) Actions concertées visant à éliminer Powerpipe

i) Plan stratégique d'ABB
(90) À compter de 1992 au moins, l'élimination de Powerpipe en tant que concurrent a constitué un élément essentiel de la stratégie à long terme d'ABB pour contrôler le marché.
Powerpipe a déclaré dans sa plainte (p. 10) qu'à cette époque les autres producteurs, qui vendaient en Suède, maintenaient les prix des conduites de chauffage urbain à un niveau artificiellement bas afin de lui porter préjudice. Ces allégations sont confirmées par le compte rendu de la réunion du groupe de direction suédois d'ABB du 10 février 1992:
«Tout le monde est d'avis qu'il faut s'attaquer à Powerpipe (au lieu de déclencher en septembre une offensive contre Løgstør, qui a les reins solides). Les tentatives d'ABB, d'Ecopipe et de Løgstør pour évincer Powerpipe par leur politique de prix devraient être soutenues par le conseil d'administration. Si Powerpipe devait être acculé à la faillite, ABB deviendrait alors seul producteur sur ce marché; nous pourrions en tirer un argument de vente solide et nous attaquer à Løgstør dans un deuxième temps.»
Le plan stratégique d'ABB de juin 1992, qui porte sur la période 1992-1996 (annexe 116), est également très ciblé:
«Powerpipe (Suède) se livre à un dumping très important des prix en Suède et maintenant également en Finlande et dans les "nouveaux Bundesländer". ABB et Løgstør vont essayer de l'évincer du marché.»
(91) En juillet 1992, lorsque Powerpipe est entrée, pour la première fois, sur le marché allemand, ses propriétaires ont été conviés par ABB à une réunion à Billund, à laquelle ont également participé Løgstør et le coordinateur de l'entente danoise.
Il ressort du compte rendu de cette réunion, établi par Powerpipe (annexe 119), que les deux principaux producteurs lui ont proposé de limiter ses activités à la Suède et de rester, en particulier, en dehors du marché allemand, en échange de quoi les prix de Suède seraient relevés à un niveau acceptable et un certain quota lui serait garanti.
Lorsque Powerpipe a rejeté cette offre, Løgstør a proposé, selon Powerpipe, d'acheter les parts de Birka dans la société. (Løgstør ne nie pas, pour l'essentiel, cette version des faits, bien que, selon elle, ABB ait porté, en grande partie, la responsabilité de cette initiative.)
Cette offre d'achat de Powerpipe par Løgstør a été suivie de plusieurs autres.
De fait, en diverses occasions, ABB, Løgstør, Pan-Isovit, Tarco et Isoplus ont tous essayé, soit isolément, soit par le jeu de diverses alliances, de racheter Powerpipe, mais les négociations n'ont jamais abouti.
De nombreux passages des documents stratégiques d'ABB pour la période couverte par la présente décision font référence à des plans visant à acculer Powerpipe à la faillite.

ii) Recrutement de salariés-clés de Powerpipe
(92) En 1993, ABB a cherché systématiquement à débaucher à son profit des salariés-clés de Powerpipe, dont le directeur général de l'époque, en leur offrant des salaires et des conditions apparemment exceptionnels dans ce secteur. Selon Powerpipe, cette technique visait essentiellement à lui mettre des bâtons dans les roues a) en obtenant des informations internes sur sa fabrication, ses stratégies et ses marchés et b) en affectant ses relations avec ses clients tant qu'elle n'avait pas trouvé de remplaçants.
ABB et Løgstør avaient déjà convenu, au cours de leur rencontre du 13 novembre 1992, d'engager le directeur général de Powerpipe et de se partager le coût de son embauche en tant que «consultant» attaché au bureau de lobbying d'ABB à Bruxelles (ABB avait pensé au départ le nommer vice-président d'ABB Motors en Espagne: annexe 27). Cet arrangement, de toute évidence, visait directement Powerpipe:
«Nous avons convenu de lancer une offensive commune contre Powerpipe en Suède, en engageant [X]» (10) (annexe 48).
ABB reconnaît (dans sa réponse à la demande au titre de l'article 11, p. 26) qu'au cours de leur réunion de novembre 1992, Løgstør et elle-même avaient suspendu leur projet d'acquisition en commun de Powerpipe alors que celle-ci était encore en activité. L'embauche de son directeur général leur apparaissait comme une «mesure intermédiaire» propre à accélérer la défaillance, d'après eux inévitable, de Powerpipe. Sa clientèle pourrait alors être répartie entre eux deux dans le respect des parts arrêtées pour le marché suédois.
(93) Pour ABB, l'embauche du directeur général de Powerpipe s'inscrivait dans le cadre du règlement global pour l'Europe qu'il envisageait au milieu de 1993:
«La situation au [Danemark, en Allemagne et en Pologne] sera probablement réglée par une réduction de 1,5 % de la part de marché d'ABB au Danemark et par l'acceptation d'une augmentation sur le long terme de la part de marché de Løgstør en Pologne, ainsi que par le fait que nous avons embauché [X].»
Løgstør devait payer 40 % et ABB 60 % du coût de son embauche (annexe 120).
Il a quitté Powerpipe à la fin de 1993 pour entrer chez ABB. Par la suite, son rôle a consisté, au moins en partie, à renseigner ABB sur les activités de Powerpipe.
Løgstør cherche à minimiser le rôle qu'il a joué dans cette affaire mais reconnaît que le recrutement «en commun» de ce salarié-clé de Powerpipe était une «décision peu judicieuse»:
«[X] ne nous a pas été d'une grande utilité . . . Nous n'ignorions pas que la nomination de [X] pouvait être considérée comme une manoeuvre visant à nuire à Powerpipe» (réponse à la demande au titre de l'article 11, déclaration I, p. 76).
Le plan visant à nuire à Powerpipe par le recrutement de son directeur général était connu et approuvé par la direction d'ABB et approuvé au plus haut niveau.
ABB a embauché dans l'année deux autres salariés importants de Powerpipe à des conditions qui, selon Powerpipe, étaient nettement plus attrayantes que celles existant normalement dans ce secteur. Encore au début de 1995, le projet de nuire à Powerpipe, entre autres en embauchant ses salariés-clés, continuait d'être examiné. On peut lire dans des notes de réunions trouvées chez Pan-Isovit les commentaires suivants: «Powerpipe - riposte envisagée: embauche du vendeur D!» (annexe 122).

iii) Avertissements à Powerpipe pour l'écarter du marché allemand
(94) Powerpipe a poursuivi ses efforts pour se positionner comme concurrent valable à l'entrée sur le marché allemand en installant, en avril 1994, une filiale de ventes allemande. En octobre 1994, Powerpipe Fernwärmetechnik GmbH a, pour la première fois, soumissionné pour un marché important (Neubrandenburg).
La procédure de soumission pour ce marché a coïncidé avec la première réunion du groupe de contact allemand organisée le 7 octobre dans le cadre des nouveaux arrangements. Powerpipe a décrit dans une note du 13 décembre 1994 (annexe 124) la suite des évènements. La valeur totale du marché de Neubrandenburg (qui devait être exécuté en quatre phases: BA 6 Los 1-Los 4) aurait été évaluée par l'entente aux alentours de 980 000 DEM.
(95) Lorsque l'on a appris que Powerpipe soumissionnait pour ce marché, Henss a téléphoné à la filiale allemande de Powerpipe, le 10 octobre, pour lui demander de présenter une offre d'un niveau tel qu'il puisse permettre à Isoplus de se voir attribuer le marché. C'est le 11 octobre qu'Isoplus a présenté son offre, soit le lendemain (annexe 125).
Selon Powerpipe, toute une série de menaces ont été proférées à son encontre et plusieurs offres lui ont été faites pour essayer de la «persuader» de renoncer à ce marché. Lorsqu'elle a maintenu son offre (qui était nettement inférieure au prix fixé par l'entente), l'affaire a été portée «en haut lieu», des cadres dirigeants de Henss et de Løgstør (entre autres) téléphonant à plusieurs reprises tant au directeur général de Powerpipe qu'au propriétaire de l'époque. Powerpipe a pris note de ces conversations (annexes 126-133).
Ces notes révèlent que Powerpipe s'est vu proposer de choisir entre renoncer au marché de Neubrandenburg au profit d'Isoplus, auquel l'entente avait attribué ce marché (Isoplus assurant, en échange, l'admission de Powerpipe au sein de l'entente), ou s'exposer à une guerre des prix avec les autres producteurs. Lorsque Powerpipe a refusé de se plier à l'ultimatum la sommant de renoncer au projet de Neubrandenburg au plus tard le 25 octobre à 16 heures, elle s'est vu taxée de mauvaise foi et une réunion de crise prévue entre ABB, Løgstør, Henss et elle-même a été annulée.
Powerpipe, qui avait informé un dirigeant d'entreprise de Neubrandenburg des activités de l'entente, s'est également vu prié de le recontacter pour lui présenter ses excuses ainsi qu'une nouvelle version des faits destinée à disculper les autres producteurs.
(96) Lors des divers appels téléphoniques adressés à Powerpipe et à son propriétaire du moment, les autres producteurs ont confirmé qu'une entente avait été organisée, pour contrôler le marché, non seulement en Allemagne, mais également en Europe. Dans ces conversations, ABB a été décrite comme le leader de l'entente et des dirigeants de haut niveau de cette société ont été désignés comme les instigateurs de cette entente. Le conseiller juridique de Powerpipe a été témoin de l'un de ces appels.
Bien que l'on n'ait trouvé dans les entreprises aucune preuve directe corroborant les déclarations de Powerpipe sur les menaces reçues, il n'y a aucune raison de douter de l'exactitude du compte rendu détaillé qu'elle a donné de ces conversations.
En premier lieu, sa description des principales caractéristiques de l'entente qu'auraient constituée ses rivaux correspond presque en tous points aux éléments de preuve mis au jour ultérieurement par la Commission au cours de ses vérifications au titre de l'article 14, paragraphe 3.
En second lieu, l'insistance avec laquelle les représentants de Henss/Isoplus ont, selon Powerpipe, essayé de l'amener à renoncer au projet de Neubrandenburg, se reflète dans le comportement (dûment attesté) de Henss/Isoplus, qui a ainsi prié instamment à plusieurs reprises des membres de l'entente ayant obtenu un marché pour lequel elle avait été désignée comme «favori», de retirer leur offre (annexes 88 et 91; voir également la première réponse de Tarco à la demande en vertu de l'article 11, p. 4 et 5).
Løgstør, tout en affirmant n'avoir pas elle-même menacé Powerpipe, reconnaît que son directeur des ventes a téléphoné au plaignant à la suite de fortes pressions exercées par Henss qui voulait que Powerpipe renonce à ce marché (réponse à la communication des griefs, p. 58).
(97) Peu après les événements de Neubrandenburg, le propriétaire de Powerpipe de l'époque a porté cette affaire à l'attention personnelle d'un membre du conseil d'administration d'ABB - qui n'avait pas de liens avec l'entente et n'avait probablement pas connaissance de son existence - et lui a demandé d'intervenir pour mettre fin à la campagne contre Powerpipe (annexe 8). Une enquête interne a de ce fait été menée par le conseiller juridique d'ABB et une rencontre organisée entre elle-même et les avocats de Powerpipe. Par la suite, à l'instigation de hauts dirigeants d'ABB qui avaient en fait personnellement mis sur pied l'entente, ABB a écrit le 16 décembre 1994 à Powerpipe en niant catégoriquement tout agissement ou pratique illicite et en menaçant Powerpipe de poursuites si elle continuait à proférer des accusations contre elle (annexes 9-16).
C'est alors que Powerpipe a saisi la Commission d'une plainte.

iv) Le marché Leipzig-Lippendorf: boycott de Powerpipe
(98) Après l'introduction de la plainte de Powerpipe, mais avant que la Commission n'ait effectué ses vérifications, le 29 juin 1995, les tentatives de l'entente pour éliminer Powerpipe se sont intensifiées: l'événement qui a déclenché la réaction des autres producteurs a été l'attribution à Powerpipe du marché de chauffage urbain le plus important en Allemagne depuis dix ans: le contrat Leipzig-Lippendorf, d'un montant d'environ 30 millions de DEM.
Le client était VEAG (Vereinigte Energie Aktien Gesellschaft), une société qui construisait une centrale électrique à Lippendorf et était également responsable du réseau connexe de chauffage urbain qui reliait la centrale électrique à la ville de Leipzig.
L'appel d'offres a été publié par VEAG au Journal officiel des Communautés européennes en l'été 1994. Un consortium composé de la société IKR (Industrie und Kraftwerksrohrleitungsbau Bitterfeld GmbH), filiale de Deutsche Babcock et de Mannesmann-Seiffert, a été chargé de la mise en place du système de chauffage urbain et la fourniture des conduites a été mise en adjudication à la fin de 1994. Au stade de la présélection, six fournisseurs potentiels (qui étaient tous membres du groupe de contact allemand) ont été admis à soumissionner: ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe, Isoplus et Pan-Isovit.
(99) Løgstør a admis (déclaration I, p. 77) qu'au moment de l'appel d'offres «il avait été convenu, afin de créer une situation saine et de rétablir la confiance entre les fournisseurs, que les trois producteurs allemands enlèveraient le marché et que nous autres respecterions leurs prix». Une note relative à une réunion du groupe de contact allemand du 10 janvier 1995, trouvée chez Starpipe (annexe 70), en donne confirmation:
«Le projet doit être attribué aux trois entreprises allemandes ABB Isolrohr, Pan-Isovit et Henz [sic]. Montant d'environ 120 000 000 DKR.»
ABB Isolrohr, Pan-Isovit et Henss Berlin ont présenté leur offre de 32 millions de DEM en tant que consortium coordonné par le directeur général d'ABB Isolrohr. (Sur la liste de contrôle des projets tenue par ABB et actualisée au 22 mars 1995, les trois producteurs allemands étaient toujours désignés comme les «favoris» pour le projet Leipzig-Lippendorf.)
Starpipe et Tarco n'ont pas présenté d'offres dans les délais voulus mais, à la demande pressante de VEAG, ils ont présenté ce que l'on peut manifestement qualifier d'offres de «protection» qui s'élevaient respectivement à 33 et 34 millions de DEM. Toutefois, Løgstør a présenté une offre non seulement pour la fourniture de conduites de fabrication traditionnelle, mais également pour des tubes en continu, qui était pratiquement la même que celle du consortium. Il a ultérieurement retiré cette offre au motif qu'il ne pouvait pas fabriquer les conduites de 20 mètres que le projet prévoyait. Une nouvelle offre pour des tubes en continu de 18 mètres, qui avait été envisagée, n'a jamais été soumise. On peut penser que le retrait par Løgstør de cette offre s'expliquait, au moins en partie, par les pressions exercées par les autres producteurs.
Lors de la phase finale de la procédure, VEAG, qui était manifestement contrariée par la réticence des six producteurs à entrer en concurrence les uns avec les autres, a invité Powerpipe à présenter une offre. Après avoir reçu de Powerpipe une offre d'environ 26 millions de DEM, VEAG a décidé, le 21 mars, de lui attribuer le marché.
(100) La réaction des autres producteurs ne s'est pas fait attendre. Trois jours plus tard, le 24 mars, le groupe de contact allemand s'est réuni à Düsseldorf. Les participants à cette réunion étaient: ABB, Brugg, Henss/Isoplus, Løgstør, Pan-Isovit, Starpipe et Tarco (réponse de Brugg à la demande en vertu de l'article 11, annexe 2). Un boycott collectif des clients et des fournisseurs de Powerpipe a été envisagé. Les notes rédigées par Tarco sur cette réunion ne sauraient être plus claires:
«Powerpipe a décroché le contrat Leipzig-Lippendorf.
- Aucun producteur ne devra fournir le moindre produit à L-L, IKR, Mannesmann-Seiffert VEAG;
- . . .
- aucun de nos sous-traitants ne devra travailler pour Powerpipe; dans le cas contraire, il sera mis fin à toute collaboration;
- nous essaierons d'empêcher Powerpipe de se fournir (par exemple) en plastiques;
- l'EuHP cherchera à déterminer si nous pouvons nous plaindre de l'attribution du contrat à une entreprise non qualifiée» (annexe 143).
Løgstør (qui cherche à nouveau à minimiser son propre rôle) déclare que, lors de la réunion du groupe de contact, Henss/Isoplus «a insisté sur des mesures communes» (réponse à la communication des griefs, p. 60). Il prétend que, le 5 mai 1995, lors d'une réunion ultérieure, ABB et Isoplus ont préconisé l'adoption de mesures concertées contre Powerpipe et ABB a décidé d'aller trouver les fournisseurs de conduites en plastique et en plastique expansé pour faire pression sur eux afin qu'ils cessent toute livraison à Powerpipe.

v) Mise en oeuvre du boycott
(101) Peu après la réunion, la principale société allemande d'ABB, Asea Brown Boveri AG, a écrit à la direction générale de VEAG pour protester contre l'attribution du contrat à Powerpipe (Løgstør reconnaît que cette démarche a été effectuée à son initiative). Des documents trouvés chez Henss/Isoplus révèlent également des tentatives résolues pour persuader VEAG de lâcher Powerpipe (annexes 147-150).
KWH fournit une nouvelle confirmation du fait qu'à la suite de l'attribution à Powerpipe du projet de Leipzig-Lippendorf, les autres producteurs ont bel et bien décidé de boycotter ce projet (déclaration de KWH, p. 13 et 14). Les conclusions de la réunion de Düsseldorf du 24 mars ont été expressément réaffirmées par les directeurs lors d'une réunion tenue le 13 juin 1995 à Stockholm et répétées par ABB à KWH lors d'une conversation téléphonique ultérieure.
Dans le cadre du boycott du projet Lippendorf, les producteurs devaient refuser de fournir aux sous-traitants les pièces que ceux-ci ne pouvaient se procurer auprès de Powerpipe.
DSD (Dillinger Stahlbau GmbH) a été engagé comme sous-traitant par le consortium ARGE Leipzig-Lippendorf pour la fourniture de gaines de grand diamètre que Powerpipe ne fabriquait pas. (Sans ces éléments, les conduites ne pouvaient être installées.) Les tentatives de DSD pour se procurer ces accessoires auprès de toute une série de producteurs de conduites, dont ABB Isolrohr, Henss, Pan-Isovit, Tarco et Løgstør, sont restées au départ infructueuses. Un document trouvé chez Pan-Isovit (document complémentaire n° 8) montre que son directeur général s'entretenait avec Henss et ABB Isolrohr des efforts de DSD pour obtenir ces accessoires et que cette question devait être examinée par le club des directeurs («Zur Diskussion 4.5.95»). En fait, la réunion des directeurs a eu lieu le 5 mai et, selon Løgstør, «ABB et Isoplus ont insisté pour qu'une action concertée soit entreprise contre Powerpipe, dans le but de lui rendre tout approvisionnement difficile» (réponse à la communication des griefs, p. 61).
KWH déclare (réponse à la demande au titre de l'article 11, p. 13; réponse à la communication des griefs, p. 24) qu'ABB lui a déconseillé expressément de fournir des pièces pour ce projet, mais qu'elle a choisi de ne pas tenir compte du boycott. C'est finalement KWH qui a fourni les éléments en question à DSD, ainsi que du matériel de soudage dont Powerpipe avait besoin.
(102) Lors de la réunion de Düsseldorf du 24 mars, il avait également été décidé d'essayer d'empêcher de se fournir en plastiques. D'après Løgstør elle-même (voir considérant 100), les directeurs avaient réexaminé la question d'une action concertée contre Powerpipe le 5 mai et ABB avait décidé «de s'adresser aux fournisseurs de mousse et de PE, afin de faire pression sur eux».
L'un des fournisseurs de pièces détachées en plastique de Powerpipe était Lymatex, un fabricant danois de composants plastiques qui vendait en fait le plus gros de sa production à Løgstør.
Le 10 mai 1995, quelques jours seulement après la réunion du club de directeurs du 5 mai décrite par Løgstør, Lymatex a fait savoir à Powerpipe qu'elle ne pouvait plus accepter de nouvelles commandes avant septembre au plus tôt (annexe 153). Selon Powerpipe, ce refus était opposé à l'instigation de Løgstør et d'ABB. Powerpipe déclare avoir été informée que le directeur des ventes de Løgstør (le plus gros client de Lymatex) avait donné instruction à Lymatex de ne pas fournir Powerpipe (annexes 151 et 152).
Løgstør déclare qu'il a dû y avoir un malentendu et explique qu'en tant que principale cliente de Lymatex, elle a subi des retards de livraison et a simplement insisté auprès de Lymatex pour qu'elle la livre (elle, Løgstør) en temps voulu. Les problèmes de Lymatex pour répondre aux demandes d'autres clients ne la regardaient pas (réponse à la communication des griefs, p. 62).
Cette explication n'est pas sincère. Løgstør n'était pas uniquement préoccupée des retards de livraison; c'étaient les relations de Lymatex avec Powerpipe qu'elle avait plus précisément en vue. Au cours des vérifications effectuées chez Løgstør, la Commission a trouvé un projet de lettre (non signé) de Lymatex à Powerpipe, qui avait été faxé à Løgstør quelques heures avant que la lettre elle-même ne soit faxée à Powerpipe. Il est clair que Lymatex avait adressé le projet à Løgstør pour approbation ou pour information avant de l'envoyer à Powerpipe.
(103) L'affirmation selon laquelle c'est Løgstør qui a été à l'origine du refus de Lymatex d'assurer les livraisons semble confirmée par les circonstances dans lesquelles s'est déroulée l'exécution d'une autre commande (au Danemark) que Powerpipe avait réussi à enlever au détriment de l'entente, à peu près à la même époque que le projet Leipzig-Lippendorf.
Les commandes passées par Århus Kommunale Værker (ÅKV) étaient traditionnellement réservées par l'entente danoise à ABB et à Løgstør mais, en février 1995, Powerpipe a réussi à enlever une petite partie des commandes nouvelles d'ÅKV pour des conduites de remplacement. Lorsque Powerpipe s'est vu attribuer ce contrat, elle a appris que cela avait suscité la colère des producteurs danois. La technique de raccordement utilisée à Århus faisait appel à certains équipements (sur lesquels Løgstør déclarait détenir des droits de propriété industrielle) fournis par une entreprise suédoise, Nitto, ainsi qu'à d'autres éléments fournis par Lymatex. Nitto a refusé de fournir ce matériel à Powerpipe.
(104) Pour tourner ce refus, Powerpipe a utilisé ses contacts dans une autre entreprise suédoise, Permatek, qui ne s'occupait pas de chauffage urbain, pour se procurer ces éléments auprès de la propre filiale suédoise de Løgstør (EFT), qui était tout à fait disposée à vendre à Permatek. Cette ruse, bien entendu, n'a pas manqué de mettre Løgstør en fureur (réponse de Powerpipe à la demande au titre de l'article 11 du 16 septembre 1997, p. 1; déclaration de Løgstør du 25 avril 1996; communication de Løgstør du 21 novembre 1997).
Løgstør a découvert le 8 mai 1995 que Powerpipe avait obtenu des pièces pour Århus en passant par sa propre filiale suédoise et également par Lymatex, le fait que, deux jours plus tard seulement, Lymatex ait refusé de fournir Powerpipe et ait envoyé à Løgstør un projet de lettre ne saurait guère être une pure coïncidence.
Il se peut tout à fait que la colère de Løgstør en découvrant le tour que lui avait joué Powerpipe pour le marché d'Århus ait été la principale raison pour laquelle elle a cherché à empêcher les livraisons à Powerpipe, mais son intervention auprès de Lymatex faisait partie du plan commun visant à nuire à Powerpipe ou à l'éliminer, et a eu une incidence négative durable sur la capacité de Powerpipe à s'approvisionner pour d'autres projets (par exemple Brême).
(105) Bien que ce soit Løgstør qui ait pris l'initiative des démarches auprès de Lymatex, ABB a été l'instigatrice de toutes les mesures visant Powerpipe.
On peut lire dans un compte rendu - établi par ABB - d'une réunion du service commercial du 7 avril 1995, qui faisait état de l'attribution à Powerpipe du contrat Lippendorf, les déclarations suivantes:
«La seule possibilité que cette commande aille à Isolrohr/ABB serait que Powerpipe ne soit pas en mesure de livrer en temps voulu» (annexe 158).
Des documents trouvés chez ABB IC Møller au cours des vérifications montrent qu'ABB surveillait Powerpipe de près (annexes 159 et 160). ABB a réussi à obtenir des informations très fiables sur les sources d'approvisionnement de Powerpipe pour le contrat Leipzig-Lippendorf. Un rapport d'ABB, daté du 12 avril 1995 (annexe 160), désigne l'entreprise finlandaise Rautaruuki comme un fournisseur probable des tubes d'acier nécessaires et poursuit: «jusqu'à ce jour - à l'heure du déjeuner - Rautaruuki n'a reçu aucune commande».
À la fin de juin, Powerpipe a, du reste, informé la Commission (annexe 161) que l'entente avait contacté son fournisseur de tubes d'acier (Rautaruuki) en insistant pour qu'il diffère les livraisons, voire qu'il les refuse. Rautaruuki a informé Powerpipe, lors d'une rencontre qui a eu lieu le 27 juin 1995, que des conduites qui lui étaient destinées avaient en fait été vendues à ABB: la livraison était donc différée de trois mois (annexes 161-163).
(106) Le réseau de renseignements d'ABB avait également identifié KWH comme fournisseur potentiel de Powerpipe pour certains équipements nécessaires à l'exécution du contrat (extrudeuses, soudeuses et tubes de grande section). Le rapport établi à ce jour pose la question suivante «Peut-on garder la situation en main?» (KWH a confirmé qu'ABB lui avait sérieusement conseillé de respecter le boycott).
Au moment où la Commission a effectué ses vérifications, l'entente faisait également des tentatives pour acquérir Powerpipe afin de l'éliminer en tant que concurrent de ce marché. Pan-Isovit avait indiqué qu'elle acquerrait Powerpipe sous réserve que les autres apportent une contribution (réponse de KWH à la communication des griefs, p. 24). Selon KWH, Henss/Isoplus a suggéré que cela valait la peine de payer 23-25 millions de DEM et de se partager ces frais entre concurrents. En fait, ABB, Tarco et Henss au moins avaient déjà convenu par écrit, le 21 avril 1995, de contribuer à cette acquisition, apparemment en proportion de la part de marché qui leur avait été affectée dans le cadre du système de quotas (documents annexes 16-18).
(107) C'est une note rédigée par Starpipe en juin 1995 (annexe 164) qui résume peut-être le plus succinctement l'attitude des producteurs à l'égard de Powerpipe après que celui-ci eut décroché le contrat Leipzig-Lippendorf:
«Powerpipe >DEBUT DE GRAPHIQUE>
Guerre sans merci>FIN DE GRAPHIQUE>
».
Une note interne rédigée par Powerpipe le 12 juin 1995 donne des exemples des manoeuvres systématiques de l'entente dont elle était la victime et conclut:
«Comme l'entente, du fait de ses activités, est bien consciente du succès de ses efforts pour nuire à Powerpipe, elle ne cesse d'augmenter ses pressions et agit désormais contre nous presque au grand jour.»
Powerpipe explique que lorsqu'elle décrochait un marché en Allemagne, les difficultés et les retards auxquels elle était confrontée pour se faire livrer l'exposaient à des amendes contractuelles importantes.
Powerpipe soutient que les agissements de l'entente lui ont effectivement barré l'accès au marché allemand et occasionné des pertes et un préjudice importants (réponse de Powerpipe du 23 septembre 1997 à la demande au titre de l'article 11, document 18 annexé à sa réponse).

f) Maintien de l'entente après les vérifications
(108) En dépit des vérifications effectuées par la Commission au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, le 29 juin 1995 - par coïncidence, le lendemain de la tenue à Billund d'une réunion du «club des directeurs» - les accords de l'entente ont continué de s'appliquer presque comme précédemment, au moins jusqu'à réception, en mars 1996, des demandes adressées par la Commission au titre de l'article 11. Le «club des directeurs» a tenu, après ces vérifications, au moins six ou sept autres réunions. Le 6 juillet 1995, il a en effet été décidé de poursuivre ces réunions en faisant cependant davantage attention à tenir secrets la date et le lieu des rencontres (réponse complémentaire d'ABB, p. 5 et 6). Løgstør déclare (dans sa réponse à la communication des griefs, p. 64) qu'«ABB faisait fortement pression sur les autres acteurs pour que l'accord continue de s'appliquer. Tous les autres avaient peur.»
ABB avait été informée, à un niveau élevé dans le groupe, par la direction générale de la concurrence, le 4 juillet 1995, que la preuve de sa participation à une infraction très grave avait été obtenue durant les vérifications.
À cette époque, les conséquences du maintien de l'entente avaient été expliquées et à coup sûr comprises.
Les mesures adoptées pour chercher à dissimuler le maintien de l'entente ont consisté notamment: i) à tenir toutes les réunions du club des directeurs à l'extérieur de l'Union européenne, ii) à voyager si possible en voiture plutôt qu'en avion, iii) pour les participants danois, à utiliser l'avion privé de Løgstør.
À compter de septembre 1995, toutes les réunions du groupe de contact allemand ont aussi eu lieu à Zurich.
(109) Le contrôle des projets individuels et la manipulation par ce groupe des soumissions pour ces projets se sont poursuivis, comme l'avait du reste soupçonné Powerpipe. La conviction de cette dernière (document 26 annexé à sa réponse du 29 septembre 1997 à la demande au titre de l'article 11) qu'un projet important (Boxberg) avait été dès le début destiné à Isoplus, et qu'en retour ABB devait se voir attribuer un projet d'ampleur comparable (Weisweiler-Jülich) est corroborée par une liste de projets datant de la période de référence (annexe 79): les deux entreprises y sont désignées comme «les favorites» respectives pour l'obtention des deux marchés en question.
Peu après la date des vérifications, les participants à l'entente ont été tenus de déclarer chaque mois à ABB le total de leurs ventes en Europe et sur chaque marché national (déclaration de Tarco, p. 6, annexe 165; déclaration de Løgstør 1, p. 74).
Quels qu'aient été les légers ajustements techniques auxquels les producteurs ont pu être contraints de procéder pour camoufler la poursuite de leurs arrangements après la découverte de l'entente, il ne semble pas qu'ils aient affecté sur le fond le plan de répartition des marchés. Les réunions locales ont continué d'avoir lieu pour pratiquement tous les marchés nationaux. Løgstør déclare cependant que les participants se sont préoccupés davantage des parts totales sur le marché européen que des parts sur les différents marchés nationaux. Pendant l'année, le club des directeurs a corrigé et ajusté les quotas initiaux (annexes 62, 166 et 189).
Dans le cadre de cet exercice, ABB a envoyé par télécopie à KWH une série de tableaux indiquant les parts de marché dans le cadre du système de quotas pour 1995. Sur le tableau relatif aux marchés nordiques et baltes figure l'annotation suivante qui est révélatrice:
«Pekka: à détruire - complètement . . . Au niveau de l'UE, les choses se présentent mal. La plus grande prudence s'impose» (annexe 189).
Lors des réunions tenues au cours de cette période par le club des directeurs, les participants ont examiné les moyens de poursuivre la coopération, de contrôler l'évolution du marché et de mettre au point un système de péréquation ou de compensation.
(110) À la fin de 1995, ABB a établi le bilan pour l'année (déclaration de Tarco, p. 8; annexes 167, 168 et 169). Les répartitions initiales en valeur avaient été revues pour tenir compte de la taille du marché et de diverses autres corrections. Tarco déclare qu'à cette époque, Løgstør comme elle-même, du fait qu'elles avaient dépassé leur quota pour 1995, ont reçu des demandes de compensation émanant de Henss/Isoplus et d'ABB.
KWH a également fourni à la Commission un tableau des calculs qu'ABB lui avait adressé (annexe 190), qui correspond au point de l'annexe 169 intitulé «Marché: corrections - volume et autres entreprises» («Market - corrections for size and restgroup») et indique un marché total de 3 417 millions de DKK.
Henss/Isoplus a remis à la Commission (le 10 octobre 1996) un tableau daté du 15 décembre 1995 (annexe 170) qui compare les résultats obtenus par chaque producteur («Ist») et leur quota («Soll»). Il montre que Tarco comme Løgstør avaient obtenu une part de marché nettement plus importante que celle qui avait été fixée. Les perdants étaient ABB, Isoplus et KWH.
«De vives discussions» ont eu lieu sur la façon de redresser les écarts par rapport aux quotas, mais Løgstør a déclaré qu'aucun système définitif n'avait été fixé (11), plusieurs entreprises ayant fait savoir au début de 1996 qu'elles ne souhaitaient pas continuer à appliquer cet arrangement (déclaration de Løgstør 1, p. 75). En fait, les réunions du club des directeurs n'ont pas cessé (si toutefois elles ont bien cessé) avant mars/avril 1996.
(111) Lors de la réunion du club des directeurs du 17 janvier 1996, ABB a même proposé d'installer un secrétariat permanent en Suisse qui continuerait à coordonner les opérations de l'entente (cette suggestion a été rejetée par les autres: réponse de Løgstør à la communication des griefs, p. 66).
KWH déclare que, lors de la dernière réunion du club des directeurs à laquelle elle a participé (le 4 mars 1996 à Zurich), les autres membres ont discuté:
- d'un système de compensation pour l'échange de conduites préfabriquées, dans le cadre duquel si un producteur enlevait un contrat pour lequel l'entente ne l'avait pas désigné, les conduites devaient en fait être fournies par la partie lésée et les étiquettes sur les conduites modifiées de façon à dissimuler l'identité du véritable fournisseur,
- de la poursuite de l'entente en recourant à un «consultant» de confiance chargé d'aller voir à tour de rôle chacun des membres et de coordonner leurs activités, de façon à éviter les réunions multilatérales du «club des directeurs» (déclaration de KWH, p. 12 et 13).
Løgstør confirme que cela a bien été le cas (réponse à la communication des griefs, p. 67), mais attribue l'initiative de ces deux propositions à KWH elle-même (l'idée du «consultant» venant d'elle et d'ABB).
Il est peu probable que ce soit KWH qui ait pris cette initiative, mais l'identité du ou des producteurs qui ont suggéré cette idée importe sans doute moins que le fait que, même à ce stade tardif, des propositions de ce type aient encore continué d'être faites.
Ont assisté à cette réunion les directeurs d'ABB, de Løgstør, de Starpipe, de Tarco, de Pan/Isovit, de Henss/Isoplus-Henss et de KWH (réponse de KWH au titre de l'article 11, p. 17).
(112) Étant donné que d'après KWH, la dernière réunion à laquelle elle a participé a porté notamment sur les demandes d'information adressées par la Commission en vertu de l'article 11, cette réunion a dû en fait se tenir après le 4 mars 1996; en effet, les demandes d'information n'ont été envoyées par la Commission que le 13 mars 1996.
Løgstør situe également la dernière réunion du club des directeurs le 4 mars 1996, mais elle affirme qu'elle-même et d'autres entreprises ne sont allées à cette réunion que pour annoncer leur décision de ne plus participer à l'entente.
De fait, s'il est exact que le seul objet de leur dernière réunion était la dissolution de l'entente, il est très probable qu'elle s'est tenue après réception des demandes d'information de la Commission, autrement dit plus tard que les participants ne l'admettent.
Il y a eu une réunion du conseil d'administration de l'EuHP à Copenhague, le 26 mars 1996, à laquelle tous les membres du club des directeurs ont assisté. Il est peu probable qu'ils n'aient pas profité de l'occasion que constituait cette réunion pour discuter de l'initiative que venait de prendre la Commission.
ABB et Løgstør reconnaissent toutes deux s'être réunies au Danemark, le 18 avril 1996, afin de trouver un moyen de poursuivre la coopération, d'une manière ou d'une autre, bien qu'elles affirment que cette réunion n'ait pas abouti (considérant 78).
Quoi qu'il en soit, le groupe de contact allemand a continué de se rencontrer à Zurich jusqu'au 25 mars 1996 au moins. Le groupe autrichien s'est (selon ABB) réuni pour la dernière fois en avril. Pour autant qu'on sache, le groupe de contact italien n'a cessé ses réunions qu'en juin.

5. Rôle de l'EuHP
(113) L'EuHp était censée avoir pour objectif:
«de favoriser, entre ses membres, les échanges d'expérience dans les domaines de la technologie, de la qualité, de l'énergie et de l'environnement, et de contribuer à des améliorations continues dans ces domaines.»
La création de l'EuHP, en avril 1991, était en réalité bien plus en rapport avec le contrôle du marché et la stratégie à long terme d'ABB que ne le donnerait à penser cette définition peu compromettante de ses objectifs.
Il convenait en particulier de limiter l'incidence sur la marge bénéficiaire d'autres producteurs de la mise au point récente par Løgstør d'un processus de fabrication en continu (permettant une réduction de 15-20 % des coûts de production et, partant, des prix de vente inférieurs). Les autres producteurs qui recouraient à la fabrication traditionnelle par lots souhaitaient conserver les anciennes normes, qui exigeaient un gainage plus épais et un façonnage plus important. Selon Løgstør, ils se livraient à une discrimination à l'encontre d'un produit techniquement supérieur qui pouvait être vendu à des prix plus bas.
ABB reconnaît franchement (dans sa réponse à la demande au titre de l'article 11, p. 23) qu'elle considérait comme une priorité de parvenir avec Løgstør à «un accord stratégique» aux termes duquel Løgstør aurait retiré du marché cette nouvelle conduite; à défaut, la meilleure solution aurait alors été de chercher à obtenir l'accès à la technologie de Løgstør.
(114) Les documents internes d'ABB confirment que la conformité aux normes était utilisée comme moyen de maintenir les prix à un niveau élevé. Rappelant que l'EuHP avait été créée dans le but de supprimer «la concurrence de nouveaux acteurs étrangers de second plan, en particulier d'Europe orientale», et qu'un assouplissement des normes techniques entraînerait une contraction du marché, un cadre supérieur d'ABB a, en juillet 1993, averti que si la fabrication en continu était acceptée, les économies de coûts qui s'ensuivraient signifieraient une réduction de 10-15 % du volume du marché; «cela n'enrichira aucun d'entre nous», a-t-il déclaré; «aussi Løgstør et ABB doivent-ils coopérer étroitement pour contrôler les travaux relatifs aux normes et aux standards et les évolutions dans ce domaine» (annexe 48).
À la fin de 1993 (au moment où les réunions «plénières» de l'entente étaient apparemment suspendues, les mêmes directeurs (exception faite des représentants de Henss/Isoplus) discutaient du non-respect des normes par Løgstør. Pan-Isovit s'est plainte du non-respect des normes prescrites. Chacun des membres a alors dû certifier à l'EuHP que ses produits répondaient à la norme EN 253 et à la norme de qualité de l'EuHP.
(115) Il est significatif qu'à cette époque, ABB elle-même projetait le lancement de conduites fabriquées en continu (qui devaient s'appeler «ABB slimline quality pipes»).
ABB a reconnu en privé que ces conduites ne respectaient pas les normes prévues par l'EuHP, mais le directeur de l'EuHP (qui siégeait également au conseil d'administration d'ABB IC Møller) «était convaincu que si tous les gros producteurs voulaient voir cette norme changer, cela pouvait se faire.» Il était prévu que les nouvelles conduites ABB ne seraient prêtes à être commercialisées qu'au 1er janvier 1994: «Jusqu'à ce que nous soyons prêts pour la mise sur le marché, toutes les entreprises (ABB) BA-VDH devront se prononcer contre les conduites en continu» (annexe 177).
ABB n'envisageait le lancement de ces nouvelles conduites qu'au Danemark: pour l'Allemagne, il avait été décidé d'attendre de voir si Løgstør était en mesure de prendre pied sur ce marché avec ses conduites en continu.
Quelques jours seulement après la réunion du 18 août 1994 consacrée aux modalités de relèvement des prix en Allemagne, l'EuHP s'est réunie et le conseil d'administration a réitéré sa décision antérieure qui prévoyait que tous les membres ne devaient vendre que des produits conformes aux normes EN. On peut lire dans le compte rendu de cette réunion: «Løgstør Rør AS a, pendant un certain temps, vendu des conduites non normalisées. Elle s'est engagée à cesser immédiatement de le faire.»
(Il s'agissait là de la réunion de l'EuHP au cours de laquelle le représentant de KWH aurait pour la première fois constaté l'existence d'un accord tacite entre les autres producteurs.)
(116) Il n'est pas allégué que l'EuHP ne pouvait être distinguée de l'entente: Pan-Isovit n'a adhéré qu'au milieu de 1993; Henss/Isoplus n'a pas été admise avant 1995 et Brugg, Ke-Kelit et Sigma devaient en faire partie mais, en définitive, ne l'ont jamais fait.
Les producteurs se sont en fait donné énormément de mal pour que leurs activités manifestement illicites ne s'exercent pas - du moins officiellement - dans le cadre de l'EuHP. Étant donné que la plupart des directeurs généraux qui participaient à des réunions secrètes en 1991-1993 étaient également presque tous membres du conseil d'administration de l'EuHP, un stratagème a été adopté qui a consisté, une fois la réunion de l'EuHP achevée, à se rendre dans un autre lieu pour discuter des affaires de l'entente: Henss et Pan-Isovit retrouvaient alors les directeurs généraux pour «examiner des questions d'intérêt commun».
Une fois que tous les grands producteurs (à l'exception de Brugg et, bien entendu, de Powerpipe) ont eu rejoint l'EuHP, la distinction quelque peu artificielle entre activités «illégales» et «légales» (ou semi-légales) a été, en grande partie, maintenue. Une proposition visant à donner à l'EuHP un rôle dans la gestion du système de quotas n'a pas été adoptée. Le rôle d'auxiliaire de l'entente joué par l'EuHP ressort cependant du fait qu'elle a dû examiner la question de savoir si Powerpipe pouvait être écartée, pour des raisons techniques, du projet Leipzig-Lippendorf. De même, lorsque l'entente a voulu préparer le marché à des augmentations de 15 à 30 % au début de 1995, c'est l'EuHP qui a été choisie pour envoyer des informations sur les prochaines augmentations de prix à la presse spécialisée.

