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Législation communautaire en vigueur
Document 398D0731
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[ 11.60.40 - Défense commerciale ]
398D0731
98/731/CE: Décision de la Commission du 11 décembre 1998 arrêtée en vertu des dispositions du règlement (CE) nº 3286/94 du Conseil concernant la section 110, paragraphe 5, du Copyright Act des États-Unis d'Amérique [notifiée sous le numéro C(1998) 4033]
Journal officiel n° L 346 du 22/12/1998 p. 0060 - 0063
Texte:
DÉCISION DE LA COMMISSION du 11 décembre 1998 arrêtée en vertu des dispositions du règlement (CE) n° 3286/94 du Conseil concernant la section 110, paragraphe 5, du Copyright Act des États-Unis d'Amérique [notifiée sous le numéro C(1998) 4033] (98/731/CE) LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CE) n° 3286/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d'assurer l'exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier celles instituées sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce (1), modifié par le règlement (CE) n° 356/95 (2), et notamment ses articles 13 et 14, après consultation du comité consultatif, considérant ce qui suit:
A. PROCÉDURE (1) Le 21 avril 1997, la Commission a été saisie d'une plainte en application de l'article 4 du règlement (CE) n° 3286/94 (ci-après dénommé «le règlement»). La plainte avait été déposée par l'Irish Music Rights Organisation (IMRO) avec le soutien unanime du Groupement européen des sociétés d'auteurs et compositeurs (GESAC). (2) La plaignante faisait valoir que la section 110, paragraphe 5, du Copyright Act des États-Unis d'Amérique est incompatible avec diverses dispositions de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (ci-après dénommé «l'accord OMC») et ses annexes. Cela étant, la plaignante demandait à la Commission de prendre les mesures nécessaires pour convaincre les États-Unis d'Amérique d'abroger cette mesure. (3) La plainte contenait des éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure communautaire d'examen conformément à l'article 8 du règlement. Par conséquent, une telle procédure a été entamée le 11 juin 1997 (3). (4) À la suite de l'ouverture de la procédure d'examen, la Commission a procédé à une étude approfondie des points de fait et de droit, qui a porté sur la section 110, paragraphe 5, du Copyright Act, ainsi que sur les amendements de la loi discutés par le Congrès des États-Unis au moment de ladite étude et adoptés dans l'intervalle. À partir des constatations de cette étude, la Commission a tiré les conclusions qui suivent.
B. CONSTATATIONS EN CE QUI CONCERNE L'EXISTENCE D'UN OBSTACLE AU COMMERCE (5) Bien qu'en vertu du US Copyright Act, l'auteur d'une oeuvre musicale ait le droit exclusif «d'exécuter en public l'oeuvre protégée par le copyright», la section 110, paragraphe 5, du US Copyright Act exempte certaines exécutions en public de la protection. Avant l'ajout récent d'un nouvel alinéa élargissant la portée de cette exemption (voir sous D), elle énonçait: «Nonobstant les dispositions de la section 106, ne sont pas considérées comme une infraction du copyright: (. . .) la communication ou la transmission impliquant l'exécution ou la visualisation d'une oeuvre par la réception en public de la transmission sur un appareil unique de réception d'un type communément utilisé dans les habitations privées, à moins que a) une redevance directe ne soit perçue pour voir ou entendre la transmission ou que b) la transmission ainsi reçue ne soit retransmise au public.» L'exemption couvre l'utilisation d'un appareil de radio ou de télévision «d'un type communément utilisé dans les habitations privées» dans les magasins, les bars, les restaurants ou autres lieux publics. En raison de sa formulation vague et ambiguë, la section 110, paragraphe 5 a donné lieu à une interprétation très large de ce qui est généralement appelé l'«exemption domestique». Ainsi, il a été prétendu que l'exemption peut aussi s'appliquer aux sociétés qui exploitent de grandes chaînes de magasins dans tout le pays et ont recours à la diffusion de musique dans ces magasins dans le cadre de leur politique commerciale (4). (6) En vertu de l'article 9, paragraphe 1, de l'accord OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après dénommé «accord ADPIC»), les membres doivent se conformer aux articles 1er à 21 de la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques (ci-après dénommée «la convention de Berne»). L'article 11 bis, paragraphe 1, de la convention de Berne, révisé par l'acte de Paris de 