6. Appréciation du rôle de chaque participant
(117) Le principal chef d'accusation qui pèse sur l'entente dans le cas d'espèce réside dans la constitution, par les producteurs, d'un groupement illicite au sein duquel ils poursuivaient un objectif commun.
La plupart des entreprises en cause ne nient pas avoir participé à une infraction à l'article 85, bien que seule ABB ait reconnu formellement avoir pris part à une infraction durable qui a commencé aux alentours de novembre 1990 et s'est poursuivie jusqu'en mars ou avril 1996.
Les producteurs danois Løgstør et Tarco reconnaissent formellement avoir participé à une entente «nationale» entre 1991 et 1993 (Starpipe n'aborde pas expressément ce point), mais nient que tout accord se soit appliqué en dehors de ce marché avant la fin de 1994. Pan-Isovit et Henss/Isoplus avancent le même argument à l'appui de leur affirmation selon laquelle leur participation à une infraction n'a pas commencé avant la fin de 1994, voire le début de 1995.
(118) Les arguments des principaux producteurs autres qu'ABB contestant l'extension présumée des accords d'entente à d'autres marchés (principalement l'Allemagne) en octobre 1991 ou aux alentours de cette date, touchent essentiellement à la question juridique de savoir si leur conduite tombait sous le coup de l'interdiction énoncée à l'article 85: il leur était difficile de nier (de façon crédible) avoir participé aux nombreuses réunions des directeurs tenues en 1991-1993, dont plusieurs ont fait l'objet de notes rédigées par les participants et découvertes par la Commission. Ils présentent en fait ces réunions régulières comme de simples mesures préalables à un accord ou comme des tentatives avortées pour parvenir à un accord. Cependant, ils ne fournissent pas de compte rendu détaillé des questions discutées lors de ces réunions. Pour autant que des faits en rapport avec cet aspect des arguments de la Commission soient évoqués, ils visent essentiellement à démontrer la soi-disant improbabilité que des accords d'entente aient été en place (par exemple rivalités exacerbées entre les producteurs, bas niveau des prix et âpre concurrence en Allemagne, «dumping» pratiqué par les producteurs danois sur ce marché, entrée des producteurs allemands sur le marché danois en 1993 et, en ce qui concerne Henss, divergences avec ABB au sujet de son contrat d'agence pour la Bavière).
(119) Comme cela est expliqué en détail sous II, même si ces facteurs sont prouvés, aucun d'entre eux, qu'il soit considéré à lui seul ou en combinaison avec d'autres, n'est incompatible avec l'existence d'une collusion interdite - du type de celle qui, selon la Commission, aurait été mise en oeuvre pendant cette période (et qui tombe dans le champ d'application de l'article 85, comme ABB, pour sa part, l'admet tout à fait).
En ce qui concerne l'offensive contre Powerpipe (que les entreprises cherchent, pour étayer leur thèse, à présenter comme une légère infraction à l'article 85), les déclarations de tous les producteurs, à l'exception d'ABB, selon lesquelles aucun «accord» n'aurait jamais existé, sont en contradiction flagrante avec les preuves documentaires. Le fait que (pour des raisons d'ordre purement pratique) le principal rôle dans la mise en oeuvre du boycott décidé soit revenu à ABB et à Løgstør n'enlève rien à la responsabilité des autres participants à ces manoeuvres. Quels qu'aient été les agissements de Løgstør et d'ABB, ils s'inscrivaient dans le cadre du projet conçu le 24 mars 1995. Ils visaient à l'exécution d'un projet auquel tous adhéraient et dont tous avaient pleinement connaissance.
(120) Tout à fait indépendamment de leurs propres aveux (partiels), de nombreuses preuves documentaires directes attestent la participation de chacun des acteurs à l'infraction au cours des périodes invoquées par la Commission.
Il convient également que la Commission apprécie le rôle respectif joué par les différents producteurs dans cette violation. Cet examen est particulièrement important pour pouvoir déterminer les sanctions appropriées susceptibles d'être infligées. Il n'est pas toujours possible de l'effectuer dans toutes les affaires d'entente, car il peut se faire que l'on manque de preuves fiables sur le rôle exact joué par chaque participant dans le plan d'ensemble mais, dans le cas d'espèce, l'abondance des preuves documentaires permet une telle appréciation.
Certaines entreprises (en particulier Løgstør, KWH et Henss/Isoplus) ont, pour leur défense, essentiellement cherché à minimiser leur propre rôle dans l'entente et à faire d'ABB le principal responsable. Henss/Isoplus est allée jusqu'à accuser ABB d'avoir déformé les faits en ce qui concerne l'existence, à partir d'octobre 1991, d'accords d'entente plus vastes en dehors du Danemark, dans le but de se concilier les bonnes grâces de la Commission et, partant, de jouir d'un traitement favorable.
ABB, pour sa part, déclare qu'elle n'était pas «l'unique instigatrice» de l'entente.
Les allégations de Henss-Isoplus sont dénuées de tout fondement et doivent être totalement ignorées. Les reproches adressés par d'autres entreprises à leurs collègues membres de l'entente doivent être traités avec une certaine prudence, dans la mesure où ils sont destinés à servir leurs propres intérêts. En effet, ce genre de déclarations permet rarement de disculper ou de blanchir leur auteur; cependant, dans la mesure où elles permettent d'obtenir des détails supplémentaires sur les faits, il est possible d'y ajouter foi, notamment si elles sont corroborées ou si elles sont conformes au schéma général des comportements mis en évidence par les preuves documentaires.
À chaque fois que, dans la présente décision, la Commission cite de telles déclarations sans les qualifier de façon plus précise ou sans émettre de réserves, cela signifie qu'elle accepte les allégations ainsi faites; toutefois, aucun élément présentant une importance vitale pour l'établissement des faits les plus importants caractérisant l'infraction n'est basé sur des affirmations faites, sans preuves à l'appui, par un participant au cours de la procédure.
(121) Il est incontestable qu'ABB était la tête et la principale instigatrice de l'entente. La domination du marché par le biais d'une entente dans laquelle elle jouait le principal rôle était un objectif stratégique, clairement énoncé, de l'entreprise. Toute cette opération a été conçue, approuvée et télécommandée par la direction de l'entreprise, au plus haut niveau. Pendant toute la période de cinq ans, c'est ABB qui a pris l'initiative de consolider, de renforcer et d'étendre l'entente et c'est cette entreprise, sans conteste, qui a été chargée de recruter d'autres membres (KWH et Brugg) de l'entente après les vérifications.
En revanche, les efforts de Løgstør pour se dépeindre comme le jouet d'ABB, manipulée contre son gré (voire à son insu) par cette dernière ne sont pas crédibles. Il se peut tout à fait que son adhésion à l'entente ait été dictée en partie par le désir de ne pas offenser sa voisine, multinationale beaucoup plus importante, et qu'elle ait été (comme d'autres) l'objet des méthodes de «persuasion» d'ABB, mais en tant que deuxième entreprise du secteur du chauffage urbain, c'était un membre clé de tout projet anticoncurrentiel et son maintien en tant que «numéro deux» était un élément essentiel de la stratégie d'ABB. Le rôle actif de cadres dirigeants de Løgstør dans la planification et la mise en oeuvre de la stratégie de l'entente est tout à fait prouvé. Il se peut, dans une certaine mesure, que Løgstør ait poursuivi ses propres objectifs, à savoir la mise en place du processus (moins onéreux) de fabrication en continu que d'autres voulaient voir arrêté ou suspendu, mais tout dispositif anticoncurrentiel suppose que l'on concilie les intérêts divergents ou éventuellement divergents des membres. La Commission ne peut accepter le fait que Løgstør ait «quitté» l'entente en avril 1993, ainsi qu'elle l'affirme. En effet, au cours de la période concernée, elle a continué à assister à des réunions et, de son propre aveu, quelles que soient les menaces qu'elle ait pu faire, elles étaient destinées à faire en sorte qu'ABB lui accorde un quota plus important. Pour ce qui est des mesures adoptées pour nuire à Powerpipe (en particulier le recrutement conjoint de ses salariés-clés et, ultérieurement, la mise en place de mesures destinées à empêcher ses approvisionnements), la Commission rejette l'affirmation de Løgstør selon laquelle elle n'aurait pris aucune mesure hostile à l'encontre de ce concurrent gênant.
Le fait que les autres producteurs aient pu témoigner de la méfiance à Henss/Isoplus et que cette dernière ait pu se voir refuser l'accès à l'EuHP jusqu'en 1995 ne rend pas pour autant crédible sa version des faits selon laquelle elle était tout autant «victime» de l'entente que participant à celle-ci. Rien n'indique que Henss ait été forcée, contre sa volonté, à assister aux réunions avec les directeurs d'autres entreprises, qui ont commencé en octobre 1991. En effet, Løgstør affirme que ABB et Henss étaient les deux «meneurs» au cours des discussions. Lorsque les pratiques collusoires ont repris au début de 1994, Henss a joué un rôle de premier plan en tant que lieutenant d'ABB, et toutes les preuves les plus solides donnent à penser qu'elle n'a pas cessé d'être l'un de ceux qui ont cherché, avec le plus d'empressement, à faire respecter les dispositions en matière de partage du marché et de soumissions concertées.
(122) L'indiscipline observée chez Tarco ne la place pas en marge de ce dispositif illicite. Elle était membre à part entière de tous les organes de l'entente et le fait qu'elle ait cherché à promouvoir ses propres intérêts tout en retirant les avantages d'une collusion avec ses concurrents ne diminue en rien son rôle. En particulier, le fait qu'un règlement qui devait intervenir en Allemagne en mai 1993 ait été repoussé en raison de son refus d'accepter un accord ne portant que sur les prix révèle uniquement qu'elle connaissait bien les principes de base de l'économie et qu'elle souhaitait se voir garantir un quota.
La Commission reconnaît qu'aucun élément de preuve n'atteste que Tarco elle-même ait pris des mesures visant directement à nuire à Powerpipe (elle a cependant été signataire du projet commun de financement de l'achat de cette entreprise par Pan-Isovit). Cela ne modifie en rien le fait que (ainsi que l'attestent ses propres documents), elle était au courant du dispositif visant à boycotter Powerpipe et à faire en sorte de l'empêcher de mener à bien le projet Leipzig-Lippendorf.
De même, Starpipe a été membre «à part entière» de l'entente, même si sa participation ne présente aucun caractère particulier. Elle a participé à la réunion lors de laquelle il a été décidé d'interrompre les approvisionnements de Powerpipe et a approuvé ce projet.
(123) Les mêmes considérations s'appliquent à Pan-Isovit. Celle-ci fait valoir qu'elle n'a été associée à aucune des mesures prises par d'autres producteurs à l'encontre de Powerpipe: il s'agissait là (déclare-t-elle) de mesures non concertées adoptées par tel ou tel producteur. La Commission n'a, bien entendu, jamais prétendu que Pan-Isovit (ou du reste tout autre producteur en dehors d'ABB et de Løgstør) ait été membre du dispositif visant à débaucher des salariés-clés de Powerpipe en 1992-1993, bien que les propres notes rédigées par Pan-Isovit au sujet d'une réunion qui a eu lieu début de 1995 montrent que l'entente continuait à envisager le recours à cette tactique de harcèlement. On ajoutera, pour être complet, que Starpipe comme Pan-Isovit ont pris part au projet, décidé le 24 mars 1995, de boycott de Powerpipe et du contrat majeur de Leipzig-Lippendorf. Pan-Isovit, en particulier, en tant que membre du consortium de producteurs allemands lésés, peut difficilement prétendre n'avoir eu aucun intérêt particulier aux activités de Powerpipe, et, du reste, elle a été officiellement désignée par la suite comme l'acquéreur nominal (étant entendu que le financement devait être assuré en partie par les autres) de cette entreprise, dans le but de l'évincer du marché.
Lorsque le nouvel arrangement pour le marché européen a été arrêté à la fin de 1994, les autres producteurs ont estimé que pour qu'un accord soit viable, la participation de KWH était nécessaire. KWH déclare qu'il a uniquement accepté de participer après avoir longtemps résisté aux incitations d'autres producteurs, et que, même à ce moment là, il n'a accepté «de suivre le mouvement» qu'afin d'échapper à des représailles.
La Commission admet tout à fait que KWH n'était pas un membre dirigeant de l'entente, et qu'en ce qui concerne la campagne dirigée contre Powerpipe, KWH a été le seul producteur disposé à livrer à Powerpipe et à DSD du matériel et des éléments pour le projet Leipzig-Lippendorf et qu'il l'a effectivement fait au mépris des instructions de l'entente.
Elle n'admet pas, en revanche, que KWH ait subi des pressions telles pour participer de façon durable à l'entente qu'elle puisse s'en trouver excusée; Powerpipe, elle, a résisté à des menaces mettant directement son existence en jeu. En effet, les preuves documentaires donnent à penser que KWH revendiquait une part de marché plus importante que celle que les autres membres de l'entente étaient initialement disposés à lui accorder. Il était membre du «club des directeurs» et assistait régulièrement aux réunions. En outre, s'il avait cherché une occasion de quitter l'entente, il aurait pu le faire après les vérifications de juin 1995. À la fin de l'année, ABB l'a même averti que la situation au niveau de l'Union européenne se présentait mal, mais il a choisi de rester dans l'entente.
(124) Brugg, en fait, n'était considéré comme un acteur significatif que sur le marché allemand local (ainsi qu'en Suisse, mais on sort là du champ d'application de la présente procédure). Bien que l'entente n'aurait pu fonctionner efficacement sans la présence de cette entreprise (et de KNH), elle n'y a toutefois pas joué un rôle décisif. Toutefois, l'argument selon lequel elle n'aurait participé à aucun projet destiné à nuire à Powerpipe est rejeté; en effet, Brugg était présente lors de la réunion de Düsseldorf du 24 mars 1995, au cours de laquelle le boycott a été décidé. La Commission estime que sa participation à l'infraction (qui se limite aux arrangements conclus en Allemagne) a commencé avec sa présence à la réunion de Copenhague du 18 août 1994.
Ke-Kelit a uniquement pris part aux arrangements concernant le marché autrichien, où elle s'est vu attribuer un quota de 23 %. Il se peut tout à fait qu'elle ait été placée devant un fait accompli, les quotas étant décidés par le club des directeurs aux réunions duquel elle n'assistait pas. Le fait qu'elle dépendait de Løgstør pour ses approvisionnements et qu'elle n'avait guère d'autre choix que d'assister aux réunions pour défendre ses intérêts face à ABB et à Isoplus qui dominaient le marché autrichien ne saurait justifier sa participation. Ke-Kelit reconnaît qu'elle n'ignorait pas que les arrangements en Autriche s'inscrivaient dans le cadre d'un dessein plus vaste. Pour la bonne règle, il convient de préciser que la Commission admet que Ke-Kelit, qui n'a pas assisté aux réunions des directeurs ni à celles du groupe de contact allemand, n'a pas eu connaissance des mesures prises contre Powerpipe et n'y a été aucunement associée.
La participation de Sigma s'est également limitée aux arrangements concernant le marché italien, sur lequel elle s'est vu attribuer une part de 10 % pour les nouveaux projets (bien qu'elle ait réclamé ultérieurement une part de 20 %). Elle a pris part à la procédure d'attribution des projets. Il se peut qu'elle ait été considérée comme un trouble-fête et n'ait pas été invitée à toutes les réunions consacrées au marché italien (annexe 187, p. 4), mais les données trouvées montrent qu'elle a participé régulièrement, à compter environ d'avril 1995, aux réunions locales. Tout comme pour Ke-Kelit, la Commission admet que Sigma n'avait pas connaissance de la campagne destinée à éliminer Powerpipe.

7. Effets sur le niveau général des prix
(125) On ne saurait valablement contester que, jusqu'en 1993, le consensus entre les producteurs danois, qui se partageaient leur marché national sans véritable concurrence étrangère, leur a donné la possibilité de maintenir les prix à un niveau qui leur permettait de financer le développement de leurs exportations. Cela a été valable en particulier pour l'Allemagne, où les deux principaux producteurs nationaux ressentaient durement la concurrence des importations en provenance du Danemark. En Allemagne, les prix étaient inférieurs de 15 à 20 % à ceux pratiqués au Danemark. Toutefois, ils étaient encore plus bas sur certains autres marchés: en Suède, à certains moments, ils sont même tombés à un niveau inférieur de moitié à celui des prix danois. De nombreuses informations montrent en effet qu'ABB et Løgstør poursuivaient une stratégie commune qui consistait à pénétrer sur les marchés suédois et finlandais en offrant des prix peu élevés, afin de faire pression sur les producteurs locaux, dans le but de les acquérir et de les évincer du marché, comme l'explique KWH dans sa réponse à la communication des griefs, pages 7-9. Loin de démontrer l'impossibilité d'une entente, la situation concurrentielle doit plutôt en elle-même avoir incité les producteurs allemands à chercher à parvenir à un compromis avec leurs concurrents: leur objectif était de persuader les producteurs danois de porter leurs prix à l'exportation au même niveau que celui qu'ils pouvaient pratiquer sur leur marché national.
Il a été expressément convenu par tous les producteurs, à la fin de 1991, d'augmenter le niveau des prix en Allemagne d'environ 6-8 %. Pour atteindre cet objectif, il a été décidé d'élaborer un barème de prix minimaux.
Il se peut tout à fait, cependant, que dans les faits, toute augmentation des prix de barème ait été compensée par l'octroi de rabais officieux (les représentants de commerce d'ABB - qui avait relevé les prix qu'elle leur facturait de 6 % - se sont plaints que le marché ne pouvait supporter cette augmentation). En l'absence d'accord sur les parts de marché à cette époque, on pouvait s'attendre à ce type de résultat; au bout du compte, chacun des producteurs a réclamé une part de marché plus élevée, sans qu'aucun ne soit prêt à transiger sur les quantités.
Le recul régulier des prix en Allemagne entre 1990 et le milieu de 1994 n'est ainsi en aucune façon incompatible avec le type de collusion soupçonné par la Commission (on notera également que le prix des matières premières a baissé de 20 % pendant cette période).
(126) Selon les propres dires des producteurs, la tendance à la baisse des prix s'est cependant inversée au milieu de 1994. Le fait que ce relèvement ait coïncidé avec l'instauration, en mai, du barème commun en Allemagne et avec l'accord ultérieur sur ce marché du 18 août 1994 ne saurait être un pur hasard.
L'objet de l'entente européenne était d'augmenter le niveau des prix de 30-35 % sur deux ans.
En septembre 1994, ABB a annoncé des augmentations de prix de 10 %, suivies d'une nouvelle augmentation, toujours de 10 %, pour couvrir la hausse prévue du coût des matières premières.
La réussite de ce plan ressort des notes relatives à une réunion du club des directeurs de mars ou d'avril 1995, trouvées chez Pan-Isovit. Sur la plupart des marchés mentionnés, des augmentations de 15 à 20 % sont indiquées. Il est significatif que sur les marchés nationaux où l'augmentation n'a pu avoir lieu, Powerpipe est présentée comme «le problème» (annexes 60 et 65). Dans sa plainte, Powerpipe estimait qu'en décembre 1994, en attribuant à la Suède un indice 100, les prix étaient de 130-140 en Allemagne et de 140-150 au Danemark.
Le chiffre d'affaires total réalisé par les quatre producteurs danois et Pan-Isovit a augmenté de près de 20 % en 1995 par rapport à l'année précédente.

8. Compensation offerte par ABB
(127) Le 18 novembre 1996, ABB a informé la Commission qu'elle avait conclu, en mai 1996, un accord avec Powerpipe et ses propriétaires, en vue de régler tous les différends existant entre eux sur les questions faisant l'objet de la présente procédure.
Ce règlement prévoyait le versement d'une somme importante à titre de compensation.
L'accord contient une clause par laquelle les parties conviennent de tenir confidentielles les modalités de ce règlement.
ABB a fourni à la Commission une copie de cet accord.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. Article 85

1. Article 85, paragraphe 1
(128) En vertu de l'article 85, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (CE), sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer, de façon directe ou indirecte, les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, à limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements, ou à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

2. Accords et pratiques concertées
(129) L'article 85, paragraphe 1, interdit tant les accords que les pratiques concertées.
On peut considérer qu'il y a accord lorsque, comme en l'espèce, les parties s'entendent sur un plan commun qui limite ou est susceptible de limiter leur comportement commercial respectif en déterminant les lignes de leur action ou abstention réciproque sur le marché. S'il implique un processus décisionnel commun et un engagement à l'égard d'un projet commun, l'accord ne doit pas nécessairement être établi de façon formelle ou par écrit, et aucune sanction contractuelle ou mesure de contrainte n'est nécessaire. L'accord peut être exprès ou ressortir implicitement du comportement des parties.
Une pratique concertée, en revanche, n'implique pas que les parties soient parvenues à un accord exprès ou implicite sur les conditions de leur action ou abstention réciproque.
(130) En créant la notion de pratique concertée en plus de la notion d'accord, les auteurs du traité ont cherché à éviter que des entreprises ne tournent les règles de concurrence en s'entendant sur des modalités anticoncurrentielles et non assimilables à un accord définitif, par exemple en s'informant mutuellement à l'avance de l'attitude qu'elles ont l'intention d'adopter, de sorte que chacune puisse régler son comportement commercial en escomptant que ses concurrents auront un comportement parallèle [voir l'arrêt de la Cour de justice du 14 juillet 1972 dans l'affaire 48/69, Imperial Chemical Industries Ltd/Commission (12)].
Dans son arrêt du 16 décembre 1975 dans l'affaire sur l'entente européenne concernant le sucre [affaires jointes 40 à 48, 50, 54 à 56, 111, 113 et 114-73, Suiker Unie et autres/Commission (13)], la Cour a soutenu que les critères de coordination et de coopération définis dans sa jurisprudence, qui n'exige en aucune façon l'élaboration d'un véritable plan, doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles, ayant pour objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent la ligne de conduite qu'elles ont décidé ou qu'elles envisagent d'adopter sur le marché.
Un tel comportement peut tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, en tant que «pratique concertée», même lorsque les parties n'ont pas convenu ou décidé à l'avance entre elles ce que chacune fera ou ne fera pas sur le marché, mais que, en toute connaissance de cause, elles adoptent un mécanisme collusoire qui facilite la coordination de leur comportement commercial ou se rallient à un tel mécanisme.
[Voir aussi l'arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-7/89, Hercules/Commission (14)].
(131) Dans le cas d'une entente complexe et durable, fondée sur une série de pratiques concertées et d'accords qui s'inscrivent dans une suite d'efforts des entreprises en cause en vue d'un objectif commun, à savoir empêcher ou fausser le jeu de la concurrence, la Commission est en droit de conclure à l'existence d'une infraction unique et continue. Ainsi que le Tribunal de première instance l'a souligné, à cet égard, dans l'affaire T-7/89 (15), il serait artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. Ce même tribunal ajoute qu'«en effet, [les entreprises ont] pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites.»
(132) Il n'est pas non plus nécessaire, dans un tel cas, que la Commission qualifie l'infraction en la faisant entrer dans une seule de ces deux catégories. Les concepts d'accord et de pratique concertée n'ont pas de contours bien nets et peuvent se chevaucher. Une infraction peut très bien commencer sous une forme et évoluer progressivement vers une autre, en présentant certains, voire tous les éléments constitutifs de cette autre catégorie. (Il faut noter, à cet égard, qu'il serait erroné de qualifier d'«accord» les modalités du marché passé par les parties à un instant donné et de «pratique concertée» sa mise en oeuvre ultérieure.) Souvent même, il n'est pas réaliste d'opérer une telle distinction, car l'infraction peut présenter simultanément les caractéristiques de ces deux types de comportement interdit alors que, prises individuellement, certaines de ses manifestations peuvent s'assimiler davantage à l'un qu'à l'autre. Une entente peut donc relever simultanément de l'accord et de la pratique concertée. L'article 85 ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe - voir, sur ce point également, l'arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-7/89 (16).
(133) De surcroît, une infraction ne peut être assimilée à un contrat commercial puisque l'article 85 ne se limite pas à une interprétation des termes convenus par les parties. Dans le cas d'une entente complexe, l'interdiction posée par l'article 85 s'applique non seulement à l'accord proprement dit sur le système de base à mettre en oeuvre ou à des clauses précises qui peuvent être arrêtées le cas échéant, mais à l'ensemble du processus continu de l'entente dans lequel cet accord et ces clauses s'inscrivent. La notion d'«accord» convient donc non seulement pour désigner les conditions expresses convenues, mais aussi la mise en oeuvre de ce qui a été convenu. En outre, avant même que ne soit conclu un accord final et complet qui régisse l'action et l'abstention réciproque des entreprises sur le marché, le processus de négociation peut comporter la conclusion d'accords inachevés et d'un accord conditionnel ou partiel limitant la concurrence.
(134) Aux fins de l'article 85, paragraphe 1, un accord peut aussi ne pas présenter le degré de sécurité requis pour l'exécution d'un contrat commercial. Il se peut, en effet, que ses conditions ne soient jamais formellement énoncées par écrit: la matérialité de l'accord devra donc être induite de toutes les circonstances de l'espèce. Les intérêts divergents des membres de l'entente peuvent également faire obstacle à un consensus global sur tous les aspects de l'entente, l'une ou l'autre partie pouvant avoir des réserves à formuler sur un aspect particulier de l'arrangement en se ralliant au projet commun. Une imprécision délibérée peut caractériser certains aspects de l'entente. Il se peut que les parties conviennent (de manière expresse ou tacite) d'adopter un plan commun et doivent se réunir périodiquement par la suite pour arrêter les modalités détaillées, pour modifier le plan s'il y a lieu, ou encore pour résoudre des difficultés particulières.
Il se peut que les aspects de l'entente ne soient pas tous réglés dans le cadre d'un accord formel. L'accord réalisé sur certains points peut coexister avec un désaccord sur d'autres points. La concurrence peut ne pas être totalement éliminée.
Les participants peuvent également être impliqués dans un tel système commun à différents degrés. L'un peut exercer le rôle dominant d'un meneur. Il peut y avoir des conflits et des rivalités internes. Certains membres peuvent même aller jusqu'à tricher. Il peut même y avoir, de manière épisodique, des accès de concurrence féroce et des «guerres des prix».
Cependant, aucun de ces éléments n'empêche cet arrangement de constituer un accord ou une pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, lorsque les parties s'entendent en vue d'un objectif unique, commun et permanent. Une entente complexe peut être considérée, à raison, comme une infraction unique et continue pendant toute la durée de son existence. L'accord peut très bien être modifié, les activités couvertes par l'entente peuvent être progressivement étendues à de nouveaux marchés et ses mécanismes peuvent être adaptés ou renforcés.
De nouveaux membres peuvent se rallier à l'entente et d'anciens membres, la quitter, le cas échéant, sans que l'entente doive être considérée, à chaque modification de sa composition, comme un nouvel «accord».
En outre, sous l'angle des éléments de fait et du droit, il n'est pas nécessaire, pour établir la matérialité d'un accord, que chaque participant présumé ait pris part à tous les aspects et à toutes les manifestations de l'entente, y ait consenti de manière expresse ou même ait eu connaissance de leur existence, pendant toute la durée de son adhésion au système commun.

3. Nature de l'infraction en l'espèce
(135) Il n'est pas contesté, sur le fond, que l'arrangement exprès de partage des marchés conclu entre les quatre producteurs danois fin 1990 présentait toutes les caractéristiques d'un «accord» proprement dit au sens de l'article 85, paragraphe 1.
La mise au point ultérieure d'un plan détaillé et des modalités de sa mise en oeuvre dans le cadre de réunions périodiques ne crée pas une série d'«accords» séparés, mais fait bien partie intégrante d'un même système général et illicite.
L'accord conclu entre les quatre producteurs danois portait également sur des augmentations de prix concertées sur les marchés à l'exportation. Si, à l'époque, c'est au Danemark (leur marché le plus rentable) que l'entente a trouvé son expression la plus achevée, la coopération s'est également étendue à d'autres marchés, quoique sous une forme plus fragmentaire et inachevée. À cause du système de verrouillage des marchés mis en place avec ABB, Pan-Isovit a aussi été amenée à participer à l'entente dès le départ, même si cette alliance n'a duré que quelques mois.
(136) La coopération systématique entre producteurs danois s'est propagée à l'Allemagne et les deux producteurs allemands, Pan-Isovit et Isoplus, s'y sont ralliés en octobre 1991. Sa première manifestation concrète a été le renchérissement de 6 % convenu dès octobre et applicable à compter du 1er janvier 1992. L'entrée potentielle des producteurs allemands au Danemark s'est ajoutée aux autres thèmes de discussion, de sorte que les deux principaux marchés du chauffage urbain ont finalement été examinés dans le cadre des mêmes réunions.
Or, tant Henss/Isoplus que Pan-Isovit ont fait valoir qu'elles n'avaient pris part à aucune des infractions avant fin 1994. Bien qu'elles ne puissent guère contester leur participation aux réunions périodiques, elles soutiennent que ces contacts répétés ont représenté une tentative, totalement infructueuse au bout du compte, de conclusion d'une trêve dans la guerre des prix qui avait alors lieu. Elles invoquent pour preuve de l'absence d'accord la spirale à la baisse des prix entre 1991 et 1994.
Les deux producteurs danois Løgstør et Tarco invoquent des arguments similaires à l'appui de leur thèse selon laquelle il y aurait eu en fait deux ententes totalement distinctes.
(137) Même s'il se peut que les arrangements aient été inachevés, vagues et souvent fragmentaires, la Commission rejette l'argument suivant lequel les arrangements conclus en dehors du Danemark avant 1994 ne constitueraient pas une infraction à l'article 85, paragraphe 1.
En premier lieu, cet argument méconnaît le fait (amplement démontré par les preuves écrites) qu'un accord exprès a bien été conclu (au moins): 1) en ce qui concerne l'augmentation des prix en Allemagne à compter du 1er janvier 1992, 2) sur la fixation des prix et le partage des projets en Italie et 3) sur le régime de quotas en termes de parts de marché en août 1993.
Ces accords exprès et explicites étaient en réalité le résultat d'une entente et d'une action concertée persistantes entre les producteurs. Les participants avaient, en effet, instauré un système de réunions périodiques et ont été impliqués dans un processus continu de «diplomatie» commerciale visant à concilier leurs intérêts respectifs. Dans le but de concevoir leur projet et de le mettre à exécution, les participants ont entrepris un certain nombre d'actions qu'ils avaient conçues et décidé de faire, parmi lesquelles (cette liste n'étant pas limitative): la participation à des réunions dans le but de discuter des prix, des quotas de vente et de partage des projets; la décision, lors de ses réunions, de facturer certains prix spécifiques et d'augmenter et de maintenir les prix; l'élaboration, l'acceptation et la distribution de barèmes types devant servir à la coordination des prix; l'échange d'informations sur les volumes de ventes, la taille des marchés et les parts de marchés de façon à instaurer un système de quotas; la mise en place d'un système de quotas de ventes. Les discussions peuvent très bien s'être déroulées dans le cadre d'une constellation d'alliances mouvantes et même avoir servi de tribune à des menaces de représailles ou d'hostilités mais, en s'inscrivant dans le processus évolutif d'arrangements et d'accords partiels ayant pour but la fixation des prix, la coordination des augmentations de prix ainsi que la répartition des marchés et parts de marchés, elles ont constitué un comportement d'entente interdit par l'article 85, paragraphe 1.
(138) Compte tenu des principes exposés plus haut, les arrangements anticoncurrentiels durables, conclus à compter d'octobre 1991, peuvent être considérés comme formant, ensemble, un «accord» interdit au sens de l'article 85, paragraphe 1.
Au demeurant, même si la notion d'«accord» n'englobe pas les étapes du processus de négociation qui a conduit à la conclusion d'un accord général, le comportement en cause tombe encore sous le coup de l'interdiction posée par l'article 85 en tant que pratique concertée. Les six producteurs ont créé une structure qui leur permettait d'avoir des discussions régulières sur des «questions d'intérêt commun», qui a été un lieu d'échange d'informations commerciales normalement considérées comme sensibles et (en dehors des trois initiatives précitées qui ont abouti à un accord exprès et spécifique de fixation des prix ou de quotas) a dû impliquer un certain degré d'entente et de réciprocité, et une certaine forme d'accord conditionnel ou partiel quant au comportement à adopter. En arrêtant la politique qu'ils devaient suivre sur le marché, les participants ne pouvaient pas, de toute façon, ne tenir aucun compte, que ce fût directement ou indirectement, des informations obtenues au cours de ces réunions périodiques.
(139) En ce qui concerne le «nouvel» accord à l'échelle européenne, la Commission rejette aussi l'argument selon lequel il n'aurait commencé à exister que fin 1994, voire début 1995.
Cette affirmation des producteurs est également contredite par les faits. Les réunions dites «plénières» ont repris (après seulement une courte interruption) pour l'Allemagne dès le 7 mars 1994. En mai, un barème de prix était déjà convenu et devait servir de référence pour toutes les livraisons au marché allemand et, même s'il était à certains égards incomplet (des «confrontations et divergences d'interprétation» ayant été mentionnées), ce barème a bel et bien été appliqué et, vers août 1994, les différends qui subsistaient quant à la manière de relever les prix étaient aplanis.
Le système global pour le marché européen a été conclu, en principe, vers le mois de septembre. Le fait que le réseau de «groupes de contact» institués sur les différents marchés nationaux ait été constitué le mois suivant et n'ait peut-être pas été complété avant mars 1995 (pour ce qui se rapporte aux Pays-Bas et à l'Italie) ne signifie pas qu'il n'y ait eu aucun accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, avant cette date.
(140) La Commission n'admet pas non plus l'argument connexe de Løgstør et Tarco selon lequel les ententes «danoise» et «européenne» constitueraient deux infractions totalement distinctes et indépendantes l'une de l'autre.
Il n'existe aucune «ligne de démarcation» entre l'entente danoise et les arrangements qui ont ensuite couvert l'ensemble du marché européen, comme les affirmations de Løgstør et Tarco le laissent entendre.
L'entente peut avoir commencé, pour des raisons pratiques, au Danemark (qui était le «marché d'origine» de quatre des six producteurs et qui était facile à gérer), mais dès le départ, l'objectif à plus long terme qui formait la clef de voûte de l'édifice et qui a peut-être trouvé sa traduction la plus claire dans la stratégie d'ABB, était d'étendre le contrôle à tout le marché.
Presque dès le début, la coopération a été élargie à d'autres marchés nationaux de la Communauté (Allemagne et Italie, en particulier) et, malgré une évolution morcelée, il est manifeste qu'un objectif commun a été poursuivi avec constance, à savoir augmenter les prix et contrôler le marché.
Pan-Isovit, dans un premier temps, et Henss/Isoplus, par la suite, ont été associées aux arrangements conclus par les quatre producteurs danois.
(141) Si le système convenu de partage du marché au Danemark s'est désintégré en 1993, c'est à la suite d'une lutte pour le pouvoir à l'intérieur de l'entente et non d'un désir de retour à une situation de libre concurrence. De toute façon, les discussions sur les marchés danois et allemand avaient lieu dans la même enceinte; les réunions périodiques qui ont abouti à l'accord de partage des marchés en Allemagne à l'été 1993 ont assuré le maintien de l'entente entre les six grands producteurs.
Ainsi, au moment même où Løgstør prétend avoir informé ABB et les autres par téléphone, les 19 et 20 avril 1993, qu'elle avait décidé de se retirer de l'entente au Danemark, ces entreprises participaient à Hambourg à une réunion organisée par Løgstør (à laquelle celle-ci peut d'ailleurs fort bien avoir assisté), afin de relancer le processus de négociation d'un barème commun en Allemagne (voir considérant 49).
Au cours des six mois suivants (de septembre 1993 à mars 1994), caractérisés par les producteurs comme une période de «guerre des prix», les contacts bilatéraux ou trilatéraux se sont poursuivis. En novembre ou décembre 1993, ABB essayait encore de persuader Løgstør de signer l'accord de compensation pour l'Allemagne. Toute interruption pouvait être considérée comme une suspension des arrangements et relations habituels: les producteurs n'ont pas tardé à reconnaître qu'une lutte de pouvoir prolongée était contraire à leurs intérêts et à retourner à la table des négociations.
(142) On observe également une continuité évidente en termes de méthodes et de pratiques entre le nouvel accord conclu fin 1994 pour tout le marché européen et les arrangements antérieurs.
Les méthodes adoptées, dans le cadre du nouvel accord, pour assurer la collusion étaient fondamentalement les mêmes que celles qui avaient été appliquées avec succès au Danemark. C'était notamment le cas en Allemagne où, dans le cadre du système des quotas, un mécanisme complexe d'identification des projets, d'attribution des marchés à un «favori», d'offres collusoires et de contrôle a été transposé d'un marché d'une trentaine de projets à un marché ne comptant pas moins de 1 500 projets annuellement.
De plus, la structure des réunions à deux niveaux mise en place pour gérer l'entente était identique à celle qui fonctionnait au Danemark. D'ailleurs, le système, précisait-on, s'inspirait du «modèle danois». Les arrangements constitutifs qui avaient caractérisé le marché danois du chauffage urbain pendant des années se sont propagés à l'ensemble du secteur. L'accord européen a marqué le point culminant du processus d'«ententelisation» auquel, en dépit des vicissitudes, les producteurs participaient de longue date.
Le fait que l'entente danoise n'ait compté que quatre membres est sans importance. Les deux grands producteurs allemands étaient en réalité déjà impliqués, depuis des années, dans un système collusoire avec les autres en dehors du Danemark: lorsque le «modèle danois» a été transposé au marché à l'échelle européenne, ils ont simplement été intégrés à part entière dans le mécanisme.
Même si les petits producteurs - Brugg, KWH, Ke-Kelit et Sigma - n'ont pas adhéré aux arrangements avant 1994 ou 1995, la conclusion selon laquelle il n'y a eu qu'une infraction unique et continue reste valable. À cette époque, en effet, le système de partage des marchés, de fixation des prix et de soumissions concertées s'était déjà imposé dans les usages commerciaux reconnus de ce secteur. Il ne manquait plus que les petits producteurs locaux pour rendre le système généralisé totalement étanche.
(143) La Commission rejette aussi l'argument avancé par la plupart des producteurs - Løgstør, Henss/Isoplus, Pan-Isovit, Starpipe, Tarco et Brugg - selon lequel ils n'auraient pris part «à aucun accord visant à nuire à Powerpipe».
Leur affirmation n'est pas soutenable en droit. Les producteurs impliqués tentent de subdiviser les différentes manifestations de l'entente en plusieurs infractions totalement distinctes à l'article 85. Cette analyse est tout à fait artificielle, dans la mesure où le plan destiné à nuire à Powerpipe ou à l'éliminer était partie intégrante des projets d'«ententelisation» des marchés européen et allemand, dans lesquels ils étaient tous profondément impliqués (17).
(144) De toute façon, les preuves recueillies démentent leurs affirmations. Depuis le moment où Powerpipe a pénétré sur le marché allemand, il y a eu efforts concertés de la part de Løgstør, Henss/Isoplus et ABB pour l'éliminer de ce marché ou l'amener à rejoindre l'entente. Toutes les entreprises avançant cet argument étaient présentes lors de la réunion qui s'est tenue à Düsseldorf le 24 mars 1995, dont les conclusions ont été notées de façon très claire par Tarco. Les principaux avocats du boycott ont sans doute été ABB et Henss, mais tous les participants à la réunion connaissaient le plan et l'ont approuvé.
Il n'importe pas non plus que ABB et Løgstør aient joué le principal rôle dans la mise en oeuvre du boycott; en effet, les circonstances faisaient que ces deux producteurs étaient les mieux placés pour approcher les sous-traitants ou les fournisseurs de Powerpipe.
Naturellement, il est impossible d'affirmer avec certitude que le refus de ces producteurs d'honorer la commande de DSD était exclusivement motivé par l'intention de causer du tort à Powerpipe: il se peut qu'ils se soient trouvés dans l'incapacité d'exécuter une commande de ce type ou de cette ampleur et, du reste, ils ne sont pas juridiquement tenus de passer un contrat. Cependant, la note sur la commande qui a été trouvée dans les locaux de Pan-Isovit confirme qu'ABB, Henss et Pan-Isovit (les trois membres du consortium non retenu) entretenaient des contacts à propos de cette commande, que Pan-Isovit au moins était satisfaite des difficultés d'approvisionnement de DSD et que la question a été débattue au sein du «club des directeurs».
Les instructions expresses données par ABB à KWH de ne pas fournir Powerpipe, ainsi que les discussions qui ont eu lieu lors des réunions des directeurs des 5 mai et 13 juin 1995 (voir considérant 101), confirment que le plan destiné à éliminer ce concurrent s'inscrivait dans le cadre d'une politique bien établie de l'entente.
(145) Étant donné le dessein commun d'éliminer la concurrence dans le secteur du chauffage urbain que les producteurs ont poursuivi avec constance, la Commission estime que ce projet commun constitue une infraction continue à l'article 85, paragraphe 1, qui a débuté fin 1990 et dans laquelle chaque producteur a joué son rôle.
Même si, en le prenant dans sa totalité, ce faisceau d'arrangements entre les producteurs peut être considéré comme présentant les caractéristiques d'un «accord» au sens propre du terme, le comportement incriminé comporte également des éléments de fait dont certains pourraient être, à juste titre, qualifiés de «pratique concertée» (voir considérant 138).
La Commission reconnaît que, s'il s'agit bien d'une infraction unique et continue, son intensité et ses effets ont varié dans le temps sur toute la période en cause: elle s'est progressivement étendue (en dépit d'une courte période pendant laquelle les arrangements ont été suspendus) des arrangements affectant tout d'abord le Danemark en 1991, à d'autres marchés, jusqu'à constituer, vers 1994, une entente paneuropéenne couvrant la quasi-totalité des échanges du produit en cause.

4. Restriction de concurrence
(146) Ce faisceau d'accords a eu, en l'espèce, pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence.
À l'article 85, paragraphe 1, sont mentionnés expressément comme restrictifs de concurrence les accords qui consistent à:
- fixer de façon directe ou indirecte les prix de vente ou d'autres conditions de transaction,
- limiter ou contrôler la production, les débouchés ou le développement technique,
- répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
(Cette liste n'est pas limitative.)
Or, ce sont précisément les caractéristiques essentielles du système intégré d'arrangements horizontaux examiné en l'espèce. Les prix étant l'arme principale de la concurrence, les divers arrangements et mécanismes collusoires adoptés par les producteurs, notamment le projet commun d'évincer ou de nuire à Powerpipe, avaient tous pour ultime objectif un relèvement des prix à leur avantage, les prix étant alors fixés à un niveau supérieur à celui qu'aurait déterminé la libre concurrence.
(147) La répartition des marchés et la fixation des prix sont, par nature, restrictifs de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, de même que la limitation du développement technique.
Les principaux traits du faisceau d'accords et d'arrangements qui peuvent être considérés comme restreignant la concurrence sont les agissements suivants:
- affecter des quotas de parts de marché,
- obliger ou encourager les producteurs ayant de faibles parts de marché à se retirer de certains marchés en échange de compensations sur d'autres marchés nationaux,
- convenir de et appliquer un système de sanctions et de compensations visant à renforcer le système de quotas,
- s'étendre sur des augmentations de prix concertées (montant, calendrier et étapes des diverses augmentations),
- convenir de l'utilisation d'un ou de plusieurs barèmes communs,
- arrêter les réductions (en pourcentage) autorisées par rapport au(x) barème(s),
- répartir les activités en respectant le principe des relations existantes avec la clientèle «traditionnelle»,
- attribuer chacun des marchés soumis à des procédures d'appels d'offres avec mise en concurrence à un «favori» (c'est-à-dire le producteur auquel un marché était attribué) déterminé,
- fixer le prix que le «favori» doit offrir afin de remporter le marché,
- faire en sorte que les autres producteurs présentent des offres de prix supérieures dans le cadre des appels d'offres afin de «protéger» le «favori» et de lui assurer le marché,
- adopter pour principe que les soumissionnaires écartés dans le cadre d'un appel d'offres assurent une partie de la production en tant que sous-traitants du soumissionnaire retenu,
- se retirer de certains marchés ou renoncer à présenter une offre en contrepartie de certaines compensations ou de certains compromis,
- concevoir et appliquer un système de déclarations et de surveillance de manière à assurer le suivi de chaque marché, à comparer les offres, à détecter les «tricheries» et à influer sur la procédure d'appel d'offres dans les marchés «ouverts»,
- obliger tout participant qui a présenté une offre inférieure à celle du «favori» désigné à retirer ou modifier son offre,
- s'entendre de manière à débaucher systématiquement les employés à des postes clés de Powerpipe afin de faire du tort à cette entreprise et de ternir son image auprès de la clientèle (ABB et Løgstør),
- essayer de contraindre Powerpipe à retirer des offres retenues dans le cadre d'appels d'offres pour des marchés déjà attribués par l'entente à l'un de ses membres (par exemple, Neu-Brandenburg),
- influencer ou tenter d'influencer les entrepreneurs/acheteurs pour qu'ils ne retiennent pas l'offre de Powerpipe lorsque celle-ci avait remporté un marché important attribué par l'entente à trois de ses membres (ABB, Henss/Isoplus),
- convenir d'un boycottage collectif des entrepreneurs et fournisseurs engagés dans ce marché important,
- contacter les fournisseurs de Powerpipe de manière à les persuader de différer ou retarder des livraisons indispensables à cette entreprise pour pouvoir exécuter ses contrats comme prévu et dans les délais (principalement ABB et Løgstør),
- convenir d'indemniser Pan-Isovit proportionnellement à la part de marché qui lui revenait pour son acquisition de Powerpipe, afin d'évincer cette dernière du marché en tant que concurrent (ABB, Henss/Isoplus, Tarco et Pan-Isovit),
- exploiter les normes pour empêcher ou retarder l'arrivée de nouvelles techniques susceptibles d'entraîner des baisses de prix (les membres de l'EuHP).
(148) Compte tenu de leur objet manifestement anticoncurrentiel, il n'est pas nécessaire d'essayer de déterminer, pour chacune des restrictions de concurrence précitées, dans quelle mesure elle a contribué à la réalisation de l'objectif poursuivi.
Pour éviter toute ambiguïté, il faut toutefois apporter les précisions suivantes:
a) les restrictions de concurrence précitées ne constituent pas des infractions distinctes à l'article 85, mais différents aspects d'une seule et même infraction continue;
b) l'infraction consistait en un ensemble d'accords et de pratiques concertés dans lesquels chaque entreprise a joué son rôle. La Commission ne prétend nullement que chacun des destinataires de la présente décision ait participé à tous les volets des arrangements anticoncurrentiels décrits ni qu'il l'ait fait pendant toute la durée de l'infraction. Le rôle de chaque participant et son degré d'implication sont exposés en détail dans la présente décision: (voir notamment la situation particulière de KWH, Brugg, Ke-Kelit et Sigma);
c) certains aspects anticoncurrentiels de l'entente précités n'ont concerné que certains marchés, étaient plus développés sur certains marchés que sur d'autres ou n'ont été appliqués que pendant une durée limitée: ainsi, après la mise en place de l'entente au niveau de toute l'Europe à la fin de 1994, c'est en Allemagne que le mécanisme des soumissions concertées, qui avait constitué le fondement du «modèle danois», se trouve sous sa forme la plus achevée.
d) aux fins de la présente procédure, la Commission ne tiendra compte des agissements communs à l'encontre de Powerpipe avant l'adhésion de la Suède à la Communauté (au 1er 1995) que dans la mesure où ils ont affecté la concurrence à l'intérieur de l'Union (entrée de Powerpipe sur le marché allemand) et où ils constituent une preuve indirecte de l'existence d'un projet constant de nuire à Powerpipe ou de l'évincer après cette date.

5. Effets sur les échanges entre États membres
(149) L'accord continu entre producteurs a eu un effet sensible sur le commerce entre États membres.
Le marché du chauffage urbain est caractérisé par un important volume d'échanges entre États membres, qui représentent près de 60 % de l'activité dans ce secteur de la Communauté. Sur le marché national le plus important, à savoir l'Allemagne, 75 % de la demande est satisfaite par les importations d'autres États membres (Danemark, Suède, Finlande et Autriche). La moitié de la capacité de production de l'Union est concentrée au Danemark, qui fournit des conduites de chauffage urbain à tous les autres États membres.
Si, dans un premier temps, les arrangements constitutifs de l'entente ont surtout concerné le Danemark et, par la suite, l'Allemagne, ces deux pays ont été les deux marchés nationaux les plus importants et d'ailleurs, au départ, l'objectif non avoué de l'entente était de contrôler l'arrivée des groupes allemands sur le «territoire d'origine» des groupes scandinaves et réciproquement.
Vers la fin de l'année 1994, les arrangements conclus dans le cadre de l'entente s'étaient propagés, dans l'intervalle, à tout le marché européen. La quasi-totalité des échanges réalisés dans l'ensemble de la Communauté dans ce secteur industriel important étaient sous le contrôle de l'entente. Il est significatif que la campagne orchestrée contre Powerpipe se soit intensifiée lorsque cette entreprise s'est attaquée au marché allemand.
(150) En ce qui concerne les relations entre les membres de l'entente, le retrait de certains marchés de ceux dont la part de marché était jugée trop faible a eu pour effet de détourner les courants d'échanges de l'orientation qu'ils auraient dû suivre en l'absence d'entente.
L'application de l'article 85 à une entente ne se limite pas à la part des ventes des participants qui implique effectivement le transfert de marchandises d'un État membre à un autre. Il n'est pas non plus indispensable, pour que l'article 85 s'applique, de montrer que le comportement de chaque participant, par rapport à celui de l'entente dans son ensemble, a affecté le commerce entre États membres [voir l'arrêt du Tribunal de première instance du 10 mars 1992 dans l'affaire T-13/89, Imperial Chemical Industries/Commission (18)].
L'argument avancé par Ke-Kelit selon lequel le commerce entre États membres n'aurait aucunement été affecté par la participation de cette entreprise au groupe de contact autrichien, puisque celle-ci ne vendait que sur le marché local, ne saurait être retenu. L'entreprise était de toute façon informée que les arrangements en Autriche auxquels elle s'était ralliée s'inséraient dans un plan plus vaste et, au surplus, les produits qu'elle vendait étaient tous importés du Danemark.

6. Durée de l'infraction
(151) La Commission ayant conclu en l'espèce à l'existence d'une infraction générale unique, et non à une série d'accords multiples et distincts, la participation des entreprises en cause peut avoir commencé à des dates différentes selon le cas. Bien qu'il ressorte de la déclaration de Løgstør (déclaration II, p. 86 et 87) que les premiers contacts anticoncurrentiels entre producteurs remontent déjà à 1988/1989, la Commission fera porter son examen au regard de l'article 85 et sa détermination des amendes éventuelles sur la période courant à compter de novembre 1990, mois au cours duquel les augmentations de prix concertées ont été convenues pour le Danemark et à partir duquel la participation d'ABB, de Løgstør, Starco et Starpipe aux arrangements collusoires est établie.
Pan-Isovit a été amenée à participer à l'entente à la même époque. L'«alliance stratégique informelle» entre ABB et Pan-Isovit en ce qui concerne le marché allemand remonte à décembre 1990 et, même si leur arrangement bilatéral semble, avec la création peu de temps après de l'EuHP, avoir été suspendu en avril 1991, Pan-Isovit a pris part aux discussions qui ont eu lieu en juillet en Italie et, dès octobre 1991, les arrangements sur le marché allemand entre les six principaux fournisseurs étaient appliqués. Ces fournisseurs se sont mis d'accord sur une augmentation conjointe des prix qui a pris effet le 1er janvier 1992.
La participation active de Henss/Isoplus au système collusoire est établie avec certitude à compter d'octobre 1991, lorsque cette entreprise a commencé à assister aux réunions périodiques des directeurs. Dès lors, les six grands producteurs, à savoir ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe, Henss/Isoplus et Pan-Isovit, étaient tous impliqués dans ce système.
(152) Même si, vers la fin du premier semestre 1993, la tentative de conclusion de l'accord de quotas danois a échoué, la coopération sur le marché allemand avait déjà à cette date abouti à la définition d'un système de quotas (voir considérants 50-52). Pendant les six mois qui se sont écoulés entre octobre 1993 et mars 1994, on peut considérer que les arrangements ont été suspendus, même si (au dire d'ABB) les réunions bilatérales et trilatérales se sont poursuivies. Dès le mois de mai 1994, la collusion était rétablie en Allemagne avec l'application du barème pour toute l'Europe et, en août 1994, ses modalités étaient définitivement arrêtées.
Le nouvel accord général conclu en octobre-novembre 1994 a institutionnalisé à l'échelon européen le système collusoire que les principaux opérateurs de ce secteur considéraient comme étant le modèle idéal à suivre pour faire des affaires. Ces six producteurs ont mis au point entre eux un système qui s'est développé et a tenu bon et auquel d'autres producteurs opérant sur des marchés nationaux ou régionaux pouvaient se rallier.
La participation de KWH à la collusion est pleinement établie à compter de janvier 1995, au moment où l'un de ses dirigeants a rencontré ABB à Copenhague. Toutefois, comme il a été estimé, dans la communication des griefs, que la participation de KWH à l'entente a commencé en mars 1995, c'est cette date qui sera retenue dans la présente décision.
(153) Sur chacun des marchés nationaux, les deux producteurs locaux Ke-Kelit (Autriche) et Sigma (Italie) n'ont probablement rallié l'entente que début 1995. Brugg, en revanche, a été impliquée dans le projet dès août 1994, même si elle n'a commencé à faire partie du «groupe de contact» allemand qu'en décembre de cette même année.
L'infraction s'est poursuivie au moins jusqu'en mars 1996, date à laquelle la Commission a envoyé aux principaux participants des demandes de renseignements en vertu de l'article 11, voire avril/mai sur certains marchés et même, dans le cas de l'Italie, jusqu'en juin 1996. Aujourd'hui encore, il n'est pas certain que l'entente ne subsiste pas sous une forme ou une autre.
Cependant, faute de données fiables et détaillées sur le groupe de contact italien, la Commission déterminera les amendes éventuelles en partant de l'hypothèse selon laquelle l'entente aurait duré jusqu'en mars/avril 1996.
C'est pourquoi, la Commission estime devoir conclure que la durée de la participation des diverses entreprises à l'infraction a été la suivante:
a) ABB, Løgstør, Tarco et Starpipe: début vers le mois de novembre 1990, puis extension progressive à toute la Communauté et maintien au moins jusqu'en mars ou avril 1996, en retranchant une période maximale de six mois, d'octobre 1993 à mars 1994 environ, pendant laquelle les arrangements ont été suspendus;
b) Pan-Isovit: dans un premier temps en association avec ABB à compter plus ou moins de décembre 1990, puis à partir d'octobre 1991, avec les quatre producteurs précités, plus Henss/Isoplus, en retranchant là aussi la période de suspension de six mois indiquée ci-dessus, et maintien jusqu'en mars ou avril 1996 au moins;
c) Isoplus: à compter d'octobre 1991 et, sous réserve de la période de suspension précitée, maintien au moins jusqu'en mars ou avril 1996;
d) Brugg: plus ou moins à partir d'août 1994 et ce, jusqu'en mars ou avril 1996 au moins;
e) Ke-Kelit: plus ou moins à compter de décembre 1994 et ce, au moins jusqu'en mars ou avril 1996;
f) KWH: à compter de mars 1995 (au plus tard) et maintien jusqu'en mars ou avril 1996 au moins;
g) Sigma: plus ou moins à partir d'avril 1995 et ce, au moins jusqu'en mars ou avril 1996.

7. Les destinataires de la présente procédure

a) Remarques générales
(154) L'objet des règles de concurrence posées par le traité CE est l'«entreprise», notion qui n'équivaut pas nécessairement à celle de personne morale en droit des sociétés ou en droit fiscal national.
Le terme lui-même n'est pas défini dans le traité. Il peut désigner toute entité exerçant une activité commerciale. Dans le cas d'une grande entreprise multinationale (ABB, par exemple), la myriade de filiales, le réseau complexe des participations détenues dans différentes entreprises et l'organisation des activités du groupe, à des fins de gestion, en divisions fonctionnelles ou d'exploitation distinctes et/ou en zones géographiques sans correspondance automatique avec la structure de l'entreprise peuvent encore compliquer le tableau.
En fonction des circonstances, il peut être opportun de considérer comme l'«entreprise» en cause aux fins de l'article 85 l'ensemble du groupe ou seulement certains sous-groupes ou certaines filiales du groupe.

b) ABB
(155) En l'espèce, est visé par la procédure et destinataire de la présente décision le groupe ABB, représenté par la société holding qui se trouve à sa tête, à savoir ABB-Asea Brown Boveri Limited. Aux fins du recouvrement d'une amende, qui peut impliquer le recours à des procédures nationales d'exécution, il est nécessaire d'adresser la décision à un ou plusieurs sujets de droit dotés de la personnalité juridique. Dans le cas d'un groupe de grande taille, la personne morale appropriée peut être le holding qui se trouve à la tête du groupe. Le fait que le produit faisant l'objet de l'entente ne constitue qu'une des nombreuses activités du groupe et qu'il relève, dans la structure de ce dernier, de la responsabilité d'un sous-groupe, d'une division ou d'une filiale, n'est pas déterminant.
Cette approche correspond à la pratique habituelle de la Commission dans des affaires antérieures marquantes en matière d'ententes [voir, par exemple, affaire n° IV/31149 - «Polypropylène» (19)], confirmée par le Tribunal de première instance.
Les activités du groupe font l'objet de comptes consolidés et sont présentées dans le rapport annuel d'ABB Asea Brown Boveri Limited. Dans la structure d'ABB, le chevauchement de l'organisation par domaines d'activité et par produits et de l'organisation par zones géographiques est une preuve de la structure intégrée du groupe et justifie que la présente décision vise le groupe tout entier.
(156) D'autres raisons justifient que la procédure soit adressée à ABB plutôt qu'à l'une ou l'autre de ses filiales, à savoir:
- le domaine d'activité «chauffage urbain» (BA-VDH) regroupe pas moins d'une trentaine d'entreprises,
- il n'y a pas de holding pour le secteur BA-VDH: si ABB IC Møller A/S représente sans doute l'établissement de production le plus important au Danemark, on dénombre six autres entreprises de production d'ABB présentant des relations d'appartenance différentes et, dans le domaine commercial, la fonction «ventes» est exercée, dans beaucoup de pays, par les filiales nationales d'ABB,
- les efforts d'ABB pour éliminer Powerpipe ou pour préserver les intérêts de l'entente ont été mis en oeuvre par le biais d'entreprises dont le domaine d'activité n'était pas le secteur BA-VDH (voir annexes 144, 146, 159 et 160),
- le secteur BA-VDH dépend directement d'un directeur général adjoint d'ABB qui est de plein droit membre du comité de direction, principal organe dirigeant du groupe ABB,
- l'entente autant que les mesures prises pour nier ou dissimuler son existence ont été conçues, dirigées et fermement soutenues à l'échelon de la direction du groupe ABB. (Voir annexes 1, 2, 3, 6, 7, 11, 13, 16, 26, 29, 48 et 126.)

c) Henss/Isoplus
(157) Les entreprises Henss et Isoplus se sont comportées comme un groupe de fait. Au cours de l'enquête menée dans les locaux de l'entreprise de production autrichienne Isoplus Fernwärmetechnik Ges.m.b.H, son directeur général a dit aux agents de la Commission que l'actionnaire majoritaire était M. W. Henss, avec 87 % du capital. Isoplus a ensuite nié avoir tenu de tels propos. Le registre local du commerce et des sociétés ne comporte aucune mention indiquant que M. Henss posséderait une participation. L'actionnaire inscrit sur ce registre est le directeur général d'Isoplus et, même si le registre indique que pendant trois ans, jusqu'en décembre 1993, c'est l'avocat représentant Isoplus aux fins de la présente procédure qui détenait les 87 % du capital en question, il n'est pas précisé à quel titre ou au nom de qui il détenait cette participation. (Ni Isoplus ni son représentant n'ont apporté de renseignements sur ce point.)
Isoplus Fernwärmetechnik Ges.m.b.H. de Hohenberg, en Autriche, détient la totalité du capital d'une entreprise allemande immatriculée et juridiquement distincte, possédant la même raison sociale, implantée à Sondershausen et qui est en fait la principale entreprise de production du groupe Henss/Isoplus.
Au moment des faits, les deux entreprises de Henss, Dipl-Kfm Walter Henss GmbH à Rosenheim (ci-après «Henss Rosenheim») et Dipl-Kfm Walter Henss Fernwärmeleitungsbau GmbH à Berlin (ci-après «Henss Berlin»), faisaient fonction d'agents commerciaux d'Isoplus en Allemagne. M. W. Henss était à la fois actionnaire majoritaire et directeur général de Henss Rosenheim et directeur général (mais pas actionnaire) de Henss Berlin (20).
Il est évident que, puisque M. W. Henss a assisté à toutes les réunions du club des directeurs, c'était lui qui exerçait les fonctions de gestion et de contrôle d'Isoplus et que les entreprises Henss et Isoplus ont formé ensemble un groupe de fait. Il était notoire dans ce secteur que Henss était l'entreprise qui tenait les rênes du pouvoir chez Isoplus.
(158) Cela n'a pas empêché Henss et Isoplus de prétendre, pendant toute la durée de la procédure, qu'il n'existait aucune relation structurelle d'appartenance entre elles: elles ont formellement nié, dans leur réponse à la communication des griefs, l'argument (de la Commission) selon lequel M. Henss aurait été le propriétaire du capital d'Isoplus par le biais de mandataires ou détenteurs nominaux. Les deux entreprises ont souligné que leur seul lien était une relation contractuelle entre commettant et agent commercial. Elles attribuent la présence de M. Henss au club des directeurs au fait qu'il avait été mandaté par Isoplus pour assister à ces réunions en raison de sa très bonne connaissance pratique du marché allemand: il n'y représentait pas les sociétés Henss. Elles ont également fait valoir que les entreprises Henss, en tant qu'agents commerciaux, ne pouvaient, en droit, être membres d'une «entente de producteurs», de sorte qu'une infraction ne pouvait être imputée qu'à Isoplus.
Cette ligne de défense a manifestement été adoptée dans le but de limiter le montant d'une éventuelle amende à 10 % du chiffre d'affaires d'Isoplus Ges.m.b.H. (qui avait, de fait, été fortement sous-évalué dans les réponses initiales de la société au titre de l'article 11).
Quoique la Commission ait estimé que les entreprises Henss et Isoplus ne formaient qu'un seul et même groupe, il n'y avait pas, à sa connaissance, de société holding à laquelle adresser la communication des griefs (compte tenu de sa pratique habituelle, comme indiqué au considérant 155 à propos d'ABB).
C'est pourquoi elle a adressé sa communication des griefs au groupe Henss/Isoplus, représenté par ses quatre principales entreprises dans la Communauté, à savoir Isoplus Hohenberg, Isoplus Sondershausen, Henss Rosenheim et Henss Berlin.
(159) Après l'engagement de la procédure et l'envoi de la communication des griefs, Henss Rosenheim (dont la dénomination avait entre-temps changé et était devenue, à compter du 1er janvier 1997, Isoplus Fernwärmetechnik Vertriebsgesellschaft mbH) a absorbé Henss Berlin, entreprise qui n'existe donc plus en tant que personne morale juridiquement distincte.
Lors de l'audition, Henss et Isoplus (représentées par des mandataires différents) ont continué à nier l'existence d'une relation d'appartenance entre elles.
Or, juste avant l'audition, la Commission avait vérifié l'inscription sur le registre du commerce et des sociétés (tribunal cantonal de Charlottenburg) de l'ancienne entreprise Henss Berlin.
Elle a découvert l'existence d'un document inscrit sur le registre public, apparemment par des avocats agissant pour le compte de Henss Isoplus (qui ne sont pas ceux apparaissant dans la présente procédure), qui montrait qu'en janvier 1997, une personne morale avait été créée sous la forme d'une «Kommandit Gesellschaft» pour jouer le rôle de holding des diverses entreprises Henss/Isoplus (21).
Le document en question («Einbringungsvertrag») donne la liste des participations qui avaient été cédées par les parties contractantes à la GmbH & Co. KG (22).
(160) Cet acte notarié révèle que M. Henss était bien le véritable propriétaire de la majorité du capital d'Isoplus Hohenberg (83 %). Le directeur général de cette entreprise, qui est le propriétaire nominal de ces parts, détenait cette participation en qualité de mandataire («Treuhänder») pour le compte de M. Henss (23). Il nous apprend également que, outre Isoplus Hohenberg, une autre société, cette fois en participation («Stille Gesellschaft»), avait été constituée et que le véritable propriétaire était, là encore, M. Henss, dont les actions étaient détenues par un mandataire, le conseiller juridique d'Isoplus.
L'acte montre aussi qu'un tiers de la participation qu'Isoplus Hohenberg possédait dans le capital de sa filiale à 100 % Isoplus Sondershausen était en fait détenu par l'entreprise en qualité de mandataire pour le compte de l'associé (l'un des directeurs de Henss Rosenheim) de M. Henss et de son épouse (tous deux étant aussi les actionnaires uniques de Henss Berlin).
Henss et Isoplus ont rétorqué que l'acte en question relevait des secrets d'affaires, qu'il avait été inscrit par mégarde sur le registre public et que, partant, il n'aurait pas dû être retenu comme élément de preuve ni divulgué pendant la procédure. La Commission ne saurait admettre un tel argument, pour la simple raison qu'un document inscrit sur un registre public (par inadvertance ou non) par des représentants de Henss/Isoplus ou de HFB ne peut être traité comme un document confidentiel.
Bien que la communication des griefs n'ait pas été adressée officiellement à la société holding (dont la Commission ignorait l'existence et l'objet et dont elle n'a appris la constitution que dans les conditions exposées ci-dessus), il y était clairement indiqué que la procédure visait le groupe Henss/Isoplus et qu'en l'absence d'une holding unique, les quatre sociétés d'exploitation nommément désignées étaient les représentants du groupe aux fins d'élection de domicile et d'exécution.
C'est donc à juste titre que la présente décision est adressée non seulement aux sociétés d'exploitation (aujourd'hui au nombre de trois), mais également à la société holding, HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH & Co. KG, et par conséquent à HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH Verwaltungsgesellschaft (toutes deux implantées à Rosenheim), ainsi qu'à la société en participation d'Isoplus.

d) KWH
(161) Même si la communication des griefs mentionne comme destinataire de la procédure Oy KWH Pipe AB, les documents ont en réalité été envoyés (contre accusé de réception) à Oy KWH Tech AB, la division de KWH Pipe qui est chargée de l'activité «chauffage urbain». Les dénominations «KWH Tech» et «KWH Pipe» sont utilisées indifféremment par KWH pour ce qui se rapporte à son activité dans le domaine du chauffage urbain, ainsi que dans sa correspondance. Lors de l'audition, KWH a déclaré qu'elle supposait que la procédure visait KWH Tech et non KWH Pipe. Dans la mesure où l'amende que la Commission estime devoir infliger dans le cas de KWH ne dépasse pas 10 % du chiffre d'affaires d'Oy KWH Tech AB, l'identité exacte de la personne morale, au sein de l'organisation KWH, qui est destinataire de la décision n'est pas d'une importance primordiale, de sorte que la destinataire officielle de la décision formelle sera Oy KWH Tech AB.

B. Cessation des infractions et sanctions

1. Article 3 du règlement n° 17
(162) Si la Commission constate une infraction aux dispositions de l'article 85, elle peut obliger les entreprises intéressées à y mettre fin conformément à l'article 3 du règlement n° 17.
En l'espèce, les membres de l'entente se sont donné beaucoup de mal (mais finalement en vain) pour dissimuler leurs agissements. Leurs réunions se sont tenues, pour la plupart, dans le plus grand secret, sous couvert, ou à l'occasion, de réunions d'associations professionnelles en apparence légitimes.
L'infraction a continué longtemps après les vérifications effectuées par la Commission en vertu de l'article 14, paragraphe 3, la seule modification notable dans le comportement des entreprises en cause ayant été que les plus hauts dirigeants du «Groupe des directeurs» et le groupe de contact allemand se sont réunis en dehors de la Communauté, vraisemblablement dans l'espoir que, grâce à ce subterfuge, ils pourraient dissimuler leurs agissements. Il a même été question, lors de la dernière réunion, de la poursuite de l'entente sous d'autres formes. Dans ces conditions, il n'est même pas possible d'affirmer que l'infraction a maintenant pris fin.
Aussi, la Commission doit-elle obliger les entreprises destinataires de la présente décision à mettre fin à l'infraction (si elles ne l'ont pas déjà fait) et à s'abstenir à l'avenir de tout accord, de toute pratique concertée et de toute décision d'association pouvant avoir un objet ou un effet identique ou similaire.

2. Article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

a) Remarques d'ordre général
(163) Aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes de mille écus au moins à un million d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre en considération tous les éléments de fait pertinents et, en particulier, la gravité et la durée de l'infraction.
Pour déterminer la gravité de l'infraction, la Commission doit prendre en considération sa nature, son impact concret sur le marché et l'étendue du marché géographique concerné.
En l'espèce, la Commission appliquera aussi sa communication, du 18 juillet 1996, concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (24).
(164) Pour ce qui se rapporte à l'appréciation de la gravité de l'infraction considérée dans son ensemble, la Commission a tenu compte des constatations générales suivantes:
a) le partage des marchés et la fixation des prix constituent, en soi, des infractions très graves à l'article 85, paragraphe 1. Tout en étant parfaitement conscients de l'illicité de leurs agissements, les producteurs se sont entendus pour instaurer un système secret et institutionnalisé, destiné à restreindre la concurrence dans un secteur industriel important. Ils ont ensuite progressivement étendu leur coopération illicite à l'ensemble du marché communautaire;
b) les arrangements constitutifs de l'entente se sont finalement propagés à tout le secteur, ont été conçus et encouragés au plus haut niveau de la direction de chaque entreprise concernée et ont été appliqués au seul bénéfice des producteurs membres de l'entente et au détriment de leurs clients, des concurrents non membres de l'entente et de l'intérêt général.
(165) Outre la gravité inhérente à tout accord de répartition des marchés et de fixation des prix, la Commission a également tenu compte, dans l'appréciation de la gravité de l'infraction, des éléments suivants:
a) l'illicité de l'accord sur les quotas a été aggravée par l'adoption d'un système frauduleux de soumissions concertées. L'activité de ce secteur est subordonnée, pour l'essentiel, à des procédures d'appels d'offres qui mettent en concurrence les soumissionnaires. Les pouvoirs adjudicateurs et les entrepreneurs ou fournisseurs qui ont passé ces marchés étaient en droit d'attendre que les soumissions ne soient pas le résultat d'une collusion entre les participants. Dans les marchés de fournitures dépassant 400 000 écus, un régime légal d'appels d'offres a été institué en droit communautaire dans l'intérêt général. Or, les producteurs se sont entendus en toute illégalité pour tourner l'intention du législateur communautaire;
b) ce système illégal a été maintenu et appliqué avec rigueur de manière non seulement à garantir que ses membres le respecteraient, mais aussi à éliminer le seul concurrent de quelque importance en dehors de l'entente, à savoir Powerpipe.
Pour ces raisons, la Commission estime que la présente infraction à l'article 85, paragraphe 1, est une infraction très grave pour laquelle l'amende normalement imposable est d'au moins 20 millions d'écus.
(166) À l'intérieur de cette catégorie, il sera toutefois nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d'infraction à créer un dommage important à la concurrence et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif.
Dans les circonstances de la présente espèce concernant plusieurs entreprises, il faudra, lors de la fixation du montant de base, tenir compte du poids spécifique, et donc de l'effet concret, du comportement infractionnel de chaque entreprise concurrente.
Cet examen est absolument nécessaire lorsque (comme c'est le cas en l'espèce) il existe une très grande disparité dans la taille des entreprises ayant pris part à l'infraction.
À cette fin, les entreprises peuvent en principe être divisées en quatre catégories selon leur importance relative dans le marché de la Communauté, sous réserve d'ajustement pour tenir compte, le cas échéant, d'autres facteurs et spécialement de la nécessité d'assurer une dissuasion effective.
La Commission a également tenu compte, pour la détermination du montant de l'amende à infliger à chaque entreprise, de la durée de la participation de chacune au système commun. Il est toutefois possible d'affirmer, de manière générale, que l'infraction a été d'une durée moyenne, ce qui justifie une majoration pouvant aller jusqu'à 50 % du montant fixé en raison de la gravité.
En outre, la Commission a pris en considération le fait que, même s'il s'agissait, en l'espèce, d'une infraction unique et évolutive, ses manifestations les plus poussées ont été: a) les arrangements conclus entre producteurs danois à compter de fin 1990 et b) les arrangements à l'échelle européenne à compter de septembre 1994, y compris les agissements à l'encontre de Powerpipe.
En ce qui concerne les accords portant principalement sur le marché allemand entre fin 1991 et 1993 (voir considérants 38 à 52), la Commission a fixé le montant des amendes en gardant présent à l'esprit le fait que ces accords ont été d'une durée limitée et ont eu un effet pratique également limité.
(167) Pour ce qui se rapporte à chaque entreprise, la Commission a tenu compte, pour la fixation du montant de l'amende, des éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes.
Le montant final calculé selon cette méthode ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d'affaires mondial des entreprises conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et les ajustements sont à effectuer en conséquence.
La position de chaque entreprise au regard de la communication sur la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant a également été prise en considération.

b) Amendes infligées à chaque entreprise

i) ABB

- Gravité de l'infraction
(168) Pour déterminer la sanction à infliger à ABB, la Commission a tenu compte de la capacité économique de cette entreprise de causer un lourd préjudice à la concurrence et de la nécessité de fixer une amende dont le montant soit suffisamment dissuasif pour empêcher toute récidive.
Dans le cas d'ABB, pour fixer une amende basée sur le critère du chiffre d'affaires sur le marché concerné, un ajustement vers le haut est nécessaire pour tenir compte de la position d'ABB en tant qu'un des principaux groupes européens.
L'ajustement sert deux objectifs:
1) assurer à l'amende un effet suffisamment dissuasif;
2) tenir compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent de connaissances et d'infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence.
(169) La part prise par ABB dans la violation de l'article 85 n'a pas été (comme ABB a essayé de la présenter au départ) un agissement irrégulier et atypique, imputable à une filiale d'importance mineure au sein d'une structure de gestion décentralisée.
L'organisation de l'entente s'inscrivait dans un plan stratégique d'ABB visant à contrôler le secteur du chauffage urbain, qui a été conçu, approuvé et dirigé au plus haut niveau de la direction du groupe, de même que les mesures prises pour nier et dissimuler son existence et assurer son maintien pendant neuf mois encore après les vérifications de la Commission.
Il est manifeste qu'ABB a systématiquement exploité son pouvoir économique et ses ressources en tant que grande entreprise multinationale pour renforcer l'efficacité de l'entente et s'assurer que les autres entreprises obéiraient à ses volontés.
Par la suite, ABB a modifié sa position de sorte que, au moment des auditions, elle avait renoncé à ses tentatives initiales de rejeter la responsabilité sur sa filiale danoise ABB IC Møller et elle ne conteste plus que la responsabilité soit imputable au groupe (même si elle continue à soutenir que le domaine d'activité «chauffage urbain» constitue l'«entreprise» en cause à laquelle le plafond de 10 % prévu à l'article 15, paragraphe 2, devrait s'appliquer).
La Commission n'accepte pas cet argument. La participation prouvée à l'entente des cadres supérieurs montre combien il est nécessaire de fixer l'amende à un niveau lui assurant un caractère suffisamment dissuasif.
Cela étant, la Commission estime que, dans le cas d'ABB, l'exigence de l'effet dissuasif fait que l'amende minimale de 220 millions d'écus prévue pour une infraction très grave devrait être pondérée par × 2,5 pour avoir un point de départ de 50 millions d'écus.

- Durée
(170) En ce qui concerne la durée de l'infraction, ABB ne nie pas que celle-ci ait duré plus de cinq ans. Toutefois, la Commission tient compte du fait que, même si pendant toute cette période, l'objectif constamment poursuivi a été de restreindre la concurrence, premièrement, les arrangements, au départ, étaient incomplets et ont eu un effet limité en dehors du marché danois, deuxièmement, ils ont été suspendus entre fin 1993 et début 1994 et troisièmement, ils n'ont atteint leur forme la plus achevée qu'avec l'entente à l'échelle européenne constituée en 1994/1995 (quoique l'entente «danoise» ait été pleinement opérationnelle de 1991 à 1993).
En supposant une durée de l'infraction continue de cinq ans, il y a lieu d'appliquer une pondération supplémentaire de × 1,4 à ABB.
Cela porte le montant fixé au considérant 169 à un montant de base de 70 millions d'écus.

- Circonstances aggravantes ou atténuantes
(171) La gravité de l'infraction est encore alourdie dans le cas d'ABB par les circonstances suivantes:
- le rôle de meneur et d'instigateur de l'entente joué par ABB et notamment les pressions qu'ABB a exercées sur les autres entreprises afin de les persuader de rallier l'entente,
- les mesures de rétorsion qu'elle a orchestrées de manière systématique à l'encontre de Powerpipe afin de l'évincer du marché,
- le fait qu'elle ait poursuivi une infraction aussi nette et indiscutable après les vérifications après avoir été avertie, à un niveau élevé, par la direction générale de la concurrence des conséquences d'un tel comportement.
Compte tenu de ces circonstances particulièrement aggravantes, le montant de base doit être majoré de 50 %.
(172) La seule circonstance atténuante que la Commission puisse retenir en ce qui concerne ABB est le paiement d'un important dédommagement à Powerpipe et à son ancien propriétaire. La Commission accepte néanmoins, en reconnaissance de cette circonstance, de minorer le montant de base de 5 millions d'écus.
La Commission réfute l'argument invoqué comme circonstance atténuante par ABB, selon lequel le soi-disant «renforcement» de sa politique de respect des règles de concurrence devrait justifier une réduction du montant de l'amende. ABB fait valoir qu'elle a toujours eu pour politique impérative de respecter strictement toutes les législations applicables, notamment les règles de concurrence tant nationales que communautaires. Quelle qu'ait pu être sa politique déclarée, elle n'était pas applicable au plus haut niveau de la direction (ou bien celle-ci n'en a eu cure). ABB n'a pas non plus empêché que l'infraction soit poursuivie par ces mêmes hauts dirigeants pendant neuf mois après les vérifications. Les instructions transmises, en date du 29 novembre 1995, par le service juridique d'ABB au président de l'époque d'IC Møller et précisant que la «politique impérative du groupe» était que les employés d'ABB ne commettent à aucun moment des infractions au droit de la concurrence communautaire n'ont visiblement pas été suivies d'effet. ABB soutient que, peu après la réunion du 17 janvier 1996, la direction du domaine BA-VDH avait donné des instructions verbales à toutes les entreprises pour qu'elles «cessent tout contact illicite avec des concurrents». Pourtant, six semaines plus tard, le 4 mars plus précisément, cette même direction préconisait, lors d'une réunion de direction, l'emploi d'un «consultant» afin de maintenir l'entente sans avoir besoin de recourir à des réunions plénières. D'ailleurs, même après l'envoi par la Commission de ses demandes de renseignements, les «instructions» données au personnel d'ABB de respecter les dispositions du droit de la concurrence (note du 4 avril 1996) ont été transmises par certaines des personnes les plus impliquées dans l'entente et ont été rédigées en des termes qui réfutent totalement les allégations de faute reconnues par la suite par ABB comme fondées. En outre, même après que les avocats d'ABB eurent informé la Commission à deux reprises (lettres des 21 mars 1996 et 1er avril 1996) que celle-ci était disposée à coopérer, un cadre d'ABB IC Møller a participé à une réunion (qui n'a d'ailleurs pas abouti) avec le directeur des ventes de Løgstør, afin d'examiner comment poursuivre l'entente «par d'autres moyens».
ABB fait en outre valoir dans sa réponse à la communication des griefs qu'il faudrait inscrire à sa décharge le fait qu'elle a «démis de leurs fonctions» les hauts dirigeants qui étaient les principaux responsables de l'infraction: cette mesure était censée prévenir toute récidive et adresser un message fort à l'ensemble du personnel pour lui faire comprendre qu'aucune violation de la politique du groupe sur le respect des règles de concurrence ne serait tolérée.
En effet, l'effet dissuasif de ces messages sur le personnel d'ABB doit avoir été atténué par la nature sélective des «mesures disciplinaires» prises: les plus haut placés des membres du personnel impliqués n'ont pas du tout été sanctionnés et seul un cadre d'un niveau relativement moyen dans la hiérarchie a quitté le groupe.
Le 15 octobre 1998, ABB et Daimler-Benz, les copropriétaires d'Adtranz, ont annoncé que son président (dont le rôle en pointe dans l'entente, alors qu'il était directeur général adjoint d'ABB, est pleinement établi: voir considérants 9, 10, 21, 49, 52, 55 et 156) quittait la société.
Son départ, décidé à la veille de la décision et ne revêtant d'ailleurs pas un caractère de sanction, ne saurait changer les conclusions de la Commission.
Compte tenu des circonstances aggravantes et des circonstances atténuantes retenues, l'amende à infliger à ABB serait de 100 millions d'écus.

- Application de la communication sur la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant
(173) La Commission consent néanmoins à une réduction du montant, par ailleurs justifié, de l'amende infligée à ABB, en reconnaissance de sa coopération au sens de la communication du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition ou la réduction du montant des amendes.
Il ne s'agit pas d'un cas où une entreprise aurait dénoncé une entente secrète à la Commission avant que celle-ci ait procédé à une vérification (titre B) ou après que la Commission a procédé à une vérification sans que celle-ci ait pu donner une base suffisante pour justifier l'engagement de la procédure prévue à l'article 3 du règlement n° 17 (titre C).
Aux termes du titre D de la communication, toutefois, une entreprise qui ne réunit pas toutes les conditions exposées aux titres B et C, bénéficie d'une réduction importante de 10 à 50 % du montant de l'amende qui, sans quoi, lui aurait été infligée si (par exemple):
- avant l'envoi d'une communication des griefs, elle fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise,
- après avoir reçu la communication des griefs, elle informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations.
(174) Bien que l'infraction se soit poursuivie pendant neuf mois après les vérifications, ABB a coopéré dès les premiers stades cités comme exemples au titre D, et il convient d'en tenir dûment compte dans la réduction du montant de l'amende consentie.
Les renseignements fournis par ABB (et par d'autres entreprises) à la suite de l'envoi des demandes de renseignements en application de l'article 11 ont contribué de manière notable à établir la matérialité des faits pertinents, en particulier en ce qui concerne les origines de l'entente au Danemark fin 1990. La Commission n'avait pu obtenir de preuves suffisantes au cours de son enquête sur cette période, bien qu'il soit inexact (contrairement à ce que prétend ABB) qu'elle ne disposait pas de preuves suffisantes de l'existence de l'entente avant 1994: des notes sur les réunions des présidents, ainsi que d'autres éléments de preuve remontant à 1992, ont été trouvés chez Tarco, Løgstør et Starpipe, et certaines des preuves les plus accablantes (par exemple l'annexe 48) ont été découvertes chez ABB IC Møller.
Il faut préciser qu'il a fallu attendre, pour qu'ABB coopère, l'envoi des demandes de renseignements détaillés en vertu de l'article 11, par lesquelles la Commission a demandé à toutes les entreprises des explications sur les documents à charge découverts dans leurs locaux en juin 1995.
Par conséquent, ABB ne saurait bénéficier de la pleine réduction de 50 % admissible en vertu du titre D.
Après avoir dûment examiné tous les éléments pertinents, la Commission estime qu'il y a lieu de minorer le montant de l'amende qui aurait dû être infligée de 30 %.
ABB est donc condamnée à une amende de 70 millions d'écus.

ii) Løgstør
(175) Løgstør est, par ordre d'importance, le deuxième producteur européen de conduites précalorifugées, avec des ventes qui atteignent la moitié environ de celles d'ABB.
Compte tenu de cette circonstance et pour refléter sa situation d'entreprise spécialisée dans un seul produit, le point de départ pour l'amende imposée à Løgstør sera ajusté à 10 millions d'écus (en raison de la gravité).
La durée de sa participation à l'infraction est la même que pour ABB, ce qui justifie une majoration du montant de l'amende déterminée comme point de départ par l'application d'un coefficient de × 1,4 et donne un montant de base de 14 millions d'écus.
(176) La poursuite délibérée de la participation de Løgstør à l'infraction après les vérifications dans les conditions indiquées aux considérants 108 à 112 constitue une circonstance particulièrement aggravante. Le cas de Løgstør présente une circonstance aggravante supplémentaire, compte tenu de son rôle actif dans les mesures de représailles prises à l'encontre de Powerpipe, bien que, à cet égard, la Commission ne place pas Løgstør sur le même plan qu'ABB (comme cette dernière a tenté de la présenter).
Pour ces raisons, il y a lieu de majorer le montant de base de l'amende à infliger à Løgstør de 30 %.
Aucune circonstance atténuante ne permet d'appliquer une réduction du montant de l'amende à infliger à Løgstør. Løgstør peut fort bien avoir subi des pressions de la part d'ABB à différents moments, mais elle exagère beaucoup en prétendant que cette dernière l'a entraînée contre son gré dans l'entente. Le montant ainsi déterminé avant toute minoration au titre de la coopération serait normalement de 18 200 000 écus.
Cependant puisque le montant final calculé selon la méthode ci-dessus ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d'affaires mondial de Løgstør (comme prévu à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17) l'amende sera de 12 700 000 écus, de manière à ne pas dépasser la limite autorisée.
(177) La communication sur la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant s'applique aussi à Løgstør parce qu'elle a et ce, volontairement, (même si les demandes de renseignements adressées en vertu de l'article 11 lui en ont fourni l'occasion) communiqué à la Commission des preuves écrites qui ont contribué notablement à établir d'importants aspects de l'affaire, en particulier le fait que les membres de l'entente aient décidé de le poursuivre après l'enquête, ce que la Commission soupçonnait, mais sans en avoir la preuve.
En application du titre D de la communication, la Commission consent à Løgstør la même réduction que pour ABB, à savoir 30 %.
Le montant total de l'amende infligée à Løgstør s'élève donc à 8 900 000 écus.