1971, reconnaît aux auteurs d'oeuvres littéraires et artistiques (ce qui inclut les oeuvres musicales) le droit exclusif d'autoriser non seulement la radiodiffusion ou la communication, par tout autre moyen servant à diffuser sans fil, de leurs oeuvres, mais aussi la communication en public de l'oeuvre radiodiffusée par haut-parleur ou par tout autre instrument analogue. En autorisant la diffusion de musique dans certains lieux en dehors de toute licence accordée par les auteurs et sans acquittement d'une redevance, l'exemption américaine prive les auteurs de la protection à laquelle ils ont droit en vertu de l'article 11 bis, paragraphe 1, sous 3°), lorsque des radiodiffusions de leurs oeuvres sont publiquement communiquées par haut-parleur ou par tout autre instrument analogue et en vertu de l'article 11, paragraphe 1, sous 2°), lorsque des transmissions directes par câble sont publiquement communiquées par de tels instruments. L'article 11 bis, paragraphe 1, sous 3°), et l'article 11, paragraphe 1, sous 2°) couvrent manifestement les situations où de la musique radiodiffusée ou transmise par câble est communiquée au public par un appareil de radio ou de télévision (comme dans l'exemption domestique) ou par tout autre moyen, puisqu'il vise la communication publique d'oeuvres radiodiffusées et non pas les spécifications techniques des moyens utilisés à cette fin. (7) L'article 11 bis, paragraphe 2, de la convention de Berne dispose que s'il appartient aux pays de régler les conditions d'exercice des droits exclusifs visés à l'article 11 bis, paragraphe 1, ces conditions ne pourront porter atteinte au droit qui appartient à l'auteur d'obtenir une rémunération équitable. La section 110, paragraphe 5, du US Copyright Act porte atteinte au droit de l'auteur d'obtenir une telle rémunération, puisqu'il le prive de toute rémunération en ce qui concerne l'utilisation de ses oeuvres dans des situations couvertes par l'exemption domestique. (8) La Commission a également examiné l'exemption domestique du point de vue des «restrictions mineures», catégorie d'exceptions qui pourrait être considérée comme d'application à l'exercice des droits exclusifs dans le cadre de la convention de Berne, mais elle a conclu que même dans l'hypothèse où des «restrictions mineures» seraient applicables aux droits exclusifs visés à l'article 11 bis, paragraphe 1, sous 3°), et à l'article 11, paragraphe 1, sous 2°), il n'en resterait pas moins que l'exemption domestique n'est manifestement pas une restriction mineure. L'exemption est largement exploitée sur une base commerciale dans tous les États-Unis et les pertes économiques subies par les auteurs de la Communauté sont importantes, oscillant entre 13 et 24 % des versements effectués chaque année par les sociétés américaines chargées de la perception des droits d'exécution en faveur de leurs homologues communautaires représentant les compositeurs, arrangeurs, paroliers et éditeurs de musique. (9) L'article 9, paragraphe 1, de l'accord ADPIC faisant obligation aux États membres de l'OMC de se conformer aux articles 1er à 21 de la convention de Berne, un membre de l'OMC enfreint ses obligations au regard de l'accord ADPIC s'il ne se conforme pas à la convention de Berne. Étant donné que la section 110, paragraphe 5, du US Copyright Act enfreint l'article 11 bis, paragraphes 1 et 2, et l'article 11, paragraphe 1, de la convention de Berne, elle viole par conséquent l'article 9, paragraphe 1, de l'accord ADPIC. Par ailleurs, la Commission est d'avis que l'article 13 de l'accord ADPIC ne saurait être invoqué par les États-Unis pour justifier l'exemption domestique, car cette disposition limite les exemptions existantes dans le cadre de la convention de Berne à certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du détenteur du droit. Il n'autorise pas d'exceptions supplémentaires aux droits protégés par la convention de Berne. (10) Dans ces circonstances, la Commission estime que les allégations de la plaignante sont fondées et que la section 110, paragraphe 5, du US Copyright Act constitue un obstacle au sens de l'article 2, paragraphe 1, du règlement, c'est-à-dire «une pratique adoptée ou maintenue par un pays tiers au regard de laquelle le droit d'intenter une action est consacré par les règles commerciales internationales». (11) La Commission estime néanmoins que la référence aux bases juridiques susmentionnées n'exclut pas le recours à toute autre disposition pertinente de l'accord OMC et des accords qui lui sont annexés qui pourrait être utile dans des procédures devant l'OMC.