iii) Tarco, Starpipe, Henss/Isoplus et Pan-Isovit
(178) Étant donné leur poids sur le marché et l'effet de leur comportement sur la concurrence, la Commission ajustera le point de départ pour le calcul des amendes à leur infliger respectivement à 5 millions d'écus.
Les pondérations en fonction de la durée de l'infraction varient toutefois d'une entreprise à l'autre: en ce qui concerne Tarco et Starpipe, qui ont été impliquées dans l'entente pendant la même durée qu'ABB et Løgstør, une majoration de × 1,4 est applicable à chacune, alors que dans le cas de Pan-Isovit et de Henss/Isoplus, la durée de l'infraction a été moindre et leur participation avant 1994 a eu un caractère sporadique, de sorte que la pondération applicable à chacune est de × 1,33 et 1,25 respectivement.
Le montant de base des différentes amendes est donc:
>EMPLACEMENT TABLE>
(179) Dans chacun de ces cas, le montant de base doit être majoré en raison de la circonstance aggravante que constitue la poursuite délibérée d'une infraction aussi manifeste encore après l'enquête.
À ce titre, l'amende infligée à Tarco, Starpipe et Pan-Isovit doit être augmentée de 20 %.
Pour ce qui se rapporte à Henss/Isoplus, la Commission doit tenir compte de deux circonstances aggravantes supplémentaires, à savoir le rôle de premier plan joué par cette entreprise dans la mise en oeuvre de l'entente et ses tentatives répétées pour tromper la Commission sur la véritable nature des relations entre les entreprises du groupe. De tels agissements constituent une obstruction délibérée afin d'empêcher la Commission de mener son enquête qui, si elle avait réussi, aurait fort bien pu permettre à l'entreprise d'échapper à la sanction appropriée ou rendre son exécution plus difficile.
Dans ces conditions, l'amende infligée à Henss/Isoplus doit être majorée par l'application d'un coefficient de 30 %.
Aucune circonstance atténuante, qui justifierait une éventuelle minoration de l'amende, ne peut être retenue en faveur de l'une ou l'autre de ces entreprises.
Il semble donc justifié d'infliger les amendes suivantes à ces entreprises (avant toute réduction au titre de la coopération en vertu de la communication concernant la non-imposition ou la réduction du montant des amendes):
>EMPLACEMENT TABLE>
Toutefois, le montant de l'amende qu'il conviendrait d'infliger dépasserait le plafond fixé à l'article 15 du règlement n° 17, à savoir 10 % du chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice précédant l'adoption de la décision.
Le montant des amendes sera donc fixé de manière à ne pas dépasser le plafond admissible, soit 4 170 000 écus dans le cas de Tarco, 1 840 000 écus dans le cas de Starpipe, 4 950 000 écus dans le cas de Henss/Isoplus et 1 910 000 écus dans le cas de Pan-Isovit (sous réserve d'une éventuelle minoration au titre de la coopération).
(180) Au regard de la communication concernant la non-imposition ou la réduction du montant des amendes, la Commission tient compte de ce que Tarco lui a fourni des informations et des documents qui l'ont aidée à établir les faits sur lesquels se fonde la présente décision.
L'amende à infliger à Tarco doit donc être réduite de 30 %.
Pan-Isovit et Starpipe se situent peut-être à la frontière entre la coopération active avec la Commission et le simple fait d'admettre ce qui ne pouvait être nié dans leurs réponses aux demandes de renseignements qui leur ont été adressées en vertu de l'article 11 du règlement n° 17. Toutefois, elles n'ont pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations et, quoique Pan-Isovit ait nié que sa participation aux réunions antérieures à 1994 ait pu constituer une infraction à l'article 85, la Commission ne la pénalisera pas pour cette attitude. Tant Starpipe que Pan-Isovit doivent donc bénéficier d'une minoration de 20 % de leur amende en vertu du titre D de la communication concernant la non-imposition ou la réduction du montant des amendes.
En revanche, aucune réduction ne peut être accordée à ce titre à Henss/Isoplus. Il est exact qu'après avoir, dans un premier temps, en réponse aux demandes de renseignements qui lui étaient adressées en vertu de l'article 11, nié avoir eu connaissance de l'infraction et y avoir participé, et après s'être refusée à répondre à la plupart des points pertinents soulevés dans les demandes, cette entreprise a fini par fournir à la Commission des documents qui ont apporté des éléments de preuve complémentaires de ceux dont elle disposait déjà. Henss/Isoplus. n'a pas contesté, sur le fond, l'existence d'une infraction après fin 1994 (même si elle a imputé la participation à cette infraction aux entreprises Isoplus et non à Henss). Il est néanmoins implicite que, pour pouvoir bénéficier de cette possibilité d'une réduction, une entreprise doit agir de bonne foi et ne pas essayer, comme l'a fait Henss/Isoplus, de tromper la Commission sur un aspect important de l'affaire.
Le montant total des amendes infligées à ces quatre entreprises se présente donc comme suit:
>EMPLACEMENT TABLE>

iv) Brugg, KWH, Ke-Kelit et Sigma
(181) La position de ces quatre entreprises sur le marché du chauffage urbain est relativement moins importante. Leur implication doit être aussi qualifiée d'infraction très grave à l'article 85, mais il convient, là encore, de moduler le montant des amendes en fonction des effets produits par leur comportement et suivant leur taille comparativement à ABB.
Dans ces quatre cas, la gravité de l'infraction justifie que le point de départ ajusté pour le calcul des amendes ne soit pas inférieur à un million d'écus, chiffre que la Commission a donc retenu pour chacune de ces entreprises.
Les amendes doivent être pondérées (le cas échéant) en fonction de la durée de l'infraction, soit vingt mois environ pour Brugg, un an environ pour KWH, quinze mois pour Ke-Kelit et un an pour Sigma.
Le montant de base dans chaque cas s'élève donc à:
>EMPLACEMENT TABLE>
(182) En ce qui concerne les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes, la Commission tient compte du caractère délibéré, en commun avec les autres participants, de la poursuite de cette infraction manifeste, les amendes devant donc être majorées de 20 %.
Aucune circonstance atténuante quant à l'infraction ne saurait être retenue dans le cas de Brugg.
En ce qui concerne KWH, la Commission tient compte du fait que cette entreprise n'a pas respecté la consigne de boycottage de Powerpipe. (Toutefois, son allégation d'avoir été forcée par la menace à se rallier à l'entente est en contradiction avec son obstination à réclamer une part supérieure à celle que les autres producteurs étaient disposés au départ à consentir.)
La Commission ne saurait retenir non plus la thèse selon laquelle KWH n'avait pas pris conscience ou ne se doutait pas de l'illicité du système auquel elle adhérait.
La Commission estime qu'une minoration du montant de l'amende en raison du refus de KWH de se joindre au boycottage compense la majoration de 20 % qui aurait dû lui être infligée pour circonstance aggravante. Le montant de l'amende applicable à KWH doit donc rester le montant de base.
Pour ce qui se rapporte à Ke-Kelit et à Sigma, la Commission estime que leur rôle mineur dans l'infraction et la limitation de leur participation à l'Autriche et à l'Italie, deux marchés relativement restreints dans le secteur du chauffage urbain, justifient une réduction du montant, autrement approprié, des deux tiers.
(183) En vertu de la communication du 18 juillet 1996, la Commission accorde à Brugg et à KWH une minoration de 30 %, parce qu'elles lui ont communiqué des renseignements importants et qu'elles n'ont pas contesté les allégations formulées à leur encontre.
Ke-Kelit ne contestant pas, sur le fond, les faits qui lui sont reprochés, la Commission consent une minoration de 20 % du montant de l'amende.
Les moyens de défense invoqués par Sigma sont douteux quant aux faits et l'entreprise n'a reconnu aucun des faits qui lui étaient reprochés, de sorte qu'aucune réduction ne peut lui être consentie en vertu de la communication concernant la non-imposition ou la réduction d'amendes.
Les amendes infligées aux quatre entreprises s'élèvent donc à:
>EMPLACEMENT TABLE>
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:


Article premier
ABB Asea Brown Boveri Ltd, Brugg Rohrsysteme GmbH, Dansk Rørindustri A/S, le groupe Henss/Isoplus, Ke-Kelit Kunststoffwerk GmbH, Oy KWH Tech AB, Løgstør Rør A/S, Pan-Isovit GmbH, Sigma Tecnologie di rivestimento S.r.l. et Tarco Energi A/S ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant, de la manière et dans la mesure indiquées dans la motivation à un ensemble d'accords et de pratiques concertées qui a été mis en place, vers novembre ou décembre 1990, entre les quatre producteurs danois, qui a ensuite été étendu à d'autres marchés nationaux, auquel se sont ralliées Pan-Isovit et Henss/Isoplus, et qui a fini par constituer, fin 1994, une entente générale couvrant l'ensemble du marché commun.
La durée de l'infraction était la suivante:
- dans le cas d'ABB, Dansk Rør, Løgstør, Pan-Isovit et Tarco: plus ou moins à partir de novembre-décembre 1990, et au moins jusqu'en mars ou avril 1996,
- dans le cas de Henss/Isoplus: plus ou moins à partir d'octobre 1991, jusqu'à la même date,
- dans le cas de Brugg: à peu près à partir d'août 1994, jusqu'à la même date,
- dans le cas de Ke-Kelit: plus ou moins à partir de janvier 1995, jusqu'à la même date,
- dans le cas de KWH: au moins à partir de mars 1995, jusqu'à la même date,
- dans le cas de Sigma: plus ou moins à partir d'avril 1995, jusqu'à la même date.
Les principales caractéristiques de l'entente étaient:
- la répartition entre producteurs des différents marchés nationaux, puis de l'ensemble du marché européen, grâce à un système de quotas,
- l'attribution de marchés nationaux à certains producteurs et l'organisation du retrait des autres producteurs,
- la fixation des prix du produit et de chaque projet,
- l'attribution de projets à des producteurs désignés à cet effet et la manipulation des procédures de soumission, afin que les marchés en question soient attribués à ces producteurs,
- pour protéger l'entente de la concurrence de la seule entreprise importante à ne pas en faire partie, Powerpipe AB, l'adoption et la mise en oeuvre de mesures concertées visant à entraver son activité commerciale, à nuire à la bonne marche de ses affaires ou à l'évincer purement et simplement du marché.

Article 2
Les entreprises désignées à l'article 1er mettent fin immédiatement à l'infraction précitée, si elles ne l'ont pas déjà fait, et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur des conduites précalorifugées, de tout accord et de toute pratique concertée susceptibles d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire à cette infraction, y compris tout échange de renseignements commerciaux pouvant leur permettre de s'assurer du respect de tout accord tacite ou exprès concernant le partage de marchés, la fixation de prix ou les soumissions concertées dans la Communauté.

Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises énumérées à l'article 1er, en raison de l'infraction constatée audit article:
a) ABB Asea Brown Boveri Ltd, une amende de 70 000 000 d'écus;
b) Brugg Rohrsysteme GmbH, une amende de 925 000 écus;
c) Dansk Rørindustri A/S, une amende de 1 475 000 écus;
d) groupe Henss/Isoplus, une amende de 4 950 000 écus,
à laquelle sont solidairement tenues les entreprises suivantes:
- HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH & Co. KG,
- HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH Verwaltungsgesellschaft,
- Isoplus Fernwärmetechnik Vertriebsgesellschaft mbH (anciennement Dipl.-Kfm Walter Henss GmbH Rosenheim),
- Isoplus Fernwärmetechnik GmbH, Sondershausen,
- Isoplus Fernwärmetechnik Ges.mbH - stille Gesellschaft,
- Isoplus Fernwärmetechnik Ges.mbH, Hohenberg;
e) Ke-Kelit Kunststoffwerk GmbH, une amende de 360 000 écus;
f) Oy KWH Tech AB, une amende de 700 000 écus;
g) Løgstør Rør A/S, une amende de 8 900 000 écus;
h) Pan-Isovit GmbH, une amende de 1 500 000 écus;
i) Sigma Tecnologie di rivestimento S.r.l., une amende de 400 000 écus;
j) Tarco Energi A/S, une amende de 3 000 000 d'écus.

Article 4
Les amendes infligées sont payables dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, au compte bancaire suivant:
Compte n° 310-0933000-43
Commission européenne
Banque Bruxelles-Lambert
Agence européenne
Rond-point Schumann 5
B-1040 Bruxelles
À l'issue de ce délai, des intérêts seront automatiquement dus au taux pratiqué par la Banque centrale européenne sur ses opérations en écus au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 7,5 %.

Article 5
Sont destinataires de la présente décision:
a) ABB Asea Brown Boveri Ltd, Affolternstraße 44, 8050 CH-Zurich; c/o ABB IC Møller A/S, Treldevej 191, DK-7000 Fredericia;
b) Brugg Rohrsysteme GmbH, Adolf-Oesterheld-Straße 31, D-31515 Wunstorf;
c) Dansk Rørindustri A/S, Nymarksvej 37, DK-7000 Fredericia;
d) groupe Henss/Isoplus, représenté par:
- HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH & Co. KG, Aisingerstraße 12, D-83026 Rosenheim,
- HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH Verwaltungsgesellschaft, Aisingerstraße 12, D-83026 Rosenheim,
- Isoplus Fernwärmetechnik GmbH, Aisingerstraße 12, D-83026 Rosenheim,
- Isoplus Fernwärmetechnik Ges.mbH, Furthoferstraße 1A, A-3192 Hohenberg,
- Isoplus Fernwärmetechnik Ges.mbH - stille Gesellschaft, Furthoferstraße 1A, A-3192 Hohenberg,
- Isoplus Fernwärmetechnik GmbH, Gluckaufstraße 34, D-99706 Sondershausen;
e) Ke-Kelit Kunststoffwerk Ges.mbH, Ignaz-Meyer-Straße 17, Postfach 68, A-4017 Linz;
f) Oy KWH Tech AB, Kappelinmäentie 240, FIN-65370 Vaasa;
g) Løgstør Rør A/S, Danmarksvej 11, DK-9670 Løgstør;
h) Pan-Isovit GmbH, Leipziger Straße 130, D-36037 Fulda;
i) Sigma Tecnologie di rivestimento S.r.l., Via Campagna Sopra 14, I-25017 Lonato (BS);
j) Tarco Energi A/S, Erritsø Møllebanke 10, DK-7000 Fredericia.
La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 192 du traité.

Fait à Bruxelles, le 21 octobre 1998.
Par la Commission
Karel VAN MIERT
Membre de la Commission

(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204/62.
(2) JO 127 du 20.8.1963, p. 2268/63.
(3) Directive 93/38/CEE du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, article 2, paragraphe 2, point a iii) et article 14 (JO L 199 du 9.8.1993, p. 84), modifiée en dernier lieu par la directive 98/4/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 101 du 1.4.1998, p. 1).
(4) À compter du 1er janvier 1996, les activités mondiales d'ABB dans le domaine des transports ferroviaires ont été fusionnées avec celles de Daimler-Benz Transportation, dans le cadre d'une entreprise commune dénommée ADTRANZ; voir la décision 97/25/CE de la Commission (Affaire n° IV/M.580 - ABB/Daimler-Benz) (JO L 11 du 14.1.1997, p. 1). Le directeur du segment «transport» de l'époque a été nommé président-directeur général de la nouvelle société. Le secteur «chauffage urbain» est resté dans la structure principale du groupe ABB et se trouve aujourd'hui intégré au segment «production d'électricité».
(5) Henss Rosenheim a pris le nom d'Isoplus Fernwärmetechnik Vertriebsgesellschaft mbH le 1er janvier 1997 et a absorbé, le 6 août 1997, l'entreprise Henss Berlin, qui n'existe plus en tant qu'entité juridique distincte.
(6*) Toutes les références dans la présente décision à des annexes numérotées sont des références à des annexes de la communication des griefs.
(7) L'EuHP a été créée le 29 avril 1991 et a tenu sa réunion inaugurale à Billund, au Danemark. Si Pan-Isovit avait à l'origine refusé d'adhérer, Isoplus (à son grand déplaisir) n'a pas été invité.
(8) Selon Løgstør, des discussions ont eu lieu non seulement pour l'Allemagne, mais aussi pour les Pays-Bas, l'Autriche et la Suède mais, à part le fait que les participants étaient les mêmes, aucune autre information n'est connue. À l'époque, l'Autriche et la Suède n'étaient pas membres de la Communauté européenne.
(9) Les ventes effectuées par Løgstør en Italie, par le biais de Socoløgstør, rentraient dans le cadre de son quota global pour l'Europe; aussi la Commission rejette-t-elle l'affirmation de Løgstør selon laquelle «le marché italien n'est pas pertinent en ce qui concerne la procédure ouverte contre Løgstør». Løgstør a également été identifié comme l'un des participants à la première réunion du groupe de contact pour l'Italie ainsi qu'à une réunion sur l'Italie organisée à Zurich le 9 juin 1995.
(10) Le nom de cette personne est cité dans le document original.
(11) Løgstør a ultérieurement nuancé cette affirmation en déclarant qu'un projet (non révélé) d'un montant de 30 millions de DKK avait été attribué «exceptionnellement» à Henss/Isoplus en guise de compensation (réponse à la communication des griefs, p. 66).
(12) Recueil 1972, p. 619.
(13) Recueil 1975, p. 1663.
(14) Recueil 1991, p. II-1711, point 256 des motifs.
(15) Voir note 14, points 262 et 263 des motifs.
(16) Voir note 14 en bas de page, point 264 des motifs.
(17) La Commission admet qu'il n'est pas prouvé que Ke-Kelit ou Sigma, qui n'ont été impliquées que dans les accords concernant leur marché national, avaient connaissance du plan destiné à éliminer Powerpipe.
(18) Recueil 1992, p. II-1021, point 304 des motifs.
(19) JO L 230 du 18.8.1986, p. 1.
(20) Le capital social de Henss Berlin était entre les mains de l'un des directeurs de Henss Rosenheim et de son épouse.
(21) Le holding HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft est constitué sous forme de «GmbH & Co. KG», c'est-à-dire une société en commandite simple dans laquelle une société à responsabilité limitée joue le rôle d'associé commandité (Komplementär) tenu indéfiniment et personnellement responsable des dettes de la société; les autres associés commanditaires (Kommanditisten) ne sont responsables que jusqu'à concurrence d'un certain montant. Le commandité de la GmbH & Co. KG en l'espèce est HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH Verwaltungsgesellschaft.
(22) En vertu de cet accord, M. Henss, son associé et leurs épouses respectives ont placé leurs participations dans une série d'entreprises Henss/Isoplus dans HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH & Co. KG. Les participations détenues concernaient les entreprises suivantes:
- Isoplus Fernwärmetechnik Vertriebsgesellschaft-mbH (anciennement Dipl. Kfm Walter Henss GmbH), à Rosenheim,
- Dipl. Kfm Walter Henss Fernwärmerohrleitungsbau GmbH, à Berlin,
- Isoplus Fernwärmetechnik GmbH à Sondershausen,
- Isoplus Fernwärmetechnik Ges.mbH à Hohenberg,
ainsi que trois autres entreprises à Budapest, Schlüchtern et Lehrte.
Depuis la date de conclusion de l'«Einbringungsvertrag», HFB Holding a cédé la participation que M. Henss détenait par l'entreprise de mandataires dans Isoplus Fernwärmetechnik Ges.mbH, à Hohenberg, mais l'identité du bénéficiaire de la cession et le nom du détenteur actuel de cette participation ne sont pas connus de la Commission.
(23) Il détenait ces parts en vertu d'un contrat (Treuhandvertrag) daté du 20 décembre 1993; il les avait achetées le même jour à l'avocat représentant Isoplus dans la présente procédure: on peut en conclure que l'avocat les détenait également en tant que mandataire de M. Henss (considérant 157 ci-dessus).
(24) JO C 207 du 18.7.1996, p. 4.



(49) Quelles qu'aient été leurs divergences et en dépit d'une stratégie musclée, les six producteurs cherchaient toujours à surmonter leurs différences et à parvenir à une solution.
Des représentants des principaux producteurs se sont à nouveau réunis à Hambourg, le 20 avril 1993, pour relancer le processus de fixation d'un barème commun et s'entendre sur une augmentation commune des prix pour l'Allemagne (réponse d'ABB à la demande adressée conformément à l'article 11, p. 32 et 33). Løgstør avait convoqué cette réunion en sa qualité de président de l'association des producteurs danois.
ABB a toutefois déclaré que le représentant de Løgstør n'avait apparemment pas été en mesure de participer à la réunion, une déclaration confirmée par Løgstør dans sa réponse à la communication des griefs (p. 35): toutefois, d'après ce qu'elle avait déclaré précédemment à la Commission dans sa réponse à la demande adressée conformément à l'article 11, Løgstør indique que son directeur des ventes a participé à une «réunion européenne» à cette date.
La veille de la réunion, Tarco avait distribué aux autres producteurs danois des tableaux (annexe 49) indiquant les ventes et les parts de marché pour l'ensemble des fournisseurs (y compris les producteurs allemands) sur chaque marché national en 1992, ces chiffres ayant été réunis à partir d'informations fournies par les directeurs des ventes au cours d'une réunion antérieure. De l'aveu même de Tarco (réponse à la première lettre adressée au titre de l'article 11, p. 8), les tableaux devaient permettre de calculer quel serait le marché européen global (probablement en 1993); il n'est pas possible de contester que cet exercice ait été lié à un projet de partage du marché.
Le 30 juin 1993, au cours d'une réunion à Copenhague à laquelle étaient présents, comme d'habitude, les directeurs généraux d'ABB, de Løgstør, de Tarco, de Starpipe, d'Isoplus et de Pan-Isovit, il a été à nouveau discuté d'accords de partage du marché allemand, y compris de la répartition proposée 60/40. Selon la note d'ABB rédigée quelques jours plus tard seulement (annexe 48), cette répartition était «presque arrêtée» lorsque Løgstør l'a jugée inacceptable pour les producteurs allemands. Les six ont alors réussi à se mettre d'accord pour demander un audit indépendant des ventes de 1992, qui servirait de base à un accord sur les quotas pour l'Allemagne.
Le fait que les discussions, axées au départ sur la recherche d'un barème commun, aient ensuite porté, à partir de juin 1993, sur «des tentatives plus organisées pour se partager le marché» s'explique par la prise de conscience que des tentatives pour augmenter les prix non assorties d'accords de partage du marché ou de quotas resteraient vouées à l'échec (réponse d'ABB à la demande adressée conformément à l'article 11, p. 35).
Une note rédigée par ABB en vue d'une réunion organisée à Zurich, les 5 et 6 juillet 1993, entre ses cadres dirigeants et ceux de Løgstør prévoyait, avec un certain optimisme, qu'un règlement européen global serait bientôt trouvé (annexe 48).
(50) Dans le cadre de ces tentatives pour parvenir à un règlement global, Løgstør a promis à la société mère de Pan-Isovit, lors d'une réunion qui a eu lieu le 18 août 1993 (annexe 52), qu'elle s'allierait avec ABB pour «contenir» les activités de Tarco au Danemark et en Allemagne (Løgstør aurait été, en principe, intéressée par un accord sur les prix en Allemagne, sous réserve qu'on lui attribue un quota approprié).
À la suite de l'audit (effectué par des comptables suisses) qui a établi les recettes de chaque producteur en 1992 (annexe 53), les producteurs se sont rencontrés à Zurich le 18 ou le 19 août et sont parvenus à un accord sur les points suivants:
- les parts obtenues en 1992 sur le marché allemand devaient être maintenues en 1994, avec de légers ajustements,
- un nouveau barème uniforme devait être préparé,
- Pan-Isovit devait élaborer un système de sanctions pour les producteurs qui s'écarteraient des quotas convenus (réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 34 et 35).
(51) Les «objectifs» convenus en termes de parts du marché allemand pour 1994 étaient les suivants:
>EMPLACEMENT TABLE>
La solution a consisté en fait à attribuer aux trois producteurs danois un quota de 33 %, comme l'avait suggéré précédemment le coordinateur de l'entente.
Tarco aurait émis des «réserves», car elle voulait voir son quota augmenté de 1 %.
De nouvelles réunions pour discuter du régime de quotas et d'un dispositif permettant de sanctionner les producteurs qui dépasseraient leur quota se sont tenues le 8 ou 9 septembre 1993, à Copenhague et à Francfort.
Un consensus général semble s'être dégagé. La part de Tarco a été portée à 17,7 % (annexe 7 de la réponse de Løgstør à la communication des griefs) et un système de pénalités mis au point, initiative que Løgstør attribue à ABB et qui aurait recueilli «le soutien sans réserve de Henss».
Ce projet, qui devait prendre effet le 15 septembre 1993, prévoyait que chaque producteur devait effectuer une déclaration mensuelle et que ses recettes devaient faire l'objet d'un audit trimestriel effectué par le cabinet comptable suisse chargé de l'audit précédent. Le produit des amendes sanctionnant le dépassement des quotas devait être versé sur le compte en banque suisse d'une association professionnelle qui devait être créée dans le but affiché de promouvoir le chauffage urbain.
Le barème uniforme devait servir de référence pour relever par étapes successives, sur six mois, le niveau général des prix d'environ 25 %.
(52) Il avait été envisagé que cet accord soit mis par écrit et signé, mais cette dernière disposition n'a apparemment jamais été suivie d'effet. Løgstør fait valoir qu'elle a refusé de signer parce qu'elle n'a jamais voulu conclure d'accord pour l'Allemagne, déclaration qui n'explique pas qu'elle ait participé de son plein gré à l'audit effectué par les comptables suisses et qui est en contradiction avec la déclaration de Pan-Isovit selon laquelle Løgstør était intéressée par un système de quotas (annexe 52).
Les autres producteurs n'étaient pas disposés à aller plus loin sans engagement écrit.
Løgstør déclare que, lors d'une réunion au Danemark le 29 septembre 1993, ABB a fait pression sur elle pour qu'elle signe le système de compensation, condition qu'ABB, Henss/Isoplus et Pan-Isovit mettaient à la coopération en Allemagne.
Devant son refus de signer (déclare Løgstør), la réaction d'ABB a été très vive et négative. Lors d'une réunion à haut niveau tenue à Copenhague - que Løgstør situe le 2 décembre 1993 - le directeur du segment «transports» d'ABB de l'époque (qui, comme en atteste un grand nombre de documents, s'est employé activement à promouvoir l'entente) aurait critiqué, en termes très vifs, des cadres de Løgstør pour ce qui était considéré comme un manque de coopération (réponse de Løgstør à la communication des griefs, p. 39). ABB n'a pas contesté la version imagée donnée par Løgstør de cet incident.
Bien que l'augmentation en volume du marché se soit poursuivie, en particulier en Allemagne, une «guerre des prix» a, selon les producteurs, à nouveau éclaté: le niveau des prix sur les principaux marchés a effectivement baissé de 20 % en quelques mois. Selon ABB, il s'est produit «un effondrement de la confiance» qui a effectivement mis fin aux tentatives de recherche d'un accord global sur le marché allemand. Toutefois, les producteurs ont continué à se réunir, même si, pendant un certain temps, les réunions multilatérales ont été remplacées par des contacts bi- et trilatéraux entre les producteurs. Il semble très probable qu'ABB ait, lors de ces contacts, cherché à négocier un nouvel arrangement, afin de ramener «l'ordre» sur ce marché (voir la réponse d'Isoplus à la demande adressée au titre de l'article 11, p. 25).
De fait, dès le 21 décembre 1993, le président de Løgstør organisait une réunion avec ABB et le coordinateur de l'entente pour le 28 janvier 1994 (annexe XI); la liste des contacts de Løgstør avec ses concurrents, fournie dans le cadre de l'article 11, montre que la réunion a effectivement eu lieu à cette date.
D'autres réunions bilatérales ont eu lieu entre ABB et Løgstør (le 23 février 1994 et le 11 mars 1994), Løgstør et Tarco (le 8 janvier 1994 et le 19 mars 1994) et Tarco et Pan-Isovit (le 22 février 1994). ABB déclare qu'il y a également eu un certain nombre de réunions bilatérales entre des dirigeants d'ABB et des représentants de Pan-Isovit, Tarco et Henss (réponse d'ABB à la demande adressée au titre de l'article 11, p. 44). Toutefois, hormis l'affirmation de Løgstør selon laquelle Tarco avait (sans succès) réclamé à Løgstør une compensation de 16 millions de DKK (son déficit pour 1993) comme préalable aux «négociations de paix» (réponse à la communication des griefs, p. 25), aucun détail n'est disponible.

4. L'entente européenne en place à partir de 1994

a) Premiers contacts
(53) Les réunions plénières entre les six producteurs ont repris, avec la participation des directeurs généraux et des responsables des ventes, les 7 mars, 15 avril et 3 mai 1994.
ABB explique que la «guerre des prix» livrée à la fin de 1993 et au début de 1994 avait entraîné de telles pertes pour presque tous les fournisseurs de conduites de chauffage urbain que les plus petits producteurs s'étaient vu contraints de réclamer un effort concerté pour ramener le niveau des prix au statu quo ante bellum (réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 62).
D'après Løgstør, les producteurs avaient «passé toute l'année 1993 à essayer de se préparer à affronter une nouvelle situation semblable à celle qui régnait au Danemark . . . Plusieurs accords ont été conclus sans jamais être exécutés, parce qu'on partait du principe que les personnes qui ne s'exprimaient pas n'étaient pas d'accord.» En 1994 cependant, les directeurs généraux de nombreux producteurs ayant changé, un nouveau climat est apparu: «ABB a fait beaucoup d'efforts pour faire progresser ce projet et a bénéficié du soutien de tous les producteurs danois» (réponse de Løgstør à la demande conformément à l'article 11; déclaration I, p. 74; voir également annexe 55).
(54) Au cours des réunions de mars et d'avril, les discussions ont notamment porté sur des augmentations de prix, mais elles ne semblent pas avoir abouti. (Dans une lettre à Ke-Kelit du 17 mars 1994, Løgstør fait référence à des réunions organisées avec des collègues pour examiner la situation des prix, mais il n'est pas optimiste sur les chances d'aboutir rapidement à une solution - annexe 55.) Néanmoins, après la réunion du 3 mai 1994 tenue à la foire commerciale de Hanovre, à laquelle assistaient ABB, Henss, Pan-Isovit et Løgstør, un barème de prix a été établi qui devait servir de base pour l'ensemble des livraisons sur le marché allemand (annexe 56; réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 42 et 43).
Il semblerait que le barème commun ait été immédiatement appliqué pour coordonner les offres de prix pour des projets individuels, bien que son utilisation ait posé problème. L'invitation lancée le 10 juin 1994 pour une réunion des directeurs devant se tenir le 18 août 1994 fait référence au «barème du 9 mai», en précisant que, ce dernier ayant été à certains égards incomplet, il a donné lieu à «des oppositions et des divergences d'interprétation» lors de la comparaison des soumissions. C'est pourquoi le coordinateur de l'entente a joint à l'invitation un barème modifié et plus complet (annexe 56).
(55) Bien que Henss et Isoplus, dans leurs réponses aux demandes adressées conformément à l'article 11 du règlement n° 17, aient commencé par nier avoir jamais eu connaissance de ce barème, Henss a déclaré ultérieurement qu'il avait été diffusé par d'autres producteurs dans le cadre d'un projet visant à évincer Isoplus du marché danois, sans donner de détails sur la manière dont le barème était censé produire ce résultat.
Tarco déclare que c'est en réalité Henss qui a établi ce barème, peut-être en collaboration avec le conseiller d'ABB qui jouait le rôle de coordinateur de l'entente (réponse à la demande conformément à l'article 11, p. 8 et 9).
Løgstør déclare également que les auteurs du barème sont Henss et le coordinateur de l'entente (réponse à la communication des griefs, p. 41 et 42). Leur explication sur l'origine de ce barème est corroborée par d'autres documents dont le plus significatif est une télécopie du 28 juin 1994 adressée par le directeur général adjoint d'ABB qui était à la tête du segment «transports» à Zurich (voir considérants 10, 24 et 52) au nouveau directeur général d'ABB IC Møller au Danemark, dans laquelle il approuve les instructions données par ce dernier au coordinateur de l'entente et confirme avoir appelé à la fois le coordinateur et Henss «pour les informer qu'il était impératif de suivre vos instructions. [Le coordinateur] a déclaré qu'il avait à présent compris clairement le message et qu'il organisait une réunion en Allemagne en août» (annexe X9).
(56) Le nouveau directeur général d'ABB IC Møller (qui rendait compte directement au directeur général adjoint susmentionné) considérait que sa toute première priorité était de ramener l'ordre sur le marché du chauffage urbain en Europe occidentale (déclaration de KWH du 29 novembre 1996, p. 6).
La réunion du 18 août 1994 (voir réponse d'ABB à la demande adressée au titre de l'article 11, p. 43 et 44), consacrée au marché allemand, s'est en fait tenue à Copenhague et a rassemblé les représentants des membres de la direction des six plus grandes entreprises et (pour la première fois) un représentant de Brugg. Brugg n'avait pas été invitée officiellement par le coordinateur, mais elle a, sur la proposition de Henss, assisté à la réunion. (Brugg déclare qu'on lui avait donné à entendre que si elle ne s'alignait pas sur l'entente, elle s'exposerait à des représailles qui viseraient ses principaux clients.)
Lors de cette réunion, des projets visant à relever le niveau des prix en Allemagne ont été examinés et il semble probable qu'il ait été convenu d'élaborer un nouveau barème commun et de limiter les rabais à un certain niveau (15 % ou 30 %).
À cette époque, KWH était membre de l'EuHP, mais n'avait pas encore été admise au sein de l'entente et n'assistait pas à la réunion. De toute façon, elle était très peu présente sur le marché allemand. Lors d'une réunion technique de l'EuHP organisée quelques jours plus tard (le 23 août), son représentant a constaté l'existence d'une sorte d'accord tacite entre les autres participants et a écrit dans son agenda: «la rencontre s'est déroulée, semble-t-il, comme si le marché avait déjà été conclu» (traduction du finnois: déclaration de KWH, p. 7; tableau B. 2.b; annexe 185).
Løgstør tente de minimiser son rôle et déclare qu'elle «a gardé un profil bas» lors des réunions portant sur l'Allemagne, car elle n'avait pas d'intérêt majeur sur ce marché. D'après elle, c'est uniquement en raison des effets néfastes de la guerre des prix qu'elle a été contrainte de contacter le coordinateur de l'entente à la fin du mois de juin, afin de demander une trêve. Elle a d'ailleurs même prétendu dans sa réponse à la communication des griefs (p. 42) ne pas avoir assisté à la réunion du 18 août, affirmation que démentent les informations qu'elle a elle-même communiquées au titre de l'article 11 et qui montrent que son directeur des ventes a assisté à cette date à la réunion en question. (En fait, Løgstør avait déjà pris une part active aux contacts initiaux de mars-avril, ainsi que, de son propre aveu, à la réunion du 3 mai, à Hanovre, et elle a reçu le barème qui avait ensuite été établi et distribué par Henss et le coordinateur de l'entente.)

b) Partage du marché européen: les accords de base sur les quotas
(57) Après les initiatives qu'ils avaient prises en ce qui concerne le marché allemand, si important, les directeurs généraux d'ABB, de Løgstør, de Tarco, de Starpipe, de Pan-Isovit et de Henss/Isoplus n'ont pas été longs à conclure un accord global sur le partage du marché européen à l'automne 1994. (Il semble que les aspirations de KWH, qui exerçait ses activités essentiellement en Scandinavie et en Europe orientale, aient été satisfaites un peu plus tard.)
Cet accord de partage du marché couvrait non seulement la Communauté mais également la Suisse, les pays nordiques n'appartenant pas à l'Union européenne, les Républiques baltes et plusieurs pays d'Europe orientale.
Des quotas (en pourcentage) pour l'ensemble du marché ont été arrêtés pour chaque producteur. La valeur (en DKK) du marché total a été calculée et les quotas en pourcentage du marché européen affecté à chaque producteur ont été traduits en termes monétaires. Les différents marchés nationaux ont ensuite été subdivisés en conséquence, chaque producteur ayant un quota différent sur chaque marché.
(58) L'objectif fondamental du système était d'augmenter le niveau des prix. Tous les acteurs ont pris conscience que cet objectif ne pouvait être atteint que par un accord sur les quotas. Tarco déclare que cet accord visait à «augmenter les prix d'environ 30 à 35 % sur une période de deux ans». Des augmentations trimestrielles progressives étaient prévues . . . Les entreprises étaient censées ne pas augmenter leurs prix au même moment et dans les mêmes proportions. La façon de faire habituelle était une augmentation trimestrielle de 6 à 8 %, en fonction du barème de prix de chaque société (réponse de Tarco à la deuxième demande conformément à l'article 11, p. 18).
Les notes de Pan-Isovit qui présentent les modalités de ce système (annexe 60) confirment que le projet était d'augmenter les prix d'au moins 25 % en 1995.
Dans un compte rendu d'une réunion du groupe ABB, tenue le 30 septembre 1994, il est fait référence au souhait d'ABB et de ses concurrents de faire monter les prix et on peut y lire également que «des augmentations de 10 % des prix relatifs plus une autre, toujours de 10 %, pour couvrir la hausse des prix des matières premières est prévisible» (annexe 61).
(59) D'après la version des faits donnée par les différents producteurs (par exemple réponse d'ABB à la demande au titre de l'article 11, p. 62-65; réponse de Løgstør à la communication des griefs, p. 43-45; réponse de Tarco à la première demande au titre de l'article 11, p. 5; lettre de Tarco du 10 juillet 1996; réponse de Pan-Isovit à la demande au titre de l'article 11, p. 54 et 55), il apparaît qu'il y a eu tout d'abord une réunion des quatre producteurs danois à Billund, le 16 septembre 1994, lors de laquelle ABB a expliqué son projet de nouvel accord européen.
Des réunions plénières «stratégiques» des six producteurs ont ensuite eu lieu les 30 septembre, 12 octobre et 16 novembre 1994, au cours desquelles les quotas globaux pour le marché européen ont été négociés et ont fait l'objet d'un accord de principe.
Lors de la première réunion du 30 septembre, au cours de laquelle les propositions d'ABB ont été examinées, il a été décidé que cette dernière irait voir tous les participants et chercherait également à faire entrer officiellement KWH et Brugg dans le système de quotas européen.
C'est au cours de cette réunion qu'un accord de principe a été conclu concernant l'instauration d'un régime de quotas globaux pour la Scandinavie, le reste de l'Europe occidentale et l'Europe orientale, des chiffres précis devant être fixés pour chaque marché national et leur mise en oeuvre confiée, à un échelon inférieur, aux réunions de commercialisation (réponse d'ABB au titre de l'article 11, p. 62 et 63).
ABB déclare que les quotas globaux pour l'Europe ont été arrêtés au cours de la (troisième) réunion stratégique du 16 novembre (réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 64).
(60) Des tableaux découverts chez Pan-Isovit (annexe V de la demande adressée à Pan-Isovit conformément à l'article 11; annexe 60) montrent qu'à ce stade les quotas de base («décisions antérieures») avaient été fixés comme suit:
>EMPLACEMENT TABLE>
D'après la note de Pan-Isovit (annexe 60) qui détaille les principaux éléments de l'entente, il ressort que le régime est entré en vigueur le 1er octobre 1994.
(61) KWH et Brugg n'étaient pas présentes à la réunion du 16 novembre, mais ABB ayant bon espoir qu'ils puissent adhérer à ce régime, elle a été mandatée par l'entente pour élaborer un accord final avec ces deux producteurs et rendre compte de la situation au début de 1995 (réponse de Løgstør à la communication des griefs, p. 45).
Brugg, qui avait participé à la réunion de Copenhague du 18 août et assisté, à partir de décembre 1994, aux réunions pour l'Allemagne, semble avoir été contactée en premier: elle déclare qu'il lui a été communiqué en décembre qu'il existait un accord sur les quotas pour l'Allemagne, mais qu'on ne lui a pas alors affecté de quota spécifique. Peu de temps après, (a-t-elle déclaré), ABB l'a informée que son propre quota (soit 4 % pour l'Allemagne) lui avait été attribué par le club des directeurs (réponse à la demande au titre de l'article 11, p. 6). Løgstør (déclaration I, p. 74; réponse à la communication des griefs, p. 45) attribue un rôle un peu plus actif à Brugg: selon elle, Brugg avait réclamé une part de 2 % de l'ensemble du marché et de 4 % du marché allemand. Brugg voulait également que l'on exclue de l'accord les conduites flexibles et qu'on lui donne la garantie qu'il n'y aurait pas de nouveaux concurrents en Suisse. Ces conditions semblent avoir été acceptées, de toute façon, seuls les projets pour lesquels Brugg était en concurrence avec les autres producteurs de conduites étaient inclus dans son quota.
(62) KWH déclare que les autres producteurs ont fait pression sur elle de façon soutenue soit pour qu'elle se retire entièrement du marché, soit pour qu'elle parvienne à un compromis avec l'entente. Il se peut tout à fait que cela soit vrai, mais tout indique que KWH revendiquait une part de marché plus importante que celle que les autres étaient prêts à lui accorder. Elle était également prête à se retirer entièrement du marché si elle obtenait pour cinq ans la garantie que les autres lui achèteraient des conduites, et des discussions approfondies ont eu lieu pour examiner cette proposition.
KWH a été amenée à participer à la collusion plus tôt qu'elle ne l'admet. Fin 1994, des représentants de KWH avaient déjà eu des contacts avec la filiale finlandaise d'ABB «à propos des attentes relatives aux volumes de vente» (réponse complémentaire d'ABB aux demandes en vertu de l'article 11, p. 26).
Le directeur général de KWH Pipe Oy (qui était également président de KWH Tech) a assisté à une réunion avec ABB le 19 janvier 1995 à Copenhague, lors de laquelle, de son propre aveu, les «tendances du marché» ont été examinées (réponse de KWH à la demande conformément à l'article 11, p. 9).
KWH a participé pour la première fois au groupe de contact danois (voir considérant 77) le 4 avril 1995 (réponse complémentaire d'ABB, p. 7).
Les documents trouvés chez Pan-Isovit (annexe 60) semblent indiquer que, à ce moment là, KWH avait déjà fait connaître son souhait de se voir attribuer une part dans le cadre du régime de quotas. KWH admet également avoir participé, le 14 mars 1995, à un «dîner de travail» avec le directeur général d'ABB IC Møller pour discuter des parts de marché (déclaration de KWH, p. 8 - KWH - tableau B.2.a).
Selon la note détaillée rédigée par le directeur général de Pan-Isovit au sujet d'une réunion du «club des directeurs» organisée en mars ou avril 1995 (annexe 60), la réaction initiale aux demandes de quotas présentées par KWH pour différents marchés a été «impossible!».
(63) À la fin du mois d'avril 1995, KWH a décidé d'adhérer au «club des directeurs» (déclaration de KWH, p. 10). En conséquence, ABB a été en mesure de présenter un tableau définitif des parts de marché pour chaque marché national, y compris les pays Baltes et les pays d'Europe orientale. La première réunion à laquelle KWH a assisté a eu lieu le 5 mai. Lors de cette réunion ou juste avant, elle a vu son quota au sein de l'entente plus que doubler, passant des 76 millions de DKK proposés à 144 millions (3,8 %).
La Commission a obtenu à la fois de Tarco (annexe 62) et de KWH (annexe 186) le tableau fixant les quotas pour chaque pays en pourcentage et en valeur, sur la base d'un marché total estimé à 3 794 millions de DKK (513 millions d'écus).
Ce tableau a été approuvé lors de la réunion des directeurs qui s'est tenue à Budapest le 5 mai 1995.
(64) Le principe qui sous-tendait le régime de quotas était qu'à l'avenir les parts de marché ne pourraient être qu'«achetées». Løgstør explique (déclaration II, p. 90) qu'ABB insistait sur «le verrouillage» du marché, c'est-à-dire sur la nécessité de geler les parts de marché. Si un producteur voulait accroître sa part de marché globale, il ne pouvait le faire qu'en acquérant un concurrent, ce que corrobore une note de Pan-Isovit déclarant que «les parts de marché ne peuvent qu'être achetées et non prises» (annexe 60).
Les producteurs, dont les parts de marché dans certains pays étaient jugées trop faibles, étaient encouragés ou contraints à se retirer de ces marchés, car leur faible présence commerciale avait tendance à faire baisser le niveau des prix [annexes 63, 64; déclaration de Løgstør II, p. 90; réponse de Starpipe à la demande conformément à l'article 11, sous K (g); réponse de Pan-Isovit à la demande conformément à l'article 11, p. 28-32]. En échange, ils recevaient une compensation sous la forme d'un accroissement du quota qui leur était attribué sur d'autres marchés où ils étaient déjà présents.
Dans la pratique, ces «accords de compensation» étaient conclus sur une base bilatérale: Pan-Isovit s'est retirée des Pays-Bas et a reçu une compensation en Italie; pour Isoplus, c'est le contraire qui s'est produit.
(65) Pour veiller à l'application du régime de quotas, un système de compensation a été mis au point; selon ABB (réponse à la demande conformément à l'article 11, p. 63), lors des discussions de 1994 sur ces dispositions, Henss avait vivement préconisé un système de pénalités pour sanctionner le non-respect des quotas, mais aucun accord ne s'est dégagé sur ce point.
Des notes détaillées rédigées par Pan-Isovit au sujet d'une réunion du club des directeurs tenue en mars ou avril 1995 (annexe 60) présentent la base d'un mécanisme de compensation sanctionnant le fait de «tricher» sur des projets individuels, c'est-à-dire de ravir le marché au «favori» désigné en offrant un prix moins cher que le prix convenu:
«- niveau min des prix - ne descendre en dessous en aucun cas/sur aucun marché (sauf si décidé, par exemple Powerpipe)
- pénalité en cas de prix plus bas pour tout produit/client
- prod/client retranché de la part de marché pour l'année considérée (en cas d'offre de 8 millions pour un projet en valant 11, la pénalité est de 4).»
Tarco déclare cependant que ce système de compensation ne fonctionnait pas en fait à ce niveau, à savoir pour des projets individuels: les producteurs avaient en réalité envisagé une péréquation à un niveau général pour corriger les écarts par rapport aux quotas. Le principe de base était qu'à la fin de l'année, on examinait les résultats de chaque producteur par rapport à son quota et les écarts étaient corrigés soit lors de l'attribution des quotas pour l'année suivante, soit par le versement d'une compensation.

c) La structure de l'entente européenne

i) Le club des directeurs
(66) L'entente paneuropéenne comportait une structure à deux niveaux sur le modèle danois.
L'organe de surveillance, composé des présidents ou des directeurs généraux des producteurs participant à l'entente, était désigné sous le nom de «club des directeurs».
Les membres du club étaient les suivants:
- ABB,
- Løgstør,
- Starpipe,
- Tarco,
- Henss/Isoplus,
- Pan-Isovit,
- KWH (à partir du 5 mai 1995).
(67) Après avoir arrêté les quotas pour l'ensemble du marché, le club des directeurs (appelé désormais également «groupe des éléphants») s'est ensuite réuni pour fixer les quotas de chaque producteur sur chacun des marchés nationaux, y compris l'Allemagne, le Danemark, l'Autriche, les Pays-Bas, la Finlande, la Suède et l'Italie. C'est à cette époque (novembre-décembre 1994) que Powerpipe avait porté cette affaire à l'attention du comité de direction d'ABB et qu'on lui avait conseillé de s'abstenir de toutes allégations «injustifiées» (annexes 8-16).
Les directeurs ont continué à se rencontrer environ tous les mois en différents endroits, tant dans la Communauté qu'à l'extérieur. KWH a adhéré au club et assisté à ses réunions à partir du 5 mai 1995.
Le club des directeurs a été également l'enceinte où ont été arrêtées les augmentations de l'ensemble des prix.
Des notes détaillées de plusieurs réunions des directeurs, datant de la même époque, ont été trouvées chez Pan-Isovit (annexes 60, 65 et 66).

ii) Groupes de contact
(68) Des groupes «chargés de la commercialisation» ou groupes «de contact», composés de responsables locaux des ventes, ont été institués pour chaque grand marché national et se sont vu confier la tâche de gérer les accords de l'entente sous la responsabilité du club des directeurs. Les groupes de contact nationaux n'arrêtaient pas les quotas: ceux-ci étaient fixés pour chaque pays à un échelon supérieur. Leur rôle consistait à attribuer les projets individuels et à coordonner la procédure de soumissions concertées.
Le principe de la «clientèle existante», qui avait sous-tendu l'entente danoise, s'est à nouveau appliqué. Pour la plupart des projets, le fournisseur traditionnel était désigné comme le «favori» et les autres producteurs devaient soit renoncer à soumissionner, soit faire une offre plus élevée visant à «le protéger», de sorte qu'il soit sûr de se voir attribuer le marché. Dans le cas de projets de grande envergure pour lesquels il pouvait y avoir plusieurs fournisseurs, les producteurs qui fournissaient habituellement le client étaient censés soumissionner et se partager entre eux ce marché.
En cas de nouveaux appels d'offres relatifs à des grands projets dont les pouvoirs adjudicateurs n'étaient clients d'aucun producteur, le marché était attribué à l'un ou l'autre producteur en fonction de la part qui lui restait sur son quota annuel. Tout projet annoncé dépassant un montant spécifié devait être déclaré auprès du «coordinateur» désigné par l'entente pour le marché en question. En Allemagne, ce seuil s'élevait à 50 000 DEM.
Des groupes de contact ont été institués pour (au moins) l'Allemagne, le Danemark, l'Autriche, l'Italie, la Suède, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Finlande, ainsi que pour certains pays tiers (annexe 67). Dans l'ensemble, les membres en étaient les directeurs locaux des ventes mais, à l'occasion, des cadres occupant des fonctions plus élevées dans la hiérarchie en faisaient également partie. Des détails sur le mode de fonctionnement de ces groupes de contact dans chaque État membre sont donnés dans la partie qui suit.

d) Mise en oeuvre sur les marchés nationaux

i) Allemagne
(69) Le groupe de contact pour l'Allemagne, où le marché représentait en 1995, selon les estimations initiales, environ 180 millions d'écus (chiffre par la suite ramené à 160 millions d'écus), se réunissait chaque semaine ou tous les quinze jours. Il a tenu sa première réunion, dans le cadre des nouveaux accords, le 7 octobre 1994, les six principaux producteurs (et Brugg) s'étant réunis à Copenhague, le 18 août, pour décider quelles mesures pourraient être prises pour relever le niveau des prix en Allemagne. Les participants habituels en étaient:
- ABB (Isolrohr),
- Løgstør,
- Tarco,
- Starpipe,
- Henss/Isoplus,
- Pan-Isovit,
- Brugg (à compter du 7 décembre 1994).
(Réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 67; déclaration de Tarco, p. 7; réponse de Brugg à la demande conformément à l'article 11, annexe 2; mémoire complémentaire de Henss, annexe 7.)
Les directeurs des producteurs allemands s'étaient cependant déjà rencontrés pour examiner des projets individuels en Allemagne à partir de mai 1994, probablement même longtemps avant cette date. ABB déclare (réponse complémentaire à la demande au titre de l'article 11, p. 10) que, à la différence des autres groupes de contact, le groupe de contact allemand n'était pas un nouveau groupe créé par le club des directeurs, mais la reconstitution d'un organe qui s'était précédemment «réuni à intervalles réguliers sur une longue période». Dans sa fonction initiale, ce groupe avait été organisé par le même cadre commercial à la retraite engagé pour être le coordinateur de l'entente et avait organisé les réunions régulières des directeurs généraux de 1991 à 1993 (considérants 33, 42 et 45).
(70) Les quotas sur le marché allemand (annexes 62, 68 et 69) étaient initialement les suivants:
>EMPLACEMENT TABLE>
Brugg, qui figurait tout d'abord sous la rubrique «Autres» («Sonstige»), s'est ensuite vu attribuer un quota de 4 % en Allemagne ou de 2 % pour l'ensemble du marché. (Réponse de Løgstør à la demande conformément à l'article 11; déclaration I, p. 74; réponse de Brugg à la demande conformément à l'article 11, p. 6.)
(71) Une fois que le groupe de contact allemand reconstitué est devenu pleinement opérationnel, sa principale fonction a consisté à attribuer les projets individuels, dans le respect du principe de «la clientèle existante» et des quotas annuels, ainsi qu'à coordonner et contrôler la procédure de soumission pour chaque projet, de manière à veiller au respect de l'accord. Tous les projets excédant 50 000 DEM devaient faire l'objet de la procédure d'attribution et de soumission concertée.
Le nouveau «coordinateur» pour le marché allemand était le directeur général d'ABB Isolrohr GmbH (le dirigeant danois à la retraite qui avait précédemment rempli cette fonction avait, à cette époque, cessé de jouer un rôle actif dans l'entente). Les différents fournisseurs étaient initialement tenus de lui indiquer chaque mois, en détail, leur chiffre d'affaires, la valeur des commandes fournies et les offres présentées pour des projets individuels, y compris ceux pour lesquels la procédure de soumission n'était pas encore close. Les entreprises étaient également tenues de signaler, lors des réunions du groupe de contact, tous les projets dont elles avaient connaissance. Ces informations étaient introduites dans une base de données, sur un ordinateur portable, et ABB Isolrohr présentait à chaque réunion une liste actualisée des projets. À partir de janvier 1995, des réunions ont eu lieu pratiquement chaque semaine. Les participants devaient informer tous les mercredis ABB Isolrohr des projets pour lesquels ils avaient soumissionné et le prix qu'ils avaient offert pour chacun d'eux. Cette liste informatisée tenue par ABB indiquait le prix des projets, le «favori» (en d'autres termes, le fournisseur désigné par l'entente) et l'entreprise à laquelle le marché était effectivement attribué.
(72) Ce dispositif complexe permettait au groupe de contact allemand de contrôler chaque année quelque 1 400-1 500 projets dépassant le seuil de 50 000 DEM. Des exemplaires de ces listes de projets ont été obtenus au cours des vérifications effectuées au titre de l'article 14, paragraphe 3, tant auprès de Henss, à Berlin, que de Tarco, et d'autres exemplaires ont été fournis à la Commission par ce dernier (annexes 68, 71, 72 et 73).
D'autres listes (intitulées «Favorit + Angebotsumme» et «Auftrag + Angebotssumme»), utilisées à des fins de contrôle, étaient tenues à la fois pour le marché allemand dans son ensemble et pour chacun des Länder (annexes 74, 75 et 76).
Des tableaux et des listes similaires concernant l'attribution de projets en Allemagne ont été fournis à la Commission par Henss le 10 octobre 1996 (annexes 77, 78 et 79).
(73) Comme base de calcul de leurs prix, les membres du groupe de contact allemand utilisaient un barème européen, l'«Europa-Preis Liste» (appelée également «EU List» ou «Euro Price List» qui devait servir de barème commun pour toutes les fournitures. Les producteurs déclarent que, malgré cette appellation, il devait servir uniquement pour le marché allemand.
Ce barème était, dans ses grandes lignes, celui qui avait été désigné sous le nom «barème du 9 mai» dans l'invitation à la réunion de Copenhague (annexe 56), et qui avait été vraisemblablement complété et actualisé. D'après la plupart des déclarations, il avait été établi par ABB et Henss. Dans sa version initiale, il indiquait des prix supérieurs d'environ 30 % à ceux alors en vigueur, l'idée étant qu'il devait donner un prix indicatif ou une référence en tenant compte de la réduction progressive des rabais.
De nombreuses références à cette liste figuraient dans les documents trouvés chez plusieurs entreprises au cours des vérifications, mais ce n'est qu'en avril 1996 qu'un exemplaire a été obtenu auprès de Tarco (annexes 80 et 81).
Si, dans les réponses qu'ils ont données au début de 1996 aux demandes formulées au titre de l'article 11 du règlement n° 17, ABB, Tarco, Starpipe et Brugg ont tous décrit, relativement dans le détail, comment ce barème était utilisé, les sociétés Henss/Isoplus ont commencé par nier en avoir jamais eu connaissance, pas plus du reste que du groupe de contact allemand (réponse de Henss à la demande au titre de l'article 11, p. 14 et 15). Isoplus a finalement admis l'existence du barème européen dans sa déclaration du 10 octobre 1996 (p. 26) et en a même fourni une copie.
(74) Peu après que le groupe de contact allemand eut commencé ses réunions, il a été convenu (le 4 novembre 1994) que les commandes reçues avant le 15 octobre pourraient se faire aux prix indiqués dans le barème européen -30 %, après le 15 octobre aux prix du barème -15 %, aucun rabais ne devant être accordé après le 1er janvier 1995 (réponse d'ABB à la demande au titre de l'article 11, p. 67-68; annexe 82, document trouvé chez Pan-Isovit). Brugg, qui déclare qu'on lui a donné le barème européen lorsqu'elle a commencé à assister aux réunions du groupe de contact, à la fin de 1994, se souvient que les producteurs, qui ne se voyaient pas attribuer de contrat donné, pouvaient proposer les prix du barème -5 %, tandis que le «favori» pouvait descendre aux prix du barème -10 %. Lors de la réunion du 10 janvier 1995, il a été décidé, selon ABB, que lorsque le prix des commandes était inférieur à celui du barème, il serait aligné sur ce dernier (voir également les commentaires de Starpipe au sujet de cette réunion, annexe 70).
Il continuait cependant à y avoir des plaintes portant sur l'indiscipline de certaines entreprises et des cas de prix trop bas et, le 20 mars 1995 les directeurs ont décidé qu'à partir du lendemain 10 heures, le barème européen devrait s'appliquer sans exception sur le marché allemand (réponse de Starpipe à la demande au titre de l'article 11, sous J, K, L; annexes 83 et 84).
(75) Au cours des rencontres régulières du groupe de contact, chaque projet était étudié et la progression de la procédure de soumission, ainsi que les offres de chaque producteur, étaient examinées de près afin de veiller au respect du barème.
Des notes manuscrites touchant à ce mécanisme de contrôle ont été découvertes chez Henss, à Rosenheim. Pour chacun des projets en discussion, le «prix de barème» (vraisemblablement diminué de la remise appropriée) était comparé aux offres que les différents producteurs avaient déclarées conformément à la procédure de déclaration décrite au considérant 71. De toute évidence, les producteurs étaient tenus de se justifier si l'on soupçonnait qu'ils n'avaient pas respecté l'accord (annexe 85).
De très nombreux documents révèlent que, lorsqu'en violation des règles de l'entente, un rival faisait une offre inférieure à celle du «favori», des pressions s'exerçaient sur lui pour qu'il la retire. Henss, en particulier, cherchait avec insistance à faire respecter ces accords. C'est ainsi que pour deux projets (Stassfurt, Zeitz) Starpipe a dû promettre à Henss par écrit qu'elle ne soumettrait pas d'offre inférieure à un prix donné (annexes 86 et 87); dans le cas d'Erfurt-Tiergarten, Løgstør a été contrainte (à la demande de Henss) de retirer son offre en fournissant une excuse (annexes 92 et 93); dans le cas d'un projet pour lequel Tarco avait, de l'avis de Henss, proposé des prix inférieurs à ceux du barème européen et s'était vu ainsi promettre un projet (Straubing) que Henss réclamait, le directeur général de Henss Rosenheim «a réagi en perdant tout contrôle et m'a demandé de retirer notre offre» (annexes 88 et 89). Dans d'autres cas, Tarco s'est effectivement retirée de certains projets à la suite de pressions de Henss (première réponse de Tarco à la demande au titre de l'article 11, p. 4; annexe 91). Tarco était l'un des principaux contrevenants et reconnaît avoir fait des déclarations inexactes quant à ses offres. Toutefois, selon elle, Henss a toujours réussi à découvrir quels étaient ses véritables prix et commandes et l'a, a plusieurs reprises - par téléphone et lors de réunions du club des directeurs - accusée de tricher.
Henss et ABB conservaient des listes spéciales où étaient répertoriés les projets pour lesquels Tarco était accusée d'avoir triché (annexe 90).
(76) Les réunions du groupe de contact pour l'Allemagne, ainsi que d'autres réunions de l'entente, se sont poursuivies longtemps après les vérifications de la Commission, fin juin 1995.
À la suite de ces vérifications, il avait été jugé prudent de tenir ces réunions à l'extérieur de l'Union européenne; elles ont donc été organisées à Zurich. (D'après Løgstør, c'est essentiellement ABB qui a insisté pour qu'elles continuent d'avoir lieu.)
Les réunions de Zurich se sont poursuivies avec les mêmes participants que précédemment jusqu'au 25 mars 1996, autrement dit quelques jours après que les entreprises eurent reçu les demandes de renseignements adressées par la Commission en application de l'article 11.
Løgstør (réponse à la communication des griefs, p. 51) déclare qu'en janvier, ABB avait proposé de créer un secrétariat permanent à Zurich pour l'entente allemande, et qu'en mai/juin 1996 encore, les bureaux allemands d'ABB continuaient à contacter la filiale locale de Løgstør.

ii) Danemark
(77) Le nouveau groupe de contact danois a été institué en octobre 1994. Il se réunissait environ une fois par mois, en général dans des hôtels au Jutland.
Les membres du groupe étaient: ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe, Isoplus, Pan-Isovit et KWH. (Voir déclaration de Tarco, p. 7; réponse d'ABB à la demande conformément à l'article 11, p. 66; réponse complémentaire d'ABB au titre de l'article 11, p. 7.)
Tarco déclare que, lors de la création du groupe de contact, les quatre producteurs danois se sont tout d'abord réunis à huis clos; par la suite, soit ils ont été rejoints par KWH, Isoplus et Pan-Isovit, soit ils ont délégué l'un d'entre eux pour rencontrer les trois producteurs non danois. Ultérieurement, cependant, toutes les entreprises ont participé, sur un pièd d'égalité, aux réunions du groupe de contact danois. Pan-Isovit fait valoir (dans sa réponse à la demande conformément à l'article 11, p. 63) que le marché danois était dominé par les quatre producteurs locaux et que les trois autres assistaient rarement aux réunions: ils rencontraient simplement le nouveau coordinateur (de Løgstør) qui les informait des projets qui leur avaient été attribués. (Cette déclaration semble confirmée par la réponse complémentaire d'ABB au titre de l'article 11.) Il semble effectivement qu'en août 1994 les quatre producteurs danois s'étaient rencontrés et avaient convenu que Pan-Isovit devait se retirer du marché danois (annexe 98). Étant donné qu'au Danemark 75 % des ventes s'effectuent directement aux clients existants, l'accord de partage du marché s'est appliqué dans ce pays principalement sur la base du respect des relations existantes avec la clientèle.
(78) Ces accords de fidélité fonctionnaient bien et, selon ABB (réponse à la demande conformément à l'article 11, p. 66), ils étaient respectés dans 70-80 % des cas. Aussi, au Danemark, le nombre de cas où il a fallu attribuer un nouveau marché à l'un des producteurs est-il resté limité. Si un concurrent proposait un prix moins élevé que le fournisseur traditionnel et lui «ravissait» le marché, le favori lésé se voyait en général attribuer, en compensation, un autre projet.
Un système de déclaration semblable à celui qui était utilisé (à bien plus grande échelle) en Allemagne semble avoir eu cours (annexes 99 et 100).
L'entente a initialement évalué le marché total pour 1995 à quelque 640 millions de DKK (presque 90 millions d'écus), chiffre ramené par la suite à 610 millions de DKK (soit 83 millions d'écus).
La dernière réunion plénière du groupe de contact danois s'est tenue le 11 mars 1996, mais deux brèves rencontres ont eu lieu le 18 avril 1996 entre des cadres d'ABB et de Løgstør: chacun accuse l'autre d'être à l'origine de ces réunions, dans le but de chercher un moyen de poursuivre la coopération d'une autre façon (réponse complémentaire d'ABB à la demande au titre de l'article 11, p. 9; réponse de Løgstør à la communication des griefs, p. 52). À cette date, les participants avaient reçu les demandes d'information au titre de l'article 11 et les conseillers juridiques d'ABB avaient effectivement écrit à deux reprises à la Commission en l'informant que leur client était disposé à collaborer aux enquêtes.

iii) Pays-Bas
(79) Au départ, il était prévu que le groupe de contact néerlandais se réunisse deux fois par an seulement (réponse d'ABB à la demande au titre de l'article 11, p. 70). La première réunion s'est tenue le 14 mars 1995 à Amsterdam. Selon d'autres producteurs, ABB a pris l'initiative de la création du groupe et a décidé de présider la réunion (réponse de Starpipe à la demande au titre de l'article 11, sous H; réponse de Pan-Isovit à la demande au titre de l'article 11, p. 59). ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe et Pan-Isovit, ainsi que des représentants locaux, ont assisté à cette réunion. (Sur la liste des participants d'ABB figure également un représentant d'Isoplus; cette société s'était retirée du marché italien en échange d'une augmentation de son quota aux Pays-Bas.)
Au cours de ses vérifications, la Commission a obtenu une note concernant la réunion du 14 mars 1995 rédigée à la même époque par Starpipe (annexe 101), accompagnée d'un tableau exposant les contrats et les projets pour 1995 (annexe 102) et la façon dont ils devaient être attribués; elle a obtenu de Pan-Isovit un tableau pratiquement identique (annexe 103).
(80) Le marché total (d'un montant d'environ 22,50 millions d'écus) devait être réparti selon les quotas suivants (annexes 102 et 103; voir également annexe 62):
>EMPLACEMENT TABLE>
Il s'agissait là des premiers quotas attribués par le club des directeurs. Les parts de marché effectives prévues pour 1995 étaient quelque peu différentes: ABB devait avoir 50 % du marché escompté et Løgstør 28 %, les trois plus petits producteurs se situant quant à eux en dessous de leur quota. Selon Starpipe, la liste des projets a été établie à partir de chiffres fournis par les participants, qui indiquaient leur budget pour l'année (réponse de Starpipe à la demande au titre de l'article 11, sous H). Si (comme on s'y attendait) on constatait à la fin de l'année un écart par rapport au quota, cet écart devait être redressé, mais les modalités exactes de cette péréquation n'étaient pas précisées.
(81) La part de marché probable de Pan-Isovit n'étant que de 2,5 %, il a été décidé, lors de la première réunion, qu'elle se retirerait du marché néerlandais et qu'elle céderait sa part à Isoplus contre une augmentation équivalente de la part qui lui était attribuée en Italie (et en Autriche): voir réponse de Pan-Isovit à la demande au titre de l'article 11, p. 58-60; annexes 64 et 103. Cela tendrait à expliquer pourquoi Pan-Isovit n'a assisté qu'à une réunion avant d'être remplacée par Isoplus. Les participants réguliers aux réunions ultérieures ont été ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe et Isoplus.
Après la première réunion, il a été convenu que Løgstør remplacerait ABB comme coordinateur du groupe.
Bien qu'ABB ait déclaré que le groupe de contact néerlandais ne devait se réunir que deux fois par an, ce groupe a tenu au moins six autres réunions en 1995 (voir réponse complémentaire d'ABB, p. 13-17) et une réunion prévue le 13 mai 1996 n'a été annulée qu'en raison des demandes adressées par la Commission au titre de l'article 11.

iv) Autriche
(82) De nombreuses informations montrent que les dispositions prises en vue du partage du marché en Autriche ont été antérieures à la constitution du groupe de contact et à l'adhésion de l'Autriche à l'Union européenne. Les accords d'entente locaux conclus pour ce marché préalablement à l'adhésion de l'Autriche ne relèvent toutefois pas du champ d'application de la présente procédure.
Après la création de l'entente européenne fin 1994, le groupe de contact pour l'Autriche s'est réuni toutes les trois ou quatre semaines. Les participants ont organisé les réunions à tour de rôle. La première réunion entre les directeurs des ventes autrichiens et des hauts dirigeants d'ABB et de Henss/Isoplus a eu lieu en décembre 1994 (réponse complémentaire d'ABB, p. 24). Selon Pan-Isovit (dans sa réponse à la demande au titre de l'article 11, p. 62), elle a été organisée par le producteur local Ke-Kelit, apparemment à la demande d'ABB (Ke-Kelit est un fournisseur autrichien indépendant de chauffage urbain qui recourt aux services de sous-traitance de Løgstør pour ses conduites précalorifugées).
(83) Les quotas proposés initialement pour l'Autriche par le club des directeurs et communiqués par ABB à Ke-Kelit (annexes 106 et 107) étaient les suivants:
>EMPLACEMENT TABLE>
(Voir également annexe 64, trouvée chez Pan-Isovit, et annexe 62, fournie par Tarco.)
Les ventes de Ke-Kelit en Autriche ont été affectées à Løgstør dans le cadre de son quota total pour l'Europe.
Le marché total en Autriche a été évalué par l'entente à environ 18 millions d'écus pour 1995.
(84) Le groupe autrichien s'est réuni régulièrement, afin de mettre en oeuvre la répartition convenue des parts de marché, de discuter des prix et des parts de marché et, si nécessaire, de procéder à des ajustements pour les projets individuels, dans le but de maintenir les parts de marché conformes aux quotas (annexes 108 et 109).
Selon Pan-Isovit (dans sa réponse à la demande au titre de l'article 11, p. 62), les participants à ces réunions étaient ABB, Ke-Kelit, Isoplus, Pan-Isovit et Tarco (Starpipe était représentée par son agent, Gruner & Krobath).
Toujours selon Pan-Isovit, le groupe de contact a continué à se réunir pendant toute l'année 1995 et deux réunions se sont même tenues au début de 1996. La dernière réunion a eu lieu en avril 1996. (Tarco prétend s'être retirée du marché autrichien en 1995.)

v) Italie
(85) Le groupe de contact pour l'Italie se composait à l'origine d'ABB, de Socoløgstør (une entreprise commune de Løgstør) (9), ainsi que de Tarco et de Pan-Isovit, auxquelles s'est bientôt jointe Sigma. Il s'est réuni pour la première fois à Milan, le 21 mars 1995. Une note rédigée quelques jours plus tard par le directeur général de Pan-Isovit au sujet du marché italien (annexe 111) révèle que plusieurs grands projets avaient déjà été attribués à Løgstør et à Pan-Isovit (voir également la réponse de Pan-Isovit à la demande au titre de l'article 11, p. 26-28).
Sigma n'avait pas assisté à la première réunion, mais elle est venu à la suivante, le 12 avril 1995 (annexe 187).
Un compte rendu de la réunion du 12 mai 1995, à laquelle avaient assisté uniquement des représentants locaux, transmis par le directeur local des ventes au directeur général de Tarco (annexe 112), révèle qu'un mécanisme de compensation avait déjà été décidé pour renforcer le système de quotas: si une société dépassait le quota qui lui avait été imparti, elle devait verser une compensation aux autres participants. À la fin de l'année, il était prévu qu'un auditeur externe soit engagé pour contrôler le respect des quotas fixés. Sigma, producteur local italien, devait avoir une part de marché de 10 % pour les nouveaux projets.
(86) Une note de Pan-Isovit (annexe 64) indiquait les quotas initiaux attribués à chaque producteur en Italie:
>EMPLACEMENT TABLE>
Dans le cadre de l'arrangement global, Isoplus devait se retirer du marché italien et céder sa part à Pan-Isovit (voir également la réponse de cette dernière à la demande au titre de l'article 11, p. 30-32). Il semblerait que Starpipe ait également accepté de se retirer du marché à un stade précoce, étant donné que (comme Isoplus), elle n'a pas assisté aux réunions du groupe de contact.
Une liste ultérieure des quotas obtenue par la Commission (annexe 188) montre qu'à la suite du retrait de Starpipe, il a été procédé à certains ajustements mineurs.
Le marché italien du chauffage urbain a été initialement évalué par l'entente à 25 millions d'écus environ pour 1995.
Les projets individuels étaient attribués aux participants sur la base de leurs quotas et l'évolution de la situation était contrôlée lors de réunions périodiques. Il semble que ces réunions aient été le théâtre de conflits fréquents et que c'était un lieu où s'échangeaient arguments et contre-arguments.
Le groupe de contact italien s'est réuni à sept reprises en 1995 et a tenu quatre réunions après les vérifications de la Commission effectuées en juin de la même année. La dernière réunion aurait eu lieu le 9 juin 1996 à Zurich. (Réponse complémentaire d'ABB, p. 17.)

vi) Suède
(87) Pour la Suède, les membres habituels du groupe de contact étaient ABB et Løgstør. Ces deux producteurs détenaient à eux deux 85 % du marché (d'une valeur d'environ 35 millions d'écus). Tarco et KWH participaient à ces réunions de manière plus occasionnelle; quant à Starpipe, il se peut qu'elle ait assisté à une réunion. Le groupe s'est réuni à sept ou huit reprises pour débattre du principe de la «clientèle existante». (Réponse d'ABB à la demande au titre de l'article 11, p. 69: réponse complémentaire, p. 21-23.) Cinq de ces réunions ont eu lieu après la date où ont été effectuées les vérifications de la Commission entre juin et décembre 1995.

vii) Finlande
(88) Plusieurs réunions nationales consacrées au marché en Finlande (d'une valeur d'environ 15 millions d'écus) ont été organisées, pendant la période de référence, entre ABB, Løgstør et KWH. Tarco et Starpipe ne sont pas fournisseurs sur ce marché. Ces réunions portaient notamment sur le volume probable du marché, les prix et les projets individuels (réponse complémentaire d'ABB, p. 26 et 27).

viii) Royaume-Uni
(89) Un groupe de contact, organisé et dirigé par ABB, a été institué au Royaume-Uni. Les membres en étaient ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe et Pan-Isovit (réponse de Pan-Isovit à la demande au titre de l'article 11, p. 62). Pan-Isovit déclare qu'il s'est réuni à quatre reprises, mais ABB admet n'avoir organisé qu'une seule réunion. Le marché du Royaume-Uni a une valeur annuelle d'environ 4 millions d'écus.

e) Actions concertées visant à éliminer Powerpipe

i) Plan stratégique d'ABB
(90) À compter de 1992 au moins, l'élimination de Powerpipe en tant que concurrent a constitué un élément essentiel de la stratégie à long terme d'ABB pour contrôler le marché.
Powerpipe a déclaré dans sa plainte (p. 10) qu'à cette époque les autres producteurs, qui vendaient en Suède, maintenaient les prix des conduites de chauffage urbain à un niveau artificiellement bas afin de lui porter préjudice. Ces allégations sont confirmées par le compte rendu de la réunion du groupe de direction suédois d'ABB du 10 février 1992:
«Tout le monde est d'avis qu'il faut s'attaquer à Powerpipe (au lieu de déclencher en septembre une offensive contre Løgstør, qui a les reins solides). Les tentatives d'ABB, d'Ecopipe et de Løgstør pour évincer Powerpipe par leur politique de prix devraient être soutenues par le conseil d'administration. Si Powerpipe devait être acculé à la faillite, ABB deviendrait alors seul producteur sur ce marché; nous pourrions en tirer un argument de vente solide et nous attaquer à Løgstør dans un deuxième temps.»
Le plan stratégique d'ABB de juin 1992, qui porte sur la période 1992-1996 (annexe 116), est également très ciblé:
«Powerpipe (Suède) se livre à un dumping très important des prix en Suède et maintenant également en Finlande et dans les "nouveaux Bundesländer". ABB et Løgstør vont essayer de l'évincer du marché.»
(91) En juillet 1992, lorsque Powerpipe est entrée, pour la première fois, sur le marché allemand, ses propriétaires ont été conviés par ABB à une réunion à Billund, à laquelle ont également participé Løgstør et le coordinateur de l'entente danoise.
Il ressort du compte rendu de cette réunion, établi par Powerpipe (annexe 119), que les deux principaux producteurs lui ont proposé de limiter ses activités à la Suède et de rester, en particulier, en dehors du marché allemand, en échange de quoi les prix de Suède seraient relevés à un niveau acceptable et un certain quota lui serait garanti.
Lorsque Powerpipe a rejeté cette offre, Løgstør a proposé, selon Powerpipe, d'acheter les parts de Birka dans la société. (Løgstør ne nie pas, pour l'essentiel, cette version des faits, bien que, selon elle, ABB ait porté, en grande partie, la responsabilité de cette initiative.)
Cette offre d'achat de Powerpipe par Løgstør a été suivie de plusieurs autres.
De fait, en diverses occasions, ABB, Løgstør, Pan-Isovit, Tarco et Isoplus ont tous essayé, soit isolément, soit par le jeu de diverses alliances, de racheter Powerpipe, mais les négociations n'ont jamais abouti.
De nombreux passages des documents stratégiques d'ABB pour la période couverte par la présente décision font référence à des plans visant à acculer Powerpipe à la faillite.

ii) Recrutement de salariés-clés de Powerpipe
(92) En 1993, ABB a cherché systématiquement à débaucher à son profit des salariés-clés de Powerpipe, dont le directeur général de l'époque, en leur offrant des salaires et des conditions apparemment exceptionnels dans ce secteur. Selon Powerpipe, cette technique visait essentiellement à lui mettre des bâtons dans les roues a) en obtenant des informations internes sur sa fabrication, ses stratégies et ses marchés et b) en affectant ses relations avec ses clients tant qu'elle n'avait pas trouvé de remplaçants.
ABB et Løgstør avaient déjà convenu, au cours de leur rencontre du 13 novembre 1992, d'engager le directeur général de Powerpipe et de se partager le coût de son embauche en tant que «consultant» attaché au bureau de lobbying d'ABB à Bruxelles (ABB avait pensé au départ le nommer vice-président d'ABB Motors en Espagne: annexe 27). Cet arrangement, de toute évidence, visait directement Powerpipe:
«Nous avons convenu de lancer une offensive commune contre Powerpipe en Suède, en engageant [X]» (10) (annexe 48).
ABB reconnaît (dans sa réponse à la demande au titre de l'article 11, p. 26) qu'au cours de leur réunion de novembre 1992, Løgstør et elle-même avaient suspendu leur projet d'acquisition en commun de Powerpipe alors que celle-ci était encore en activité. L'embauche de son directeur général leur apparaissait comme une «mesure intermédiaire» propre à accélérer la défaillance, d'après eux inévitable, de Powerpipe. Sa clientèle pourrait alors être répartie entre eux deux dans le respect des parts arrêtées pour le marché suédois.
(93) Pour ABB, l'embauche du directeur général de Powerpipe s'inscrivait dans le cadre du règlement global pour l'Europe qu'il envisageait au milieu de 1993:
«La situation au [Danemark, en Allemagne et en Pologne] sera probablement réglée par une réduction de 1,5 % de la part de marché d'ABB au Danemark et par l'acceptation d'une augmentation sur le long terme de la part de marché de Løgstør en Pologne, ainsi que par le fait que nous avons embauché [X].»
Løgstør devait payer 40 % et ABB 60 % du coût de son embauche (annexe 120).
Il a quitté Powerpipe à la fin de 1993 pour entrer chez ABB. Par la suite, son rôle a consisté, au moins en partie, à renseigner ABB sur les activités de Powerpipe.
Løgstør cherche à minimiser le rôle qu'il a joué dans cette affaire mais reconnaît que le recrutement «en commun» de ce salarié-clé de Powerpipe était une «décision peu judicieuse»:
«[X] ne nous a pas été d'une grande utilité . . . Nous n'ignorions pas que la nomination de [X] pouvait être considérée comme une manoeuvre visant à nuire à Powerpipe» (réponse à la demande au titre de l'article 11, déclaration I, p. 76).
Le plan visant à nuire à Powerpipe par le recrutement de son directeur général était connu et approuvé par la direction d'ABB et approuvé au plus haut niveau.
ABB a embauché dans l'année deux autres salariés importants de Powerpipe à des conditions qui, selon Powerpipe, étaient nettement plus attrayantes que celles existant normalement dans ce secteur. Encore au début de 1995, le projet de nuire à Powerpipe, entre autres en embauchant ses salariés-clés, continuait d'être examiné. On peut lire dans des notes de réunions trouvées chez Pan-Isovit les commentaires suivants: «Powerpipe - riposte envisagée: embauche du vendeur D!» (annexe 122).

iii) Avertissements à Powerpipe pour l'écarter du marché allemand
(94) Powerpipe a poursuivi ses efforts pour se positionner comme concurrent valable à l'entrée sur le marché allemand en installant, en avril 1994, une filiale de ventes allemande. En octobre 1994, Powerpipe Fernwärmetechnik GmbH a, pour la première fois, soumissionné pour un marché important (Neubrandenburg).
La procédure de soumission pour ce marché a coïncidé avec la première réunion du groupe de contact allemand organisée le 7 octobre dans le cadre des nouveaux arrangements. Powerpipe a décrit dans une note du 13 décembre 1994 (annexe 124) la suite des évènements. La valeur totale du marché de Neubrandenburg (qui devait être exécuté en quatre phases: BA 6 Los 1-Los 4) aurait été évaluée par l'entente aux alentours de 980 000 DEM.
(95) Lorsque l'on a appris que Powerpipe soumissionnait pour ce marché, Henss a téléphoné à la filiale allemande de Powerpipe, le 10 octobre, pour lui demander de présenter une offre d'un niveau tel qu'il puisse permettre à Isoplus de se voir attribuer le marché. C'est le 11 octobre qu'Isoplus a présenté son offre, soit le lendemain (annexe 125).
Selon Powerpipe, toute une série de menaces ont été proférées à son encontre et plusieurs offres lui ont été faites pour essayer de la «persuader» de renoncer à ce marché. Lorsqu'elle a maintenu son offre (qui était nettement inférieure au prix fixé par l'entente), l'affaire a été portée «en haut lieu», des cadres dirigeants de Henss et de Løgstør (entre autres) téléphonant à plusieurs reprises tant au directeur général de Powerpipe qu'au propriétaire de l'époque. Powerpipe a pris note de ces conversations (annexes 126-133).
Ces notes révèlent que Powerpipe s'est vu proposer de choisir entre renoncer au marché de Neubrandenburg au profit d'Isoplus, auquel l'entente avait attribué ce marché (Isoplus assurant, en échange, l'admission de Powerpipe au sein de l'entente), ou s'exposer à une guerre des prix avec les autres producteurs. Lorsque Powerpipe a refusé de se plier à l'ultimatum la sommant de renoncer au projet de Neubrandenburg au plus tard le 25 octobre à 16 heures, elle s'est vu taxée de mauvaise foi et une réunion de crise prévue entre ABB, Løgstør, Henss et elle-même a été annulée.
Powerpipe, qui avait informé un dirigeant d'entreprise de Neubrandenburg des activités de l'entente, s'est également vu prié de le recontacter pour lui présenter ses excuses ainsi qu'une nouvelle version des faits destinée à disculper les autres producteurs.
(96) Lors des divers appels téléphoniques adressés à Powerpipe et à son propriétaire du moment, les autres producteurs ont confirmé qu'une entente avait été organisée, pour contrôler le marché, non seulement en Allemagne, mais également en Europe. Dans ces conversations, ABB a été décrite comme le leader de l'entente et des dirigeants de haut niveau de cette société ont été désignés comme les instigateurs de cette entente. Le conseiller juridique de Powerpipe a été témoin de l'un de ces appels.
Bien que l'on n'ait trouvé dans les entreprises aucune preuve directe corroborant les déclarations de Powerpipe sur les menaces reçues, il n'y a aucune raison de douter de l'exactitude du compte rendu détaillé qu'elle a donné de ces conversations.
En premier lieu, sa description des principales caractéristiques de l'entente qu'auraient constituée ses rivaux correspond presque en tous points aux éléments de preuve mis au jour ultérieurement par la Commission au cours de ses vérifications au titre de l'article 14, paragraphe 3.
En second lieu, l'insistance avec laquelle les représentants de Henss/Isoplus ont, selon Powerpipe, essayé de l'amener à renoncer au projet de Neubrandenburg, se reflète dans le comportement (dûment attesté) de Henss/Isoplus, qui a ainsi prié instamment à plusieurs reprises des membres de l'entente ayant obtenu un marché pour lequel elle avait été désignée comme «favori», de retirer leur offre (annexes 88 et 91; voir également la première réponse de Tarco à la demande en vertu de l'article 11, p. 4 et 5).
Løgstør, tout en affirmant n'avoir pas elle-même menacé Powerpipe, reconnaît que son directeur des ventes a téléphoné au plaignant à la suite de fortes pressions exercées par Henss qui voulait que Powerpipe renonce à ce marché (réponse à la communication des griefs, p. 58).
(97) Peu après les événements de Neubrandenburg, le propriétaire de Powerpipe de l'époque a porté cette affaire à l'attention personnelle d'un membre du conseil d'administration d'ABB - qui n'avait pas de liens avec l'entente et n'avait probablement pas connaissance de son existence - et lui a demandé d'intervenir pour mettre fin à la campagne contre Powerpipe (annexe 8). Une enquête interne a de ce fait été menée par le conseiller juridique d'ABB et une rencontre organisée entre elle-même et les avocats de Powerpipe. Par la suite, à l'instigation de hauts dirigeants d'ABB qui avaient en fait personnellement mis sur pied l'entente, ABB a écrit le 16 décembre 1994 à Powerpipe en niant catégoriquement tout agissement ou pratique illicite et en menaçant Powerpipe de poursuites si elle continuait à proférer des accusations contre elle (annexes 9-16).
C'est alors que Powerpipe a saisi la Commission d'une plainte.

iv) Le marché Leipzig-Lippendorf: boycott de Powerpipe
(98) Après l'introduction de la plainte de Powerpipe, mais avant que la Commission n'ait effectué ses vérifications, le 29 juin 1995, les tentatives de l'entente pour éliminer Powerpipe se sont intensifiées: l'événement qui a déclenché la réaction des autres producteurs a été l'attribution à Powerpipe du marché de chauffage urbain le plus important en Allemagne depuis dix ans: le contrat Leipzig-Lippendorf, d'un montant d'environ 30 millions de DEM.
Le client était VEAG (Vereinigte Energie Aktien Gesellschaft), une société qui construisait une centrale électrique à Lippendorf et était également responsable du réseau connexe de chauffage urbain qui reliait la centrale électrique à la ville de Leipzig.
L'appel d'offres a été publié par VEAG au Journal officiel des Communautés européennes en l'été 1994. Un consortium composé de la société IKR (Industrie und Kraftwerksrohrleitungsbau Bitterfeld GmbH), filiale de Deutsche Babcock et de Mannesmann-Seiffert, a été chargé de la mise en place du système de chauffage urbain et la fourniture des conduites a été mise en adjudication à la fin de 1994. Au stade de la présélection, six fournisseurs potentiels (qui étaient tous membres du groupe de contact allemand) ont été admis à soumissionner: ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe, Isoplus et Pan-Isovit.
(99) Løgstør a admis (déclaration I, p. 77) qu'au moment de l'appel d'offres «il avait été convenu, afin de créer une situation saine et de rétablir la confiance entre les fournisseurs, que les trois producteurs allemands enlèveraient le marché et que nous autres respecterions leurs prix». Une note relative à une réunion du groupe de contact allemand du 10 janvier 1995, trouvée chez Starpipe (annexe 70), en donne confirmation:
«Le projet doit être attribué aux trois entreprises allemandes ABB Isolrohr, Pan-Isovit et Henz [sic]. Montant d'environ 120 000 000 DKR.»
ABB Isolrohr, Pan-Isovit et Henss Berlin ont présenté leur offre de 32 millions de DEM en tant que consortium coordonné par le directeur général d'ABB Isolrohr. (Sur la liste de contrôle des projets tenue par ABB et actualisée au 22 mars 1995, les trois producteurs allemands étaient toujours désignés comme les «favoris» pour le projet Leipzig-Lippendorf.)
Starpipe et Tarco n'ont pas présenté d'offres dans les délais voulus mais, à la demande pressante de VEAG, ils ont présenté ce que l'on peut manifestement qualifier d'offres de «protection» qui s'élevaient respectivement à 33 et 34 millions de DEM. Toutefois, Løgstør a présenté une offre non seulement pour la fourniture de conduites de fabrication traditionnelle, mais également pour des tubes en continu, qui était pratiquement la même que celle du consortium. Il a ultérieurement retiré cette offre au motif qu'il ne pouvait pas fabriquer les conduites de 20 mètres que le projet prévoyait. Une nouvelle offre pour des tubes en continu de 18 mètres, qui avait été envisagée, n'a jamais été soumise. On peut penser que le retrait par Løgstør de cette offre s'expliquait, au moins en partie, par les pressions exercées par les autres producteurs.
Lors de la phase finale de la procédure, VEAG, qui était manifestement contrariée par la réticence des six producteurs à entrer en concurrence les uns avec les autres, a invité Powerpipe à présenter une offre. Après avoir reçu de Powerpipe une offre d'environ 26 millions de DEM, VEAG a décidé, le 21 mars, de lui attribuer le marché.
(100) La réaction des autres producteurs ne s'est pas fait attendre. Trois jours plus tard, le 24 mars, le groupe de contact allemand s'est réuni à Düsseldorf. Les participants à cette réunion étaient: ABB, Brugg, Henss/Isoplus, Løgstør, Pan-Isovit, Starpipe et Tarco (réponse de Brugg à la demande en vertu de l'article 11, annexe 2). Un boycott collectif des clients et des fournisseurs de Powerpipe a été envisagé. Les notes rédigées par Tarco sur cette réunion ne sauraient être plus claires:
«Powerpipe a décroché le contrat Leipzig-Lippendorf.
- Aucun producteur ne devra fournir le moindre produit à L-L, IKR, Mannesmann-Seiffert VEAG;
- . . .
- aucun de nos sous-traitants ne devra travailler pour Powerpipe; dans le cas contraire, il sera mis fin à toute collaboration;
- nous essaierons d'empêcher Powerpipe de se fournir (par exemple) en plastiques;
- l'EuHP cherchera à déterminer si nous pouvons nous plaindre de l'attribution du contrat à une entreprise non qualifiée» (annexe 143).
Løgstør (qui cherche à nouveau à minimiser son propre rôle) déclare que, lors de la réunion du groupe de contact, Henss/Isoplus «a insisté sur des mesures communes» (réponse à la communication des griefs, p. 60). Il prétend que, le 5 mai 1995, lors d'une réunion ultérieure, ABB et Isoplus ont préconisé l'adoption de mesures concertées contre Powerpipe et ABB a décidé d'aller trouver les fournisseurs de conduites en plastique et en plastique expansé pour faire pression sur eux afin qu'ils cessent toute livraison à Powerpipe.