C. CONSTATATIONS EN CE QUI CONCERNE LES EFFETS COMMERCIAUX DÉFAVORABLES (12) La section 110, paragraphe 5, du US Copyright Act fait obstacle à ce que les auteurs de la Communauté puissent exercer normalement et pleinement les droits exclusifs que leur reconnaissent la convention de Berne et l'accord ADPIC. Les auteurs sont privés de la possibilité d'octroyer une licence pour l'exécution de leur oeuvre (soit directement, soit par l'intermédiaire de sociétés de gestion collective), ainsi que de la possibilité d'obtenir une rémunération pour la communication de leurs oeuvres au public. (13) L'effet le plus direct de la section 110, paragraphe 5, est de priver les auteurs de la rémunération qui leur revient pour certaines communications au public. Selon des estimations de la Commission, les pertes de revenus directes subies par les titulaires de droits de la Communauté (c'est-à-dire les compositeurs, arrangeurs, paroliers et éditeurs de musique) du fait de l'application de la section 110, paragraphe 5, s'élèvent de 3,8 à 6,8 millions de dollars des États-Unis par an. Ces montants représentent de 13 à 24 % des versements effectués chaque année par les sociétés américaines de perception des droits d'exécution en faveur des sociétés de gestion collective de la Communauté représentant les trois catégories de titulaires de droits. Cela démontre que les pertes subies par les titulaires de droits de la Communauté du fait de l'exemption domestique sont importantes. (14) L'exemption domestique entraîne également des pertes indirectes pour les titulaires de droits de la Communauté, car elle décourage les sociétés américaines de perception des droits d'exécution de mettre en place un système efficace d'octroi de licences aux bars, magasins, restaurants et autres lieux sur des marchés où il n'existe pas d'exemption et entraîne par conséquent une perte d'efficacité de ces sociétés américaines s'agissant de l'octroi de licences à de tels lieux. Du fait même de son existence, la section 110, paragraphe 5, a pour effet que même les lieux qui manifestement ne doivent pas bénéficier de l'exemption ne sont pas toujours titulaires d'une licence en bonne et due forme. (15) D'autres pertes indirectes sont également causées par le fait que l'exemption domestique a agi comme catalyseur des réactions négatives, tant publiques que privées, vis-à-vis de l'octroi de licences pour des oeuvres musicales non théâtrales aux États-Unis. Des lobbies puissants d'utilisateurs d'oeuvres musicales se sont systématiquement (et avec succès), opposés à ce que les sociétés de gestion collective puissent réellement octroyer des licences et percevoir des droits raisonnables pour la communication de musique au public. (16) En raison de la section 110, paragraphe 5, les revenus qu'un titulaire de droit peut espérer de l'octroi d'une licence pour son oeuvre aux États-Unis sont moins importants qu'ils ne devraient être. Cela peut avoir un effet négatif sur la propension à exporter de la musique aux États-Unis. (17) Dans ces circonstances, la Commission estime que les allégations de la plaignante sont fondées et que la section 110, paragraphe 5, du US Copyright Act a des effets commerciaux défavorables au sens de l'article 2, paragraphe 4, du règlement.