v) Mise en oeuvre du boycott
(101) Peu après la réunion, la principale société allemande d'ABB, Asea Brown Boveri AG, a écrit à la direction générale de VEAG pour protester contre l'attribution du contrat à Powerpipe (Løgstør reconnaît que cette démarche a été effectuée à son initiative). Des documents trouvés chez Henss/Isoplus révèlent également des tentatives résolues pour persuader VEAG de lâcher Powerpipe (annexes 147-150).
KWH fournit une nouvelle confirmation du fait qu'à la suite de l'attribution à Powerpipe du projet de Leipzig-Lippendorf, les autres producteurs ont bel et bien décidé de boycotter ce projet (déclaration de KWH, p. 13 et 14). Les conclusions de la réunion de Düsseldorf du 24 mars ont été expressément réaffirmées par les directeurs lors d'une réunion tenue le 13 juin 1995 à Stockholm et répétées par ABB à KWH lors d'une conversation téléphonique ultérieure.
Dans le cadre du boycott du projet Lippendorf, les producteurs devaient refuser de fournir aux sous-traitants les pièces que ceux-ci ne pouvaient se procurer auprès de Powerpipe.
DSD (Dillinger Stahlbau GmbH) a été engagé comme sous-traitant par le consortium ARGE Leipzig-Lippendorf pour la fourniture de gaines de grand diamètre que Powerpipe ne fabriquait pas. (Sans ces éléments, les conduites ne pouvaient être installées.) Les tentatives de DSD pour se procurer ces accessoires auprès de toute une série de producteurs de conduites, dont ABB Isolrohr, Henss, Pan-Isovit, Tarco et Løgstør, sont restées au départ infructueuses. Un document trouvé chez Pan-Isovit (document complémentaire n° 8) montre que son directeur général s'entretenait avec Henss et ABB Isolrohr des efforts de DSD pour obtenir ces accessoires et que cette question devait être examinée par le club des directeurs («Zur Diskussion 4.5.95»). En fait, la réunion des directeurs a eu lieu le 5 mai et, selon Løgstør, «ABB et Isoplus ont insisté pour qu'une action concertée soit entreprise contre Powerpipe, dans le but de lui rendre tout approvisionnement difficile» (réponse à la communication des griefs, p. 61).
KWH déclare (réponse à la demande au titre de l'article 11, p. 13; réponse à la communication des griefs, p. 24) qu'ABB lui a déconseillé expressément de fournir des pièces pour ce projet, mais qu'elle a choisi de ne pas tenir compte du boycott. C'est finalement KWH qui a fourni les éléments en question à DSD, ainsi que du matériel de soudage dont Powerpipe avait besoin.
(102) Lors de la réunion de Düsseldorf du 24 mars, il avait également été décidé d'essayer d'empêcher de se fournir en plastiques. D'après Løgstør elle-même (voir considérant 100), les directeurs avaient réexaminé la question d'une action concertée contre Powerpipe le 5 mai et ABB avait décidé «de s'adresser aux fournisseurs de mousse et de PE, afin de faire pression sur eux».
L'un des fournisseurs de pièces détachées en plastique de Powerpipe était Lymatex, un fabricant danois de composants plastiques qui vendait en fait le plus gros de sa production à Løgstør.
Le 10 mai 1995, quelques jours seulement après la réunion du club de directeurs du 5 mai décrite par Løgstør, Lymatex a fait savoir à Powerpipe qu'elle ne pouvait plus accepter de nouvelles commandes avant septembre au plus tôt (annexe 153). Selon Powerpipe, ce refus était opposé à l'instigation de Løgstør et d'ABB. Powerpipe déclare avoir été informée que le directeur des ventes de Løgstør (le plus gros client de Lymatex) avait donné instruction à Lymatex de ne pas fournir Powerpipe (annexes 151 et 152).
Løgstør déclare qu'il a dû y avoir un malentendu et explique qu'en tant que principale cliente de Lymatex, elle a subi des retards de livraison et a simplement insisté auprès de Lymatex pour qu'elle la livre (elle, Løgstør) en temps voulu. Les problèmes de Lymatex pour répondre aux demandes d'autres clients ne la regardaient pas (réponse à la communication des griefs, p. 62).
Cette explication n'est pas sincère. Løgstør n'était pas uniquement préoccupée des retards de livraison; c'étaient les relations de Lymatex avec Powerpipe qu'elle avait plus précisément en vue. Au cours des vérifications effectuées chez Løgstør, la Commission a trouvé un projet de lettre (non signé) de Lymatex à Powerpipe, qui avait été faxé à Løgstør quelques heures avant que la lettre elle-même ne soit faxée à Powerpipe. Il est clair que Lymatex avait adressé le projet à Løgstør pour approbation ou pour information avant de l'envoyer à Powerpipe.
(103) L'affirmation selon laquelle c'est Løgstør qui a été à l'origine du refus de Lymatex d'assurer les livraisons semble confirmée par les circonstances dans lesquelles s'est déroulée l'exécution d'une autre commande (au Danemark) que Powerpipe avait réussi à enlever au détriment de l'entente, à peu près à la même époque que le projet Leipzig-Lippendorf.
Les commandes passées par Århus Kommunale Værker (ÅKV) étaient traditionnellement réservées par l'entente danoise à ABB et à Løgstør mais, en février 1995, Powerpipe a réussi à enlever une petite partie des commandes nouvelles d'ÅKV pour des conduites de remplacement. Lorsque Powerpipe s'est vu attribuer ce contrat, elle a appris que cela avait suscité la colère des producteurs danois. La technique de raccordement utilisée à Århus faisait appel à certains équipements (sur lesquels Løgstør déclarait détenir des droits de propriété industrielle) fournis par une entreprise suédoise, Nitto, ainsi qu'à d'autres éléments fournis par Lymatex. Nitto a refusé de fournir ce matériel à Powerpipe.
(104) Pour tourner ce refus, Powerpipe a utilisé ses contacts dans une autre entreprise suédoise, Permatek, qui ne s'occupait pas de chauffage urbain, pour se procurer ces éléments auprès de la propre filiale suédoise de Løgstør (EFT), qui était tout à fait disposée à vendre à Permatek. Cette ruse, bien entendu, n'a pas manqué de mettre Løgstør en fureur (réponse de Powerpipe à la demande au titre de l'article 11 du 16 septembre 1997, p. 1; déclaration de Løgstør du 25 avril 1996; communication de Løgstør du 21 novembre 1997).
Løgstør a découvert le 8 mai 1995 que Powerpipe avait obtenu des pièces pour Århus en passant par sa propre filiale suédoise et également par Lymatex, le fait que, deux jours plus tard seulement, Lymatex ait refusé de fournir Powerpipe et ait envoyé à Løgstør un projet de lettre ne saurait guère être une pure coïncidence.
Il se peut tout à fait que la colère de Løgstør en découvrant le tour que lui avait joué Powerpipe pour le marché d'Århus ait été la principale raison pour laquelle elle a cherché à empêcher les livraisons à Powerpipe, mais son intervention auprès de Lymatex faisait partie du plan commun visant à nuire à Powerpipe ou à l'éliminer, et a eu une incidence négative durable sur la capacité de Powerpipe à s'approvisionner pour d'autres projets (par exemple Brême).
(105) Bien que ce soit Løgstør qui ait pris l'initiative des démarches auprès de Lymatex, ABB a été l'instigatrice de toutes les mesures visant Powerpipe.
On peut lire dans un compte rendu - établi par ABB - d'une réunion du service commercial du 7 avril 1995, qui faisait état de l'attribution à Powerpipe du contrat Lippendorf, les déclarations suivantes:
«La seule possibilité que cette commande aille à Isolrohr/ABB serait que Powerpipe ne soit pas en mesure de livrer en temps voulu» (annexe 158).
Des documents trouvés chez ABB IC Møller au cours des vérifications montrent qu'ABB surveillait Powerpipe de près (annexes 159 et 160). ABB a réussi à obtenir des informations très fiables sur les sources d'approvisionnement de Powerpipe pour le contrat Leipzig-Lippendorf. Un rapport d'ABB, daté du 12 avril 1995 (annexe 160), désigne l'entreprise finlandaise Rautaruuki comme un fournisseur probable des tubes d'acier nécessaires et poursuit: «jusqu'à ce jour - à l'heure du déjeuner - Rautaruuki n'a reçu aucune commande».
À la fin de juin, Powerpipe a, du reste, informé la Cominission (annexe 161) que l'entente avait contacté son fournisseur de tubes d'acier (Rautaruuki) en insistant pour qu'il diffère les livraisons, voire qu'il les refuse. Rautaruuki a informé Powerpipe, lors d'une rencontre qui a eu lieu le 27 juin 1995, que des conduites qui lui étaient destinées avaient en fait été vendues à ABB: la livraison était donc différée de trois mois (annexes 161-163).
(106) Le réseau de renseignements d'ABB avait également identifié KWH comme fournisseur potentiel de Powerpipe pour certains équipements nécessaires à l'exécution du contrat (extrudeuses, soudeuses et tubes de grande section). Le rapport établi à ce jour pose la question suivante «Peut-on garder la situation en main?» (KWH a confirmé qu'ABB lui avait sérieusement conseillé de respecter le boycott).
Au moment où la Commission a effectué ses vérifications, l'entente faisait également des tentatives pour acquérir Powerpipe afin de l'éliminer en tant que concurrent de ce marché. Pan-Isovit avait indiqué qu'elle acquerrait Powerpipe sous réserve que les autres apportent une contribution (réponse de KWH à la communication des griefs, p. 24). Selon KWH, Henss/Isoplus a suggéré que cela valait la peine de payer 23-25 millions de DEM et de se partager ces frais entre concurrents. En fait, ABB, Tarco et Henss au moins avaient déjà convenu par écrit, le 21 avril 1995, de contribuer à cette acquisition, apparemment en proportion de la part de marché qui leur avait été affectée dans le cadre du système de quotas (documents annexes 16-18).
(107) C'est une note rédigée par Starpipe en juin 1995 (annexe 164) qui résume peut-être le plus succinctement l'attitude des producteurs à l'égard de Powerpipe après que celui-ci eut décroché le contrat Leipzig-Lippendorf:
«Powerpipe >DEBUT DE GRAPHIQUE>
Guerre sans merci>FIN DE GRAPHIQUE>
».
Une note interne rédigée par Powerpipe le 12 juin 1995 donne des exemples des manoeuvres systématiques de l'entente dont elle était la victime et conclut:
«Comme l'entente, du fait de ses activités, est bien consciente du succès de ses efforts pour nuire à Powerpipe, elle ne cesse d'augmenter ses pressions et agit désormais contre nous presque au grand jour.»
Powerpipe explique que lorsqu'elle décrochait un marché en Allemagne, les difficultés et les retards auxquels elle était confrontée pour se faire livrer l'exposaient à des amendes contractuelles importantes.
Powerpipe soutient que les agissements de l'entente lui ont effectivement barré l'accès au marché allemand et occasionné des pertes et un préjudice importants (réponse de Powerpipe du 23 septembre 1997 à la demande au titre de l'article 11, document 18 annexé à sa réponse).

f) Maintien de l'entente après les vérifications
(108) En dépit des vérifications effectuées par la Commission au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, le 29 juin 1995 - par coïncidence, le lendemain de la tenue à Billund d'une réunion du «club des directeurs» - les accords de l'entente ont continué de s'appliquer presque comme précédemment, au moins jusqu'à réception, en mars 1996, des demandes adressées par la Commission au titre de l'article 11. Le «club des directeurs» a tenu, après ces vérifications, au moins six ou sept autres réunions. Le 6 juillet 1995, il a en effet été décidé de poursuivre ces réunions en faisant cependant davantage attention à tenir secrets la date et le lieu des rencontres (réponse complémentaire d'ABB, p. 5 et 6). Løgstør déclare (dans sa réponse à la communication des griefs, p. 64) qu'«ABB faisait fortement pression sur les autres acteurs pour que l'accord continue de s'appliquer. Tous les autres avaient peur.»
ABB avait été informée, à un niveau élevé dans le groupe, par la direction générale de la concurrence, le 4 juillet 1995, que la preuve de sa participation à une infraction très grave avait été obtenue durant les vérifications.
À cette époque, les conséquences du maintien de l'entente avaient été expliquées et à coup sûr comprises.
Les mesures adoptées pour chercher à dissimuler le maintien de l'entente ont consisté notamment: i) à tenir toutes les réunions du club des directeurs à l'extérieur de l'Union européenne, ii) à voyager si possible en voiture plutôt qu'en avion, iii) pour les participants danois, à utiliser l'avion privé de Løgstør.
À compter de septembre 1995, toutes les réunions du groupe de contact allemand ont aussi eu lieu à Zurich.
(109) Le contrôle des projets individuels et la manipulation par ce groupe des soumissions pour ces projets se sont poursuivis, comme l'avait du reste soupçonné Powerpipe. La conviction de cette dernière (document 26 annexé à sa réponse du 29 septembre 1997 à la demande au titre de l'article 11) qu'un projet important (Boxberg) avait été dès le début destiné à Isoplus, et qu'en retour ABB devait se voir attribuer un projet d'ampleur comparable (Weisweiler-Jülich) est corroborée par une liste de projets datant de la période de référence (annexe 79): les deux entreprises y sont désignées comme «les favorites» respectives pour l'obtention des deux marchés en question.
Peu après la date des vérifications, les participants à l'entente ont été tenus de déclarer chaque mois à ABB le total de leurs ventes en Europe et sur chaque marché national (déclaration de Tarco, p. 6, annexe 165; déclaration de Løgstør 1, p. 74).
Quels qu'aient été les légers ajustements techniques auxquels les producteurs ont pu être contraints de procéder pour camoufler la poursuite de leurs arrangements après la découverte de l'entente, il ne semble pas qu'ils aient affecté sur le fond le plan de répartition des marchés. Les réunions locales ont continué d'avoir lieu pour pratiquement tous les marchés nationaux. Løgstør déclare cependant que les participants se sont préoccupés davantage des parts totales sur le marché européen que des parts sur les différents marchés nationaux. Pendant l'année, le club des directeurs a corrigé et ajusté les quotas initiaux (annexes 62, 166 et 189).
Dans le cadre de cet exercice, ABB a envoyé par télécopie à KWH une série de tableaux indiquant les parts de marché dans le cadre du système de quotas pour 1995. Sur le tableau relatif aux marchés nordiques et baltes figure l'annotation suivante qui est révélatrice:
«Pekka: à détruire - complètement . . . Au niveau de l'UE, les choses se présentent mal. La plus grande prudence s'impose» (annexe 189).
Lors des réunions tenues au cours de cette période par le club des directeurs, les participants ont examiné les moyens de poursuivre la coopération, de contrôler l'évolution du marché et de mettre au point un système de péréquation ou de compensation.
(110) À la fin de 1995, ABB a établi le bilan pour l'année (déclaration de Tarco, p. 8; annexes 167, 168 et 169). Les répartitions initiales en valeur avaient été revues pour tenir compte de la taille du marché et de diverses autres corrections. Tarco déclare qu'à cette époque, Løgstør comme elle-même, du fait qu'elles avaient dépassé leur quota pour 1995, ont reçu des demandes de compensation émanant de Henss/Isoplus et d'ABB.
KWH a également fourni à la Commission un tableau des calculs qu'ABB lui avait adressé (annexe 190), qui correspond au point de l'annexe 169 intitulé «Marché: corrections - volume et autres entreprises» («Market - corrections for size and restgroup») et indique un marché total de 3 417 millions de DKK.
Henss/Isoplus a remis à la Commission (le 10 octobre 1996) un tableau daté du 15 décembre 1995 (annexe 170) qui compare les résultats obtenus par chaque producteur («Ist») et leur quota («Soll»). Il montre que Tarco comme Løgstør avaient obtenu une part de marché nettement plus importante que celle qui avait été fixée. Les perdants étaient ABB, Isoplus et KWH.
«De vives discussions» ont eu lieu sur la façon de redresser les écarts par rapport aux quotas, mais Løgstør a déclaré qu'aucun système définitif n'avait été fixé (11), plusieurs entreprises ayant fait savoir au début de 1996 qu'elles ne souhaitaient pas continuer à appliquer cet arrangement (déclaration de Løgstør 1, p. 75). En fait, les réunions du club des directeurs n'ont pas cessé (si toutefois elles ont bien cessé) avant mars/avril 1996.
(111) Lors de la réunion du club des directeurs du 17 janvier 1996, ABB a même proposé d'installer un secrétariat permanent en Suisse qui continuerait à coordonner les opérations de l'entente (cette suggestion a été rejetée par les autres: réponse de Løgstør à la communication des griefs, p. 66).
KWH déclare que, lors de la dernière réunion du club des directeurs à laquelle elle a participé (le 4 mars 1996 à Zurich), les autres membres ont discuté:
- d'un système de compensation pour l'échange de conduites préfabriquées, dans le cadre duquel si un producteur enlevait un contrat pour lequel l'entente ne l'avait pas désigné, les conduites devaient en fait être fournies par la partie lésée et les étiquettes sur les conduites modifiées de façon à dissimuler l'identité du véritable fournisseur,
- de la poursuite de l'entente en recourant à un «consultant» de confiance chargé d'aller voir à tour de rôle chacun des membres et de coordonner leurs activités, de façon à éviter les réunions multilatérales du «club des directeurs» (déclaration de KWH, p. 12 et 13).
Løgstør confirme que cela a bien été le cas (réponse à la communication des griefs, p. 67), mais attribue l'initiative de ces deux propositions à KWH elle-même (l'idée du «consultant» venant d'elle et d'ABB).
Il est peu probable que ce soit KWH qui ait pris cette initiative, mais l'identité du ou des producteurs qui ont suggéré cette idée importe sans doute moins que le fait que, même à ce stade tardif, des propositions de ce type aient encore continué d'être faites.
Ont assisté à cette réunion les directeurs d'ABB, de Løgstør, de Starpipe, de Tarco, de Pan/Isovit, de Henss/Isoplus-Henss et de KWH (réponse de KWH au titre de l'article 11, p. 17).
(112) Étant donné que d'après KWH, la dernière réunion à laquelle elle a participé a porté notamment sur les demandes d'information adressées par la Commission en vertu de l'article 11, cette réunion a dû en fait se tenir après le 4 mars 1996; en effet, les demandes d'information n'ont été envoyées par la Commission que le 13 mars 1996.
Løgstør situe également la dernière réunion du club des directeurs le 4 mars 1996, mais elle affirme qu'elle-même et d'autres entreprises ne sont allées à cette réunion que pour annoncer leur décision de ne plus participer à l'entente.
De fait, s'il est exact que le seul objet de leur dernière réunion était la dissolution de l'entente, il est très probable qu'elle s'est tenue après réception des demandes d'information de la Commission, autrement dit plus tard que les participants ne l'admettent.
Il y a eu une réunion du conseil d'administration de l'EuHP à Copenhague, le 26 mars 1996, à laquelle tous les membres du club des directeurs ont assisté. Il est peu probable qu'ils n'aient pas profité de l'occasion que constituait cette réunion pour discuter de l'initiative que venait de prendre la Commission.
ABB et Løgstør reconnaissent toutes deux s'être réunies au Danemark, le 18 avril 1996, afin de trouver un moyen de poursuivre la coopération, d'une manière ou d'une autre, bien qu'elles affirment que cette réunion n'ait pas abouti (considérant 78).
Quoi qu'il en soit, le groupe de contact allemand a continué de se rencontrer à Zurich jusqu'au 25 mars 1996 au moins. Le groupe autrichien s'est (selon ABB) réuni pour la dernière fois en avril. Pour autant qu'on sache, le groupe de contact italien n'a cessé ses réunions qu'en juin.

5. Rôle de l'EuHP
(113) L'EuHp était censée avoir pour objectif:
«de favoriser, entre ses membres, les échanges d'expérience dans les domaines de la technologie, de la qualité, de l'énergie et de l'environnement, et de contribuer à des améliorations continues dans ces domaines.»
La création de l'EuHP, en avril 1991, était en réalité bien plus en rapport avec le contrôle du marché et la stratégie à long terme d'ABB que ne le donnerait à penser cette définition peu compromettante de ses objectifs.
Il convenait en particulier de limiter l'incidence sur la marge bénéficiaire d'autres producteurs de la mise au point récente par Løgstør d'un processus de fabrication en continu (permettant une réduction de 15-20 % des coûts de production et, partant, des prix de vente inférieurs). Les autres producteurs qui recouraient à la fabrication traditionnelle par lots souhaitaient conserver les anciennes normes, qui exigeaient un gainage plus épais et un façonnage plus important. Selon Løgstør, ils se livraient à une discrimination à l'encontre d'un produit techniquement supérieur qui pouvait être vendu à des prix plus bas.
ABB reconnaît franchement (dans sa réponse à la demande au titre de l'article 11, p. 23) qu'elle considérait comme une priorité de parvenir avec Løgstør à «un accord stratégique» aux termes duquel Løgstør aurait retiré du marché cette nouvelle conduite; à défaut, la meilleure solution aurait alors été de chercher à obtenir l'accès à la technologie de Løgstør.
(114) Les documents internes d'ABB confirment que la conformité aux normes était utilisée comme moyen de maintenir les prix à un niveau élevé. Rappelant que l'EuHP avait été créée dans le but de supprimer «la concurrence de nouveaux acteurs étrangers de second plan, en particulier d'Europe orientale», et qu'un assouplissement des normes techniques entraînerait une contraction du marché, un cadre supérieur d'ABB a, en juillet 1993, averti que si la fabrication en continu était acceptée, les économies de coûts qui s'ensuivraient signifieraient une réduction de 10-15 % du volume du marché; «cela n'enrichira aucun d'entre nous», a-t-il déclaré; «aussi Løgstør et ABB doivent-ils coopérer étroitement pour contrôler les travaux relatifs aux normes et aux standards et les évolutions dans ce domaine» (annexe 48).
À la fin de 1993 (au moment où les réunions «plénières» de l'entente étaient apparemment suspendues, les mêmes directeurs (exception faite des représentants de Henss/Isoplus) discutaient du non-respect des normes par Løgstør. Pan-Isovit s'est plainte du non-respect des normes prescrites. Chacun des membres a alors dû certifier à l'EuHP que ses produits répondaient à la norme EN 253 et à la norme de qualité de l'EuHP.
(115) Il est significatif qu'à cette époque, ABB elle-même projetait le lancement de conduites fabriquées en continu (qui devaient s'appeler «ABB slimline quality pipes»).
ABB a reconnu en privé que ces conduites ne respectaient pas les normes prévues par l'EuHP, mais le directeur de l'EuHP (qui siégeait également au conseil d'administration d'ABB IC Møller) «était convaincu que si tous les gros producteurs voulaient voir cette norme changer, cela pouvait se faire.» Il était prévu que les nouvelles conduites ABB ne seraient prêtes à être commercialisées qu'au 1er janvier 1994: «Jusqu'à ce que nous soyons prêts pour la mise sur le marché, toutes les entreprises (ABB) BA-VDH devront se prononcer contre les conduites en continu» (annexe 177).
ABB n'envisageait le lancement de ces nouvelles conduites qu'au Danemark: pour l'Allemagne, il avait été décidé d'attendre de voir si Løgstør était en mesure de prendre pied sur ce marché avec ses conduites en continu.
Quelques jours seulement après la réunion du 18 août 1994 consacrée aux modalités de relèvement des prix en Allemagne, l'EuHP s'est réunie et le conseil d'administration a réitéré sa décision antérieure qui prévoyait que tous les membres ne devaient vendre que des produits conformes aux normes EN. On peut lire dans le compte rendu de cette réunion: «Løgstør Rør AS a, pendant un certain temps, vendu des conduites non normalisées. Elle s'est engagée à cesser immédiatement de le faire.»
(Il s'agissait là de la réunion de l'EuHP au cours de laquelle le représentant de KWH aurait pour la première fois constaté l'existence d'un accord tacite entre les autres producteurs.)
(116) Il n'est pas allégué que l'EuHP ne pouvait être distinguée de l'entente: Pan-Isovit n'a adhéré qu'au milieu de 1993; Henss/Isoplus n'a pas été admise avant 1995 et Brugg, Ke-Kelit et Sigma devaient en faire partie mais, en définitive, ne l'ont jamais fait.
Les producteurs se sont en fait donné énormément de mal pour que leurs activités manifestement illicites ne s'exercent pas - du moins officiellement - dans le cadre de l'EuHP. Étant donné que la plupart des directeurs généraux qui participaient à des réunions secrètes en 1991-1993 étaient également presque tous membres du conseil d'administration de l'EuHP, un stratagème a été adopté qui a consisté, une fois la réunion de l'EuHP achevée, à se rendre dans un autre lieu pour discuter des affaires de l'entente: Henss et Pan-Isovit retrouvaient alors les directeurs généraux pour «examiner des questions d'intérêt commun».
Une fois que tous les grands producteurs (à l'exception de Brugg et, bien entendu, de Powerpipe) ont eu rejoint l'EuHP, la distinction quelque peu artificielle entre activités «illégales» et «légales» (ou semi-légales) a été, en grande partie, maintenue. Une proposition visant à donner à l'EuHP un rôle dans la gestion du système de quotas n'a pas été adoptée. Le rôle d'auxiliaire de l'entente joué par l'EuHP ressort cependant du fait qu'elle a dû examiner la question de savoir si Powerpipe pouvait être écartée, pour des raisons techniques, du projet Leipzig-Lippendorf. De même, lorsque l'entente a voulu préparer le marché à des augmentations de 15 à 30 % au début de 1995, c'est l'EuHP qui a été choisie pour envoyer des informations sur les prochaines augmentations de prix à la presse spécialisée.

6. Appréciation du rôle de chaque participant
(117) Le principal chef d'accusation qui pèse sur l'entente dans le cas d'espèce réside dans la constitution, par les producteurs, d'un groupement illicite au sein duquel ils poursuivaient un objectif commun.
La plupart des entreprises en cause ne nient pas avoir participé à une infraction à l'article 85, bien que seule ABB ait reconnu formellement avoir pris part à une infraction durable qui a commencé aux alentours de novembre 1990 et s'est poursuivie jusqu'en mars ou avril 1996.
Les producteurs danois Løgstør et Tarco reconnaissent formellement avoir participé à une entente «nationale» entre 1991 et 1993 (Starpipe n'aborde pas expressément ce point), mais nient que tout accord se soit appliqué en dehors de ce marché avant la fin de 1994. Pan-Isovit et Henss/Isoplus avancent le même argument à l'appui de leur affirmation selon laquelle leur participation à une infraction n'a pas commencé avant la fin de 1994, voire le début de 1995.
(118) Les arguments des principaux producteurs autres qu'ABB contestant l'extension présumée des accords d'entente à d'autres marchés (principalement l'Allemagne) en octobre 1991 ou aux alentours de cette date, touchent essentiellement à la question juridique de savoir si leur conduite tombait sous le coup de l'interdiction énoncée à l'article 85: il leur était difficile de nier (de façon crédible) avoir participé aux nombreuses réunions des directeurs tenues en 1991-1993, dont plusieurs ont fait l'objet de notes rédigées par les participants et découvertes par la Commission. Ils présentent en fait ces réunions régulières comme de simples mesures préalables à un accord ou comme des tentatives avortées pour parvenir à un accord. Cependant, ils ne fournissent pas de compte rendu détaillé des questions discutées lors de ces réunions. Pour autant que des faits en rapport avec cet aspect des arguments de la Commission soient évoqués, ils visent essentiellement à démontrer la soi-disant improbabilité que des accords d'entente aient été en place (par exemple rivalités exacerbées entre les producteurs, bas niveau des prix et âpre concurrence en Allemagne, «dumping» pratiqué par les producteurs danois sur ce marché, entrée des producteurs allemands sur le marché danois en 1993 et, en ce qui concerne Henss, divergences avec ABB au sujet de son contrat d'agence pour la Bavière).
(119) Comme cela est expliqué en détail sous II, même si ces facteurs sont prouvés, aucun d'entre eux, qu'il soit considéré à lui seul ou en combinaison avec d'autres, n'est incompatible avec l'existence d'une collusion interdite - du type de celle qui, selon la Commission, aurait été mise en oeuvre pendant cette période (et qui tombe dans le champ d'application de l'article 85, comme ABB, pour sa part, l'admet tout à fait).
En ce qui concerne l'offensive contre Powerpipe (que les entreprises cherchent, pour étayer leur thèse, à présenter comme une légère infraction à l'article 85), les déclarations de tous les producteurs, à l'exception d'ABB, selon lesquelles aucun «accord» n'aurait jamais existé, sont en contradiction flagrante avec les preuves documentaires. Le fait que (pour des raisons d'ordre purement pratique) le principal rôle dans la mise en oeuvre du boycott décidé soit revenu à ABB et à Løgstør n'enlève rien à la responsabilité des autres participants à ces manoeuvres. Quels qu'aient été les agissements de Løgstør et d'ABB, ils s'inscrivaient dans le cadre du projet conçu le 24 mars 1995. Ils visaient à l'exécution d'un projet auquel tous adhéraient et dont tous avaient pleinement connaissance.
(120) Tout à fait indépendamment de leurs propres aveux (partiels), de nombreuses preuves documentaires directes attestent la participation de chacun des acteurs à l'infraction au cours des périodes invoquées par la Commission.
Il convient également que la Commission apprécie le rôle respectif joué par les différents producteurs dans cette violation. Cet examen est particulièrement important pour pouvoir déterminer les sanctions appropriées susceptibles d'être infligées. Il n'est pas toujours possible de l'effectuer dans toutes les affaires d'entente, car il peut se faire que l'on manque de preuves fiables sur le rôle exact joué par chaque participant dans le plan d'ensemble mais, dans le cas d'espèce, l'abondance des preuves documentaires permet une telle appréciation.
Certaines entreprises (en particulier Løgstør, KWH et Henss/Isoplus) ont, pour leur défense, essentiellement cherché à minimiser leur propre rôle dans l'entente et à faire d'ABB le principal responsable. Henss/Isoplus est allée jusqu'à accuser ABB d'avoir déformé les faits en ce qui concerne l'existence, à partir d'octobre 1991, d'accords d'entente plus vastes en dehors du Danemark, dans le but de se concilier les bonnes grâces de la Commission et, partant, de jouir d'un traitement favorable.
ABB, pour sa part, déclare qu'elle n'était pas «l'unique instigatrice» de l'entente.
Les allégations de Henss-Isoplus sont dénuées de tout fondement et doivent être totalement ignorées. Les reproches adressés par d'autres entreprises à leurs collègues membres de l'entente doivent être traités avec une certaine prudence, dans la mesure où ils sont destinés à servir leurs propres intérêts. En effet, ce genre de déclarations permet rarement de disculper ou de blanchir leur auteur; cependant, dans la mesure où elles permettent d'obtenir des détails supplémentaires sur les faits, il est possible d'y ajouter foi, notamment si ellessont corroborées ou si elles sont conformes au schéma général des comportements mis en évidence par les preuves documentaires.
À chaque fois que, dans la présente décision, la Commission cite de telles déclarations sans les qualifier de façon plus précise ou sans émettre de réserves, cela signifie qu'elle accepte les allégations ainsi faites; toutefois, aucun élément présentant une importance vitale pour l'établissement des faits les plus importants caractérisant l'infraction n'est basé sur des affirmations faites, sans preuves à l'appui, par un participant au cours de la procédure.
(121) Il est incontestable qu'ABB était la tête et la principale instigatrice de l'entente. La domination du marché par le biais d'une entente dans laquelle elle jouait le principal rôle était un objectif stratégique, clairement énoncé, de l'entreprise. Toute cette opération a été conçue, approuvée et télécommandée par la direction de l'entreprise, au plus haut niveau. Pendant toute la période de cinq ans, c'est ABB qui a pris l'initiative de consolider, de renforcer et d'étendre l'entente et c'est cette entreprise, sans conteste, qui a été chargée de recruter d'autres membres (KWH et Brugg) de l'entente après les vérifications.
En revanche, les efforts de Løgstør pour se dépeindre comme le jouet d'ABB, manipulée contre son gré (voire à son insu) par cette dernière ne sont pas crédibles. Il se peut tout à fait que son adhésion à l'entente ait été dictée en partie par le désir de ne pas offenser sa voisine, multinationale beaucoup plus importante, et qu'elle ait été (comme d'autres) l'objet des méthodes de «persuasion» d'ABB, mais en tant que deuxième entreprise du secteur du chauffage urbain, c'était un membre clé de tout projet anticoncurrentiel et son maintien en tant que «numéro deux» était un élément essentiel de la stratégie d'ABB. Le rôle actif de cadres dirigeants de Løgstør dans la planification et la mise en oeuvre de la stratégie de l'entente est tout à fait prouvé. Il se peut, dans une certaine mesure, que Løgstør ait poursuivi ses propres objectifs, à savoir la mise en place du processus (moins onéreux) de fabrication en continu que d'autres voulaient voir arrêté ou suspendu, mais tout dispositif anticoncurrentiel suppose que l'on concilie les intérêts divergents ou éventuellement divergents des membres. La Commission ne peut accepter le fait que Løgstør ait «quitté» l'entente en avril 1993, ainsi qu'elle l'affirme. En effet, au cours de la période concernée, elle a continué à assister à des réunions et, de son propre aveu, quelles que soient les menaces qu'elle ait pu faire, elles étaient destinées à faire en sorte qu'ABB lui accorde un quota plus important. Pour ce qui est des mesures adoptées pour nuire à Powerpipe (en particulier le recrutement conjoint de ses salariés-clés et, ultérieurement, la mise en place de mesures destinées à empêcher ses approvisionnements), la Commission rejette l'affirmation de Løgstør selon laquelle elle n'aurait pris aucune mesure hostile à l'encontre de ce concurrent gênant.
Le fait que les autres producteurs aient pu témoigner de la méfiance à Henss/Isoplus et que cette dernière ait pu se voir refuser l'accès à l'EuHP jusqu'en 1995 ne rend pas pour autant crédible sa version des faits selon laquelle elle était tout autant «victime» de l'entente que participant à celle-ci. Rien n'indique que Henss ait été forcée, contre sa volonté, à assister aux réunions avec les directeurs d'autres entreprises, qui ont commencé en octobre 1991. En effet, Løgstør affirme que ABB et Henss étaient les deux «meneurs» au cours des discussions. Lorsque les pratiques collusoires ont repris au début de 1994, Henss a joué un rôle de premier plan en tant que lieutenant d'ABB, et toutes les preuves les plus solides donnent à penser qu'elle n'a pas cessé d'être l'un de ceux qui ont cherché, avec le plus d'empressement, à faire respecter les dispositions en matière de partage du marché et de soumissions concertées.
(122) L'indiscipline observée chez Tarco ne la place pas en marge de ce dispositif illicite. Elle était membre à part entière de tous les organes de l'entente et le fait qu'elle ait cherché à promouvoir ses propres intérêts tout en retirant les avantages d'une collusion avec ses concurrents ne diminue en rien son rôle. En particulier, le fait qu'un règlement qui devait intervenir en Allemagne en mai 1993 ait été repoussé en raison de son refus d'accepter un accord ne portant que sur les prix révèle uniquement qu'elle connaissait bien les principes de base de l'économie et qu'elle souhaitait se voir garantir un quota.
La Commission reconnaît qu'aucun élément de preuve n'atteste que Tarco elle-même ait pris des mesures visant directement à nuire à Powerpipe (elle a cependant été signataire du projet commun de financement de l'achat de cette entreprise par Pan-Isovit). Cela ne modifie en rien le fait que (ainsi que l'attestent ses propres documents), elle était au courant du dispositif visant à boycotter Powerpipe et à faire en sorte de l'empêcher de mener à bien le projet Leipzig-Lippendorf.
De même, Starpipe a été membre «à part entière» de l'entente, même si sa participation ne présente aucun caractère particulier. Elle a participé à la réunion lors de laquelle il a été décidé d'interrompre les approvisionnements de Powerpipe et a approuvé ce projet.
(123) Les mêmes considérations s'appliquent à Pan-Isovit. Celle-ci fait valoir qu'elle n'a été associée à aucune des mesures prises par d'autres producteurs à l'encontre de Powerpipe: il s'agissait là (déclare-t-elle) de mesures non concertées adoptées par tel ou tel producteur. La Commission n'a, bien entendu, jamais prétendu que Pan-Isovit (ou du reste tout autre producteur en dehors d'ABB et de Løgstør) ait été membre du dispositif visant à débaucher des salariés-clés de Powerpipe en 1992-1993, bien que les propres notes rédigées par Pan-Isovit au sujet d'une réunion qui a eu lieu début de 1995 montrent que l'entente continuait à envisager le recours à cette tactique de harcèlement. On ajoutera, pour être complet, que Starpipe comme Pan-Isovit ont pris part au projet, décidé le 24 mars 1995, de boycott de Powerpipe et du contrat majeur de Leipzig-Lippendorf. Pan-Isovit, en particulier, en tant que membre du consortium de producteurs allemands lésés, peut difficilement prétendre n'avoir eu aucun intérêt particulier aux activités de Powerpipe, et, du reste, elle a été officiellement désignée par la suite comme l'acquéreur nominal (étant entendu que le financement devait être assuré en partie par les autres) de cette entreprise, dans le but de l'évincer du marché.
Lorsque le nouvel arrangement pour le marché européen a été arrêté à la fin de 1994, les autres producteurs ont estimé que pour qu'un accord soit viable, la participation de KWH était nécessaire. KWH déclare qu'il a uniquement accepté de participer après avoir longtemps résisté aux incitations d'autres producteurs, et que, même à ce moment là, il n'a accepté «de suivre le mouvement» qu'afin d'échapper à des représailles.
La Commission admet tout à fait que KWH n'était pas un membre dirigeant de l'entente, et qu'en ce qui concerne la campagne dirigée contre Powerpipe, KWH a été le seul producteur disposé à livrer à Powerpipe et à DSD du matériel et des éléments pour le projet Leipzig-Lippendorf et qu'il l'a effectivement fait au mépris des instructions de l'entente.
Elle n'admet pas, en revanche, que KWH ait subi des pressions telles pour participer de façon durable à l'entente qu'elle puisse s'en trouver excusée; Powerpipe, elle, a résisté à des menaces mettant directement son existence en jeu. En effet, les preuves documentaires donnent à penser que KWH revendiquait une part de marché plus importante que celle que les autres membres de l'entente étaient initialement disposés à lui accorder. Il était membre du «club des directeurs» et assistait régulièrement aux réunions. En outre, s'il avait cherché une occasion de quitter l'entente, il aurait pu le faire après les vérifications de juin 1995. À la fin de l'année, ABB l'a même averti que la situation au niveau de l'Union européenne se présentait mal, mais il a choisi de rester dans l'entente.
(124) Brugg, en fait, n'était considéré comme un acteur significatif que sur le marché allemand local (ainsi qu'en Suisse, mais on sort là du champ d'application de la présente procédure). Bien que l'entente n'aurait pu fonctionner efficacement sans la présence de cette entreprise (et de KNH), elle n'y a toutefois pas joué un rôle décisif. Toutefois, l'argument selon lequel elle n'aurait participé à aucun projet destiné à nuire à Powerpipe est rejeté; en effet, Brugg était présente lors de la réunion de Düsseldorf du 24 mars 1995, au cours de laquelle le boycott a été décidé. La Commission estime que sa participation à l'infraction (qui se limite aux arrangements conclus en Allemagne) a commencé avec sa présence à la réunion de Copenhague du 18 août 1994.
Ke-Kelit a uniquement pris part aux arrangements concernant le marché autrichien, où elle s'est vu attribuer un quota de 23 %. Il se peut tout à fait qu'elle ait été placée devant un fait accompli, les quotas étant décidés par le club des directeurs aux réunions duquel elle n'assistait pas. Le fait qu'elle dépendait de Løgstør pour ses approvisionnements et qu'elle n'avait guère d'autre choix que d'assister aux réunions pour défendre ses intérêts face à ABB et à Isoplus qui dominaient le marché autrichien ne saurait justifier sa participation. Ke-Kelit reconnaît qu'elle n'ignorait pas que les arrangements en Autriche s'inscrivaient dans le cadre d'un dessein plus vaste. Pour la bonne règle, il convient de préciser que la Commission admet que Ke-Kelit, qui n'a pas assisté aux réunions des directeurs ni à celles du groupe de contact allemand, n'a pas eu connaissance des mesures prises contre Powerpipe et n'y a été aucunement associée.
La participation de Sigma s'est également limitée aux arrangements concernant le marché italien, sur lequel elle s'est vu attribuer une part de 10 % pour les nouveaux projets (bien qu'elle ait réclamé ultérieurement une part de 20 %). Elle a pris part à la procédure d'attribution des projets. Il se peut qu'elle ait été considérée comme un trouble-fête et n'ait pas été invitée à toutes les réunions consacrées au marché italien (annexe 187, p. 4), mais les données trouvées montrent qu'elle a participé régulièrement, à compter environ d'avril 1995, aux réunions locales. Tout comme pour Ke-Kelit, la Commission admet que Sigma n'avait pas connaissance de la campagne destinée à éliminer Powerpipe.

7. Effets sur le niveau général des prix
(125) On ne saurait valablement contester que, jusqu'en 1993, le consensus entre les producteurs danois, qui se partageaient leur marché national sans véritable concurrence étrangère, leur a donné la possibilité de maintenir les prix à un niveau qui leur permettait de financer le développement de leurs exportations. Cela a été valable en particulier pour l'Allemagne, où les deux principaux producteurs nationaux ressentaient durement la concurrence des importations en provenance du Danemark. En Allemagne, les prix étaient inférieurs de 15 à 20 % à ceux pratiqués au Danemark. Toutefois, ils étaient encore plus bas sur certains autres marchés: en Suède, à certains moments, ils sont même tombés à un niveau inférieur de moitié à celui des prix danois. De nombreuses informations montrent en effet qu'ABB et Løgstør poursuivaient une stratégie commune qui consistait à pénétrer sur les marchés suédois et finlandais en offrant des prix peu élevés, afin de faire pression sur les producteurs locaux, dans le but de les acquérir et de les évincer du marché, comme l'explique KWH dans sa réponse à la communication des griefs, pages 7-9. Loin de démontrer l'impossibilité d'une entente, la situation concurrentielle doit plutôt en elle-même avoir incité les producteurs allemands à chercher à parvenir à un compromis avec leurs concurrents: leur objectif était de persuader les producteurs danois de porter leurs prix à l'exportation au même niveau que celui qu'ils pouvaient pratiquer sur leur marché national.
Il a été expressément convenu par tous les producteurs, à la fin de 1991, d'augmenter le niveau des prix en Allemagne d'environ 6-8 %. Pour atteindre cet objectif, il a été décidé d'élaborer un barème de prix minimaux.
Il se peut tout à fait, cependant, que dans les faits, toute augmentation des prix de barème ait été compensée par l'octroi de rabais officieux (les représentants de commerce d'ABB - qui avait relevé les prix qu'elle leur facturait de 6 % - se sont plaints que le marché ne pouvait supporter cette augmentation). En l'absence d'accord sur les parts de marché à cette époque, on pouvait s'attendre à ce type de résultat; au bout du compte, chacun des producteurs a réclamé une part de marché plus élevée, sans qu'aucun ne soit prêt à transiger sur les quantités.
Le recul régulier des prix en Allemagne entre 1990 et le milieu de 1994 n'est ainsi en aucune façon incompatible avec le type de collusion soupçonné par la Commission (on notera également que le prix des matières premières a baissé de 20 % pendant cette période).
(126) Selon les propres dires des producteurs, la tendance à la baisse des prix s'est cependant inversée au milieu de 1994. Le fait que ce relèvement ait coïncidé avec l'instauration, en mai, du barème commun en Allemagne et avec l'accord ultérieur sur ce marché du 18 août 1994 ne saurait être un pur hasard.
L'objet de l'entente européenne était d'augmenter le niveau des prix de 30-35 % sur deux ans.
En septembre 1994, ABB a annoncé des augmentations de prix de 10 %, suivies d'une nouvelle augmentation, toujours de 10 %, pour couvrir la hausse prévue du coût des matières premières.
La réussite de ce plan ressort des notes relatives à une réunion du club des directeurs de mars ou d'avril 1995, trouvées chez Pan-Isovit. Sur la plupart des marchés mentionnés, des augmentations de 15 à 20 % sont indiquées. Il est significatif que sur les marchés nationaux où l'augmentation n'a pu avoir lieu, Powerpipe est présentée comme «le problème» (annexes 60 et 65). Dans sa plainte, Powerpipe estimait qu'en décembre 1994, en attribuant à la Suède un indice 100, les prix étaient de 130-140 en Allemagne et de 140-150 au Danemark.
Le chiffre d'affaires total réalisé par les quatre producteurs danois et Pan-Isovit a augmenté de près de 20 % en 1995 par rapport à l'année précédente.