D. AMENDEMENTS RÉCENTS À LA SECTION 110, PARAGRAPHE 5, DU US COPYRIGHT ACT (18) Alors que la Commission examinait l'exemption domestique, le Congrès américain était saisi d'un projet de loi portant amendement de la section 110, paragraphe 5, du US Copyright Act en vue d'en élargir sa portée. (19) Les 6 et 7 octobre 1998, le projet de loi, intitulé «Fairness in Music Licensing Act», a été adopté respectivement par la Chambre des représentants et le Sénat américain. Le projet de loi vise à ajouter un nouvel alinéa B à la section 110, paragraphe 5, du US Copyright Act qui prévoit une exception supplémentaire au droit exclusif des titulaires d'autoriser la communication en public de leurs oeuvres, alors que l'exemption domestique reste inchangée dans l'alinéa A. Le nouvel alinéa B s'applique à un éventail beaucoup plus large de bénéficiaires, à savoir les établissements servant des repas, des boissons et autres établissements commerciaux pourvu qu'ils remplissent un certain nombre de conditions relatives essentiellement à la superficie de l'établissement et au nombre de haut-parleurs utilisés. Il couvre l'utilisation de tous types de dispositifs audiovisuels et n'est donc pas limité à l'usage d'un appareil «domestique». (20) Le projet de loi a été signé par le président des États-Unis le 27 octobre 1998 pour entrer en vigueur quatre-vingt-dix jours après son adoption. D'un point de vue juridique, cela signifie que le projet de loi fait désormais partie de l'ordre juridique américain; même si son entrée en vigueur a été retardée de quatre-vingt-dix jours, il peut faire l'objet dès à présent d'une procédure de règlement des différends devant l'OMC. (21) D'un point de vue juridique, le nouveau paragraphe B de la section 110, paragraphe 5, prive également les titulaires de la protection à laquelle ils ont droit en vertu des articles 11 bis, paragraphe 1, sous 3°, et 11, paragraphe 1, sous 2°, de la convention de Berne lorsque des radiodiffusions de leurs oeuvres ou des transmissions par câble, de ces dernières sont communiquées au public. Par conséquent, l'analyse faite par la Commission de la version de 1976 de la section 110, paragraphe 5, du US Copyright Act (à présent alinéa A de la section) s'applique intégralement à la nouvelle version de la loi qui viole donc tout autant la convention de Berne et l'accord ADPIC. (22) En ce qui concerne les effets commerciaux préjudiciables, il est évident qu'ils seront aggravés sensiblement par l'élargissement de la portée de la loi en termes de bénéficiaires et de types de dispositifs audiovisuels utilisés pour l'exécution de musique dans les établissements publics. Alors que la Commission estimait que l'exemption domestique de 1976 s'appliquait à une proportion d'établissements commerciaux américains comprise entre 20 et 35 %, classés dans la catégorie des petites entreprises par l'État américain et employant moins de vingt personnes et à une proportion comprise entre 6 et 12 % d'établissements commerciaux américains de la même catégorie employant plus de vingt personnes, les sociétés de perception américaines estiment que pour les seuls établissements servant des repas et des boissons, la nouvelle loi permet déjà d'exempter 70 % de tous les bars et restaurants américains ayant une superficie inférieure au seuil fixé par la nouvelle section 110, paragraphe 5, alinéa B.
E. INTÉRÊT DE LA COMMUNAUTÉ (23) Pour la Communauté qui a pris des engagements identiques, il est de la plus haute importance de veiller à ce que les partenaires au sein de l'OMC s'acquittent de leurs obligations. Par conséquent, la Commission doit immédiatement attaquer la section 110, paragraphe 5, du US Copyright Act.
F. CONCLUSIONS ET MESURES À PRENDRE (24) Des réunions ont été organisées et des lettres ont été échangées avec les autorités américaines compétentes afin de discuter de cette question et de trouver une solution à l'amiable aux problèmes concernant l'octroi de licences pour des oeuvres musicales, mais les autorités américaines n'ont présenté aucune proposition en vue d'une solution. (25) Dans ces circonstances, l'intérêt de la Communauté exige que soit ouverte une procédure de règlement de différend dans le cadre de l'OMC, DÉCIDE:
Article premier 1. La section 110, paragraphe 5, du Copyright Act des États-Unis d'Amérique est incompatible avec les obligations qui incombent à ce pays en vertu de l'accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce et constitue un «obstacle au commerce» au sens de l'article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 3286/94. 2. La Communauté engagera une action à l'encontre des États-Unis d'Amérique conformément au mémorandum d'accord sur des règles et procédures régissant le règlement des différends et autres dispositions pertinentes de l'OMC afin d'obtenir l'élimination de cet obstacle au commerce.
Article 2 La présente décision est applicable à compter de la date de sa publication dans le Journal officiel des Communautés européennes.
Fait à Bruxelles, le 11 décembre 1998. Par la Commission Leon BRITTAN Vice-président
(1) JO L 349 du 31. 12. 1994, p. 71. (2) JO L 41 du 23. 2. 1995, p. 3. (3) JO C 177 du 11. 6. 1997, p. 5. (4) Voir BMI v Edison Bro.s Stores lnc, United States Court of Appeals for the Eighth Circuit, No 91-2115 et BMI v Claire's Boutiques, United States Court of Appeals for the Seventh Circuit, No 91-1232.
Fin du document
Document livré le: 11/03/1999
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