8. Compensation offerte par ABB
(127) Le 18 novembre 1996, ABB a informé la Commission qu'elle avait conclu, en mai 1996, un accord avec Powerpipe et ses propriétaires, en vue de régler tous les différends existant entre eux sur les questions faisant l'objet de la présente procédure.
Ce règlement prévoyait le versement d'une somme importante à titre de compensation.
L'accord contient une clause par laquelle les parties conviennent de tenir confidentielles les modalités de ce règlement.
ABB a fourni à la Commission une copie de cet accord.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. Article 85

1. Article 85, paragraphe 1
(128) En vertu de l'article 85, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (CE), sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer, de façon directe ou indirecte, les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, à limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements, ou à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

2. Accords et pratiques concertées
(129) L'article 85, paragraphe 1, interdit tant les accords que les pratiques concertées.
On peut considérer qu'il y a accord lorsque, comme en l'espèce, les parties s'entendent sur un plan commun qui limite ou est susceptible de limiter leur comportement commercial respectif en déterminant les lignes de leur action ou abstention réciproque sur le marché. S'il implique un processus décisionnel commun et un engagement à l'égard d'un projet commun, l'accord ne doit pas nécessairement être établi de façon formelle ou par écrit, et aucune sanction contractuelle ou mesure de contrainte n'est nécessaire. L'accord peut être exprès ou ressortir implicitement du comportement des parties.
Une pratique concertée, en revanche, n'implique pas que les parties soient parvenues à un accord exprès ou implicite sur les conditions de leur action ou abstention réciproque.
(130) En créant la notion de pratique concertée en plus de la notion d'accord, les auteurs du traité ont cherché à éviter que des entreprises ne tournent les règles de concurrence en s'entendant sur des modalités anticoncurrentielles et non assimilables à un accord définitif, par exemple en s'informant mutuellement à l'avance de l'attitude qu'elles ont l'intention d'adopter, de sorte que chacune puisse régler son comportement commercial en escomptant que ses concurrents auront un comportement parallèle [voir l'arrêt de la Cour de justice du 14 juillet 1972 dans l'affaire 48/69, Imperial Chemical Industries Ltd/Commission (12)].
Dans son arrêt du 16 décembre 1975 dans l'affaire sur l'entente européenne concernant le sucre [affaires jointes 40 à 48, 50, 54 à 56, 111, 113 et 114-73, Suiker Unie et autres/Commission (13)], la Cour a soutenu que les critères de coordination et de coopération définis dans sa jurisprudence, qui n'exige en aucune façon l'élaboration d'un véritable plan, doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles, ayant pour objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent la ligne de conduite qu'elles ont décidé ou qu'elles envisagent d'adopter sur le marché.
Un tel comportement peut tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, en tant que «pratique concertée», même lorsque les parties n'ont pas convenu ou décidé à l'avance entre elles ce que chacune fera ou ne fera pas sur le marché, mais que, en toute connaissance de cause, elles adoptent un mécanisme collusoire qui facilite la coordination de leur comportement commercial ou se rallient à un tel mécanisme.
[Voir aussi l'arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-7/89, Hercules/Commission (14)].
(131) Dans le cas d'une entente complexe et durable, fondée sur une série de pratiques concertées et d'accords qui s'inscrivent dans une suite d'efforts des entreprises en cause en vue d'un objectif commun, à savoir empêcher ou fausser le jeu de la concurrence, la Commission est en droit de conclure à l'existence d'une infraction unique et continue. Ainsi que le Tribunal de première instance l'a souligné, à cet égard, dans l'affaire T-7/89 (15), il serait artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. Ce même tribunal ajoute qu'«en effet, [les entreprises ont] pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites.»
(132) Il n'est pas non plus nécessaire, dans un tel cas, que la Commission qualifie l'infraction en la faisant entrer dans une seule de ces deux catégories. Les concepts d'accord et de pratique concertée n'ont pas de contours bien nets et peuvent se chevaucher. Une infraction peut très bien commencer sous une forme et évoluer progressivement vers une autre, en présentant certains, voire tous les éléments constitutifs de cette autre catégorie. (Il faut noter, à cet égard, qu'il serait erroné de qualifier d'«accord» les modalités du marché passé par les parties à un instant donné et de «pratique concertée» sa mise en oeuvre ultérieure.) Souvent même, il n'est pas réaliste d'opérer une telle distinction, car l'infraction peut présenter simultanément les caractéristiques de ces deux types de comportement interdit alors que, prises individuellement, certaines de ses manifestations peuvent s'assimiler davantage à l'un qu'à l'autre. Une entente peut donc relever simultanément de l'accord et de la pratique concertée. L'article 85 ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe - voir, sur ce point également, l'arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-7/89 (16).
(133) De surcroît, une infraction ne peut être assimilée à un contrat commercial puisque l'article 85 ne se limite pas à une interprétation des termes convenus par les parties. Dans le cas d'une entente complexe, l'interdiction posée par l'article 85 s'applique non seulement à l'accord proprement dit sur le système de base à mettre en oeuvre ou à des clauses précises qui peuvent être arrêtées le cas échéant, mais à l'ensemble du processus continu de l'entente dans lequel cet accord et ces clauses s'inscrivent. La notion d'«accord» convient donc non seulement pour désigner les conditions expresses convenues, mais aussi la mise en oeuvre de ce qui a été convenu. En outre, avant même que ne soit conclu un accord final et complet qui régisse l'action et l'abstention réciproque des entreprises sur le marché, le processus de négociation peut comporter la conclusion d'accords inachevés et d'un accord conditionnel ou partiel limitant la concurrence.
(134) Aux fins de l'article 85, paragraphe 1, un accord peut aussi ne pas présenter le degré de sécurité requis pour l'exécution d'un contrat commercial. Il se peut, en effet, que ses conditions ne soient jamais formellement énoncées par écrit: la matérialité de l'accord devra donc être induite de toutes les circonstances de l'espèce. Les intérêts divergents des membres de l'entente peuvent également faire obstacle à un consensus global sur tous les aspects de l'entente, l'une ou l'autre partie pouvant avoir des réserves à formuler sur un aspect particulier de l'arrangement en se ralliant au projet commun. Une imprécision délibérée peut caractériser certains aspects de l'entente. Il se peut que les parties conviennent (de manière expresse ou tacite) d'adopter un plan commun et doivent se réunir périodiquement par la suite pour arrêter les modalités détaillées, pour modifier le plan s'il y a lieu, ou encore pour résoudre des difficultés particulières.
Il se peut que les aspects de l'entente ne soient pas tous réglés dans le cadre d'un accord formel. L'accord réalisé sur certains points peut coexister avec un désaccord sur d'autres points. La concurrence peut ne pas être totalement éliminée.
Les participants peuvent également être impliqués dans un tel système commun à différents degrés. L'un peut exercer le rôle dominant d'un meneur. Il peut y avoir des conflits et des rivalités internes. Certains membres peuvent même aller jusqu'à tricher. Il peut même y avoir, de manière épisodique, des accès de concurrence féroce et des «guerres des prix».
Cependant, aucun de ces éléments n'empêche cet arrangement de constituer un accord ou une pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, lorsque les parties s'entendent en vue d'un objectif unique, commun et permanent. Une entente complexe peut être considérée, à raison, comme une infraction unique et continue pendant toute la durée de son existence. L'accord peut très bien être modifié, les activités couvertes par l'entente peuvent être progressivement étendues à de nouveaux marchés et ses mécanismes peuvent être adaptés ou renforcés.
De nouveaux membres peuvent se rallier à l'entente et d'anciens membres, la quitter, le cas échéant, sans que l'entente doive être considérée, à chaque modification de sa composition, comme un nouvel «accord».
En outre, sous l'angle des éléments de fait et du droit, il n'est pas nécessaire, pour établir la matérialité d'un accord, que chaque participant présumé ait pris part à tous les aspects et à toutes les manifestations de l'entente, y ait consenti de manière expresse ou même ait eu connaissance de leur existence, pendant toute la durée de son adhésion au système commun.

3. Nature de l'infraction en l'espèce
(135) Il n'est pas contesté, sur le fond, que l'arrangement exprès de partage des marchés conclu entre les quatre producteurs danois fin 1990 présentait toutes les caractéristiques d'un «accord» proprement dit au sens de l'article 85, paragraphe 1.
La mise au point ultérieure d'un plan détaillé et des modalités de sa mise en oeuvre dans le cadre de réunions périodiques ne crée pas une série d'«accords» séparés, mais fait bien partie intégrante d'un même système général et illicite.
L'accord conclu entre les quatre producteurs danois portait également sur des augmentations de prix concertées sur les marchés à l'exportation. Si, à l'époque, c'est au Danemark (leur marché le plus rentable) que l'entente a trouvé son expression la plus achevée, la coopération s'est également étendue à d'autres marchés, quoique sous une forme plus fragmentaire et inachevée. À cause du système de verrouillage des marchés mis en place avec ABB, Pan-Isovit a aussi été amenée à participer à l'entente dès le départ, même si cette alliance n'a duré que quelques mois.
(136) La coopération systématique entre producteurs danois s'est propagée à l'Allemagne et les deux producteurs allemands, Pan-Isovit et Isoplus, s'y sont ralliés en octobre 1991. Sa première manifestation concrète a été le renchérissement de 6 % convenu dès octobre et applicable à compter du 1er janvier 1992. L'entrée potentielle des producteurs allemands au Danemark s'est ajoutée aux autres thèmes de discussion, de sorte que les deux principaux marchés du chauffage urbain ont finalement été examinés dans le cadre des mêmes réunions.
Or, tant Henss/Isoplus que Pan-Isovit ont fait valoir qu'elles n'avaient pris part à aucune des infractions avant fin 1994. Bien qu'elles ne puissent guère contester leur participation aux réunions périodiques, elles soutiennent que ces contacts répétés ont représenté une tentative, totalement infructueuse au bout du compte, de conclusion d'une trêve dans la guerre des prix qui avait alors lieu. Elles invoquent pour preuve de l'absence d'accord la spirale à la baisse des prix entre 1991 et 1994.
Les deux producteurs danois Løgstør et Tarco invoquent des arguments similaires à l'appui de leur thèse selon laquelle il y aurait eu en fait deux ententes totalement distinctes.
(137) Même s'il se peut que les arrangements aient été inachevés, vagues et souvent fragmentaires, la Commission rejette l'argument suivant lequel les arrangements conclus en dehors du Danemark avant 1994 ne constitueraient pas une infraction à l'article 85, paragraphe 1.
En premier lieu, cet argument méconnaît le fait (amplement démontré par les preuves écrites) qu'un accord exprès a bien été conclu (au moins): 1) en ce qui concerne l'augmentation des prix en Allemagne à compter du 1er janvier 1992, 2) sur la fixation des prix et le partage des projets en Italie et 3) sur le régime de quotas en termes de parts de marché en août 1993.
Ces accords exprès et explicites étaient en réalité le résultat d'une entente et d'une action concertée persistantes entre les producteurs. Les participants avaient, en effet, instauré un système de réunions périodiques et ont été impliqués dans un processus continu de «diplomatie» commerciale visant à concilier leurs intérêts respectifs. Dans le but de concevoir leur projet et de le mettre à exécution, les participants ont entrepris un certain nombre d'actions qu'ils avaient conçues et décidé de faire, parmi lesquelles (cette liste n'étant pas limitative): la participation à des réunions dans le but de discuter des prix, des quotas de vente et de partage des projets; la décision, lors de ses réunions, de facturer certains prix spécifiques et d'augmenter et de maintenir les prix; l'élaboration, l'acceptation et la distribution de barèmes types devant servir à la coordination des prix; l'échange d'informations sur les volumes de ventes, la taille des marchés et les parts de marchés de façon à instaurer un système de quotas; la mise en place d'un système de quotas de ventes. Les discussions peuvent très bien s'être déroulées dans le cadre d'une constellation d'alliances mouvantes et même avoir servi de tribune à des menaces de représailles ou d'hostilités mais, en s'inscrivant dans le processus évolutif d'arrangements et d'accords partiels ayant pour but la fixation des prix, la coordination des augmentations de prix ainsi que la répartition des marchés et parts de marchés, elles ont constitué un comportement d'entente interdit par l'article 85, paragraphe 1.
(138) Compte tenu des principes exposés plus haut, les arrangements anticoncurrentiels durables, conclus à compter d'octobre 1991, peuvent être considérés comme formant, ensemble, un «accord» interdit au sens de l'article 85, paragraphe 1.
Au demeurant, même si la notion d'«accord» n'englobe pas les étapes du processus de négociation qui a conduit à la conclusion d'un accord général, le comportement en cause tombe encore sous le coup de l'interdiction posée par l'article 85 en tant que pratique concertée. Les six producteurs ont créé une structure qui leur permettait d'avoir des discussions régulières sur des «questions d'intérêt commun», qui a été un lieu d'échange d'informations commerciales normalement considérées comme sensibles et (en dehors des trois initiatives précitées qui ont abouti à un accord exprès et spécifique de fixation des prix ou de quotas) a dû impliquer un certain degré d'entente et de réciprocité, et une certaine forme d'accord conditionnel ou partiel quant au comportement à adopter. En arrêtant la politique qu'ils devaient suivre sur le marché, les participants ne pouvaient pas, de toute façon, ne tenir aucun compte, que ce fût directement ou indirectement, des informations obtenues au cours de ces réunions périodiques.
(139) En ce qui concerne le «nouvel» accord à l'échelle européenne, la Commission rejette aussi l'argument selon lequel il n'aurait commencé à exister que fin 1994, voire début 1995.
Cette affirmation des producteurs est également contredite par les faits. Les réunions dites «plénières» ont repris (après seulement une courte interruption) pour l'Allemagne dès le 7 mars 1994. En mai, un barème de prix était déjà convenu et devait servir de référence pour toutes les livraisons au marché allemand et, même s'il était à certains égards incomplet (des «confrontations et divergences d'interprétation» ayant été mentionnées), ce barème a bel et bien été appliqué et, vers août 1994, les différends qui subsistaient quant à la manière de relever les prix étaient aplanis.
Le système global pour le marché européen a été conclu, en principe, vers le mois de septembre. Le fait que le réseau de «groupes de contact» institués sur les différents marchés nationaux ait été constitué le mois suivant et n'ait peut-être pas été complété avant mars 1995 (pour ce qui se rapporte aux Pays-Bas et à l'Italie) ne signifie pas qu'il n'y ait eu aucun accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, avant cette date.
(140) La Commission n'admet pas non plus l'argument connexe de Løgstør et Tarco selon lequel les ententes «danoise» et «européenne» constitueraient deux infractions totalement distinctes et indépendantes l'une de l'autre.
Il n'existe aucune «ligne de démarcation» entre l'entente danoise et les arrangements qui ont ensuite couvert l'ensemble du marché européen, comme les affirmations de Løgstør et Tarco le laissent entendre.
L'entente peut avoir commencé, pour des raisons pratiques, au Danemark (qui était le «marché d'origine» de quatre des six producteurs et qui était facile à gérer), mais dès le départ, l'objectif à plus long terme qui formait la clef de voûte de l'édifice et qui a peut-être trouvé sa traduction la plus claire dans la stratégie d'ABB, était d'étendre le contrôle à tout le marché.
Presque dès le début, la coopération a été élargie à d'autres marchés nationaux de la Communauté (Allemagne et Italie, en particulier) et, malgré une évolution morcelée, il est manifeste qu'un objectif commun a été poursuivi avec constance, à savoir augmenter les prix et contrôler le marché.
Pan-Isovit, dans un premier temps, et Henss/Isoplus, par la suite, ont été associées aux arrangements conclus par les quatre producteurs danois.
(141) Si le système convenu de partage du marché au Danemark s'est désintégré en 1993, c'est à la suite d'une lutte pour le pouvoir à l'intérieur de l'entente et non d'un désir de retour à une situation de libre concurrence. De toute façon, les discussions sur les marchés danois et allemand avaient lieu dans la même enceinte; les réunions périodiques qui ont abouti à l'accord de partage des marchés en Allemagne à l'été 1993 ont assuré le maintien de l'entente entre les six grands producteurs.
Ainsi, au moment même où Løgstør prétend avoir informé ABB et les autres par téléphone, les 19 et 20 avril 1993, qu'elle avait décidé de se retirer de l'entente au Danemark, ces entreprises participaient à Hambourg à une réunion organisée par Løgstør (à laquelle celle-ci peut d'ailleurs fort bien avoir assisté), afin de relancer le processus de négociation d'un barème commun en Allemagne (voir considérant 49).
Au cours des six mois suivants (de septembre 1993 à mars 1994), caractérisés par les producteurs comme une période de «guerre des prix», les contacts bilatéraux ou trilatéraux se sont poursuivis. En novembre ou décembre 1993, ABB essayait encore de persuader Løgstør de signer l'accord de compensation pour l'Allemagne. Toute interruption pouvait être considérée comme une suspension des arrangements et relations habituels: les producteurs n'ont pas tardé à reconnaître qu'une lutte de pouvoir prolongée était contraire à leurs intérêts et à retourner à la table des négociations.
(142) On observe également une continuité évidente en termes de méthodes et de pratiques entre le nouvel accord conclu fin 1994 pour tout le marché européen et les arrangements antérieurs.
Les méthodes adoptées, dans le cadre du nouvel accord, pour assurer la collusion étaient fondamentalement les mêmes que celles qui avaient été appliquées avec succès au Danemark. C'était notamment le cas en Allemagne où, dans le cadre du système des quotas, un mécanisme complexe d'identification des projets, d'attribution des marchés à un «favori», d'offres collusoires et de contrôle a été transposé d'un marché d'une trentaine de projets à un marché ne comptant pas moins de 1 500 projets annuellement.
De plus, la structure des réunions à deux niveaux mise en place pour gérer l'entente était identique à celle qui fonctionnait au Danemark. D'ailleurs, le système, précisait-on, s'inspirait du «modèle danois». Les arrangements constitutifs qui avaient caractérisé le marché danois du chauffage urbain pendant des années se sont propagés à l'ensemble du secteur. L'accord européen a marqué le point culminant du processus d'«ententelisation» auquel, en dépit des vicissitudes, les producteurs participaient de longue date.
Le fait que l'entente danoise n'ait compté que quatre membres est sans importance. Les deux grands producteurs allemands étaient en réalité déjà impliqués, depuis des années, dans un système collusoire avec les autres en dehors du Danemark: lorsque le «modèle danois» a été transposé au marché à l'échelle européenne, ils ont simplement été intégrés à part entière dans le mécanisme.
Même si les petits producteurs - Brugg, KWH, Ke-Kelit et Sigma - n'ont pas adhéré aux arrangements avant 1994 ou 1995, la conclusion selon laquelle il n'y a eu qu'une infraction unique et continue reste valable. À cette époque, en effet, le système de partage des marchés, de fixation des prix et de soumissions concertées s'était déjà imposé dans les usages commerciaux reconnus de ce secteur. Il ne manquait plus que les petits producteurs locaux pour rendre le système généralisé totalement étanche.
(143) La Commission rejette aussi l'argument avancé par la plupart des producteurs - Løgstør, Henss/Isoplus, Pan-Isovit, Starpipe, Tarco et Brugg - selon lequel ils n'auraient pris part «à aucun accord visant à nuire à Powerpipe».
Leur affirmation n'est pas soutenable en droit. Les producteurs impliqués tentent de subdiviser les différentes manifestations de l'entente en plusieurs infractions totalement distinctes à l'article 85. Cette analyse est tout à fait artificielle, dans la mesure où le plan destiné à nuire à Powerpipe ou à l'éliminer était partie intégrante des projets d'«ententelisation» des marchés européen et allemand, dans lesquels ils étaient tous profondément impliqués (17).
(144) De toute façon, les preuves recueillies démentent leurs affirmations. Depuis le moment où Powerpipe a pénétré sur le marché allemand, il y a eu efforts concertés de la part de Løgstør, Henss/Isoplus et ABB pour l'éliminer de ce marché ou l'amener à rejoindre l'entente. Toutes les entreprises avançant cet argument étaient présentes lors de la réunion qui s'est tenue à Düsseldorf le 24 mars 1995, dont les conclusions ont été notées de façon très claire par Tarco. Les principaux avocats du boycott ont sans doute été ABB et Henss, mais tous les participants à la réunion connaissaient le plan et l'ont approuvé.
Il n'importe pas non plus que ABB et Løgstør aient joué le principal rôle dans la mise en oeuvre du boycott; en effet, les circonstances faisaient que ces deux producteurs étaient les mieux placés pour approcher les sous-traitants ou les fournisseurs de Powerpipe.
Naturellement, il est impossible d'affirmer avec certitude que le refus de ces producteurs d'honorer la commande de DSD était exclusivement motivé par l'intention de causer du tort à Powerpipe: il se peut qu'ils se soient trouvés dans l'incapacité d'exécuter une commande de ce type ou de cette ampleur et, du reste, ils ne sont pas juridiquement tenus de passer un contrat. Cependant, la note sur la commande qui a été trouvée dans les locaux de Pan-Isovit confirme qu'ABB, Henss et Pan-Isovit (les trois membres du consortium non retenu) entretenaient des contacts à propos de cette commande, que Pan-Isovit au moins était satisfaite des difficultés d'approvisionnement de DSD et que la question a été débattue au sein du «club des directeurs».
Les instructions expresses données par ABB à KWH de ne pas fournir Powerpipe, ainsi que les discussions qui ont eu lieu lors des réunions des directeurs des 5 mai et 13 juin 1995 (voir considérant 101), confirment que le plan destiné à éliminer ce concurrent s'inscrivait dans le cadre d'une politique bien établie de l'entente.
(145) Étant donné le dessein commun d'éliminer la concurrence dans le secteur du chauffage urbain que les producteurs ont poursuivi avec constance, la Commission estime que ce projet commun constitue une infraction continue à l'article 85, paragraphe 1, qui a débuté fin 1990 et dans laquelle chaque producteur a joué son rôle.
Même si, en le prenant dans sa totalité, ce faisceau d'arrangements entre les producteurs peut être considéré comme présentant les caractéristiques d'un «accord» au sens propre du terme, le comportement incriminé comporte également des éléments de fait dont certains pourraient être, à juste titre, qualifiés de «pratique concertée» (voir considérant 138).
La Commission reconnaît que, s'il s'agit bien d'une infraction unique et continue, son intensité et ses effets ont varié dans le temps sur toute la période en cause: elle s'est progressivement étendue (en dépit d'une courte période pendant laquelle les arrangements ont été suspendus) des arrangements affectant tout d'abord le Danemark en 1991, à d'autres marchés, jusqu'à constituer, vers 1994, une entente paneuropéenne couvrant la quasi-totalité des échanges du produit en cause.

4. Restriction de concurrence
(146) Ce faisceau d'accords a eu, en l'espèce, pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence.
À l'article 85, paragraphe 1, sont mentionnés expressément comme restrictifs de concurrence les accords qui consistent à:
- fixer de façon directe ou indirecte les prix de vente ou d'autres conditions de transaction,
- limiter ou contrôler la production, les débouchés ou le développement technique,
- répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
(Cette liste n'est pas limitative.)
Or, ce sont précisément les caractéristiques essentielles du système intégré d'arrangements horizontaux examiné en l'espèce. Les prix étant l'arme principale de la concurrence, les divers arrangements et mécanismes collusoires adoptés par les producteurs, notamment le projet commun d'évincer ou de nuire à Powerpipe, avaient tous pour ultime objectif un relèvement des prix à leur avantage, les prix étant alors fixés à un niveau supérieur à celui qu'aurait déterminé la libre concurrence.
(147) La répartition des marchés et la fixation des prix sont, par nature, restrictifs de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, de même que la limitation du développement technique.
Les principaux traits du faisceau d'accords et d'arrangements qui peuvent être considérés comme restreignant la concurrence sont les agissements suivants:
- affecter des quotas de parts de marché,
- obliger ou encourager les producteurs ayant de faibles parts de marché à se retirer de certains marchés en échange de compensations sur d'autres marchés nationaux,
- convenir de et appliquer un système de sanctions et de compensations visant à renforcer le système de quotas,
- s'étendre sur des augmentations de prix concertées (montant, calendrier et étapes des diverses augmentations),
- convenir de l'utilisation d'un ou de plusieurs barèmes communs,
- arrêter les réductions (en pourcentage) autorisées par rapport au(x) barème(s),
- répartir les activités en respectant le principe des relations existantes avec la clientèle «traditionnelle»,
- attribuer chacun des marchés soumis à des procédures d'appels d'offres avec mise en concurrence à un «favori» (c'est-à-dire le producteur auquel un marché était attribué) déterminé,
- fixer le prix que le «favori» doit offrir afin de remporter le marché,
- faire en sorte que les autres producteurs présentent des offres de prix supérieures dans le cadre des appels d'offres afin de «protéger» le «favori» et de lui assurer le marché,
- adopter pour principe que les soumissionnaires écartés dans le cadre d'un appel d'offres assurent une partie de la production en tant que sous-traitants du soumissionnaire retenu,
- se retirer de certains marchés ou renoncer à présenter une offre en contrepartie de certaines compensations ou de certains compromis,
- concevoir et appliquer un système de déclarations et de surveillance de manière à assurer le suivi de chaque marché, à comparer les offres, à détecter les «tricheries» et à influer sur la procédure d'appel d'offres dans les marchés «ouverts»,
- obliger tout participant qui a présenté une offre inférieure à celle du «favori» désigné à retirer ou modifier son offre,
- s'entendre de manière à débaucher systématiquement les employés à des postes clés de Powerpipe afin de faire du tort à cette entreprise et de ternir son image auprès de la clientèle (ABB et Løgstør),
- essayer de contraindre Powerpipe à retirer des offres retenues dans le cadre d'appels d'offres pour des marchés déjà attribués par l'entente à l'un de ses membres (par exemple, Neu-Brandenburg),
- influencer ou tenter d'influencer les entrepreneurs/acheteurs pour qu'ils ne retiennent pas l'offre de Powerpipe lorsque celle-ci avait remporté un marché important attribué par l'entente à trois de ses membres (ABB, Henss/Isoplus),
- convenir d'un boycottage collectif des entrepreneurs et fournisseurs engagés dans ce marché important,
- contacter les fournisseurs de Powerpipe de manière à les persuader de différer ou retarder des livraisons indispensables à cette entreprise pour pouvoir exécuter ses contrats comme prévu et dans les délais (principalement ABB et Løgstør),
- convenir d'indemniser Pan-Isovit proportionnellement à la part de marché qui lui revenait pour son acquisition de Powerpipe, afin d'évincer cette dernière du marché en tant que concurrent (ABB, Henss/Isoplus, Tarco et Pan-Isovit),
- exploiter les normes pour empêcher ou retarder l'arrivée de nouvelles techniques susceptibles d'entraîner des baisses de prix (les membres de l'EuHP).
(148) Compte tenu de leur objet manifestement anticoncurrentiel, il n'est pas nécessaire d'essayer de déterminer, pour chacune des restrictions de concurrence précitées, dans quelle mesure elle a contribué à la réalisation de l'objectif poursuivi.
Pour éviter toute ambiguïté, il faut toutefois apporter les précisions suivantes:
a) les restrictions de concurrence précitées ne constituent pas des infractions distinctes à l'article 85, mais différents aspects d'une seule et même infraction continue;
b) l'infraction consistait en un ensemble d'accords et de pratiques concertés dans lesquels chaque entreprise a joué son rôle. La Commission ne prétend nullement que chacun des destinataires de la présente décision ait participé à tous les volets des arrangements anticoncurrentiels décrits ni qu'il l'ait fait pendant toute la durée de l'infraction. Le rôle de chaque participant et son degré d'implication sont exposés en détail dans la présente décision: (voir notamment la situation particulière de KWH, Brugg, Ke-Kelit et Sigma);
c) certains aspects anticoncurrentiels de l'entente précités n'ont concerné que certains marchés, étaient plus développés sur certains marchés que sur d'autres ou n'ont été appliqués que pendant une durée limitée: ainsi, après la mise en place de l'entente au niveau de toute l'Europe à la fin de 1994, c'est en Allemagne que le mécanisme des soumissions concertées, qui avait constitué le fondement du «modèle danois», se trouve sous sa forme la plus achevée.
d) aux fins de la présente procédure, la Commission ne tiendra compte des agissements communs à l'encontre de Powerpipe avant l'adhésion de la Suède à la Communauté (au 1er 1995) que dans la mesure où ils ont affecté la concurrence à l'intérieur de l'Union (entrée de Powerpipe sur le marché allemand) et où ils constituent une preuve indirecte de l'existence d'un projet constant de nuire à Powerpipe ou de l'évincer après cette date.

5. Effets sur les échanges entre États membres
(149) L'accord continu entre producteurs a eu un effet sensible sur le commerce entre États membres.
Le marché du chauffage urbain est caractérisé par un important volume d'échanges entre États membres, qui représentent près de 60 % de l'activité dans ce secteur de la Communauté. Sur le marché national le plus important, à savoir l'Allemagne, 75 % de la demande est satisfaite par les importations d'autres États membres (Danemark, Suède, Finlande et Autriche). La moitié de la capacité de production de l'Union est concentrée au Danemark, qui fournit des conduites de chauffage urbain à tous les autres États membres.
Si, dans un premier temps, les arrangements constitutifs de l'entente ont surtout concerné le Danemark et, par la suite, l'Allemagne, ces deux pays ont été les deux marchés nationaux les plus importants et d'ailleurs, au départ, l'objectif non avoué de l'entente était de contrôler l'arrivée des groupes allemands sur le «territoire d'origine» des groupes scandinaves et réciproquement.
Vers la fin de l'année 1994, les arrangements conclus dans le cadre de l'entente s'étaient propagés, dans l'intervalle, à tout le marché européen. La quasi-totalité des échanges réalisés dans l'ensemble de la Communauté dans ce secteur industriel important étaient sous le contrôle de l'entente. Il est significatif que la campagne orchestrée contre Powerpipe se soit intensifiée lorsque cette entreprise s'est attaquée au marché allemand.
(150) En ce qui concerne les relations entre les membres de l'entente, le retrait de certains marchés de ceux dont la part de marché était jugée trop faible a eu pour effet de détourner les courants d'échanges de l'orientation qu'ils auraient dû suivre en l'absence d'entente.
L'application de l'article 85 à une entente ne se limite pas à la part des ventes des participants qui implique effectivement le transfert de marchandises d'un État membre à un autre. Il n'est pas non plus indispensable, pour que l'article 85 s'applique, de montrer que le comportement de chaque participant, par rapport à celui de l'entente dans son ensemble, a affecté le commerce entre États membres [voir l'arrêt du Tribunal de première instance du 10 mars 1992 dans l'affaire T-13/89, Imperial Chemical Industries/Commission (18)].
L'argument avancé par Ke-Kelit selon lequel le commerce entre États membres n'aurait aucunement été affecté par la participation de cette entreprise au groupe de contact autrichien, puisque celle-ci ne vendait que sur le marché local, ne saurait être retenu. L'entreprise était de toute façon informée que les arrangements en Autriche auxquels elle s'était ralliée s'inséraient dans un plan plus vaste et, au surplus, les produits qu'elle vendait étaient tous importés du Danemark.

6. Durée de l'infraction
(151) La Commission ayant conclu en l'espèce à l'existence d'une infraction générale unique, et non à une série d'accords multiples et distincts, la participation des entreprises en cause peut avoir commencé à des dates différentes selon le cas. Bien qu'il ressorte de la déclaration de Løgstør (déclaration II, p. 86 et 87) que les premiers contacts anticoncurrentiels entre producteurs remontent déjà à 1988/1989, la Commission fera porter son examen au regard de l'article 85 et sa détermination des amendes éventuelles sur la période courant à compter de novembre 1990, mois au cours duquel les augmentations de prix concertées ont été convenues pour le Danemark et à partir duquel la participation d'ABB, de Løgstør, Starco et Starpipe aux arrangements collusoires est établie.
Pan-Isovit a été amenée à participer à l'entente à la même époque. L'«alliance stratégique informelle» entre ABB et Pan-Isovit en ce qui concerne le marché allemand remonte à décembre 1990 et, même si leur arrangement bilatéral semble, avec la création peu de temps après de l'EuHP, avoir été suspendu en avril 1991, Pan-Isovit a pris part aux discussions qui ont eu lieu en juillet en Italie et, dès octobre 1991, les arrangements sur le marché allemand entre les six principaux fournisseurs étaient appliqués. Ces fournisseurs se sont mis d'accord sur une augmentation conjointe des prix qui a pris effet le 1er janvier 1992.
La participation active de Henss/Isoplus au système collusoire est établie avec certitude à compter d'octobre 1991, lorsque cette entreprise a commencé à assister aux réunions périodiques des directeurs. Dès lors, les six grands producteurs, à savoir ABB, Løgstør, Tarco, Starpipe, Henss/Isoplus et Pan-Isovit, étaient tous impliqués dans ce système.
(152) Même si, vers la fin du premier semestre 1993, la tentative de conclusion de l'accord de quotas danois a échoué, la coopération sur le marché allemand avait déjà à cette date abouti à la définition d'un système de quotas (voir considérants 50-52). Pendant les six mois qui se sont écoulés entre octobre 1993 et mars 1994, on peut considérer que les arrangements ont été suspendus, même si (au dire d'ABB) les réunions bilatérales et trilatérales se sont poursuivies. Dès le mois de mai 1994, la collusion était rétablie en Allemagne avec l'application du barème pour toute l'Europe et, en août 1994, ses modalités étaient définitivement arrêtées.
Le nouvel accord général conclu en octobre-novembre 1994 a institutionnalisé à l'échelon européen le système collusoire que les principaux opérateurs de ce secteur considéraient comme étant le modèle idéal à suivre pour faire des affaires. Ces six producteurs ont mis au point entre eux un système qui s'est développé et a tenu bon et auquel d'autres producteurs opérant sur des marchés nationaux ou régionaux pouvaient se rallier.
La participation de KWH à la collusion est pleinement établie à compter de janvier 1995, au moment où l'un de ses dirigeants a rencontré ABB à Copenhague. Toutefois, comme il a été estimé, dans la communication des griefs, que la participation de KWH à l'entente a commencé en mars 1995, c'est cette date qui sera retenue dans la présente décision.
(153) Sur chacun des marchés nationaux, les deux producteurs locaux Ke-Kelit (Autriche) et Sigma (Italie) n'ont probablement rallié l'entente que début 1995. Brugg, en revanche, a été impliquée dans le projet dès août 1994, même si elle n'a commencé à faire partie du «groupe de contact» allemand qu'en décembre de cette même année.
L'infraction s'est poursuivie au moins jusqu'en mars 1996, date à laquelle la Commission a envoyé aux principaux participants des demandes de renseignements en vertu de l'article 11, voire avril/mai sur certains marchés et même, dans le cas de l'Italie, jusqu'en juin 1996. Aujourd'hui encore, il n'est pas certain que l'entente ne subsiste pas sous une forme ou une autre.
Cependant, faute de données fiables et détaillées sur le groupe de contact italien, la Commission déterminera les amendes éventuelles en partant de l'hypothèse selon laquelle l'entente aurait duré jusqu'en mars/avril 1996.
C'est pourquoi, la Commission estime devoir conclure que la durée de la participation des diverses entreprises à l'infraction a été la suivante:
a) ABB, Løgstør, Tarco et Starpipe: début vers le mois de novembre 1990, puis extension progressive à toute la Communauté et maintien au moins jusqu'en mars ou avril 1996, en retranchant une période maximale de six mois, d'octobre 1993 à mars 1994 environ, pendant laquelle les arrangements ont été suspendus;
b) Pan-Isovit: dans un premier temps en association avec ABB à compter plus ou moins de décembre 1990, puis à partir d'octobre 1991, avec les quatre producteurs précités, plus Henss/Isoplus, en retranchant là aussi la période de suspension de six mois indiquée ci-dessus, et maintien jusqu'en mars ou avril 1996 au moins;
c) Isoplus: à compter d'octobre 1991 et, sous réserve de la période de suspension précitée, maintien au moins jusqu'en mars ou avril 1996;
d) Brugg: plus ou moins à partir d'août 1994 et ce, jusqu'en mars ou avril 1996 au moins;
e) Ke-Kelit: plus ou moins à compter de décembre 1994 et ce, au moins jusqu'en mars ou avril 1996;
f) KWH: à compter de mars 1995 (au plus tard) et maintien jusqu'en mars ou avril 1996 au moins;
g) Sigma: plus ou moins à partir d'avril 1995 et ce, au moins jusqu'en mars ou avril 1996.

7. Les destinataires de la présente procédure

a) Remarques générales
(154) L'objet des règles de concurrence posées par le traité CE est l'«entreprise», notion qui n'équivaut pas nécessairement à celle de personne morale en droit des sociétés ou en droit fiscal national.
Le terme lui-même n'est pas défini dans le traité. Il peut désigner toute entité exerçant une activité commerciale. Dans le cas d'une grande entreprise multinationale (ABB, par exemple), la myriade de filiales, le réseau complexe des participations détenues dans différentes entreprises et l'organisation des activités du groupe, à des fins de gestion, en divisions fonctionnelles ou d'exploitation distinctes et/ou en zones géographiques sans correspondance automatique avec la structure de l'entreprise peuvent encore compliquer le tableau.
En fonction des circonstances, il peut être opportun de considérer comme l'«entreprise» en cause aux fins de l'article 85 l'ensemble du groupe ou seulement certains sous-groupes ou certaines filiales du groupe.

b) ABB
(155) En l'espèce, est visé par la procédure et destinataire de la présente décision le groupe ABB, représenté par la société holding qui se trouve à sa tête, à savoir ABB-Asea Brown Boveri Limited. Aux fins du recouvrement d'une amende, qui peut impliquer le recours à des procédures nationales d'exécution, il est nécessaire d'adresser la décision à un ou plusieurs sujets de droit dotés de la personnalité juridique. Dans le cas d'un groupe de grande taille, la personne morale appropriée peut être le holding qui se trouve à la tête du groupe. Le fait que le produit faisant l'objet de l'entente ne constitue qu'une des nombreuses activités du groupe et qu'il relève, dans la structure de ce dernier, de la responsabilité d'un sous-groupe, d'une division ou d'une filiale, n'est pas déterminant.
Cette approche correspond à la pratique habituelle de la Commission dans des affaires antérieures marquantes en matière d'ententes [voir, par exemple, affaire n° IV/31149 - «Polypropylène» (19)], confirmée par le Tribunal de première instance.
Les activités du groupe font l'objet de comptes consolidés et sont présentées dans le rapport annuel d'ABB Asea Brown Boveri Limited. Dans la structure d'ABB, le chevauchement de l'organisation par domaines d'activité et par produits et de l'organisation par zones géographiques est une preuve de la structure intégrée du groupe et justifie que la présente décision vise le groupe tout entier.
(156) D'autres raisons justifient que la procédure soit adressée à ABB plutôt qu'à l'une ou l'autre de ses filiales, à savoir:
- le domaine d'activité «chauffage urbain» (BA-VDH) regroupe pas moins d'une trentaine d'entreprises,
- il n'y a pas de holding pour le secteur BA-VDH: si ABB IC Møller A/S représente sans doute l'établissement de production le plus important au Danemark, on dénombre six autres entreprises de production d'ABB présentant des relations d'appartenance différentes et, dans le domaine commercial, la fonction «ventes» est exercée, dans beaucoup de pays, par les filiales nationales d'ABB,
- les efforts d'ABB pour éliminer Powerpipe ou pour préserver les intérêts de l'entente ont été mis en oeuvre par le biais d'entreprises dont le domaine d'activité n'était pas le secteur BA-VDH (voir annexes 144, 146, 159 et 160),
- le secteur BA-VDH dépend directement d'un directeur général adjoint d'ABB qui est de plein droit membre du comité de direction, principal organe dirigeant du groupe ABB,
- l'entente autant que les mesures prises pour nier ou dissimuler son existence ont été conçues, dirigées et fermement soutenues à l'échelon de la direction du groupe ABB. (Voir annexes 1, 2, 3, 6, 7, 11, 13, 16, 26, 29, 48 et 126.)

c) Henss/Isoplus
(157) Les entreprises Henss et Isoplus se sont comportées comme un groupe de fait. Au cours de l'enquête menée dans les locaux de l'entreprise de production autrichienne Isoplus Fernwärmetechnik Ges.m.b.H, son directeur général a dit aux agents de la Commission que l'actionnaire majoritaire était M. W. Henss, avec 87 % du capital. Isoplus a ensuite nié avoir tenu de tels propos. Le registre local du commerce et des sociétés ne comporte aucune mention indiquant que M. Henss posséderait une participation. L'actionnaire inscrit sur ce registre est le directeur général d'Isoplus et, même si le registre indique que pendant trois ans, jusqu'en décembre 1993, c'est l'avocat représentant Isoplus aux fins de la présente procédure qui détenait les 87 % du capital en question, il n'est pas précisé à quel titre ou au nom de qui il détenait cette participation. (Ni Isoplus ni son représentant n'ont apporté de renseignements sur ce point.)
Isoplus Fernwärmetechnik Ges.m.b.H. de Hohenberg, en Autriche, détient la totalité du capital d'une entreprise allemande immatriculée et juridiquement distincte, possédant la même raison sociale, implantée à Sondershausen et qui est en fait la principale entreprise de production du groupe Henss/Isoplus.
Au moment des faits, les deux entreprises de Henss, Dipl-Kfm Walter Henss GmbH à Rosenheim (ci-après «Henss Rosenheim») et Dipl-Kfm Walter Henss Fernwärmeleitungsbau GmbH à Berlin (ci-après «Henss Berlin»), faisaient fonction d'agents commerciaux d'Isoplus en Allemagne. M. W. Henss était à la fois actionnaire majoritaire et directeur général de Henss Rosenheim et directeur général (mais pas actionnaire) de Henss Berlin (20).
Il est évident que, puisque M. W. Henss a assisté à toutes les réunions du club des directeurs, c'était lui qui exerçait les fonctions de gestion et de contrôle d'Isoplus et que les entreprises Henss et Isoplus ont formé ensemble un groupe de fait. Il était notoire dans ce secteur que Henss était l'entreprise qui tenait les rênes du pouvoir chez Isoplus.
(158) Cela n'a pas empêché Henss et Isoplus de prétendre, pendant toute la durée de la procédure, qu'il n'existait aucune relation structurelle d'appartenance entre elles: elles ont formellement nié, dans leur réponse à la communication des griefs, l'argument (de la Commission) selon lequel M. Henss aurait été le propriétaire du capital d'Isoplus par le biais de mandataires ou détenteurs nominaux. Les deux entreprises ont souligné que leur seul lien était une relation contractuelle entre commettant et agent commercial. Elles attribuent la présence de M. Henss au club des directeurs au fait qu'il avait été mandaté par Isoplus pour assister à ces réunions en raison de sa très bonne connaissance pratique du marché allemand: il n'y représentait pas les sociétés Henss. Elles ont également fait valoir que les entreprises Henss, en tant qu'agents commerciaux, ne pouvaient, en droit, être membres d'une «entente de producteurs», de sorte qu'une infraction ne pouvait être imputée qu'à Isoplus.
Cette ligne de défense a manifestement été adoptée dans le but de limiter le montant d'une éventuelle amende à 10 % du chiffre d'affaires d'Isoplus Ges.m.b.H. (qui avait, de fait, été fortement sous-évalué dans les réponses initiales de la société au titre de l'article 11).
Quoique la Commission ait estimé que les entreprises Henss et Isoplus ne formaient qu'un seul et même groupe, il n'y avait pas, à sa connaissance, de société holding à laquelle adresser la communication des griefs (compte tenu de sa pratique habituelle, comme indiqué au considérant 155 à propos d'ABB).
C'est pourquoi elle a adressé sa communication des griefs au groupe Henss/Isoplus, représenté par ses quatre principales entreprises dans la Communauté, à savoir Isoplus Hohenberg, Isoplus Sondershausen, Henss Rosenheim et Henss Berlin.
(159) Après l'engagement de la procédure et l'envoi de la communication des griefs, Henss Rosenheim (dont la dénomination avait entre-temps changé et était devenue, à compter du 1er janvier 1997, Isoplus Fernwärmetechnik Vertriebsgesellschaft mbH) a absorbé Henss Berlin, entreprise qui n'existe donc plus en tant que personne morale juridiquement distincte.
Lors de l'audition, Henss et Isoplus (représentées par des mandataires différents) ont continué à nier l'existence d'une relation d'appartenance entre elles.
Or, juste avant l'audition, la Commission avait vérifié l'inscription sur le registre du commerce et des sociétés (tribunal cantonal de Charlottenburg) de l'ancienne entreprise Henss Berlin.
Elle a découvert l'existence d'un document inscrit sur le registre public, apparemment par des avocats agissant pour le compte de Henss Isoplus (qui ne sont pas ceux apparaissant dans la présente procédure), qui montrait qu'en janvier 1997, une personne morale avait été créée sous la forme d'une «Kommandit Gesellschaft» pour jouer le rôle de holding des diverses entreprises Henss/Isoplus (21).
Le document en question («Einbringungsvertrag») donne la liste des participations qui avaient été cédées par les parties contractantes à la GmbH & Co. KG (22).
(160) Cet acte notarié révèle que M. Henss était bien le véritable propriétaire de la majorité du capital d'Isoplus Hohenberg (83 %). Le directeur général de cette entreprise, qui est le propriétaire nominal de ces parts, détenait cette participation en qualité de mandataire («Treuhänder») pour le compte de M. Henss (23). Il nous apprend également que, outre Isoplus Hohenberg, une autre société, cette fois en participation («Stille Gesellschaft»), avait été constituée et que le véritable propriétaire était, là encore, M. Henss, dont les actions étaient détenues par un mandataire, le conseiller juridique d'Isoplus.
L'acte montre aussi qu'un tiers de la participation qu'Isoplus Hohenberg possédait dans le capital de sa filiale à 100 % Isoplus Sondershausen était en fait détenu par l'entreprise en qualité de mandataire pour le compte de l'associé (l'un des directeurs de Henss Rosenheim) de M. Henss et de son épouse (tous deux étant aussi les actionnaires uniques de Henss Berlin).
Henss et Isoplus ont rétorqué que l'acte en question relevait des secrets d'affaires, qu'il avait été inscrit par mégarde sur le registre public et que, partant, il n'aurait pas dû être retenu comme élément de preuve ni divulgué pendant la procédure. La Commission ne saurait admettre un tel argument, pour la simple raison qu'un document inscrit sur un registre public (par inadvertance ou non) par des représentants de Henss/Isoplus ou de HFB ne peut être traité comme un document confidentiel.
Bien que la communication des griefs n'ait pas été adressée officiellement à la société holding (dont la Commission ignorait l'existence et l'objet et dont elle n'a appris la constitution que dans les conditions exposées ci-dessus), il y était clairement indiqué que la procédure visait le groupe Henss/Isoplus et qu'en l'absence d'une holding unique, les quatre sociétés d'exploitation nommément désignées étaient les représentants du groupe aux fins d'élection de domicile et d'exécution.
C'est donc à juste titre que la présente décision est adressée non seulement aux sociétés d'exploitation (aujourd'hui au nombre de trois), mais également à la société holding, HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH & Co. KG, et par conséquent à HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH Verwaltungsgesellschaft (toutes deux implantées à Rosenheim), ainsi qu'à la société en participation d'Isoplus.

d) KWH
(161) Même si la communication des griefs mentionne comme destinataire de la procédure Oy KWH Pipe AB, les documents ont en réalité été envoyés (contre accusé de réception) à Oy KWH Tech AB, la division de KWH Pipe qui est chargée de l'activité «chauffage urbain». Les dénominations «KWH Tech» et «KWH Pipe» sont utilisées indifféremment par KWH pour ce qui se rapporte à son activité dans le domaine du chauffage urbain, ainsi que dans sa correspondance. Lors de l'audition, KWH a déclaré qu'elle supposait que la procédure visait KWH Tech et non KWH Pipe. Dans la mesure où l'amende que la Commission estime devoir infliger dans le cas de KWH ne dépasse pas 10 % du chiffre d'affaires d'Oy KWH Tech AB, l'identité exacte de la personne morale, au sein de l'organisation KWH, qui est destinataire de la décision n'est pas d'une importance primordiale, de sorte que la destinataire officielle de la décision formelle sera Oy KWH Tech AB.

B. Cessation des infractions et sanctions

1. Article 3 du règlement n° 17
(162) Si la Commission constate une infraction aux dispositions de l'article 85, elle peut obliger les entreprises intéressées à y mettre fin conformément à l'article 3 du règlement n° 17.
En l'espèce, les membres de l'entente se sont donné beaucoup de mal (mais finalement en vain) pour dissimuler leurs agissements. Leurs réunions se sont tenues, pour la plupart, dans le plus grand secret, sous couvert, ou à l'occasion, de réunions d'associations professionnelles en apparence légitimes.
L'infraction a continué longtemps après les vérifications effectuées par la Commission en vertu de l'article 14, paragraphe 3, la seule modification notable dans le comportement des entreprises en cause ayant été que les plus hauts dirigeants du «Groupe des directeurs» et le groupe de contact allemand se sont réunis en dehors de la Communauté, vraisemblablement dans l'espoir que, grâce à ce subterfuge, ils pourraient dissimuler leurs agissements. Il a même été question, lors de la dernière réunion, de la poursuite de l'entente sous d'autres formes. Dans ces conditions, il n'est même pas possible d'affirmer que l'infraction a maintenant pris fin.
Aussi, la Commission doit-elle obliger les entreprises destinataires de la présente décision à mettre fin à l'infraction (si elles ne l'ont pas déjà fait) et à s'abstenir à l'avenir de tout accord, de toute pratique concertée et de toute décision d'association pouvant avoir un objet ou un effet identique ou similaire.

2. Article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

a) Remarques d'ordre général
(163) Aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes de mille écus au moins à un million d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre en considération tous les éléments de fait pertinents et, en particulier, la gravité et la durée de l'infraction.
Pour déterminer la gravité de l'infraction, la Commission doit prendre en considération sa nature, son impact concret sur le marché et l'étendue du marché géographique concerné.
En l'espèce, la Commission appliquera aussi sa communication, du 18 juillet 1996, concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (24).
(164) Pour ce qui se rapporte à l'appréciation de la gravité de l'infraction considérée dans son ensemble, la Commission a tenu compte des constatations générales suivantes:
a) le partage des marchés et la fixation des prix constituent, en soi, des infractions très graves à l'article 85, paragraphe 1. Tout en étant parfaitement conscients de l'illicéité de leurs agissements, les producteurs se sont entendus pour instaurer un système secret et institutionnalisé, destiné à restreindre la concurrence dans un secteur industriel important. Ils ont ensuite progressivement étendu leur coopération illicite à l'ensemble du marché communautaire;
b) les arrangements constitutifs de l'entente se sont finalement propagés à tout le secteur, ont été conçus et encouragés au plus haut niveau de la direction de chaque entreprise concernée et ont été appliqués au seul bénéfice des producteurs membres de l'entente et au détriment de leurs clients, des concurrents non membres de l'entente et de l'intérêt général.
(165) Outre la gravité inhérente à tout accord de répartition des marchés et de fixation des prix, la Commission a également tenu compte, dans l'appréciation de la gravité de l'infraction, des éléments suivants:
a) l'illicéité de l'accord sur les quotas a été aggravée par l'adoption d'un système frauduleux de soumissions concertées. L'activité de ce secteur est subordonnée, pour l'essentiel, à des procédures d'appels d'offres qui mettent en concurrence les soumissionnaires. Les pouvoirs adjudicateurs et les entrepreneurs ou fournisseurs qui ont passé ces marchés étaient en droit d'attendre que les soumissions ne soient pas le résultat d'une collusion entre les participants. Dans les marchés de fournitures dépassant 400 000 écus, un régime légal d'appels d'offres a été institué en droit communautaire dans l'intérêt général. Or, les producteurs se sont entendus en toute illégalité pour tourner l'intention du législateur communautaire;
b) ce système illégal a été maintenu et appliqué avec rigueur de manière non seulement à garantir que ses membres le respecteraient, mais aussi à éliminer le seul concurrent de quelque importance en dehors de l'entente, à savoir Powerpipe.
Pour ces raisons, la Commission estime que la présente infraction à l'article 85, paragraphe 1, est une infraction très grave pour laquelle l'amende normalement imposable est d'au moins 20 millions d'écus.
(166) À l'intérieur de cette catégorie, il sera toutefois nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d'infraction à créer un dommage important à la concurrence et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif.
Dans les circonstances de la présente espèce concernant plusieurs entreprises, il faudra, lors de la fixation du montant de base, tenir compte du poids spécifique, et donc de l'effet concret, du comportement infractionnel de chaque entreprise concurrente.
Cet examen est absolument nécessaire lorsque (comme c'est le cas en l'espèce) il existe une très grande disparité dans la taille des entreprises ayant pris part à l'infraction.
À cette fin, les entreprises peuvent en principe être divisées en quatre catégories selon leur importance relative dans le marché de la Communauté, sous réserve d'ajustement pour tenir compte, le cas échéant, d'autres facteurs et spécialement de la nécessité d'assurer une dissuasion effective.
La Commission a également tenu compte, pour la détermination du montant de l'amende à infliger à chaque entreprise, de la durée de la participation de chacune au système commun. Il est toutefois possible d'affirmer, de manière générale, que l'infraction a été d'une durée moyenne, ce qui justifie une majoration pouvant aller jusqu'à 50 % du montant fixé en raison de la gravité.
En outre, la Commission a pris en considération le fait que, même s'il s'agissait, en l'espèce, d'une infraction unique et évolutive, ses manifestations les plus poussées ont été: a) les arrangements conclus entre producteurs danois à compter de fin 1990 et b) les arrangements à l'échelle européenne à compter de septembre 1994, y compris les agissements à l'encontre de Powerpipe.
En ce qui concerne les accords portant principalement sur le marché allemand entre fin 1991 et 1993 (voir considérants 38 à 52), la Commission a fixé le montant des amendes en gardant présent à l'esprit le fait que ces accords ont été d'une durée limitée et ont eu un effet pratique également limité.
(167) Pour ce qui se rapporte à chaque entreprise, la Commission a tenu compte, pour la fixation du montant de l'amende, des éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes.
Le montant final calculé selon cette méthode ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d'affaires mondial des entreprises conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et les ajustements sont à effectuer en conséquence.
La position de chaque entreprise au regard de la communication sur la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant a également été prise en considération.

b) Amendes infligées à chaque entreprise

i) ABB

- Gravité de l'infraction
(168) Pour déterminer la sanction à infliger à ABB, la Commission a tenu compte de la capacité économique de cette entreprise de causer un lourd préjudice à la concurrence et de la nécessité de fixer une amende dont le montant soit suffisamment dissuasif pour empêcher toute récidive.
Dans le cas d'ABB, pour fixer une amende basée sur le critère du chiffre d'affaires sur le marché concerné, un ajustement vers le haut est nécessaire pour tenir compte de la position d'ABB en tant qu'un des principaux groupes européens.
L'ajustement sert deux objectifs:
1) assurer à l'amende un effet suffisamment dissuasif;
2) tenir compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent de connaissances et d'infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence.
(169) La part prise par ABB dans la violation de l'article 85 n'a pas été (comme ABB a essayé de la présenter au départ) un agissement irrégulier et atypique, imputable à une filiale d'importance mineure au sein d'une structure de gestion décentralisée.
L'organisation de l'entente s'inscrivait dans un plan stratégique d'ABB visant à contrôler le secteur du chauffage urbain, qui a été conçu, approuvé et dirigé au plus haut niveau de la direction du groupe, de même que les mesures prises pour nier et dissimuler son existence et assurer son maintien pendant neuf mois encore après les vérifications de la Commission.
Il est manifeste qu'ABB a systématiquement exploité son pouvoir économique et ses ressources en tant que grande entreprise multinationale pour renforcer l'efficacité de l'entente et s'assurer que les autres entreprises obéiraient à ses volontés.
Par la suite, ABB a modifié sa position de sorte que, au moment des auditions, elle avait renoncé à ses tentatives initiales de rejeter la responsabilité sur sa filiale danoise ABB IC Møller et elle ne conteste plus que la responsabilité soit imputable au groupe (même si elle continue à soutenir que le domaine d'activité «chauffage urbain» constitue l'«entreprise» en cause à laquelle le plafond de 10 % prévu à l'article 15, paragraphe 2, devrait s'appliquer).
La Commission n'accepte pas cet argument. La participation prouvée à l'entente des cadres supérieurs montre combien il est nécessaire de fixer l'amende à un niveau lui assurant un caractère suffisamment dissuasif.
Cela étant, la Commission estime que, dans le cas d'ABB, l'exigence de l'effet dissuasif fait que l'amende minimale de 220 millions d'écus prévue pour une infraction très grave devrait être pondérée par × 2,5 pour avoir un point de départ de 50 millions d'écus.

- Durée
(170) En ce qui concerne la durée de l'infraction, ABB ne nie pas que celle-ci ait duré plus de cinq ans. Toutefois, la Commission tient compte du fait que, même si pendant toute cette période, l'objectif constamment poursuivi a été de restreindre la concurrence, premièrement, les arrangements, au départ, étaient incomplets et ont eu un effet limité en dehors du marché danois, deuxièmement, ils ont été suspendus entre fin 1993 et début 1994 et troisièmement, ils n'ont atteint leur forme la plus achevée qu'avec l'entente à l'échelle européenne constituée en 1994/1995 (quoique l'entente «danoise» ait été pleinement opérationnelle de 1991 à 1993).
En supposant une durée de l'infraction continue de cinq ans, il y a lieu d'appliquer une pondération supplémentaire de × 1,4 à ABB.
Cela porte le montant fixé au considérant 169 à un montant de base de 70 millions d'écus.

- Circonstances aggravantes ou atténuantes
(171) La gravité de l'infraction est encore alourdie dans le cas d'ABB par les circonstances suivantes:
- le rôle de meneur et d'instigateur de l'entente joué par ABB et notamment les pressions qu'ABB a exercées sur les autres entreprises afin de les persuader de rallier l'entente,
- les mesures de rétorsion qu'elle a orchestrées de manière systématique à l'encontre de Powerpipe afin de l'évincer du marché,
- le fait qu'elle ait poursuivi une infraction aussi nette et indiscutable après les vérifications après avoir été avertie, à un niveau élevé, par la direction générale de la concurrence des conséquences d'un tel comportement.
Compte tenu de ces circonstances particulièrement aggravantes, le montant de base doit être majoré de 50 %.
(172) La seule circonstance atténuante que la Commission puisse retenir en ce qui concerne ABB est le paiement d'un important dédommagement à Powerpipe et à son ancien propriétaire. La Commission accepte néanmoins, en reconnaissance de cette circonstance, de minorer le montant de base de 5 millions d'écus.
La Commission réfute l'argument invoqué comme circonstance atténuante par ABB, selon lequel le soi-disant «renforcement» de sa politique de respect des règles de concurrence devrait justifier une réduction du montant de l'amende. ABB fait valoir qu'elle a toujours eu pour politique impérative de respecter strictement toutes les législations applicables, notamment les règles de concurrence tant nationales que communautaires. Quelle qu'ait pu être sa politique déclarée, elle n'était pas applicable au plus haut niveau de la direction (ou bien celle-ci n'en a eu cure). ABB n'a pas non plus empêché que l'infraction soit poursuivie par ces mêmes hauts dirigeants pendant neuf mois après les vérifications. Les instructions transmises, en date du 29 novembre 1995, par le service juridique d'ABB au président de l'époque d'IC Møller et précisant que la «politique impérative du groupe» était que les employés d'ABB ne commettent à aucun moment des infractions au droit de la concurrence communautaire n'ont visiblement pas été suivies d'effet. ABB soutient que, peu après la réunion du 17 janvier 1996, la direction du domaine BA-VDH avait donné des instructions verbales à toutes les entreprises pour qu'elles «cessent tout contact illicite avec des concurrents». Pourtant, six semaines plus tard, le 4 mars plus précisément, cette même direction préconisait, lors d'une réunion de direction, l'emploi d'un «consultant» afin de maintenir l'entente sans avoir besoin de recourir à des réunions plénières. D'ailleurs, même après l'envoi par la Commission de ses demandes de renseignements, les «instructions» données au personnel d'ABB de respecter les dispositions du droit de la concurrence (note du 4 avril 1996) ont été transmises par certaines des personnes les plus impliquées dans l'entente et ont été rédigées en des termes qui réfutent totalement les allégations de faute reconnues par la suite par ABB comme fondées. En outre, même après que les avocats d'ABB eurent informé la Commission à deux reprises (lettres des 21 mars 1996 et 1er avril 1996) que celle-ci était disposée à coopérer, un cadre d'ABB IC Møller a participé à une réunion (qui n'a d'ailleurs pas abouti) avec le directeur des ventes de Løgstør, afin d'examiner comment poursuivre l'entente «par d'autres moyens».
ABB fait en outre valoir dans sa réponse à la communication des griefs qu'il faudrait inscrire à sa décharge le fait qu'elle a «démis de leurs fonctions» les hauts dirigeants qui étaient les principaux responsables de l'infraction: cette mesure était censée prévenir toute récidive et adresser un message fort à l'ensemble du personnel pour lui faire comprendre qu'aucune violation de la politique du groupe sur le respect des règles de concurrence ne serait tolérée.
En effet, l'effet dissuasif de ces messages sur le personnel d'ABB doit avoir été atténué par la nature sélective des «mesures disciplinaires» prises: les plus haut placés des membres du personnel impliqués n'ont pas du tout été sanctionnés et seul un cadre d'un niveau relativement moyen dans la hiérarchie a quitté le groupe.
Le 15 octobre 1998, ABB et Daimler-Benz, les copropriétaires d'Adtranz, ont annoncé que son président (dont le rôle en pointe dans l'entente, alors qu'il était directeur général adjoint d'ABB, est pleinement établi: voir considérants 9, 10, 21, 49, 52, 55 et 156) quittait la société.
Son départ, décidé à la veille de la décision et ne revêtant d'ailleurs pas un caractère de sanction, ne saurait changer les conclusions de la Commission.
Compte tenu des circonstances aggravantes et des circonstances atténuantes retenues, l'amende à infliger à ABB serait de 100 millions d'écus.

- Application de la communication sur la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant
(173) La Commission consent néanmoins à une réduction du montant, par ailleurs justifié, de l'amende infligée à ABB, en reconnaissance de sa coopération au sens de la communication du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition ou la réduction du montant des amendes.
Il ne s'agit pas d'un cas où une entreprise aurait dénoncé une entente secrète à la Commission avant que celle-ci ait procédé à une vérification (titre B) ou après que la Commission a procédé à une vérification sans que celle-ci ait pu donner une base suffisante pour justifier l'engagement de la procédure prévue à l'article 3 du règlement n° 17 (titre C).
Aux termes du titre D de la communication, toutefois, une entreprise qui ne réunit pas toutes les conditions exposées aux titres B et C, bénéficie d'une réduction importante de 10 à 50 % du montant de l'amende qui, sans quoi, lui aurait été infligée si (par exemple):
- avant l'envoi d'une communication des griefs, elle fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise,
- après avoir reçu la communication des griefs, elle informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations.
(174) Bien que l'infraction se soit poursuivie pendant neuf mois après les vérifications, ABB a coopéré dès les premiers stades cités comme exemples au titre D, et il convient d'en tenir dûment compte dans la réduction du montant de l'amende consentie.
Les renseignements fournis par ABB (et par d'autres entreprises) à la suite de l'envoi des demandes de renseignements en application de l'article 11 ont contribué de manière notable à établir la matérialité des faits pertinents, en particulier en ce qui concerne les origines de l'entente au Danemark fin 1990. La Commission n'avait pu obtenir de preuves suffisantes au cours de son enquête sur cette période, bien qu'il soit inexact (contrairement à ce que prétend ABB) qu'elle ne disposait pas de preuves suffisantes de l'existence de l'entente avant 1994: des notes sur les réunions des présidents, ainsi que d'autres éléments de preuve remontant à 1992, ont été trouvés chez Tarco, Løgstør et Starpipe, et certaines des preuves les plus accablantes (par exemple l'annexe 48) ont été découvertes chez ABB IC Møller.
Il faut préciser qu'il a fallu attendre, pour qu'ABB coopère, l'envoi des demandes de renseignements détaillés en vertu de l'article 11, par lesquelles la Commission a demandé à toutes les entreprises des explications sur les documents à charge découverts dans leurs locaux en juin 1995.
Par conséquent, ABB ne saurait bénéficier de la pleine réduction de 50 % admissible en vertu du titre D.
Après avoir dûment examiné tous les éléments pertinents, la Commission estime qu'il y a lieu de minorer le montant de l'amende qui aurait dû être infligée de 30 %.
ABB est donc condamnée à une amende de 70 millions d'écus.

ii) Løgstør
(175) Løgstør est, par ordre d'importance, le deuxième producteur européen de conduites précalorifugées, avec des ventes qui atteignent la moitié environ de celles d'ABB.
Compte tenu de cette circonstance et pour refléter sa situation d'entreprise spécialisée dans un seul produit, le point de départ pour l'amende imposée à Løgstør sera ajusté à 10 millions d'écus (en raison de la gravité).
La durée de sa participation à l'infraction est la même que pour ABB, ce qui justifie une majoration du montant de l'amende déterminée comme point de départ par l'application d'un coefficient de × 1,4 et donne un montant de base de 14 millions d'écus.
(176) La poursuite délibérée de la participation de Løgstør à l'infraction après les vérifications dans les conditions indiquées aux considérants 108 à 112 constitue une circonstance particulièrement aggravante. Le cas de Løgstør présente une circonstance aggravante supplémentaire, compte tenu de son rôle actif dans les mesures de représailles prises à l'encontre de Powerpipe, bien que, à cet égard, la Commission ne place pas Løgstør sur le même plan qu'ABB (comme cette dernière a tenté de la présenter).
Pour ces raisons, il y a lieu de majorer le montant de base de l'amende à infliger à Løgstør de 30 %.
Aucune circonstance atténuante ne permet d'appliquer une réduction du montant de l'amende à infliger à Løgstør. Løgstør peut fort bien avoir subi des pressions de la part d'ABB à différents moments, mais elle exagère beaucoup en prétendant que cette dernière l'a entraînée contre son gré dans l'entente. Le montant ainsi déterminé avant toute minoration au titre de la coopération serait normalement de 18 200 000 écus.
Cependant puisque le montant final calculé selon la méthode ci-dessus ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d'affaires mondial de Løgstør (comme prévu à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17) l'amende sera de 12 700 000 écus, de manière à ne pas dépasser la limite autorisée.
(177) La communication sur la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant s'applique aussi à Løgstør parce qu'elle a et ce, volontairement, (même si les demandes de renseignements adressées en vertu de l'article 11 lui en ont fourni l'occasion) communiqué à la Commission des preuves écrites qui ont contribué notablement à établir d'importants aspects de l'affaire, en particulier le fait que les membres de l'entente aient décidé de le poursuivre après l'enquête, ce que la Commission soupçonnait, mais sans en avoir la preuve.
En application du titre D de la communication, la Commission consent à Løgstør la même réduction que pour ABB, à savoir 30 %.
Le montant total de l'amende infligée à Løgstør s'élève donc à 8 900 000 écus.

iii) Tarco, Starpipe, Henss/Isoplus et Pan-Isovit
(178) Étant donné leur poids sur le marché et l'effet de leur comportement sur la concurrence, la Commission ajustera le point de départ pour le calcul des amendes à leur infliger respectivement à 5 millions d'écus.
Les pondérations en fonction de la durée de l'infraction varient toutefois d'une entreprise à l'autre: en ce qui concerne Tarco et Starpipe, qui ont été impliquées dans l'entente pendant la même durée qu'ABB et Løgstør, une majoration de × 1,4 est applicable à chacune, alors que dans le cas de Pan-Isovit et de Henss/Isoplus, la durée de l'infraction a été moindre et leur participation avant 1994 a eu un caractère sporadique, de sorte que la pondération applicable à chacune est de × 1,33 et 1,25 respectivement.
Le montant de base des différentes amendes est donc:
>EMPLACEMENT TABLE>
(179) Dans chacun de ces cas, le montant de base doit être majoré en raison de la circonstance aggravante que constitue la poursuite délibérée d'une infraction aussi manifeste encore après l'enquête.
À ce titre, l'amende infligée à Tarco, Starpipe et Pan-Isovit doit être augmentée de 20 %.
Pour ce qui se rapporte à Henss/Isoplus, la Commission doit tenir compte de deux circonstances aggravantes supplémentaires, à savoir le rôle de premier plan joué par cette entreprise dans la mise en oeuvre de l'entente et ses tentatives répétées pour tromper la Commission sur la véritable nature des relations entre les entreprises du groupe. De tels agissements constituent une obstruction délibérée afin d'empêcher la Commission de mener son enquête qui, si elle avait réussi, aurait fort bien pu permettre à l'entreprise d'échapper à la sanction appropriée ou rendre son exécution plus difficile.
Dans ces conditions, l'amende infligée à Henss/Isoplus doit être majorée par l'application d'un coefficient de 30 %.
Aucune circonstance atténuante, qui justifierait une éventuelle minoration de l'amende, ne peut être retenue en faveur de l'une ou l'autre de ces entreprises.
Il semble donc justifié d'infliger les amendes suivantes à ces entreprises (avant toute réduction au titre de la coopération en vertu de la communication concernant la non-imposition ou la réduction du montant des amendes):
>EMPLACEMENT TABLE>
Toutefois, le montant de l'amende qu'il conviendrait d'infliger dépasserait le plafond fixé à l'article 15 du règlement n° 17, à savoir 10 % du chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice précédant l'adoption de la décision.
Le montant des amendes sera donc fixé de manière à ne pas dépasser le plafond admissible, soit 4 170 000 écus dans le cas de Tarco, 1 840 000 écus dans le cas de Starpipe, 4 950 000 écus dans le cas de Henss/Isoplus et 1 910 000 écus dans le cas de Pan-Isovit (sous réserve d'une éventuelle minoration au titre de la coopération).
(180) Au regard de la communication concernant la non-imposition ou la réduction du montant des amendes, la Commission tient compte de ce que Tarco lui a fourni des informations et des documents qui l'ont aidée à établir les faits sur lesquels se fonde la présente décision.
L'amende à infliger à Tarco doit donc être réduite de 30 %.
Pan-Isovit et Starpipe se situent peut-être à la frontière entre la coopération active avec la Commission et le simple fait d'admettre ce qui ne pouvait être nié dans leurs réponses aux demandes de renseignements qui leur ont été adressées en vertu de l'article 11 du règlement n° 17. Toutefois, elles n'ont pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations et, quoique Pan-Isovit ait nié que sa participation aux réunions antérieures à 1994 ait pu constituer une infraction à l'article 85, la Commission ne la pénalisera pas pour cette attitude. Tant Starpipe que Pan-Isovit doivent donc bénéficier d'une minoration de 20 % de leur amende en vertu du titre D de la communication concernant la non-imposition ou la réduction du montant des amendes.
En revanche, aucune réduction ne peut être accordée à ce titre à Henss/Isoplus. Il est exact qu'après avoir, dans un premier temps, en réponse aux demandes de renseignements qui lui étaient adressées en vertu de l'article 11, nié avoir eu connaissance de l'infraction et y avoir participé, et après s'être refusée à répondre à la plupart des points pertinents soulevés dans les demandes, cette entreprise a fini par fournir à la Commission des documents qui ont apporté des éléments de preuve complémentaires de ceux dont elle disposait déjà. Henss/Isoplus. n'a pas contesté, sur le fond, l'existence d'une infraction après fin 1994 (même si elle a imputé la participation à cette infraction aux entreprises Isoplus et non à Henss). Il est néanmoins implicite que, pour pouvoir bénéficier de cette possibilité d'une réduction, une entreprise doit agir de bonne foi et ne pas essayer, comme l'a fait Henss/Isoplus, de tromper la Commission sur un aspect important de l'affaire.
Le montant total des amendes infligées à ces quatre entreprises se présente donc comme suit:
>EMPLACEMENT TABLE>

iv) Brugg, KWH, Ke-Kelit et Sigma
(181) La position de ces quatre entreprises sur le marché du chauffage urbain est relativement moins importante. Leur implication doit être aussi qualifiée d'infraction très grave à l'article 85, mais il convient, là encore, de moduler le montant des amendes en fonction des effets produits par leur comportement et suivant leur taille comparativement à ABB.
Dans ces quatre cas, la gravité de l'infraction justifie que le point de départ ajusté pour le calcul des amendes ne soit pas inférieur à un million d'écus, chiffre que la Commission a donc retenu pour chacune de ces entreprises.
Les amendes doivent être pondérées (le cas échéant) en fonction de la durée de l'infraction, soit vingt mois environ pour Brugg, un an environ pour KWH, quinze mois pour Ke-Kelit et un an pour Sigma.
Le montant de base dans chaque cas s'élève donc à:
>EMPLACEMENT TABLE>
(182) En ce qui concerne les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes, la Commission tient compte du caractère délibéré, en commun avec les autres participants, de la poursuite de cette infraction manifeste, les amendes devant donc être majorées de 20 %.
Aucune circonstance atténuante quant à l'infraction ne saurait être retenue dans le cas de Brugg.
En ce qui concerne KWH, la Commission tient compte du fait que cette entreprise n'a pas respecté la consigne de boycottage de Powerpipe. (Toutefois, son allégation d'avoir été forcée par la menace à se rallier à l'entente est en contradiction avec son obstination à réclamer une part supérieure à celle que les autres producteurs étaient disposés au départ à consentir.)
La Commission ne saurait retenir non plus la thèse selon laquelle KWH n'avait pas pris conscience ou ne se doutait pas de l'illicéité du système auquel elle adhérait.
La Commission estime qu'une minoration du montant de l'amende en raison du refus de KWH de se joindre au boycottage compense la majoration de 20 % qui aurait dû lui être infligée pour circonstance aggravante. Le montant de l'amende applicable à KWH doit donc rester le montant de base.
Pour ce qui se rapporte à Ke-Kelit et à Sigma, la Commission estime que leur rôle mineur dans l'infraction et la limitation de leur participation à l'Autriche et à l'Italie, deux marchés relativement restreints dans le secteur du chauffage urbain, justifient une réduction du montant, autrement approprié, des deux tiers.
(183) En vertu de la communication du 18 juillet 1996, la Commission accorde à Brugg et à KWH une minoration de 30 %, parce qu'elles lui ont communiqué des renseignements importants et qu'elles n'ont pas contesté les allégations formulées à leur encontre.
Ke-Kelit ne contestant pas, sur le fond, les faits qui lui sont reprochés, la Commission consent une minoration de 20 % du montant de l'amende.
Les moyens de défense invoqués par Sigma sont douteux quant aux faits et l'entreprise n'a reconnu aucun des faits qui lui étaient reprochés, de sorte qu'aucune réduction ne peut lui être consentie en vertu de la communication concernant la non-imposition ou la réduction d'amendes.
Les amendes infligées aux quatre entreprises s'élèvent donc à:
>EMPLACEMENT TABLE>
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:


Article premier
ABB Asea Brown Boveri Ltd, Brugg Rohrsysteme GmbH, Dansk Rørindustri A/S, le groupe Henss/Isoplus, Ke-Kelit Kunststoffwerk GmbH, Oy KWH Tech AB, Løgstør Rør A/S, Pan-Isovit GmbH, Sigma Tecnologie di rivestimento S.r.l. et Tarco Energi A/S ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant, de la manière et dans la mesure indiquées dans la motivation à un ensemble d'accords et de pratiques concertées qui a été mis en place, vers novembre ou décembre 1990, entre les quatre producteurs danois, qui a ensuite été étendu à d'autres marchés nationaux, auquel se sont ralliées Pan-Isovit et Henss/Isoplus, et qui a fini par constituer, fin 1994, une entente générale couvrant l'ensemble du marché commun.
La durée de l'infraction était la suivante:
- dans le cas d'ABB, Dansk Rør, Løgstør, Pan-Isovit et Tarco: plus ou moins à partir de novembre-décembre 1990, et au moins jusqu'en mars ou avril 1996,
- dans le cas de Henss/Isoplus: plus ou moins à partir d'octobre 1991, jusqu'à la même date,
- dans le cas de Brugg: à peu près à partir d'août 1994, jusqu'à la même date,
- dans le cas de Ke-Kelit: plus ou moins à partir de janvier 1995, jusqu'à la même date,
- dans le cas de KWH: au moins à partir de mars 1995, jusqu'à la même date,
- dans le cas de Sigma: plus ou moins à partir d'avril 1995, jusqu'à la même date.
Les principales caractéristiques de l'entente étaient:
- la répartition entre producteurs des différents marchés nationaux, puis de l'ensemble du marché européen, grâce à un système de quotas,
- l'attribution de marchés nationaux à certains producteurs et l'organisation du retrait des autres producteurs,
- la fixation des prix du produit et de chaque projet,
- l'attribution de projets à des producteurs désignés à cet effet et la manipulation des procédures de soumission, afin que les marchés en question soient attribués à ces producteurs,
- pour protéger l'entente de la concurrence de la seule entreprise importante à ne pas en faire partie, Powerpipe AB, l'adoption et la mise en oeuvre de mesures concertées visant à entraver son activité commerciale, à nuire à la bonne marche de ses affaires ou à l'évincer purement et simplement du marché.

Article 2
Les entreprises désignées à l'article 1er mettent fin immédiatement à l'infraction précitée, si elles ne l'ont pas déjà fait, et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur des conduites précalorifugées, de tout accord et de toute pratique concertée susceptibles d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire à cette infraction, y compris tout échange de renseignements commerciaux pouvant leur permettre de s'assurer du respect de tout accord tacite ou exprès concernant le partage de marchés, la fixation de prix ou les soumissions concertées dans la Communauté.

Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises énumérées à l'article 1er, en raison de l'infraction constatée audit article:
a) ABB Asea Brown Boveri Ltd, une amende de 70 000 000 d'écus;
b) Brugg Rohrsysteme GmbH, une amende de 925 000 écus;
c) Dansk Rørindustri A/S, une amende de 1 475 000 écus;
d) groupe Henss/Isoplus, une amende de 4 950 000 écus,
à laquelle sont solidairement tenues les entreprises suivantes:
- HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH & Co. KG,
- HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH Verwaltungsgesellschaft,
- Isoplus Fernwärmetechnik Vertriebsgesellschaft mbH (anciennement Dipl.-Kfm Walter Henss GmbH Rosenheim),
- Isoplus Fernwärmetechnik GmbH, Sondershausen,
- Isoplus Fernwärmetechnik Ges.mbH - stille Gesellschaft,
- Isoplus Fernwärmetechnik Ges.mbH, Hohenberg;
e) Ke-Kelit Kunststoffwerk GmbH, une amende de 360 000 écus;
f) Oy KWH Tech AB, une amende de 700 000 écus;
g) Løgstør Rør A/S, une amende de 8 900 000 écus;
h) Pan-Isovit GmbH, une amende de 1 500 000 écus;
i) Sigma Tecnologie di rivestimento S.r.l., une amende de 400 000 écus;
j) Tarco Energi A/S, une amende de 3 000 000 d'écus.

Article 4
Les amendes infligées sont payables dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, au compte bancaire suivant:
Compte n° 310-0933000-43
Commission européenne
Banque Bruxelles-Lambert
Agence européenne
Rond-point Schumann 5
B-1040 Bruxelles
À l'issue de ce délai, des intérêts seront automatiquement dus au taux pratiqué par la Banque centrale européenne sur ses opérations en écus au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 7,5 %.

Article 5
Sont destinataires de la présente décision:
a) ABB Asea Brown Boveri Ltd, Affolternstraße 44, 8050 CH-Zurich; c/o ABB IC Møller A/S, Treldevej 191, DK-7000 Fredericia;
b) Brugg Rohrsysteme GmbH, Adolf-Oesterheld-Straße 31, D-31515 Wunstorf;
c) Dansk Rørindustri A/S, Nymarksvej 37, DK-7000 Fredericia;
d) groupe Henss/Isoplus, représenté par:
- HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH & Co. KG, Aisingerstraße 12, D-83026 Rosenheim,
- HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH Verwaltungsgesellschaft, Aisingerstraße 12, D-83026 Rosenheim,
- Isoplus Fernwärmetechnik GmbH, Aisingerstraße 12, D-83026 Rosenheim,
- Isoplus Fernwärmetechnik Ges.mbH, Furthoferstraße 1A, A-3192 Hohenberg,
- Isoplus Fernwärmetechnik Ges.mbH - stille Gesellschaft, Furthoferstraße 1A, A-3192 Hohenberg,
- Isoplus Fernwärmetechnik GmbH, Gluckaufstraße 34, D-99706 Sondershausen;
e) Ke-Kelit Kunststoffwerk Ges.mbH, Ignaz-Meyer-Straße 17, Postfach 68, A-4017 Linz;
f) Oy KWH Tech AB, Kappelinmäentie 240, FIN-65370 Vaasa;
g) Løgstør Rør A/S, Danmarksvej 11, DK-9670 Løgstør;
h) Pan-Isovit GmbH, Leipziger Straße 130, D-36037 Fulda;
i) Sigma Tecnologie di rivestimento S.r.l., Via Campagna Sopra 14, I-25017 Lonato (BS);
j) Tarco Energi A/S, Erritsø Møllebanke 10, DK-7000 Fredericia.
La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 192 du traité.

Fait à Bruxelles, le 21 octobre 1998.
Par la Commission
Karel VAN MIERT
Membre de la Commission

(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204/62.
(2) JO 127 du 20.8.1963, p. 2268/63.
(3) Directive 93/38/CEE du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, article 2, paragraphe 2, point a iii) et article 14 (JO L 199 du 9.8.1993, p. 84), modifiée en dernier lieu par la directive 98/4/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 101 du 1.4.1998, p. 1).
(4) À compter du 1er janvier 1996, les activités mondiales d'ABB dans le domaine des transports ferroviaires ont été fusionnées avec celles de Daimler-Benz Transportation, dans le cadre d'une entreprise commune dénommée ADTRANZ; voir la décision 97/25/CE de la Commission (Affaire n° IV/M.580 - ABB/Daimler-Benz) (JO L 11 du 14.1.1997, p. 1). Le directeur du segment «transport» de l'époque a été nommé président-directeur général de la nouvelle société. Le secteur «chauffage urbain» est resté dans la structure principale du groupe ABB et se trouve aujourd'hui intégré au segment «production d'électricité».
(5) Henss Rosenheim a pris le nom d'Isoplus Fernwärmetechnik Vertriebsgesellschaft mbH le 1er janvier 1997 et a absorbé, le 6 août 1997, l'entreprise Henss Berlin, qui n'existe plus en tant qu'entité juridique distincte.
(6*) Toutes les références dans la présente décision à des annexes numérotées sont des références à des annexes de la communication des griefs.
(7) L'EuHP a été créée le 29 avril 1991 et a tenu sa réunion inaugurale à Billund, au Danemark. Si Pan-Isovit avait à l'origine refusé d'adhérer, Isoplus (à son grand déplaisir) n'a pas été invité.
(8) Selon Løgstør, des discussions ont eu lieu non seulement pour l'Allemagne, mais aussi pour les Pays-Bas, l'Autriche et la Suède mais, à part le fait que les participants étaient les mêmes, aucune autre information n'est connue. À l'époque, l'Autriche et la Suède n'étaient pas membres de la Communauté européenne.
(9) Løgstør, dans sa réponse à la demande au titre de l'article 11 (déclaration I, p. 74), a donné une version légèrement différente des quotas convenus: ABB avait 37 %, elle-même 18 %, Tarco, Pan-Isovit et Isoplus 9 % et Starpipe 5,5 %; dans sa réponse à la communication des griefs (p. 45), elle affirme que ces parts ont finalement été décidées le 20 mars 1995. En fait, les quotas de base avaient déjà été fixés bien avant.
(10) Les ventes effectuées par Løgstør en Italie, par le biais de Socoløgstør, rentraient dans le cadre de son quota global pour l'Europe; aussi la Commission rejette-t-elle l'affirmation de Løgstør selon laquelle «le marché italien n'est pas pertinent en ce qui concerne la procédure ouverte contre Løgstør». Løgstør a également été identifié comme l'un des participants à la première réunion du groupe de contact pour l'Italie ainsi qu'à une réunion sur l'Italie organisée à Zurich le 9 juin 1995.
(11) Le nom de cette personne est cité dans le document original.
(12) Løgstør a ultérieurement nuancé cette affirmation en déclarant qu'un projet (non révélé) d'un montant de 30 millions de DKK avait été attribué «exceptionnellement» à Henss/Isoplus en guise de compensation (réponse à la communication des griefs, p. 66).
(13) Recueil 1972, p. 619.
(14) Recueil 1975, p. 1663.
(15) Recueil 1991, p. II-1711, point 256 des motifs.
(16) Voir note 14, points 262 et 263 des motifs.
(17) Voir note 14 en bas de page, point 264 des motifs.
(18) La Commission admet qu'il n'est pas prouvé que Ke-Kelit ou Sigma, qui n'ont été impliquées que dans les accords concernant leur marché national, avaient connaissance du plan destiné à éliminer Powerpipe.
(19) Recueil 1992, p. II-1021, point 304 des motifs.
(20) JO L 230 du 18.8.1986, p. 1.
(21) Le capital social de Henss Berlin était entre les mains de l'un des directeurs de Henss Rosenheim et de son épouse.
(22) Le holding HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft est constitué sous forme de «GmbH & Co. KG», c'est-à-dire une société en commandite simple dans laquelle une société à responsabilité limitée joue le rôle d'associé commandité (Komplementär) tenu indéfiniment et personnellement responsable des dettes de la société; les autres associés commanditaires (Kommanditisten) ne sont responsables que jusqu'à concurrence d'un certain montant. Le commandité de la GmbH & Co. KG en l'espèce est HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH Verwaltungsgesellschaft.
(23) En vertu de cet accord, M. Henss, son associé et leurs épouses respectives ont placé leurs participations dans une série d'entreprises Henss/Isoplus dans HFB Holding für Fernwärmetechnik Beteiligungsgesellschaft mbH & Co. KG. Les participations détenues concernaient les entreprises suivantes:
- Isoplus Fernwärmetechnik Vertriebsgesellschaft-mbH (anciennement Dipl. Kfm Walter Henss GmbH), à Rosenheim,
- Dipl. Kfm Walter Henss Fernwärmerohrleitungsbau GmbH, à Berlin,
- Isoplus Fernwärmetechnik GmbH à Sondershausen,
- Isoplus Fernwärmetechnik Ges.mbH à Hohenberg,
ainsi que trois autres entreprises à Budapest, Schlüchtern et Lehrte.
Depuis la date de conclusion de l'«Einbringungsvertrag», HFB Holding a cédé la participation que M. Henss détenait par l'entreprise de mandataires dans Isoplus Fernwärmetechnik Ges.mbH, à Hohenberg, mais l'identité du bénéficiaire de la cession et le nom du détenteur actuel de cette participation ne sont pas connus de la Commission.
(24) Il détenait ces parts en vertu d'un contrat (Treuhandvertrag) daté du 20 décembre 1993; il les avait achetées le même jour à l'avocat représentant Isoplus dans la présente procédure: on peut en conclure que l'avocat les détenait également en tant que mandataire de M. Henss (considérant 157 ci-dessus).
(25) JO C 207 du 18.7.1996, p. 4.


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Structure analytique Document livré le: 03/11/2000


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